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Caract´ erisation de la modulation de courant

4.3 Mesure collective d’´ emetteurs

4.3.3 Caract´ erisation de la modulation de courant

Apr`es avoir ´et´e caract´eris´ees en r´egime standard, les cathodes `a grille sont soumises `a des cycles I-V `a diff´erentes tensions de polarisation Vbias. On applique g´en´eralement

des tensions de 10 `a 40 V dans les deux polarisations. Un exemple de courbes typiques obtenues dans ce travail est pr´esent´e sur la figure 4.19, qui trace le courant d’anode en fonction de la tension d’anode. La courbe noire est la courbe d’´emission nominale `

a Vbias=0V, les courbes en rouge sont obtenues en r´egime d’amplification `a Vbias < 0

tandis que les courbes bleues caract´erisent le r´egime d’´ecrantage avec Vbias> 0V.

Figure 4.19: Courbes d’´emission en modulation sur l’anode. A 50 µA, le rapport On/Off est de 200 en amplification et de 10 en ´ecrantage, pour une polarisation de ±40

Chapitre 4. Caract´erisation en ´emission de champ des cathodes `a micro-vias 155

Analyse des courbes I-E dans les diff´erents r´egimes de polarisation A la lecture du graphique, plusieurs constats s’imposent :

1. Les courbes I-E d´ependent de la polarisation, avec une amplification du courant pour Vbias < 0V et une diminution pour Vbias > 0V.

2. Ce d´ecalage n’est pas sym´etrique dans les deux polarit´es. Alors que, conform´ement `

a la th´eorie, les courbes d’amplification sont simplement translat´ees de ∆Emacro

proportionnel `a ∆Vbias, l’allure des courbes d’´ecrantage est quant `a elle trans-

form´ee, et elles ne se distinguent qu’`a fort champ appliqu´e.

3. En termes de modulation de courant, on ´evalue le rapport On/Off `a 50 µA en appliquant 40 V en amplification `a 200, alors qu’il n’est que de 10 en ´ecrantage.

Ce comportement peut s’expliquer en regardant l’´evolution des autres courants ca- ract´eristiques de la cathode (Figure4.20) : le courant de grille d’une part, et le courant du substrat (c’est-`a-dire venant du r´eseau de nanotubes) d’autre part.

Figure 4.20: Courbes d’´emission modul´ees des courants a) de grille et b) de substrat. A 50 µA, le rapport On/Off sur le courant substrat est de 200 en amplification et en ´ecrantage, pour une polarisation de ±40 V. Le d´ecalage des courbes en champ est le

mˆeme en amplification (∆E1) et en ´ecrantage (∆E2) pour le courant substrat.

Ainsi, la mesure du courant de grille r´ev`ele une courbe I-E typique d’une ´emission Fowler-Nordheim. Il semblerait donc que des ´emetteurs parasites soient soumis au champ d’anode et ´emettent des ´electrons, de mani`ere non n´egligeable (environ 5 µA `a 10,5 V/µm alors que le courant du r´eseau est de 45 µA, soit 10% du courant total). Cette ´

emission parasite n’est pas modul´ee par la tension de polarisation puisque les ´emetteurs se situent sur la grille et non sur les ´electrodes de contrˆole. Proche des ´electrodes de contrˆole, les nanotubes parasites sont modul´es dans le sens oppos´e des nanotubes du r´eseau (le courant ´emis `a Vbias < 0V est inf´erieur `a celui ´emis `a Vbias> 0V ).

A l’inverse, le courant venant du r´eseau de nanotubes est, lui, parfaitement modul´e par la tension de polarisation (Figure 4.20.b). D’ailleurs, cette modulation est sym´etrique dans les deux polarit´es avec :

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– en champ appliqu´e : un d´ecalage des courbes ∆Emacro proportionnel `a ∆Vbias,

d’environ 1 V/µm pour 10 V de polarisation ;

– en courant : un rapport On/Off de 200 `a 50 µA pour une polarisation de ±40 V. Or, le courant collect´e correspond au courant ´emis par toute la zone ´emissive, c’est-`a- dire `a la somme des courants ´emis par les ´emetteurs parasites et les nanotubes du r´eseau (Figure4.21). Lors de la modulation, la contribution en courant du r´eseau est modul´ee, alors que celle de la grille reste identique et agit comme un courant limite minimal en ´

ecrantage (mode de fonctionnement o`u le courant du r´eseau tend vers 0).

Figure 4.21: Courbes d’´emission mesur´ees sur chacune des trois ´electrodes : anode, grille et substrat. Le courant d’anode est la somme des contributions des courants

d’´emission de grille et de substrat.

Ces r´esultats mettent en avant le rˆole crucial des parasites dans les propri´et´es de modu- lation des cathodes `a grille, contrairement aux cathodes standards pour lesquelles ils ont seulement un rˆole dans la stabilit´e de l’´emission. Leur pr´esence est ici fondamentalement limitante, en particulier dans le r´egime d’´ecrantage. C’est pourquoi une ´etude sp´ecifique du traitement des parasites dans le cas des cathodes `a grille a ´et´e men´ee, avec la mise en place de diff´erentes solutions technologiques au niveau de la fabrication des cathodes et de leur traitement post-croissance, chacune ´evalu´ee par un test d’´emission de champ (voir AnnexeD).

R´esultats : synth`ese des rapports On/Off obtenus

Pour autant, en ne consid´erant que le courant provenant du substrat, on peut ´evaluer le rapport On/Off potentiellement atteignable si l’on arrivait `a se d´ebarrasser des crois- sances parasites. Les r´esultats pr´esent´es Figure 4.22 regroupent les performances me- sur´ees sur 23 cathodes `a r´eseau peu dense. Le rapport On/Off consid´er´e ici est d´etermin´e par le rapport entre le courant de 50 µA de la polarit´e la plus n´egative (jusqu’`a -60 V) et le courant obtenu au mˆeme champ pour la polarit´e la plus positive (jusqu’`a +40 V). Les rapports sont calcul´es pour le cas id´eal avec le courant substrat et pour le cas r´eel avec le courant d’anode.

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Figure 4.22: Rapport On/Off effectif sur le courant d’anode par rapport `a celui id´eal sur le courant de substrat, d´etermin´e pour un courant On de 50 µA (bleu) ou 10 µA

(rouge). Les 7 cathodes entour´ees ont un rapport On/Off > 104.

Ces r´esultats indiquent qu’un rapport On/Off id´eal sup´erieur `a 1 000 000 a pu ˆetre obtenu `a de multiples reprises, et que plusieurs cathodes ont d´epass´e le rapport On/Off effectif de 10 000 sur le courant d’anode. A notre connaissance, ces perfor- mances n’ont jamais ´et´e atteintes `a ce jour, pour des cathodes `a nanotubes `a grille planaire.

De plus, les points situ´es dans la partie sup´erieure du graphique (au-dessus de la droite) peuvent susciter quelques interrogations. Pour comprendre cette observation, il faut se rappeler que les cathodes `a grille souffrent d’un probl`eme d’isolation (voir 3.4). Or, le courant de fuite entre la grille et le substrat, s’il n’est pas visible sur le courant d’´emission collect´e par l’anode, fait partie du courant mesur´e sur l’´electrode de grille et du substrat. En consid´erant la fuite constante avec le champ ext´erieur, on peut soustraire par post-traitement le courant de fuite visible sans ´emission au reste des courbes I-V du substrat et de grille (fait sur tous les graphes), mais cette correction n’est pas parfaite et un courant d’offset (plus faible) existe toujours. Ainsi, le courant de fuite augmente le courant Off du substrat et donc diminue son rapport On/Off. On a donc deux effets qui entrent en jeu et qui agissent sur des courants diff´erents : les parasites ajoutent un offset au courant d’int´erˆet sur l’anode, tandis que la fuite due `a une mauvaise isolation affecte les courants de substrats et de grille, en plus de diminuer la polarisation effective de la cathode et donc la modulation du courant d’´emission.

Enfin, le rapport de 104 d´ej`a obtenu est exploitable dans bon nombre d’applications industrielles. Pour le secteur m´edical o`u un rapport de 106 doit ˆetre atteint, des

am´eliorations restent `a apporter mais celles-ci paraissent raisonnables au vu de l’avanc´ee des r´esultats (Figure 4.23). En outre, si la valeur relative du courant On par rapport au courant Off est importante, la valeur absolue de chacun d’entre eux l’est ´egalement. En particulier, le courant Off d´etermine le courant de fuite du tube RX transform´e en dose RX r´esiduelle sur le patient, il est donc primordial de le r´eduire. Or sur ce point ´

egalement, les cathode `a grille ont un avantage par rapport aux autres cathodes ou montages triode. Les photocathodes de Hudanski [110] par exemple (voir Figure1.37),

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Figure 4.23: Courbes d’´emission du meilleur rapport On/Off obtenu, de 150 000 pour ∆Vbias=90V `a 50 µA et 40 000 `a 100 µA.

sont illumin´ees en r´egime nominal. La diminution de la puissance lumineuse diminue le courant d’´emission jusqu’`a ˆetre limit´e par la caract´eristique de la photodiode. Le courant Off est d´etermin´e par le courant d’obscurit´e de la photodiode, qui reste passante dans une certaine mesure mˆeme sans ˆetre illumin´ee, avec un courant de fuite de plusieurs dizaines de µA. Avec les cathodes `a grille, la possibilit´e d’amplifier et de diminuer le courant `a un champ donn´e permet de s’affranchir de cette notion de courant de fuite ou courant Off limite. La seule limitation du courant Off (sur l’anode) est fix´ee par la tension de polarisation applicable sans claquage de la structure (et le courant parasite). Validation exp´erimentale du mod`ele ´electrostatique

D’autre part, l’analyse du courant du substrat permet de s’affranchir des perturbations dues aux parasites et de comparer la modulation exp´erimentale d’une cathode enti`ere au mod`ele th´eorique ´etabli pour un nanotube (Figure4.26). Nous avons d´ej`a remarqu´e que le d´ecalage en champ th´eorique des courbes I-E `a un courant donn´e ´etait inversement proportionnel au param`etre Γ (Eq. (2.31)). Partant de ce constat, nous avons propos´e une premi`ere m´ethode manuelle d’extraction de Γ, qui proc`ede par r´egressions lin´eaires successives (pour minimiser l’incertitude de mesure). On commence par tracer le champ appliqu´e `a un courant donn´e I selon la tension de polarisation pour diff´erents courants. Les courbes obtenues sont des droites d’ordonn´ee `a l’origine Emacro,0 correspondant au

champ de fonctionnement nominal sans polarisation et de pente a.

Emacro|I = Emacro,0|I+ a|I.Vbias (4.6)

Pour chacun des courants, on peut donc calculer la tension d’extinction associ´ee Vbias,Of f |I = Emacro,0|I/a|I et tracer la courbe Vbias,Of f |I = f (Emacro,0|I). Le mod`ele

indique que l’on doit obtenir une droite de coefficient directeur RΓ (Eq. (2.31)). Connais- sant le rayon d’´electrode R, on en d´eduit le param`etre Γ.

Cette m´ethode pr´esente l’inconv´enient d’ˆetre fastidieuse, avec la multiplication des points de mesure pour limiter l’incertitude. Nous avons donc cr´e´e un programme sp´ecifique de traitement des I-E permettant la d´etermination exp´erimentale du Γ ainsi que l’extraction automatique des rapports On/Off par une m´ethode de minimisation

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Figure 4.24: M´ethode d’extraction du Γ `a partir des courbes I-E : a) ´evolution du champ de fonctionnement selon la polarisation pour diff´erents courants ; b) tension

d’extinction en fonction du champ macroscopique `a Vbias=0V.

(Figure4.25). L’algorithme est fond´e sur la mˆeme hypoth`ese du d´ecalage en champ avec la polarisation (Eq. (2.31)). Pour chacune des courbes avec polarisation, il applique la translation en champ correspondante de mani`ere `a superposer la courbe polaris´ee `a la courbe standard `a 0V. L’algorithme consiste donc `a chercher le param`etre Γ tel que la distance entre les courbes I-E pour les diff´erentes polarisations soit minimale.

Figure 4.25: Capture d’´ecran du programme cr´e´e pour l’exploitation des courbes IV des cathodes `a grille, notamment l’extraction du param`etre Γ et des rapport On/Off.

Les r´esultats obtenus sont pr´esent´es Figure 4.26. En consid´erant simplement le rayon d’´electrode et en comparant les r´esultats `a la courbe th´eorique du mod`ele `a transition lin´eaire, deux constats s’imposent :

1. les r´esultats exp´erimentaux ne se superposent pas `a la courbe du mod`ele th´eorique `

a transition lin´eaire ˜Λ ;

2. l’allure de la courbe exp´erimentale est similaire `a la courbe th´eorique du mod`ele `

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Figure 4.26: Comparaison du facteur de modulation Γ exp´erimental et th´eorique

Au Chapitre 2 nous avions ´etudi´e l’influence de la structure r´eelle des micro-vias sur la modulation. Nous avions ainsi montr´e que pour la g´eom´etrie de notre structure (no- tamment en termes d’´epaisseur d’isolant), l’hypoth`ese de lin´earit´e du potentiel le long de l’isolant n’´etait pas valable et que le mod`ele de Γ `a transition lin´eaire ne pouvait pas s’appliquer. Au contraire, l’allure du potentiel dans la couronne d’isolation indiquait un mod`ele de jonction abrupte de potentiel avec l’introduction d’un rayon ´equivalent Req = R +Λ. Nous avons donc retrac´e les r´esultats exp´erimentaux comme Γ( ˜heq) et nous

y avons ´egalement ajout´e une correction sur la perte de modulation due `a l’´ecrantage entre ´electrodes (Figure 4.27). Avec ces deux corrections, les r´esultats exp´erimentaux obtenus sur des cathodes enti`eres sont en tr`es bonne ad´equation avec le mod`ele th´eorique ´

etabli pour un nanotube unique.

Figure 4.27: Comparaison du facteur de modulation Γ exp´erimental et th´eorique en tenant compte du mod`ele de rayon ´equivalent et de la correction de l’´ecrantage des

´

electrodes.

En conclusion, nous avons d´emontr´e le principe de la modulation de l’´emission sur des dizaines de cathodes `a grille surfacique `a nanotubes de carbone. Les courants obtenus pour des cathodes `a r´eseau peu dense restent am´eliorables, de l’ordre de 200 µA pour un courant d’utilisation en modulation entre 50 et 100 µA. Le rapport On/Off du courant obtenu pour des polarisations de l’ordre de ±40 V a atteint r´eguli`erement 104 sur le courant collect´e par l’anode. Cette d´emonstration marque peut-ˆetre les pr´emices d’une nouvelle `ere de la modulation de l’´emission de champ avec des cathodes froides. Il faudra

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bien sˆur, pour cela, augmenter le nombre de cathodes avec de telles performances d’une part, et augmenter le niveau du courant d’´emission d’autre part. Par ailleurs, alors que le mod`ele ´electrostatique ´etabli pour un nanotube de carbone a ´et´e valid´e en analysant les courbes d’´emission `a partir du courant substrat, on observe une dissym´etrie de la modulation sur le courant d’anode, en particulier en r´egime d’´ecrantage. Nous avons ainsi confirm´e exp´erimentalement les deux probl`emes principaux observ´es lors de la fabrication des cathodes, qui gˆenent `a la fois leur fonctionnement et leur caract´erisation : l’isolation des ´electrode surfaciques et les croissances parasites.