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Les conséquences du rattachement de la notion de citoyenneté à la définition de la Nation

Dans le document La citoyenneté administrative (Page 50-55)

S ECTION 3 : V ALEUR

B. Les conséquences du rattachement de la notion de citoyenneté à la définition de la Nation

L’identification théorique de la Nation au corps des citoyens entraîne une série de conséquences pratiques, d’abord politiques, mais aussi juridiques. Dans ce raisonnement, c’est en effet la Nation qui vient en premier, les citoyens − et eux seuls − étant appelés à s’identifier à elle et à s’exprimer en son nom. De là découlent, d’une part la nécessité de développer, par le civisme, le sentiment d’appartenance à la nation, d’autre part la définition de l’électorat comme une fonction, et non véritablement comme un droit.

1. Le civisme, condition de la citoyenneté

Il peut au premier abord paraître quelque peu saugrenu de rencontrer une évocation du civisme dans des ouvrages ou développements ayant pour ambition d’exposer une théorie juridique de la citoyenneté. Cette présence est pourtant logique, si l’on considère tout à la fois l’origine historique de la construction juridique de la citoyenneté et ses ressorts théoriques. Le lyrisme de Georges Burdeau, demandant une éducation du citoyen au et par le civisme − cette « qualité morale et qualité intellectuelle »124 qui est un « stoïcisme nourri du ferment évangélique »125

, peut prêter à sourire : la formation des citoyens est cependant indispensable à l’existence même de la Nation, et par suite de l’État. Le civisme est ainsi dès le XIXe siècle un des éléments clés de la citoyenneté : notion frontière entre droit et politique, la place qui lui est dévolue par les juristes montre bien l’attachement de ces derniers à la citoyenneté conçue comme appartenance et intégration à la nation. Notamment dans sa composante quasi religieuse, le civisme est l’instrument d’une telle intégration ; c’est lui qui permet que soit développé ce sentiment de constituer un corps des citoyens. Or si cette « idéologie de la nation »126 semble bien éloignée de considérations juridiques, son application n’en passe pas moins obligatoirement par le droit, ne serait-ce que parce que la mise en œuvre du civisme passe par un cadre juridiquement contraignant.

Le civisme républicain, tel qu’il se trouve développé notamment dans les projets éducatifs de la IIIe République, doit être directement rattaché à ce qui en constitue la source principale, c’est-à-dire les discussions relatives à la « religion civique », tout spécialement développées par Rousseau, mais également par des penseurs aussi différents que Kant127 ou Machiavel128. On sait que l’avant-dernier chapitre du Contrat social, qui est aussi le plus long, est consacré à la religion civile. Si Rousseau, dans le droit fil de la Profession de foi du

124. Ibid., p. 45. 125. Ibid., p. 46, note 1.

126. Cf. DELANNOI (G.), Sociologie de la nation. Fondements théoriques et expériences historiques, Armand Colin 1999, coll. Cursus, p. 87.

127. On sait que l’éducation à la citoyenneté est un élément primordial pour Kant, qui fait de l’autonomie le trait caractéristique du citoyen. Cf. KANT (E.), Sur le lieu commun : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien [1793], in Théorie et pratique, Paris 1994, GF-Flammarion, spéc. p. 70-84. Sur l’influence décisive de la morale kantienne sur le contenu du civisme, Cf. RAULET (G.), Kant. Histoire et citoyenneté, Paris 1996, PUF, et MAURY (L.), L’enseignement de la morale, Paris 1999, PUF, coll. Que sais-je ?, n° 3497.

128. Cf. MACHIAVEL (N.), « De la religion des Romains », in Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre Ier, ch. XI [1513-1520], Paris, 1993, Gallimard, coll. Folio, p. 174 et s.

vicaire savoyard, cherche surtout dans ce chapitre à critiquer le caractère à son sens dogmatique de la religion chrétienne, il développe aussi ce qu’il entend par religion civique. Il ne doit pas s’agir à proprement parler d’un culte de la patrie, même si une telle forme de religion « est bonne en ce qu'elle réunit le culte divin et l'amour des lois, et que faisant de la patrie l'objet de l'adoration des citoyens, elle leur apprend que servir l'État c'est en servir le dieu tutélaire »129

, car une telle religion risquerait de devenir « exclusive et tyrannique », et de rendre le peuple « sanguinaire et intolérant », ce qui serait d’abord « très nuisible à sa propre sûreté »130

. Ce qu’il faut développer en revanche, c’est bien un culte de la cité, une religion à proprement parler civique, c’est-à-dire une religion qui tout à la fois apprenne au citoyen à respecter et vénérer la patrie et développe en lui l’autonomie (notamment et surtout vis-à-vis des autres religions) indispensable à la libre participation à la décision politique131.

C’est bien en cette notion d’autonomie que se rejoignent les conceptions philosophiques, politiques et juridiques de la citoyenneté et du civisme. Affirmer l’autonomie de l’individu comme condition de la citoyenneté sera tout d’abord compris comme justifiant le fait de réserver la qualité de citoyen aux seuls propriétaires132, puis à ceux qui en sont jugés capables : c’est la raison pour laquelle les femmes et les mineurs ne peuvent se voir attribuer la qualité de citoyen, parce qu’ils ne jouissent pas d’une autonomie suffisante. Le système d’éducation en général, puis la formation civique en particulier, seront tout entiers conçus pour remédier à cette incapacité, pour construire, à partir des individus d’abord, puis des mineurs, des citoyens à part entière. L’autonomie est donc indissociable de ce qui en constitue l’instrument, à savoir l’éducation des citoyens.

L’idée de formation des citoyens − d’instruction civique − est présente dès le début de la Révolution française. Il faut « créer un nouveau peuple »133, c’est-à-dire un peuple de

129. ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social, Livre IV, Chapitre VIII, [Genève 1762], Paris 1992, Garnier- Flammarion, p. 163.

130. Ibid.

131. « Il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèle [en note : César plaidant pour Catilina tâchait d'établir le dogme de la mortalité de l'âme, Caton et Cicéron pour le réfuter ne s'amusèrent point à philosopher : ils se contentèrent de montrer que César parlait en mauvais citoyen et avançait une doctrine pernicieuse à l'Etat. En effet voilà de quoi devait juger le Sénat de Rome, et non d'une question de théologie]. Sans pouvoir obliger personne à les croire, il peut bannir de l'Etat quiconque ne les croit pas ; il peut le bannir, non comme impie, mais comme insociable, comme incapable d'aimer sincèrement les lois, la justice, et d'immoler au besoin sa vie à son devoir. Que si quelqu'un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogmes, se conduit comme ne les croyant pas, qu'il soit puni de mort ; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les lois.

Les dogmes de la religion civile doivent être simples, en petit nombre, énoncés avec précision sans explications ni commentaires. L'existence de la divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du contrat social et des lois, voilà les dogmes positifs. Quant aux dogmes négatifs, je les borne à un seul ; c'est l'intolérance : elle rentre dans les cultes que nous avons exclus » (ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social, loc. cit., p. 166- 167).

132. On retrouve ici Kant : « L’unique qualité exigée, outre la qualité naturelle (n’être ni femme ni enfant), est d’être son propre maître (sui juris), donc de posséder quelque propriété […] qui le nourrisse » KANT (E.), Théorie et pratique, op. cit., p. 70-71.

133. LEPELLETIER (M.), « Plan d’éducation nationale », cité par JAUME (L.), Le discours jacobin et la démocratie, Paris 1989, Fayard, p. 220. Sur cette idée, cf. BOULAD-AYOUB (J.), dir., Former un nouveau peuple ? Pouvoir, éducation, Révolution, Paris-Laval 1996, L’Harmattan-Presses de l’Université de Laval, 343 p., spéc. LIRIS (E.), « Éduquer l’homme nouveau », p. 303-312, ainsi que MARTIN (X.), Nature humaine et Révolution française : du siècle des Lumières au Code Napoléon, DMM, 1994.

citoyens, et pour ce faire rendre libres les individus, en les dégageant de toute attache constituée par leur volonté individuelle. Cette formation du citoyen est intrinsèquement liée aux débats relatifs à la représentation : il s’agit d’assurer la concordance de la volonté des représentants avec celle des représentés, et la cohésion de la nation de citoyens. Pour ce faire, deux moyens sont possibles : soit conformer les représentants à la diversité des représentés, soit réduire les disparités entre ces derniers ; or la première solution doit être rejetée, puisqu’elle signifierait l’abandon de l’unité et de l’indivisibilité des citoyens134. C’est donc par la conformation des citoyens à leurs représentants que l’on parviendra à l’unité de la citoyenneté.

Le projet du marquis de Condorcet consistait à développer l’autoformation du citoyen, l’individu se transformant en citoyen par des filières multiples, au premier rang desquelles l’instruction publique, mais également le développement de la vie associative, voire l’exercice direct de la souveraineté135. Il s’agit donc de mettre en place une pédagogie de la citoyenneté, en considérant l’individu comme un citoyen, alors même qu’il ne l’est pas encore politiquement, pour qu’une fois parvenu à la maturité politique, il soit véritablement capable, par sa propre vertu, de s’abstraire de ses intérêts personnels pour parvenir à la découverte de l’intérêt public. Mais cette vision idéale de la formation du citoyen a été rapidement abandonnée par les révolutionnaires, comme la Constitution qui en était la traduction : « le modelage des individus, puis de la collectivité entière, succède brutalement, au moment de la prise du pouvoir, à la bonté naturelle du peuple : l’autoformation du citoyen n’a pas été prise en compte »136

.

La version républicaine de l’éducation du citoyen n’est guère différente des idées révolutionnaires. L’instruction publique, laïque et obligatoire mise en place par les lois scolaires des débuts de la IIIe République a pour but explicite de former des citoyens137. Conformément à la théorie rousseauiste138, il faut faire sortir l’individu de lui-même, et le confier à l’État qui se chargera de sa formation. L’individu doit donc en quelque sorte abandonner sa liberté individuelle et la phrase si souvent critiquée du Contrat social − « on le

134. On notera, en marge de ce propos, qu’il est quelque peu surprenant de trouver dans la doctrine juridique, au moment même où se construit juridiquement la conception abstraite du citoyen, en tant que membre impersonnel de la nation, une défense de la représentation des intérêts. (Cf. ROSANVALLON (P.), Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris 1998, Gallimard, coll. Nrf- Bibliothèque des histoires, p. 247-249).

135. Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, présenté à la Législative les 20 et 21 avril 1792.

136. JAUME (L.), op. cit., p. 220-221.

137. Notamment et surtout les cours d’instruction civique (ou de morale républicaine). Cf. MOUGNIOTTE (A.), Les débuts de l’instruction civique en France, Lyon 1991, Presses universitaires de Lyon, 235 p., ainsi que MAURY (L.), L’enseignement de la morale, Paris 1999, PUF, QSJ n° 3497. Pour une lecture républicaine quelque peu accommodée de la Déclaration de 1789, cf. BAYET (A.), Histoire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris 1934.

138. « Il faut opter entre faire un homme ou faire un citoyen : car on peut faire à la fois l’un et l’autre » (ROUSSEAU (J.-J.), L’Émile). « Ce qui fait la misère humaine est la contradiction qui se trouve entre notre état et nos désirs, entre nos devoirs et nos penchants, entre la nature et les institutions sociales, entre l’homme et le citoyen. Donnez-le tout entier à l’État ou laissez-le tout entier à lui-même » (ROUSSEAU (J.- J.), Du bonheur public). Ces deux célèbres phrases sont rapportées (et approuvées) par Georges Burdeau (BURDEAU (G.), Traité de science politique, tome IV : Les régimes politiques, 1ère éd., Paris 1952, LGDJ, p. 49, note 2).

forcera à être libre » − est tout à fait logique139 : le citoyen ne sera tel que lorsqu’il aura été formé à l’exercice de la charge qui lui incombera ; et une fois cette formation reçue, il ne pourra vouloir, en tant que citoyen, que la volonté de la nation qu’il a la charge d’exprimer.

La formation du citoyen se fera donc par le développement du civisme. Pour échapper tout à la fois à l’individualisme libéral et à la tentation totalitaire, le modèle républicain devra accepter l’individu (le futur citoyen) « tel qu’il est avec le seul souci de l’élever à la conscience de son rôle social, de l’instruire dans le bon usage de la liberté et, finalement, de lui confier la responsabilité de son destin »140

. L’individu devra ainsi acquérir la vertu civique, cette « attitude de détachement à l’égard de préférences égoïstes »141 qui constitue le pendant de la possession des droits politiques.

Pour terminer ces quelques remarques sur la conception originelle du civisme et son articulation avec la définition juridique de la citoyenneté, il faut noter qu’une place prépondérante s’y trouve octroyée à l’État, en tant qu’organe structurant la Nation dont il émane, qui est ainsi chargé à la fois de la détermination du contenu du civisme et, au travers de l’administration (et non pas uniquement de l’administration de l’éducation), de la transmission de ce civisme. Dès la constitution de la notion juridique de la citoyenneté, on trouve donc bien présente l’idée que l’administration doit tenir un rôle fondamental dans la transmission de la citoyenneté, et partant dans la cohésion nationale qui en est le résultat142.

2. La théorie de l’électorat-fonction

Si les citoyens composent donc la Nation, à laquelle ils appartiennent, c’est bien en son nom qu’ils doivent exercer les fonctions publiques, au premier rang desquelles se place le vote. Ce qu’il est convenu d’appeler le « droit de vote », n’est ainsi pas véritablement un droit, mais une fonction, et peut être modulé par l’État au gré de l’évolution des circonstances. À travers cette affirmation du caractère contingent des droits politiques, on retrouve directement l’idée de citoyenneté capacitaire élaborée par les révolutionnaires143. Eu égard à la souveraineté, le procédé électoral n’est pas (ou pas seulement), pour le citoyen, la réalisation d’un droit qui lui serait inhérent, mais l’accomplissement d’une fonction qui lui est confiée par l’État. Deux conséquences découlent de cette affirmation. S’agissant d’une fonction, il faut que le citoyen soit jugé capable de l’accomplir ; il pourra donc être nécessaire

139. Cf. KELSEN (H.), La démocratie. Sa nature, sa valeur, trad. fr. Ch. Eisenmann, Paris 1932, Librairie du recueil Sirey, p. 11.

140. BURDEAU (G.), op. cit., p. 51. 141. Ibid., p. 45.

142. On notera enfin que le civisme est pris en compte en tant que phénomène juridique, avec un point de vue certes particulier, par la doctrine publiciste des années trente, qui confond parfois cependant le civisme avec l’accès aux droits politiques. C’est ainsi que Joseph-Barthélémy présente le délai existant entre l’accession à la nationalité française et l’obtention du droit de vote comme un « stage de civisme » (BARTHÉLÉMY (J.), DUEZ (P.), Traité de Droit constitutionnel, Paris 1933, Dalloz, p. 311).

143. On retrouve ici toute la discussion fondamentale relative à la détermination de la qualité de citoyen sous les Constitutions révolutionnaires. On a en effet vu plus haut (supra, p. 24 et s.) qu’alors que les premiers textes révolutionnaires tentaient de rattacher la qualité de citoyen à la nature, au prix de quelques aménagements (notamment de la distinction entre citoyens passifs et actifs) et contradictions, à partir de l’An III, le citoyen est celui qui est désigné comme tel par la Constitution. Cf. TROPER (M.), « La notion de citoyen sous la Révolution française », loc. cit., p. 318-319.

d’exclure de la citoyenneté certaines catégories d’individus. On devrait en outre considérer que le citoyen a l’obligation d’exercer la fonction électorale.

Cette restriction capacitaire de la citoyenneté permet de justifier l’exclusion du « droit » de vote, pour des motifs différents, des femmes et des domestiques d’une part, des étrangers d’autre part. Le fondement en demeure in fine toujours identique : « Les droits politiques ne reposent pas, comme les droits individuels, sur la liberté ; ils reposent sur la capacité. Ils n’appartiennent donc pas à tous les Français, mais à ceux des Français qui remplissent les conditions auxquelles la loi a attaché la présomption de capacité. Ces personnes sont les seules à qui appartienne, en langage juridique, la qualité de Citoyen »144

. Lorsque la loi ou la Constitution attribuent ou refusent la qualité de citoyen à une catégorie d’individus, c’est donc toujours (théoriquement) au regard de la capacité réelle ou supposée de cette catégorie à participer avec discernement à la mise en place du pouvoir. Or la capacité fondamentale — on retrouve ici Rousseau — est le libre usage de la raison. C’est pourquoi les femmes (du moins les femmes mariées), les domestiques, les enfants, les fous et les délinquants ne peuvent se voir reconnaître la qualité de citoyen, non en vertu de leur nature même, mais parce qu’ils n’ont pas un usage libre et indépendant de leur raison, et par suite ne peuvent découvrir librement la volonté générale que les seuls citoyens peuvent contribuer à faire émerger par un vote majoritaire. Le suffrage censitaire, tout comme la théorie du citoyen-propriétaire, reposaient sur la même idée : seule une certaine indépendance matérielle et intellectuelle peut donner la liberté de jugement nécessaire pour exercer la fonction électorale. Cette motivation, appliquée avec constance pour les exclusions intra-nationales de la citoyenneté, se retrouve évidemment en ce qui concerne les étrangers : leur exclusion est en effet naturelle, étant donné qu’ils n’ont aucun titre à participer à l’expression de la souveraineté nationale. En ce sens, il est tout à fait logique que les citoyens ne se recrutent que parmi les Français.

La seconde conséquence ne serait qu’anecdotique si elle ne se trouvait abondamment développée par la doctrine. Les débats sur la nature de la citoyenneté ont en effet souvent lieu à l’occasion de discussions portant sur le caractère obligatoire ou facultatif du « droit de vote ». Bien que divisée sur ce point, la doctrine, outre qu’elle considère qu’il n’y a pas de droits acquis en matière électorale145− et par suite aucun droit à être inscrit sur les listes elles- mêmes146 − estime que le vote devrait être obligatoire. Deux arguments de fait sont avancés en ce sens : le vote est effectivement obligatoire dans certains pays, notamment en Belgique (depuis 1893) ; en France même, il est impossible de se soustraire à l’inscription sur les listes de jurés : or si le procédé de désignation est différent, les fonctions exercées sont considérées

144. LAFERRIÈRE (F.), Cours théorique et pratique de droit public et administratif, 4e éd., Paris 1854, Cotillon, p. 75-76.

145. PIERRE (E.), Traité de droit politique, électoral et parlementaire, 3e éd., Paris 1914, Librairies-imprimeries réunies, Supplément, p. 134-136.

146. Le fait que les juridictions de l’ordre judiciaire soient compétentes en matière d’inscription sur les listes électorales ne doit pas être interprété dans le sens de l’existence d’un droit à l’inscription sur les listes, qui n’a pas plus d’existence que le droit de vote. L’inscription sur les listes électorales est un acte administratif dont l’appel, par dérogation aux règles classiques de compétence juridictionnelle, est du ressort des juridictions de l’ordre judiciaire. Cf. LAFERRIÈRE (É.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris 1896, 2e éd., Berger-Levrault, p. 321 et s.

comme similaires, car consistant dans l’exercice de la puissance publique147. Il serait donc logique de rendre le suffrage obligatoire148. Malgré quelques propositions de loi en ce sens au début du siècle149, cette discussion reste cependant théorique ; Georges Burdeau peut effectivement souligner avec une pointe d’ironie que si « on a cru aussi pouvoir faire de l’électorat une fonction, il n’a pas été long à être compris comme un droit »150

.

§ 2. Affirmer les droits du citoyen

Il est évident, pour la doctrine du XIXe et des premières années du XXe siècle, que si la citoyenneté comporte certes des devoirs incombant au citoyen, elle est essentiellement constituée de droits qui lui appartiennent. Cette évidence n’empêche cependant pas l’existence de discussions qui portent tant qur l’origine de ces droits que sur leur nature, discussions qui permettent de préciser les contours et le contenu de la citoyenneté.

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