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B - La recherche de l’équilibre contractuel

54. Mais la recherche de l’équilibre contractuel ressort plus nettement d’autres dispositions du texte. Il est ainsi prévu l’annulation des clauses contractuelles consacrant

126 - TERRE (F.) SIMLER (P.) LEQUETTE (Y.), Droit civil - Les obligations, Dalloz, Paris, 7ème éd., 1999, p. 410.

127 - Article 1162 du Code civil.

128 - Article 5.104 des Principes.

un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des contractants 129. La généralité des Principes Lando implique la nullité de ce type de clauses quelle que soit la qualité des cocontractants en cause : la notion de consommateur n’a aucun rôle à jouer dans la mise en œuvre de cet article. La seule faiblesse de la partie engendre l’application du principe. Le spectre de la faiblesse contractuelle est conçu de façon extrêmement large : celle-ci peut-être caractérisée par l’état de dépendance, une relation de confiance, un état de détresse économique ou de besoin urgent. Est également prévue la protection du contractant imprévoyant, ignorant, inexpérimenté ou inapte à la négociation. L’autre partie se verra imposer l’annulation dès lors qu’au moment de la conclusion du contrat, elle avait ou aurait dû avoir, connaissance de l’état de faiblesse de son cocontractant, et s’il ressort des circonstances ou du but du contrat, qu’elle a pris avantage de la situation avec une déloyauté évidente ou si elle en retiré un profit excessif.

Ce principe pourrait être rapproché de la théorie française de la lésion. Or, on connaît la réticence que le droit français manifeste à l’égard de cette théorie. La lésion se définit comme le préjudice subi par l’une des parties contractantes du fait d’un déséquilibre existant, au moment de la conclusion du contrat, entre les obligations réciproques.

Conformément à la tradition romaine, le Code civil français n’admet la lésion que dans certains contrats et à l’égard de certaines personnes et, même si certains tempéraments se sont fait jour sur ce point, c’est toujours à titre exceptionnel que sont admises les actions en rescision. Le droit allemand, au contraire, fait du déséquilibre grave entre prestation et contre-prestation, une cause d’immoralité du contrat 130 dès lors que le critère objectif (le déséquilibre entre les prestations) se double d’un critère subjectif (l’exploitation de la faiblesse de l’autre partie). Les dispositions des principes Lando semblent donc avoir été influencées par le droit allemand des contrats, caractérisé par un esprit de protection singulièrement marqué et s’opposent a priori au modèle français. La portée de cette opposition est pourtant à nuancer. Tout d’abord l’admission de la révision ou de l’annulation du contrat dans ces conditions compense en partie le silence absolu des Principes sur la notion de cause du contrat que les juges français utilisent régulièrement pour annuler les contrats lorsqu’il existe un déséquilibre trop flagrant entre les obligations réciproques des parties, en faisant ainsi un instrument de justice contractuelle. Comme cela a été dit à propos des Principes Unidroit qui présentent sur ce point des dispositions analogues : « L’admission générale de la lésion rendait donc superfétatoire l’exigence d’une cause de l’obligation » 131. Par ailleurs, ce qui est réglementé est une situation caractérisée par la subjectivité : la partie protégée l’est tout d’abord en raison de sa position de faiblesse mais aussi en raison du comportement déloyal du cocontractant. Il ne s’agit donc pas de sanctionner un déséquilibre purement objectif entre les droits et obligations

129 - Article 4.109 des Principes.

130 - §138 du BGB.

131 - FAUVARQUE-COSSON (B.), Les contrats du commerce international, une approche nouvelle : les Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, op. cit., p. 468.

des parties, ce qui permet de nuancer l’opposition entre le droit issu des principes et l’esprit du droit français. Cependant on ne peut que constater que les rédacteurs des principes ont très nettement opté pour la justice contractuelle, au détriment de la doctrine libérale qui fait du libre jeu des volontés individuelles la garantie de l’équilibre des prestations.

55. L’économie d’un contrat résulte des prestations auxquelles se sont mutuellement obligées les parties, mais aussi des stipulations contractuelles par lesquelles celles-ci organisent leur relation. Dans un même esprit de justice contractuelle, la Commission Lando a donc dû se préoccuper de ces clauses contractuelles. L’article 4.110 protège ainsi les contractants contre les clauses abusives n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle. Une clause peut être annulée, sur la base du principe de bonne foi si, n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, elle crée au détriment de l’une des parties un déséquilibre significatif. Celui-ci doit être évalué au regard de la nature de la prestation à effectuer, de toutes les autres clauses du contrat et des circonstances qui ont entouré sa conclusion. Les clauses relatives à l’objet du contrat et à la valeur des prestations à fournir sont exclues de l’application de la disposition. Cette dernière précision est conforme au droit français mais correspond aussi tout à fait aux dispositions de la directive communautaire relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs 132.

56. Les causes de nullité du contrat n’entraînent pas forcément, dans les principes Lando, l’engagement d’une procédure judiciaire. La nullité du contrat pourra être notifiée par la partie lésée à l’encontre de l’autre, sans intervention du juge. La notification de la nullité prend effet dès que son destinataire la reçoit. Cependant, il est toujours possible au destinataire de ne pas laisser produire d’effet à la notification en proposant l’adaptation du contrat, ce qui est prévu, par exemple, en ce qui concerne l’erreur 133. S’il s’agit d’une notification de nullité au titre de l’article 4.109, c’est-à-dire causée par un profit excessif, les deux parties -victime et bénéficiaire - pourront saisir le juge afin que celui-ci procède à un rééquilibrage des obligations contractuelles 134. L’intervention limitée du juge au profit du règlement unilatéral du litige mérite d’être soulignée. Elle laisse supposer la confiance que les rédacteurs des principes fondent dans le comportement responsable des parties, sans que l’on puisse pour autant y adhérer. Les règles concernant les effets du contrat, son exécution et les conséquences de son inexécution sont encore plus nettement orientées vers la protection de la justice contractuelle.

132 - Voir infra, §297.

133 - Article 4.105 des Principes.

134 - Articles 4.109-2 et 4.109-3 des Principes.