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Critères de sélection de l’échantillon

l’objectivation des parcours et des réseau

1. La constitution de l’échantillon

1.2 Critères de sélection de l’échantillon

Dans cette enquête de terrain, afin d’analyser correctement nos objets de recherche, nous avons décidé de constituer un échantillon composé d’un nombre réduit de jeunes aux origines sociales tranchées, de façon à nous permettre d’observer en détail des processus, des relations et des comportements contrastés, révélant l’effet de logiques sociales plus générales dans le cours de ces histoires personnelles. La reconnaissance de plusieurs critères adaptés à ces objectifs ont ainsi précédé le recrutement des enquêtés.

- Homogénéisation des contextes historiques

Notre but est bien de mettre à jour les différents éléments de contextes pertinents dans les articulations entre les trajectoires individuelles et le réseau de connaissances personnels des jeunes enquêtés. Pour circonscrire l’effet d’autres éléments de contextes plus généraux, nous avons donc décidé de procéder à une homogénéisation spatio-temporelle des contextes historiques. Dès le moment de la délimitation de la population étudiée, il a été convenu que notre enquête ne porterait que sur les jeunes Français d’aujourd’hui, ayant vécu leur jeunesse sur le territoire national. Ce contexte général a d’ailleurs été détaillé au chapitre précédent, au moment de faire état des transformations qui animent, depuis au moins un demi-siècle, les expériences vécues pendant la jeunesse en France.

Il a ensuite été décidé de circonscrire plus précisément l’échantillon autour de personnes résidant dans la ville de Montpellier, au moment de de la passation des entretiens en 2016. Ce choix procède d’un critère de faisabilité (je résidais alors dans cette ville), en même temps

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qu’il limite l’effet de multiples contextes régionaux particuliers, et de phénomènes transversaux tels que les écarts apparaissant entre jeunesse urbaine et jeunesse rurale, qu’a par exemple étudiés Nicolas Renahy305. En assurant une unité de temps et de lieu, nous

pouvons mieux nous focaliser sur les phénomènes impliquant les positions et les relations personnelles entretenues par différents jeunes dans des milieux sociaux contrastés de la capitale héraultaise. A la fin de cette section, une fois que nous aurons énoncé les autres critères de sélection, nous préciserons les caractéristiques locales du territoire montpelliérain.

- Des enquêtés ayant fini leur cursus scolaire initial

Nous avons convenu d’interroger des jeunes Français résidant à Montpellier. Un autre critère de sélection a ensuite été dégagé, au regard de la position de chacun dans la carrière scolaire : il a été décidé que tous nos enquêtés auraient terminé leur formation initiale au moment de l’entretien. Au chapitre précédent, nous avons en effet défini la jeunesse comme un double parcours, entre la famille d’origine et la famille de procréation, et entre le monde scolaire et le monde professionnel. L’âge formel n’a que peu de rapports avec ce jeu de positions : certains individus travaillent dès 18 ans après être sortis du lycée quand d’autres poursuivent des études jusqu’à plus de 25 ans. En ne nous fiant pas à leur âge mais en contrôlant plutôt qu’ils aient terminé leur cursus scolaire, nous nous sommes ainsi assuré que tous nos jeunes enquêtés aient vécu au moins un épisode de transition statutaire dans leur biographie (la fin du statut de lycéen ou d’étudiant et l’évolution, généralement, vers la vie active). En n’interrogeant que des personnes ayant terminé leurs études, nous avons pris la garantie qu’ils aient tous entamé leur parcours vers les statuts sociaux de l’âge adulte, au moins au regard de cette dimension. Ainsi, ils ont tous quelque chose à nous raconter.

Nous aurions également pu sélectionner les enquêtés à partir d’autres indices nous assurant qu’ils aient bien entamé les transitions statutaires de la jeunesse, en nous renseignant sur d’autres carrières dans leur vie sociale (comme le fait de décohabiter de chez leurs parents ou bien de fonder une famille). Cependant nous allons voir qu’au moment de procéder au recrutement effectif, il nous a semblé plus légitime (et il s’est avéré plus facile) d’aborder les personnes depuis le contexte de leur activité professionnelle.

305 N. Renahy, Les gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La Découverte, col. Textes à l'appui,

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- Des enquêtés âgés de 30 ans maximum

Dans la jeunesse, ce qui nous intéresse, ce sont les étapes du processus et non l’âge des individus. Pourtant, au moment d’établir les critères de sélection des enquêtés, nous avons aussi établi… une borne d’âge. En effet, si ces frontières ne sont pas pertinentes au regard de notre objet d’étude, elles s’avèrent en revanche très pratiques au moment de rechercher des jeunes acceptant de répondre à nos questions. Au moment de prospecter, le critère de sortie des études n’est en effet pas suffisant : des personnes partant à la retraite répondent par exemple très bien à cette condition. Or, leurs souvenirs de jeunesse sont trop lointains pour qu’ils puissent évoquer avec la précision nécessaire les choix, les étapes et les personnes qui composent les épisodes de leur itinéraire vers l’âge adulte. Ce dont nous avons besoin, c’est de rencontrer des personnes susceptibles d’être en train de parcourir ce chemin vers l’âge adulte, ou bien qui l’aient arpenté il y a suffisamment peu de temps pour nous en offrir une rétrospective convenable. Nous avons donc décidé arbitrairement que les enquêtés auraient 30 ans maximum.

- Des hommes et des femmes

Nous avons aussi décidé d’interroger autant d’hommes que de femmes. Nos questions de recherche ne sont pas principalement orientées autour des différences que révèle le genre des individus. En assurant une parité dans l’échantillon, en se donnant la possibilité d’observer des processus et des comportements similaires chez des garçons comme chez des filles de la population d’enquête, nous nous assurons d’abord que les phénomènes sociaux mis en évidences ne traduisent pas des logiques propres à un genre, mais qu’ils indiquent bien des mécanismes d’un autre ordre.

Cependant, comme nous l’avons établi au chapitre précédent, la jeunesse constitue pourtant un processus dont certaines expériences sont effectivement nuancées au regard du genre des personnes. Nous demeurons donc sensibles à la compréhension de ces effets, en particulier lorsqu’ils chevauchent et modulent les différences de milieux sociaux que nous cherchons à rendre intelligible, nous permettant d’en affiner la description. Dans le cours de l’analyse, la présence de filles et de garçons permettra ainsi parfois de souligner également des contrastes notables entre les positions occupées, les relations entretenues et les habitudes de sociabilité déployées selon le genre.

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- Des origines sociales contrastées

Motivé par la reconnaissance, au premier chapitre, des inégalités structurelles qui animent le monde social, nous avons émis l’hypothèse que ces différences macrosociales peuvent être retrouvées jusque dans les logiques qui habitent les interdépendances entre l’entourage relationnel d’un individu et l’itinéraire qu’il trace vers l’âge adulte, dans le cours de sa biographie. Notre méthode qualitative d’investigation du monde social, par entretien, implique aussi de faire ressortir des processus, des relations et des comportements plus généraux à partir de la vie d’individus singuliers. Pour cela, nous avons établi que notre échantillon se devait d’être composé de personnes aux origines sociales hétérogènes, de manière à « saturer » quelque peu les contrastes entre les situations observées.

De manière plus spécifique, nous avons cherché à recruter des individus originaires des classes populaires et d’autres originaires des classes supérieures (nous exposons un peu plus loin comment nous avons procédé pour reconnaitre et découper de telles classes sociales). Cette distinction n’a pas été faite en amont de la passation des entretiens. C’est-à-dire que nous n’avons pas demandé à connaitre, avant d’interroger les personnes, la profession, le niveau de diplôme ou la fourchette de revenus de leurs parents (des indicateurs permettant pourtant de déterminer leur origine sociale).

En effet pour recruter nos enquêtés, nous n’avons pas recouru à une quelconque administration ou à un autre organisme susceptible de nous fournir de telles informations sur les individus, ce qui nous aurait permis d’effectuer un tri préalable. En cherchant à rencontrer des personnes et en leur proposant de se livrer au jeu de l’entretien sociologique, il ne nous a, alors, pas non plus paru judicieux de les aborder si abruptement avec de telles questions personnelles, avant même qu’ils aient accepté de participer. Ces informations relatives aux parents n’ont d’ailleurs souvent été recueillies qu’en fin d’entretien, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre.

Pour autant, notre volonté de constituer un échantillon aux origines sociales explicitement diversifiées s’est bien constituée en amont de la sélection des enquêtés. Si cette résolution ne s’est pas exprimée directement au travers du choix particulier de chaque personne, ce dessein a toutefois motivé nos préférences au moment de désigner les deux terrains contrastés sur lesquels nous avons recruté les jeunes de notre population d’enquête. Le choix de recourir à des individus aux origines sociales hétérogènes afin de faire ressortir des processus aux

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différences saillantes constitue donc bien un critère de sélection précédant la constitution effective de l’échantillon.

- Pas de sélection au regard de la perception des relations personnelles

Enfin évoquons un dernier critère remarquable par son absence. Nous ne nous sommes pas focalisé sur un échantillon de personnes qui aurait auparavant reconnu de manière explicite l’influence de leurs relations personnelles sur leur trajectoire. Cela aurait impliqué de n’avoir affaire qu’à des personnes ayant développé une certaine conception du rôle - qu’il soit positif ou négatif - que peuvent jouer leurs proches sur leur destinée. Nous avons préféré objectiver ces phénomènes dans la vie des individus en reconstituant avec eux leurs processus de transition statutaires et en recomposant leur réseau de connaissances personnel. Nous ne nous sommes donc pas préoccupé a priori de la perception des potentiels enquêtés au regard de cette hypothèse de notre recherche. Bien sûr cela ne nous a pas empêché, ensuite pendant l’entretien, de questionner les impressions des individus sur les moments de leur existence et sur leurs liens personnels ainsi mis en évidence.

Ces critères de sélection bien établis, nous avons pu procéder au recrutement des 30 jeunes montpelliérains et montpelliéraines. Pour tenter de faire varier l’origine sociale des enquêtés, nous avons choisi d’investir deux terrains aux caractéristiques différentes dans la ville. Mais avant de rendre compte de ce moment de l’enquête, il nous faut d’abord effectuer une rapide présentation de la capitale héraultaise.

1.3 Montpellier, une capitale dynamique mais contrastée

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