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L ES CARTES COGNITIVES

1.4. Carte causale et cartes d’influence

Le mot « carte causale » est souvent utilisé pour désigner une forme particulière de cartes cognitives. Cette carte est un schéma, une représentation graphique dont les liens sont des liens de cause à effet. Elle se compose de concepts et de liens qui les unissent (Allard-Poesi 1996; Cossette 2004; Eden, Ackermann, et Cropper 1992), et en cela elle a la même forme que le schème précédemment décrit. C’est pour cela que Weick utilise

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indifféremment le mot de « cartes mentales » pour désigner la structure de la pensée et l’outil graphique.

Les concepts de la carte cognitive peuvent être des variables, des facteurs, des construits, etc. Les liens peuvent être des liens d’égalité, de similarité, d’implication, de proximité, de contiguïté ou, le plus souvent, de causalité.

On appelle généralement ces cartes des « cartes causales » car elles représentent des liens de cause à effet (Langfield-Smith 1992; Verstraete 1997a, 1996), c’est à dire qu’elles proposent des relations explicatives entre les concepts.

Cette forme causale est assez « naturelle ». Langfield-Smith (1992) explique que les croyances qu’un individu a concernant un domaine peuvent être modélisées sous forme de relation causale. En effet, les psychologues et psychologues sociaux ont démontré qu’il existe une structure causale au sein de l’univers cognitif, et que le fait d’interpréter consistait à représenter le monde sous une forme causale (Verstraete 1997a). L’univers cognitif, sous la forme de schèmes, se structure en liant entre eux des facteurs et des conséquences. La carte causale aura donc l’avantage d’être plus facile à implémenter (car elle aura une forme plus facile à saisir pour les acteurs) et sa force de représentation sera meilleure car elle sera plus proche de la façon dont les individus appréhendent le réel.

Cela semble au demeurant assez évident au vu de la performativité du modèle rationnel dans les organisations. Les individus sont habitués à penser sous forme causale du fait de la place importante des théories du choix social dans le monde managérial.

Dans une carte causale, chaque concept est toujours accompagné de son contraire.

Ainsi, par exemple, si la performance entraîne la croissance, il est sous-entendu que la non-performance aura l’effet inverse. Cossette appelle « construit » l’ensemble que forment un concept et son opposé. Les cartes causale peuvent comporter des liens de causalité positifs (la cause et l’effet varient dans le même sens) ou négatifs (ils varient dans un sens opposé) (Verstraete 1997a). Ainsi, si le lien est positif, lorsque l’un des deux concepts se développe, celui qui lui est directement relié augmente aussi, tandis que si le lien est négatif, lorsque l’un des deux concepts augmente, l’autre baisse.

D’autres liens peuvent par ailleurs apparaître : temporels (le concept à la queue de la

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flèche apparaît avant celui en bout de flèche, sans qu’il y ait forcément de causalité), de similitude (les concepts reliés « se ressemblent »), de moyens à fin, etc.

Cossette (2004) préfère proposer le terme de « cartes d’influence » à celui de « cartes causales » pour dépasser ces difficultés liées au flou qui entoure bien souvent la signification des liens. Bien souvent, il est difficile de distinguer si la carte propose des liens de cause à effet (par exemple : lorsque les prix baissent, les ventes augmentent) ou de moyen à fin (par exemple : baisser les prix permet d’augmenter les ventes). Dans le premier cas, il s’agit d’une relation simplement mécanique : comment l’organisation peut agir ; alors que dans le second, il existe une intentionnalité, et donc une vision stratégique, une volonté délibérée : pourquoi les choses semblent fonctionner comme elles le font. C’est l’un des éléments que Lorino (2002) met en avant lorsqu’il définit l’outil. Replacer l’intentionnalité dans l’outil, c’est une façon de redonner à l’humain une place centrale. L’outil n’agit pas seul, mais il agit sous l’impulsion d’un sujet animé d’une intention.

Nous retrouvons également là les deux pôles de la croyance de Weick (1995). La carte a un pouvoir prédictif : comment se passent les choses. La prédiction représente l’aspect mécanique des choses : si je fais A, B se produira. Cela rejoint ce que Verstraete appelle la discipline prospective qui consiste à identifier les facteurs clés de succès et les facteurs stratégiques de risques pour comprendre le système explicatif de l’individu (1996 ; 1997). « Cette prévision est fondée sur les liaisons qu’il fait entre les facteurs qu’il perçoit (éléments, évènements, croyances, acteurs, etc.) et à partir desquels il structure ses schèmes cognitifs. » (Verstraete 1997a, p. 44). Nous parlons donc là en termes de causes et d’effets, de facteurs et de conséquences.

La carte a aussi un pouvoir explicatif, d’argumentation. C’est le pourquoi : Elle permet de justifier son action, de justifier ses décisions. Rappelons que l’argumentation prend cette forme : Comme je veux obtenir le résultat B, je fais A. L’argumentation s’appuie donc sur les prédictions pour exprimer les préférences de décision, c’est à dire, finalement, les moyens que l’on veut mettre en œuvre pour atteindre la fin que l’on s’est fixée. Elle répond donc, semble-t-il, à l’enjeu transactionnel que nous nous sommes fixé, puisqu’elles seront à même de favoriser le débat.

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Une carte dite d’influence pourra être utile pour identifier les buts à atteindre, les conséquences à éviter et les options stratégiques possibles (Allard-Poesi 1996). On peut en conclure que c’est un outil intéressant pour représenter les croyances des acteurs.

Notre objectif est non seulement de représenter les croyances des individus, mais également de les faire dialoguer. Afin d’opposer les arguments, de créer le débat, de

« négocier » le réel. Ces cartes sont donc amenées à être mises en « conversation », afin de se placer à un niveau collectif. Seront-elles alors à même d’aider à la décision collective, comme l’ambitionnent plusieurs auteurs (Allard-Poesi 1996; Eden 1993;

Verstraete 1997a, 1996; Cossette 1996) ?