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2. Une méthodologie à l’épreuve des faits

2.1. Questionnements autour de l’unité d’enquête

2.1.4. Démographie des ménages des sites-pilote : quelques éléments chiffrés

2.1.4.3. Cinq types de ménages, cinq tendances démographiques

L’AFC entérine l’existence de cinq types de ménages. Ils correspondent bien aux situations que nous avions pu observer dans les différents sites d’étude. Ils sont également le reflet des limites de l’unité « ménage » ; l’analyse de deux des cinq types montre que le fonctionnement de cette structure familiale est indissociable, voire confondu pour partie avec le niveau fonctionnel supérieur : la concession. En utilisant les profils des modalités, ils ont été caractérisés de la manière suivante :

Tableau 4 : Typologie des tendances démographiques des ménages

Dénomination Types de

l’AFC Effectifs

Pourcentage des ménages enquêtés

Les jeunes ménages type B 86 20,2

Les ménages moyens type D 149 35

Les vieux ménages type E 126 29,6

Les méta-ménages type A 32 7,5

Les ménages dépendants type C 33 7,7

Réalisation : Mathilde Beuriot, 2007 – Source : Enquêtes OGM 2003 – 2005

Les jeunes ménages sont des ménages récemment installés. Le chef est plutôt jeune, une bonne majorité a moins de 36 ans, et monogame. Ils sont de taille réduite, comprennent rarement plus de six individus. Tous les membres sont présents au village, les enfants pour la plupart très jeunes ne sont pas encore en âge d’être confiés à un tiers ; le ménage encore trop balbutiant ne peut accueillir d’autres enfants non plus. Le nombre total d’actifs ne dépasse pas trois individus : le chef, son épouse et la jeune femme qui lui a été confiée lors de son mariage, généralement une jeune nièce ou cousine âgée d’environ 12 à 14 ans. Ces ménages ne comptent guère plus de trois unités de consommation car la descendance est encore peu nombreuse, les bébés allaités jusqu’à l’âge de 3 ans ne sont pas pris en compte dans les calculs.

Les ménages moyens sont un petit peu plus installés que les jeunes ménages. Les chefs plus âgés (de 36 à 56 ans) sont majoritairement monogames mais plus du tiers d’entre eux ont deux voire trois épouses. La taille des ménages en est de fait plus importante et ils comptent de six à onze membres. Les enfants sont ici aussi encore jeunes et ne font pas ou très peu l’objet d’adoptions. Par contre, les ménages sont en mesure de prendre en charge des neveux, des nièces ou des tokhoma ; tous ne le font pas mais ils peuvent accueillir de un à cinq jeunes adolescents. La force de travail et par ricochets les unités de consommation sont moyennes : trois à six individus travaillent et les ménages comptent de trois à six unités de consommation, ces dernières dépendant du nombre et de l’âge des enfants (qui ne comptent que pour moitié jusqu’à 15 ans). Les ménages moyens pourraient également être qualifiés de « ménages typiques » eu égard à leur effectif important (149) et à la position du nuage d’individus statistiques sur le graphique de l’AFC : très proche des axes donc des valeurs moyennes. C’est la tendance démographique la plus représentée dans l’ensemble des sites.

Les vieux ménages sont des ménages installés depuis longtemps. Les chefs sont polygames à une très large majorité et sont plutôt âgés : ils ont largement atteint 55 ans, voire 70 ans pour le quart d’entre eux. Ces ménages comptent de nombreux membres, souvent plus de 10 personnes mais il s’agit majoritairement de femmes : épouses et jeunes femmes non encore mariées. Plus de la moitié des vieux ménages ne comptent que 6 à 9 individus qui travaillent. Le pourcentage d’absents est très élevé, jusqu’à 50 % : les jeunes hommes, devenus adultes, sont partis fonder leur propre ménage et les jeunes femmes rejoindre la famille de leur époux ; les adolescents ont souvent été confiés à des tiers en ville pour qu’ils puissent suivre des études ou des apprentissages. Ces ménages ne prennent plus, en revanche, d’enfants en charge si tant est qu’il l’ait eu fait par le passé, et le solde est souvent négatif. Le chef, vieillissant, décline et son ménage avec lui.

Les méta-ménages dont les chefs présentent le même profil que celui des vieux ménages, ne sont en revanche pas du tout dans cette situation de lent dépérissement. Ils comptent d’ailleurs bien plus de membres (plus de 16) et très peu d’absents. Cette situation familiale peu fréquente (7,5 % des ménages de la base de sondage) peut s’expliquer de deux manières :

- certains chefs de ménage dirigent des écoles coraniques et comptent parmi les membres de leur famille de nombreux garçons qui leur sont confiés pour l’apprentissage du Coran. Ces derniers vivent sur place et sous l’autorité de leur hôte durant le temps de leur formation ;

- au sein du groupe baga, mais pas exclusivement, certains jeunes hommes mariés ne quittent pas le foyer paternel et s’y installent avec leur(s) épouse(s) et leur(s) enfant(s). Le chef de l’habitation est alors le père mais son ménage englobe plusieurs ménages : sa propre famille nucléaire et celles de ses fils mariés qui se sont installés chez lui. Cette situation montre les limites de l’unité « ménage » qui équivaut quasiment dans cette situation singulière à la concession (la réunion de plusieurs ménages relevant de l’autorité du plus ancien). Parce qu’ils vivent sous le même toit et répondent donc au critère d’unité spatiale, une bonne part des méta-ménages ne sont pas dans les faits des ménages tels que définis dans ce chapitre, ni même des concessions à proprement parler puisque tous les fils mariés ne s’installent pas chez leur père. Il s’agit plutôt d’un niveau fonctionnel intermédiaire lié à des pratiques socio- culturelles spécifiques.

De la même manière, les ménages dépendants mettent en défaut l’unité « ménage » mais dans un sens tout à fait différent. Là encore, il s’agit de situations familiales peu fréquentes qui ne concernent que 7,7 % des ménages interrogés. Situations transitoires ou fins de vie, les ménages dépendants ont pour principale caractéristique d’être des ménages « amputés » : séparés, divorcés ou veufs, les chefs de ménage sont soit des femmes soit de très vieux hommes seuls ou en couple si une épouse est encore en vie. La taille de ces ménages est très réduite et n’excède pas, pour le quart d’entre eux, deux individus. Ils sont dépendants car, qu’il s’agisse d’un vieil homme (ou d’un vieux couple) ou a fortiori d’une femme et ses enfants, ils ne sont pas en mesure d’assurer un travail suffisant pour pourvoir à leurs besoins. Ils sont généralement placés sous la tutelle d’un autre ménage mieux installé. Celui-ci s’occupe de subvenir aux besoins des anciens ou aide les femmes à s’occuper de leurs enfants, prenant les décisions qu’elles ne peuvent que rarement prendre seules officiellement dans ces sociétés patriarcales. Cette tutelle peut être assurée par le ménage d’un fils dans le cas des vieux hommes. Dans celui des femmes « chefs », elle est le plus souvent assurée par le ménage du frère aîné ou cadet du mari défunt ; quand ces dernières sont divorcées, il s’agira plutôt du ménage de leur père ou d’un oncle paternel ou maternel. En considérant toutes les situations des ménages dépendants, il est clair qu’un niveau fonctionnel

intermédiaire entre le ménage et la concession apparaît de nouveau indirectement dans l’analyse.

Les cinq tendances démographiques qui viennent d’être évoquées ne dépendent d’aucune localisation précise. Elles se rencontrent dans tous les sites. À quelques exceptions près, l’appartenance ethnique n’en est pas non plus un facteur explicatif. Il convient de noter ici que les situations familiales qu’elles révèlent sont caractéristiques de celles décrites dans les travaux portant sur le quart ouest-africain (Gautier, Pilon, 1997). Contrairement aux renégociations qui s’opèrent dans bon nombre de pays du Sud et qui entraînent une diversification des formes de relations interindividuelles (Gautier, Pilon, 1997), les pays d’Afrique, particulièrement en zone rurale, ne connaissent pas de transformations majeures des structures familiales, ce malgré l’intensification des échanges avec les pays du Nord. Les résultats d’analyse présentés ici en attestent. La parenté reste un cadre relativement stable du fonctionnement social.

2.2.

Les questionnaires : une méthode itérative qui suit les activités

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