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LA TYPOLOGIE DES FACETTES TOPOGRAPHIQUES

IV. 3.3.2 Classification retenue et typologie des facettes topographiques.

La typologie des facettes topographique repose donc, pour le bassin versant d'El Hnach, sur un tri des facettes topographiques réalisé manuellement. Le résultat proposé (figure 4.28), de nature plus subjective, met tout de même en avant les éléments clés pour la future spatialisation des segments de paysage.

Le premier type proposé regroupe 19 facettes topographiques. Il couvre une superficie de

12 ha ce qui ne représente que 3 % de la surface totale du bassin versant. Ce premier ensemble correspond aux deux buttes arrondies qui assurent la limite sud du bassin versant. Ces collines sont constituées d'une alternance assez lâche de bancs gréseux relativement épais (pouvant atteindre une dizaine de mètres d'épaisseur) et de bancs de marnes d'une épaisseur maximale d'environ 15 mètres. Le tout est affublé d'un très faible pendage orienté vers le sud. Les pentes très fortes de cet ensemble affichent une inclinaison moyenne de 14°. Celles-ci, couplées à des formes de versants convexes donnent à ces ensembles un aspect massif. Ces espaces sont essentiellement utilisés comme chemin de parcours pour les troupeaux d'ovins et présentent quelques parcelles agricoles dans leurs parties basales. D'un point de vue dynamique, ces buttes arrondies subissent d'importants mouvements de masse. Des pans entiers de collines se détachent ainsi de l'ensemble (les volumes érodés se chiffrent très certainement en centaines de milliers de mètres cubes), laissant à la place un cratère béant au fond duquel le substrat marneux affleure en surface conduisant parfois à la formation de badlands. Ces collines représentent d'ailleurs un lieu privilégié pour l'observation de ces phénomènes car elles affichent les différents stades qui les caractérisent : du versant intact à la vaste cicatrice d'arrachement en passant par plusieurs étapes de l'arrachement (début du décollement, versant soliflué actif marqué par des blocs de grande taille subissant un glissement, versant soliflué stabilisé).

Le deuxième et le troisième type, même s'ils sont séparés en deux entités distinctes dans la

typologie, correspondent aux mêmes formations : il s'agit des reliefs de commandement. Les facettes du type 2 représentent des fronts de couches géologiques tandis que le type 3 s'applique pour caractériser leurs revers. Trois ensembles séparés structurent ainsi le bassin versant d'El Hnach. Celui le plus au nord assure d'ailleurs une de ses limites. Occupés respectivement par 68 et 18 facettes topographiques, ces reliefs s'étendent sur une superficie totale de 78 ha (55 ha pour les facettes du deuxième type et 22 ha pour les facettes du troisième type), soit environ 21 % de sa surface. Bâtis sur des alternances marnes / calcaires dont le pendage s'oriente de manière différente d'un ensemble à l'autre, ces reliefs sont des éléments essentiels dans la structure de ce bassin versant. Ils conditionnent en effet l'arrangement des principaux cours d'eau et entraînent la formation de deux sous bassins versants parfaitement distincts. Le paysage d'El Hnach est ainsi divisé en deux grands ensembles qui n'interfèrent pas en ce qui concerne les flux hydriques. La retenue collinaire, située à l'endroit où devrait se faire naturellement leur confluence draine de ce fait indépendamment les flux en provenance de l'une ou de l'autre partie du bassin versant. De plus ces reliefs, par leur position dominante dans le milieu, jouent très probablement un rôle sur les circulations atmosphériques locales. Il est en effet envisageable de penser que leur développement contribue au blocage des flux et provoque des forçages orographiques qui peuvent entraîner des différences spatiales marquées au niveau des précipitations. Ceci implique des conséquences remarquables en terme de contribution aux flux hydriques : outre les paramètres classiques qui conditionnent le ruissellement (capacité d'infiltration…), il est aussi important dans ce cas de s'interroger sur la répartition spatiale des précipitations pour expliquer les flux hydriques aux limites du bassin versant. Malheureusement, il est assez

difficile de vérifier ces suppositions du fait de l'absence de données. Un seul pluviomètre, situé sur la digue de la retenue principale, mesure les précipitations. C'est évidemment trop peu pour caractériser leur répartition spatiale.

Figure 4.28 : Classification établie manuellement en vue de réaliser la typologie des facettes topographiques sur le bassin versant d'El Hnach.

Un autre point est à signaler en ce qui concerne les flux d'eau dans ces ensembles. Leur surface irrégulière en marches d'escalier implique des écoulements à la fois dans le sens du pendage des couches et dans celui de la plus grande pente. Une partie du ruissellement se concentre le long d'axes entaillant légèrement les affleurements et contribue donc au ruissellement normal. En revanche, une partie de l'eau captée entre les affleurements de calcaires et de marnes, circule de manière souterraine dans le sens du pendage et ressort au niveau des revers, contribuant ainsi à alimenter en eau une autre partie du bassin versant que celle où elle aurait du s'écouler normalement. Cela ne pose pas de réel problème pour les deux reliefs centraux, puisque l'eau précipitée sur le bassin versant reste tout de même sur celui-ci. En revanche, une partie de la pluie qui tombe sur le relief marquant la limite nord du bassin versant risque de sortir de celui-ci par ce biais et ne participera donc pas à son flux global. Le problème étant de pouvoir quantifier ce phénomène pour estimer dans quelle mesure les flux quittent l'espace sur lequel ils auraient normalement dû se produire. Laborde (2000) précise d'ailleurs à ce sujet que les petits bassins versants sont très sensibles à ce genre de phénomènes car les apports et les pertes induites par les écoulements souterrains se compensent rarement.

Le quatrième type défini, correspond aux glacis actuels, c'est-à-dire ceux qui ne sont que

partiellement encroûtés et sur lesquels se développent des sols profonds. C'est le type le plus présent sur le bassin versant d'El Hnach. Les 158 facettes qui le caractérisent, occupent une superficie de 121 ha, soit environ un tiers de sa surface. Répartis sur l'ensemble de l'espace, hormis dans la partie la plus en amont, ces glacis se présentent sous la forme de versants pouvant être relativement longs, de formes généralement convexes. Ils se développent sur un substrat marneux qui est à la fois la cause de leur mise en place et celle de leur destruction lorsque le ruissellement les entaille suffisamment. La qualité et la profondeur des sols conduit à une importante mise en valeur agricole de ces entités. De ce fait, ils sont rendus sensibles à l'érosion hydrique à la fois à cause des labours réalisés dans le sens de la pente et de l'absence d'une végétation pérenne protectrice.

Le cinquième type correspond aux glacis anciens, complètement encroûtés et dont il ne

subsiste plus que des lambeaux disparates. Leur superficie est très modeste : 18 hectares environ (soit 5 % de la surface totale du bassin versant), répartis en une vingtaine de facettes bien distinctes et qui correspondent à autant de débris de glacis séparés spatialement. Ces espaces (à une exception près) ne sont pas utilisés par l'homme, même en tant que chemin de parcours pour les ovins. Leurs dimensions restreintes, leurs sols maigres et leurs rebords abrupts interdisent en effet tout usage. Les explications relatives à leur organisation verticale et les comportements hydriques qui les caractérisent ne sont pas abordés dans ce chapitre, mais seront analysés en grand détail dans la suite de la thèse. En effet, même s'ils sont très limités spatialement dans ce bassin versant, ils représentent des formes du relief tout à fait typiques du monde méditerranéen aride et méritent par là même d'être étudiés en profondeur.

Le sixième type rassemble 175 facettes topographiques pour une superficie totale de 58 ha,

soit 16 % de la surface totale du bassin versant. Il correspond aux ravinements denses qui s'inscrivent dans le substrat marneux. Le relief complexe formé d'étroits ravins et de collines de faibles développements aux pentes raides et aux crêtes étroites est lié à une intense activité érosive qui incise profondément le substrat marneux. Chaque entaille correspondant à un ravin particulier n'est cependant pas détaillée en tant que facette topographique. Leur relevé individuel aurait été bien trop long. Seules les principales (les plus profondes ou les plus caractéristiques) sont donc levées isolément, celles de rang inférieur étant groupées dans des ensembles définis en fonction de leur confluence commune. Les processus érosifs, encore très actifs de nos jours, favorisent leur élargissement dès lors qu'un épisode pluvieux délivre suffisamment d'eau pour accentuer leur creusement. En outre, ils limitent la formation de sols (et par là même le développement de la végétation). Ces derniers sont en effet limités à une mince pellicule d'altération de couleur jaunâtre, épaisse de quelques centimètres seulement et qui traduit d'un début de processus de pédoplasmation. Très spectaculaires et particulièrement inhospitalières, les facettes topographiques qui s'inscrivent dans cet ensemble sont délaissées par l'homme. Seuls quelques rares chemins de parcours sont à signaler. Ces facettes offrent de ce fait un refuge intéressant où il est possible d'observer de nombreux animaux sauvages, parfois de grande taille tels que des sangliers ou des loups.

Les deux derniers types correspondent à la partie la plus en amont du bassin versant. Deux

ensembles de facettes se succèdent dans cet espace : des facettes correspondant à un talus court et abrupt, aux versants rectilignes, établi sur une alternance lâche de grès et de marnes (à peu près de même nature que les buttes du type 1) occupe un espace très restreint : moins de 1 % de la superficie totale du bassin versant. Ses fortes pentes le rendent impropre à l'implantation humaine. Toujours végétalisé, il ne semble pas subir outre mesure les

agressions de l'eau et de ce fait ne présente pas de formes d'érosion hydrique à sa surface. En revanche, l'action gravitaire entraîne le détachement de quelques blocs gréseux qui roulent sur ses flancs et se stabilisent à sa base. Succédant à ce talus, un large versant prend place. Les 27 facettes topographiques qui le composent occupent une superficie de 66 ha, soit près de 20 % de la superficie totale du bassin versant. Les pentes dont l'inclinaison moyenne est de 9° affichent des profils rectilignes. Du fait de la profondeur des sols développés sur marnes, ces versants sont entièrement occupés par l'homme à des fins agricoles. Ils sont à ce titre labourés perpendiculairement à la pente et mis en valeur une année sur deux (en fonction des pluies) pour des productions céréalières. Les années où ils ne sont pas labourés, les parcelles qui occupent ces facettes sont laissées en jachères et louées à des fins de parcours pour le bétail. Les sols paraissent relativement stables, mais du fait de la forte inclinaison des pentes, ils sont soumis à d'importants départs de sédiments sous l'action de l'érosion hydrique diffuse et linéaire. De ce fait, une grande partie de leur superficie fait l'objet de l'implantation de dispositifs de prévention de type banquettes mécaniques, installées dans le but de les stabiliser et de limiter le départ des sédiments.

CONCLUSION

Avec ce quatrième chapitre, sont abordés les premiers traitements qui conduisent à la mise en place des segments de paysage. Les facettes topographiques c'est-à-dire des portions d'espace topographiquement homogènes, relevées sur chaque bassin versant et décrites par des variables qualitatives et quantitatives font l'objet de traitements numériques réalisés dans le but de mettre en avant leur similarité et par là même de les regrouper en ensembles cohérents. Les traitements statistiques et SIG réalisés dans ce but offrent de bons résultats et les types obtenus font clairement ressortir les agencements spatiaux observables sur le terrain. Toutefois, pour que cela puisse fonctionner correctement il est impératif que le paysage ait une organisation topographique régulière, même si elle est très complexe. Sans cela, la typologie automatique n'est pas envisageable. Les méthodes de classifications employées ne peuvent en effet pas établir de classes lorsque les successions spatiales ne suivent pas une certaine logique. De ce fait, les bassins d'Abdeladim et de Kamech permettent l'obtention rapide de bons résultats suite aux traitements statistiques, les quelques artéfacts présents découlant essentiellement de problèmes de résolutions des données. Pour El Hnach en revanche, le fouillis topographique fait qu'aucun traitement automatique n'offre de résultats satisfaisants. Le recours à un traitement manuel pour définir les types de facettes est dans ce cas nécessaire.

Les types de facettes établis permettent une première analyse des processus actifs sans toutefois pouvoir expliquer l'ensemble des phénomènes qui surviennent au sein de chacun d'entre eux. Il s'agit, de ce point de vue, plus d'un premier élagage de l'information recueillie que d'une réelle analyse. Les types de facettes ne sont pas non plus des segments de paysages à proprement parler : ces derniers s'inscrivent à un niveau intermédiaire entre la facette isolée et le groupe dans lequel elle prend place. Il est de ce fait très fortement probable qu'un redécoupage des types caractérisés soit effectué ultérieurement.

L'étape qui vient d'être réalisée est indispensable à la mise en œuvre typologique et cartographique des segments de paysages. Elle permet en effet de les inscrire dans des ensembles topographiques similaires ce qui offre un double intérêt. Tout d'abord, cela facilite les interprétations dynamiques des segments définis. La dynamique d'un segment de paysage s'explique tout autant par son contenu que par sa configuration spatiale et sa position dans le milieu naturel. Ainsi, le fait de connaître les caractéristiques des formes du relief et de les regrouper en types distincts fixe déjà les bases analytiques dans lesquelles ces segments, et les dynamiques qui leur sont associées viennent s'inscrire. De plus, la définition de types de

facettes topographiques permet le passage du niveau stationnel au niveau général. En d'autres termes, la typologie réalisée permet l'extrapolation des relevés de milieu (et des types de relevés qu'ils déterminent…), représentant le niveau ponctuel et local, au niveau cartographique global. En effet, dans un souci d'efficacité et de rapidité, seul un petit nombre de relevés est défini sur le terrain. Le travail nécessaire à leur identification est en effet trop gourmand en temps pour pouvoir se permettre de multiplier les observations. De plus le risque de collecter des données redondantes est grand : une même organisation topographique étant souvent occupée par une même organisation verticale, il n'est pas nécessaire d'augmenter le nombre des observations servant à les caractériser. Ainsi, un type de facette donné est représenté par un ou quelques relevés de terrain représentatifs de l'ensemble de l'organisation du milieu naturel de l'ensemble ainsi délimité. L'extrapolation peut alors se faire directement. Ce point sera abordé en détail dans la suite du travail dans les chapitres V et VI de la troisième partie de la thèse.

CHAPITRE V

LA TYPOLOGIE DES

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