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Section 3. Conséquences des différences entre réactions affectives dans le

1. Confirmation, infirmation, et déviation hédoniques

Il paraît indispensable de préciser dans un premier temps les différents cas possibles d’écarts entre les réactions affectives globales, avant de mener leur analyse théorique. La figure 3-7 synthétise les stimuli, réactions, et écarts étudiés dans cette section.

Figure 3-7 : Les écarts de réactions affectives selon les stimuli

La confirmation des attentes correspond à la définition de l’attente prédite dans la typologie de Santos et Boote (2003) présentée en première section de ce chapitre : il n’y a pas d’écart entre les réactions affectives aux stimuli épistémiques et aux stimuli sensoriels, et le produit est évalué en dégustation comme attendu.

L’infirmation (ou disconfirmation) des attentes représente toutefois le cas le plus fréquent : il semble en effet peu envisageable que des stimuli de nature différente générent finalement la même réaction affective. De fait, la prise en compte des attentes dans les études de comportement alimentaire depuis le début des années 90 fait le plus souvent apparaître des écarts entre attentes et évaluation hédonique en aveugle.

La déviation hédonique due à l’information caractérise quant à elle l’influence de l’information sur le goût : plus son amplitude est élevée, moins l’individu paraît sensible aux stimuli sensoriels. A l’inverse, l’observation d’aucune déviation hédonique alors même qu’il y a infirmation des attentes correspond au cas très particulier d’individus qui ne présentent aucune sensibilité au prix, à la marque, et aux stimuli épistémiques d’une manière générale.

Au delà de l’existence ou non de différences entre réactions affectives, il est essentiel d’analyser le sens de ces différences. Le tableau 3-3 présente les principaux cas envisageables : Stimuli complets (dégustation informée) Stimuli sensoriels (dégustation seule) Stimuli épistémiques (information seule)

Evaluation hédonique Evaluation hédonique globale

Attente hédonique

Confirmation ou infirmation des attentes Ecart de réaction dû à la différence de nature des

stimuli Déviation hédonique Ecart de réaction dû à l ’apport d ’informations

Différences Composantes Commentaires Confirmation

des attentes

Attente-Evaluation hédonique = 0 La réaction affective est identique pour

les stimuli épistémiques et sensoriels

Infirmation positive des

attentes

Attente-Evaluation hédonique < 072 A la dégustation, l’aliment se révèle

meilleur qu’attendu

Infirmation négative des

attentes

Attente-Evaluation hédonique > 0 A la dégustation, l’aliment se révèle moins bon qu’attendu

Déviation hédonique

positive

Evaluation globale – Evaluation hédonique > 0

L’apport d’information sur le produit améliore l’évaluation globale

Déviation hédonique

négative

Evaluation globale – Evaluation hédonique < 0

L’apport d’information sur le produit dégrade l’évaluation globale

Tableau 3-3 : Les différences observables entre réactions affectives

Les cas de confirmation ou infirmation des attentes vont ensuite se combiner avec les déviations hédoniques positives ou négatives pour former l’ensemble des situations possibles de réactions affectives différenciées. Le tableau 3-4 répertorie les principaux cas de figure envisageables, les illustre d’un exemple, et en propose une analyse sommaire.

72 Les qualificatifs conventionnellement utilisés présentent une ambiguïté et s’opposent selon qu’il s’agit de

décrire le concept d’infirmation ou sa mesure : une infirmation des attentes est dite positive (respectivement négative) quand l’évaluation se révèle meilleure (respectivement moins bonne) qu’attendue ; or au niveau de la mesure, une infirmation positive est de signe négatif.

Différences entre réactions Exemples Remarques Confirmation et déviation positive

Individu A : Evaluation globale meilleure que l’évaluation hédonique, elle-même conforme aux attentes

Probable effet de simple exposition, l’individu étant soumis aux stimuli complets après avoir dégusté en aveugle

Confirmation et déviation

négative

Individu B : Evaluation globale moins bonne que l’évaluation hédonique, elle-même conforme aux attentes

Probable effet de lassitude, l’individu étant soumis aux stimuli complets après avoir dégusté en aveugle

Infirmation positive et

déviation positive

Individu C : en aveugle, le produit est meilleur qu’attendu, et l’évaluation globale s’en trouve renforcée

L’individu s’oppose à ses attentes, et exacerbe sa réaction aux seuls stimuli sensoriels

Infirmation positive et

déviation négative

Individu D : les attentes sont faibles par rapport à l’évaluation en aveugle, et l’évaluation globale s’en trouve dégradée

L’individu se fie davantage à ses attentes qu’à son goût

Infirmation négative et

déviation positive

Individu E : les attentes sont fortes par rapport à l’évaluation en aveugle, et l’évaluation globale s’en trouve renforcée

L’individu se fie davantage à ses

attentes qu’à son goût73

Infirmation négative et

déviation négative

Individu F : en aveugle, le produit est moins bon qu’attendu, et l’évaluation globale s’en trouve dégradée

L’individu s’oppose à ses attentes, et exacerbe sa réaction aux seuls stimuli sensoriels

Tableau 3-4 : Etude des cas combinés de confirmation ou infirmation et déviation

Les situations d’infirmations et de déviations peuvent être représentées, sur la base des schémas de Cardello (1994) adaptés par Deliza (1996) dans la figure 3-8 (Lange, 2000),où les exemples du tableau 3-4 ont été reportés.

Figure 3-8 : Infirmation des attentes et déviation hédonique, schéma général (d'après Lange, 2000, p.11)

La droite y = x correspond aux cas particuliers où : Déviation = Infirmation Soit par définition :

Evaluation globale – Evaluation hédonique = Attente – Evaluation hédonique Soit enfin :

Evaluation globale = Attente

Il s’agit donc des individus qui se fient uniquement à leurs attentes (et ne prennent pas en compte leur appréciation gustative) pour former leur évaluation globale du produit.

De même, la droite y = 0 correspond aux cas particuliers où l’on n’observe pas de déviation hédonique : Il s’agit donc des individus qui ne dévient pas de leur appréciation gustative initiale (et ne prennent pas en compte leurs attentes) pour former leur évaluation globale du produit.

La plupart des études portant sur les attentes en comportement alimentaire mobilisent au moins quatre modèles théoriques recensés par Anderson (1973) pour tenter d’expliquer les relations entre infirmation et déviation. Il s’agit de la théorie de l’assimilation, du contraste,

de la négativité généralisée, et de l’assimilation-contraste. Schifferstein et al. (1999) y

Déviation hédonique :

Evaluation globale – Evaluation hédonique

Déviation = Infirmation

Attentes > Evaluation hédonique : Infirmation négative

Attentes < Evaluation hédonique : Infirmation positive Infirmation : Attentes-Evaluation hédonique + A + B + C + D + E + F

La théorie de l’assimilation trouve ses fondements dans la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957) : l’infirmation des attentes crée un état d’inconfort psychologique que le consommateur tente de réduire en modifiant soit ses perceptions, soit ses attentes, soit

les deux évaluations. Selon Anderson, cette théorie appliquée au marketing signifie que le

consommateur réduit l’écart en modifiant ses perceptions de manière à ce qu’elles se rapprochent de ses attentes qui servent de point d’ancrage, ou se confondent avec elles (assimilation totale). En conséquence, si les attentes sont élevées mais que l’évaluation

hédonique en aveugle n’est pas à la hauteur de ces attentes (i.e. : infirmation négative), le

consommateur fera davantage confiance à ses attentes et son évaluation globale sera meilleure que son évaluation hédonique : la déviation sera positive, cas de l’individu E ; si en revanche

les attentes sont médiocres et si l’évaluation hédonique en aveugle est bonne (i.e. : infirmation

positive), le consommateur fera également davantage confiance à ses attentes et son évaluation globale sera alors moins bonne que son évaluation hédonique : la déviation sera négative, cas de l’individu D. La figure 3-9 précise les cas correspondant à la théorie de l’assimilation.

Figure 3-9 : le rôle explicatif des théories d'assimilation et de contraste dans les phénomènes d'infirmation et de déviation (d’après Anderson, 1973 et Lange, 2000)

Déviation hédonique :

Evaluation globale – Evaluation hédonique

Evaluation globale = attentes (Assimilation totale)

Attentes > Evaluation hédonique : Infirmation négative

Attentes < Evaluation hédonique : Infirmation positive

Infirmation :

Attentes-Evaluation hédonique

La théorie du contraste est le contraire74 de la théorie de l’assimilation (Anderson, 1973) : l’écart entre attentes et perception est ressenti de manière exagérée par le

consommateur en raison de la surprise induite par une telle situation. L’évaluation globale est

alors déformée dans le sens contraire des attentes. En conséquence, si les attentes sont élevées mais que l’évaluation hédonique en aveugle n’est pas à la hauteur de ces attentes

(i.e. : infirmation négative), le consommateur s’opposera à ses attentes et son évaluation

globale exagérera la faiblesse de son évaluation hédonique : la déviation sera négative, cas de l’individu F ; si en revanche les attentes sont médiocres et si l’évaluation hédonique en

aveugle est bonne (i.e. : infirmation positive), le consommateur s’opposera également à ses

attentes et son évaluation globale exagérera le niveau de son évaluation hédonique : la déviation sera positive, cas de l’individu C. La figure 3-9 précise les cas correspondant à la théorie du contraste.

Les facteurs qui conduisent à observer selon les cas des phénomènes d’assimilation ou de contraste restent mal connus, et cette question fait l’objet de vifs débats depuis toujours. Gustave Fechner qui fut l’inventeur de la psychophysique au XIXème siècle modifiait la loi de Weber (1831) en énonçant que «la sensation varie comme le logarithme de l'excitation» et considérait que l’exagération ou le contraste était la règle tandis que l’assimilation n’était qu’un artefact (Zellner, 2001). Ce point est encore repris par Helson (1964) qui parle également d’artefact résultant des consignes données. De fait, deux études utilisant le même stimulus (du jus de fruit exotique, le guanabana) mais en modifiant les conditions expérimentales aboutissent selon les cas à des phénomènes d’assimilation ou de contraste (Zellner, 1992 ; 2001). Toutefois, la grande majorité des études portant sur les infirmations et déviations mettent en évidence des phénomènes d’assimilation lorsqu’elles concernent des produits. En conséquence :

H14. Le nombre de cas d’assimilation observé est supérieur au nombre de cas de contraste observé.

Les phénomènes de contraste seraient plus courants dans les études concernant des

jugements sociaux controversés (Schifferstein et al., 1999), suggérant par là le rôle de

l’implication, déjà évoqué par Hovland et al. (1957). Le rôle des variables individuelles était

déjà proposé par Anderson dans la dernière phrase de son article : « Il semblerait important de

(Durande-déterminer si des différences significatives d’écart entre attentes et évaluations selon les consommateurs peuvent être attribuées à des variables psychographiques ». Ces aspects feront l’objet de propositions dans la section suivante de ce chapitre, consacrée aux variables modératrices individuelles.

Un autre domaine d’investigation intéressant concerne l’effet du mode de traitement des stimuli sur le déclenchement d’effet d’assimilation ou de contraste : McMullen (1997) estime qu’un mode expérientiel (hiérarchie des effets inversée) est propice à l’observation d’effets d’assimilation. Cette hypothèse n’est toutefois pas validée dans le cas d’annonces télévisées, peut-être en raison des choix méthodologiques retenus (Poncin et Pieters, 2002).

La théorie de la négativité généralisée a été proposée par Carlsmith et Aronson (1963) qui constataient que toute infirmation des attentes, quel que soit son signe, conduit le consommateur à une évaluation globale moins bonne que s’il n’avait pas d’attentes initiales

(i.e. que l’évaluation hédonique en aveugle) : la déviation hédonique est donc négative.

(figure 3-10). Toutefois, l’expérience de Carlsmith et Aronson (1963) concerne des cas de fortes infirmations (ils font évaluer des solutions sucrées à des sujets qui s’attendaient à goûter des solutions amères, et inversement).

Aussi Schifferstein et al. (1999) considèrent-ils que la théorie de la négativité

généralisée représente les cas extrêmes de la théorie de la curiosité (Berlyne, 1960 ;

McClelland et al., 1953). Selon cette théorie, lorsqu’il y a confirmation des attentes, on ne

devrait pas observer de déviation hédonique, alors que de petites infirmations présentent un

potentiel de stimulation, par la surprise et la nouveauté75 qu’elles apportent : la déviation

hédonique serait alors positive. En revanche, de grandes infirmations seraient potentiellement inquiétantes, et conduisent à des déviations négatives comme dans la théorie de la négativité généralisée (figure 3-10). L’hypothèse H15 cherche à vérifier la validité des théories de la négativité généralisée et de la curiosité selon la taille de l’infirmation.

H15. La déviation hédonique

H15.1. est négative en cas de forte infirmation H5.2. est positive en cas de faible infirmation

75 On retrouve ici la notion de propriétés collatives de l’environnement, fondamentale dans la théorie du niveau

La figure 3-10 précise les zones de validité des deux théories précédentes suggérées

par Schifferstein et al. (1999).

Figure 3-10 : Le rôle explicatif des théories de la curiosité et de la négativité

généralisée dans les phénomènes d'infirmation et de déviation (d’après Schifferstein et al., 1999 et Lange, 2000)

La théorie de l’assimilation-contraste (Hovland et al., 1957) présente une similitude fondamentale avec la théorie de la curiosité, dans le sens où elle tient également compte de la taille de l’infirmation ; ces deux théories prévoient des déviations comparables uniquement dans le cas des infirmations négatives, mais pas pour les mêmes raisons. Selon la théorie de

l’assimilation-contraste, en cas de faible infirmation (i.e. acceptable) le consommateur ne tient

Déviation hédonique :

Evaluation globale – Evaluation hédonique

Evaluation globale = attentes (Assimilation totale)

Attentes > Evaluation hédonique : Infirmation négative

Attentes < Evaluation hédonique : Infirmation positive Infirmation : Attentes-Evaluation hédonique Potentiellement menaçant Potentiellement menaçant Inintéressant Intéressant

Zone de validité de la théorie de la négativité généralisée (cas extrêmes de la théorie de la curiosité)

Théorie de la curiosité

Théorie de l’assimilation-contraste

guère compte de l’écart ou l’attribue à la variabilité naturelle des produits : on observe dans ce

cas une assimilation. Si en revanche l’écart devient trop important et inacceptable76, on

observe un phénomène d’exagération, c’est-à-dire de contraste (figure 3-10).

H16. Une infirmation

H16.1. de faible amplitude entraîne un effet d’assimilation H16.2. de forte amplitude entraîne un effet de contraste

La théorie du prospect ou des gains et des pertes (Kahneman et Tversky, 1979) présente l’originalité de distinguer les infirmations non pas selon leur amplitude, mais selon leur signe. De même que la perception de l’amplitude paraît subjective, un gain ou une perte

d’importances similaires ne sont pas équivalents. Selon cette théorie, un gain (i.e. : une

infirmation positive ; le produit est meilleur qu’attendu) a moins de valeur qu’une perte (i.e ;

une infirmation négative). Schifferstein et al. (1999) en concluent que si le produit est

meilleur qu’attendu, l’évaluation globale s’éloignera peu des attentes, le gain au niveau de l’évaluation hédonique étant peu valorisé. En revanche, s’il est moins bon qu’attendu (perte), l’évaluation globale tendra davantage vers l’évaluation hédonique en aveugle.

H17. L’assimilation est plus forte en cas d’infirmation positive qu’en cas d’infirmation négative.

Les hypothèses formulées ci-dessus tentent de prendre en compte les infirmations des attentes et les déviations hédoniques et proposent de faire le point sur la pertinence des théories explicatives sous-jacentes. L’impact des phénomènes d’assimilation ou de contraste sur le processus de choix doit maintenant être précisé.