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144. Les développements ci-dessus ont démontré la « faisabilité » d’un droit commun des contrats à l’échelle communautaire. Un modèle valable pour le droit commun des contrats existe : les principes rédigés par la Commission Lando peuvent se targuer de constituer un des points de départ valables à une action future des institutions communautaires. Cette action semble imminente, si l’on en croit les appels répétés des institutions communautaires. Dès lors, en paraphrasant René David, nous devons constater que la question aujourd’hui n’est pas de savoir si le droit commun se fera mais plutôt comment il se fera. Tout ou presque est envisageable et envisagé 355. De la solution la plus ambitieuse, comme un « Eurocode » des contrats ou même des obligations 356 sous forme de règlement communautaire, à la plus minimaliste (simple promotion d’une sorte de Restatement à l’américaine par les autorités communautaires).

145. L’idée de codification relève, selon nous, uniquement de la symbolique juridique. Pour diverses raisons tenant autant à « la force des habitudes » qu’à celle « des symboles » 357 la codification est une entreprise fort difficile au plan interne. Sauf à opter pour une solution minimale, telle l’adoption d’un véritable Code communautaire des contrats 358 fondé sur la méthode de la codification à droit constant, une telle entreprise paraît particulièrement difficile à mener au plan communautaire. Or, dans cette dernière hypothèse, la symbolique juridique de la codification perd une grande partie de sa valeur.

146. Les solutions réalistes ont donc notre préférence. Ainsi, l’idée d’adopter une convention qui se présenterait comme une sorte de « loi-modèle » offerte aux Etats membres et à l’ensemble des contractants présente bien des avantages : respect des diversités nationales, souplesse, tremplin pour un futur règlement, et surtout cohérence vis-à-vis des règles d’attribution des compétences. Pour cela il faudrait que les autorités communautaires reprennent le texte des Principes sous la forme d’un acte communautaire plus ou moins contraignant. Toutes les possibilités peuvent être envisagées : règlement, directive, recommandation, convention … La solution offrant la plus grande flexibilité, aujourd’hui, est probablement celle de la convention entre Etat membres. Il s’agirait de transformer les

355 - Par les institutions : COM (2001) 398 final, précité, et par la doctrine : CHAMBOREDON (A.), La « texture ouverte » d’un Code européen du droit des contrats, JDI, 1, 2001, pp. 5-46. WITZ (C.), Plaidoyer pour un code européen des obligations, D., 2000, Chron., p. 82.

356 - Selon l’expression de Claude Witz. WITZ (C.), Plaidoyer pour un code européen des obligations, op. cit., p.

82.

357 - Voir en ce sens : CABRILLAC (R.), Recodifier, RTDCiv, 2001, n°4, pp. 833-846.

358 - On évoque par là un Code officiellement rédigé par les institutions communautaires, et non le fruit d’un travail d’éditeurs juridiques. Les différents « Code européens » déjà parus, quoique facilitant grandement l’accès au droit, n’engagent que leurs auteurs.

principes Lando en une sorte de « loi-modèle » proposée aux Etats membres ainsi qu’aux contractant par le biais d’une convention internationale signée par les Etats membres de l’Union. Cette hypothèse représente plusieurs avantages : elle s’inscrit dans la tendance actuelle qui privilégie l’adoption d’instruments non contraignants et soutient le développement des usages et des coutumes dans les relations contractuelles. Elle permet de respecter les diversités nationales si essentielles à la construction européenne, car comme l’a affirmé un auteur : « L’Europe juridique ne sera que si elle fait siens pluralisme et complexité, qui, dès l’origine, furent inscrit dans son histoire» 359. Pour assurer l’efficacité d’un tel choix, il conviendrait de charger un organe juridictionnel d’assurer l’application uniforme de ce texte, sans quoi il risquerait fort de ne pas être source d’harmonisation dans la pratique. Dans cette hypothèse, une application continue des règles de la convention, en dépit de leur caractère volontaire, aurait de forte chances d’entraîner une convergence accrue des droits des contrats nationaux, laissant ainsi opérer les modes naturels d’harmonisation. Enfin, si l’idée d’une convention entre Etats membres est réellement séduisante, c’est qu’elle permet d’envisager à moyen ou long terme le glissement vers un mode plus contraignant d’harmonisation. En effet, la plupart des dispositions de la Convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 27 septembre 1968 360 ont été adoptées sous forme de règlement communautaire le 22 décembre 2000. Ce règlement remplace le texte de la Convention, pour tous les Etats membres, à l’exception du Danemark, à compter du 1er mars 2002 361. On ne peut pas ne pas imaginer que les Principes Lando puissent jouir de la même méthode si le bilan de l’application de la convention se révèle positif.

147. Le réalisme oblige à remarquer que seule l’émergence d’une réelle volonté politique pourra permettre de passer outre les obstacles culturels, techniques et juridiques qui s’opposent aujourd’hui à cette construction. Le débat au sein de la doctrine française a été tardif et demeure limité, or comme aux XII et XIIIème siècles, lorsque la renaissance de l’idée de droit a débouché sur la création de la famille de droit romano-germanique, le rôle de la doctrine est capital à la fois pour le développement de la culture juridique européenne et pour l’évolution du droit. La transformation de l’embryon de règles analysées en véritable droit commun des contrats de l’Union européenne, dépend donc largement de l’intérêt que saura maintenant susciter, en France et dans les autres Etats, le thème de la construction contractuelle européenne. Or justement, si leur absence de valeur obligatoire ne les autorise pas à revendiquer pour eux-mêmes l’appellation de droit communautaire des contrats, les principes Lando peuvent servir de fondement à la (re)construction de la culture juridique européenne.

359 - ARNAUD (A.-J.), Pour une pensée juridique européenne, PUF, 1991, p. 86.

360 - JOCE du 31/12/72, n°L-299, p. 32.

361 - Règlement 44/2001, du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE n° L-12 du 16/01/2001, p.

1.

148. Si l’utilité pratique d’un corps de règles générales a été démontrée, il nous semble que la question de l’opportunité de la construction d’un tel corpus juris au plan communautaire demeure liée au développement des règles spéciales applicables aux contrats. Considérant, en outre, que la réalité d’un droit des contrats ne peut être affirmée qu’après la démonstration de l’existence de règles générales superposées à des règles spéciales, il nous faut à présent établir dans quelle mesure les institutions communautaires peuvent prétendre avoir donné naissance à un droit spécial des contrats.

TITRE II