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Chapitre 3 Méthodologie

3.3 Volets méthodologiques

3.3.3 Corpus publicitaire

Le critère principal de sélection était le ton publicitaire, soit le cadrage émotionnel. Comme exposé précédemment, nous supposions qu’un des antécédents potentiels de la réponse empathique était le ton publicitaire. C’était précisément dans la visée d’explorer le potentiel d’un ton publicitaire positif ou négatif sur le déclenchement de la réponse empathique que nous avons sélectionné les publicités qui ont fait l’objet de la présente étude. Par conséquent, nous avons réuni un corpus majoritairement constitué de messages qui mettent en exergue des scénarios négatifs, soit des personnes subissant la discrimination, des personnages aux expressions du visage tristes, des indices verbaux accentuant les effets néfastes de la discrimination et des messages qui mettent en scène des événements positifs, soit des images accentuant les apports positifs des immigrants à la collectivité, des personnes souriantes, des minorités ethniques en contextes positifs (p. ex. : avec leurs familles, détiennent un bon emploi, sont sportifs, etc.), des indices verbaux qui soulignent les aspects positifs de l’immigration et de la diversité ethnique et culturelle. Une difficulté particulière à laquelle nous avons été confrontée lorsque nous avons constitué notre corpus publicitaire est le nombre très restreint de publicités sociales anti-discrimination. En effet, comparativement à la quantité de publicités produites dans le domaine de la santé publique (p. ex. : prévention du tabagisme), par exemple, la production publicitaire dans le domaine de la lutte contre la discrimination ethnique demeure relativement marginale.

Après l’évaluation par les pairs, effectuée par trois collègues du département d’information et de communication de l’Université Laval, nous avons éliminé les publicités qui ne suscitaient aucune émotion et qui n’étaient donc pas appropriées pour les objectifs en question. Le tableau résumant les synopsis des publicités et qui a été soumis à l’évaluation par les pairs se trouve à l’annexe C, tableaux 1 et 2. Notre corpus est composé de 16 publicités, dont six télévisuelles et dix affiches. Pour le constituer, nous avons effectué plusieurs recherches sur Google ainsi que sur d’autres sites tels que

YouTube, Vimeo, osocio.org, etc., en recherchant des mots clés comme anti-discrimination public

service advertisements/announcements (psa), anti racism psas, pro-diversity psas, campagnes anti-

discrimination, campagne/publicité de lutte contre le racisme, xénophobie, pro-immigration campaigns,

publicité pro diversité culturelle, publicité anti-discrimination, publicité contre le racisme, etc. Notre corpus, tel que soumis avec l’article 1, se trouve à l’annexe A du présent document.

Dans la section qui suit, nous présentons, de façon plus élaborée, les indicateurs utilisés pour déterminer le cadrage des publicités sélectionnées.

3.3.3.1 Cadrage des publicités sélectionnées et indicateurs

La variable principale qui nous a permis de déterminer si un message est cadré positivement ou négativement est le type de contenu publicitaire. Ainsi, cette variable englobe deux indicateurs, soit le type de contenu verbal – qui réfère aux phrases qui accompagnent les scénarios publicitaires – et le type d’expression faciale/émotionnelle – indice non verbal. Parmi les nombreux indices non verbaux (p. ex. : posture, ton de voix, bande sonore, etc.), nous nous intéressions particulièrement aux expressions faciales, puisqu’elles sont considérées par de nombreux chercheurs comme les principaux indicateurs (non verbaux) des émotions (Ekman, Friesen et Ellsworth, 1982; Ekman et Keltner, 1997; Niedenthal, Krauth-Gruber et Ric, 2009). D’ailleurs, plusieurs s’accordent pour affirmer que l’expression faciale des émotions constitue un outil relationnel majeur et qu’elle est indispensable au bon fonctionnement des rapports humains (Ekman, 1993; Gosselin, Kirouac et Doré, 2005). Eu égard au contexte publicitaire, Kim et Niederdeppe suggèrent que « […] facial expressions and expressed

emotions interact with the verbal content of the message » (2014, p. 705). Au surplus, ils ajoutent que « […] facial expressions are signals of the emotional state of the speaker/source, and expressions are

emotion-specific » (2014, p. 704). Selon les postulats du cadrage émotionnel (emotional framing), l’émotion observée dans le scénario publicitaire devrait déclencher une réaction émotionnelle similaire ou identique chez les récepteurs. À ce propos, Kim et Niederdeppe soulignent que « [v]iewers devote

considerable attention to visual cues such as facial display and bodily action (Ekman & Friesen, 1967);

thus a speaker […] who delivers facial expressions that convey anger or sadness should evoke the corresponding respective emotion in viewers » (2014, p. 694-695).

Sans entrer dans les détails, car une telle discussion dépasserait les limites de la présente section, nous trouvons néanmoins pertinent de mentionner que l’expression non verbale des émotions est aujourd’hui considérée comme un phénomène inné et universel. Paul Ekman a consacré plus de 40 ans de sa carrière à l’étude empirique des émotions et a analysé la manifestation des expressions faciales des émotions à travers plusieurs cultures, consolidant ainsi l’idée d’un phénomène largement universel. À la lumière de son observation d’une population indigène en Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1972, il a dressé une liste des expressions faciales des émotions qu’il considère comme universelles, c’est-à-dire comprises de la même manière à travers toutes les cultures. Plus précisément, Ekman appuie son argument de l’universalité des expressions de certaines émotions de base sur le fait que la population à l’étude n’avait aucun accès aux médias de masse et ne pouvait donc pas avoir « appris » la mimétique associée à certaines émotions (Ekman et Friesen, 1975). Les

travaux entrepris depuis cette perspective ont permis de mettre en évidence que toutes les cultures étudiées rapportaient six émotions en commun, émotions ensuite qualifiées de basiques : la joie, la peur, la colère, le dégoût, la surprise et la tristesse27 (Ekman, 1989, 1993, 1999; Ekman, Friesen et

Ellsworth, 1972). D’après Ekman et ses collègues (1982), la composante expressive de l’émotion est un outil de communication non verbal qui permet d’induire les émotions adéquates en réponse à nos propres états affectifs, notamment à travers le processus d’empathisation. En outre, Ekman suggère que la réponse émotionnelle de l’observateur sera appropriée si 1) l’observateur est en mesure de reconnaître l’émotion exprimée et 2) si cette émotion est légitimée par le contexte.

Eu égard à l’empathie, Pacherie (2004) stipule que le premier degré de l’empathie consiste précisément à comprendre quelle émotion est ressentie par autrui. En fait, afin d’éprouver de l’empathie pour quelqu’un, nous avons avant tout besoin de comprendre ce que celui-ci ressent. Pour ce faire, nous avons généralement recours à nos capacités perceptives, qui nous permettent de reconnaître ce qu’autrui est en train d’éprouver en observant ses expressions faciales ou son comportement. L’empathie renvoie, entre autres, à notre capacité à saisir le monde subjectif d’autrui en utilisant nos propres ressources psychologiques. La dimension affective de l’empathie, par exemple, désigne la réponse émotionnelle de l’observateur/récepteur face à l’émotion exprimée par autrui. Par conséquent, l’émotion qui naît chez le récepteur est induite par l’observation (ou par l’imagination) d’une émotion chez l’autre (Lepron, 2009).

L’étape de la perception et de la compréhension adéquate des expressions du visage constitue une condition sine qua non des processus liés à l’empathie. Plus précisément, sans compréhension adéquate de ce que l’autre vit, la projection d’un individu dans la situation de cette personne sera entravée, freinant ainsi l’émergence des processus inhérents à l’empathie. En ce qui a trait aux expressions émotionnelles dépeintes dans une publicité, Kim et Niederdeppe avancent que « [i]t is

plausible that some mediated expressions of emotions might elicit a greater level of empathic responses than will other emotions […] sadness framing will be more strongly associated with empathy than will anger framing » (2014, p. 696).

27 Toutefois, certaines différences culturelles existent, mais elles sont plutôt relatives à l’expression de l’émotion en public

(acceptabilité sociale de l’émotion en question), à la fréquence avec laquelle les membres d’une culture donnée expriment les émotions, en parlent et agissent sur elles (Ekman et Keltner, 1997).

En parcourant les écrits scientifiques sur le sujet, nous avons constaté que de nombreux chercheurs se sont consacrés à l’analyse des expressions faciales et ont tenté d’arriver à une méthode concise de description des mouvements du visage. Parmi ces méthodes, la Facial Action Coding System (FACS), élaborée par Ekman et Freisen (1978), s’est imposée comme un standard pour la description des expressions faciales. Eu égard à notre étude, la FACS nous a permis d’identifier les expressions les plus communes et les plus pertinentes, ce qui permet d’orienter la mesure en fournissant des indicateurs potentiels. Le tableau résumant les émotions de base et les expressions faciales qui leur sont associées se trouve à l’annexe C (tableau 2).