• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I. COMBINATOIRE DES V_AFFECT : CHOIX THEORIQUES

1. Les V_affect

1.3. Caractéristiques des V_affect en arabe

Dans cette section, nous étudions les V_affect en arabe. Nous décrivons brièvement les principales propriétés de cette langue, les caractéristiques des verbes en arabe en général et

des V_affect en particulier. Les équivalents arabes ont été établis21 à partir de dictionnaires bilingues français-arabe, arabe-français.

1.3.1. Propriétés des verbes en arabe

Signalons tout d’abord que la grammaire arabe connaît deux types de phrases : la phrase nominale et la phrase verbale. La phrase verbale est une phrase dans laquelle il existe au moins un verbe, qu’on appelle [fiʕl] (verbe) (cf. Cohen 1989). La construction simple de la phrase verbale réside dans la combinaison d’un verbe et d’un sujet, appelé [fāʕil] (agent). Observons l’exemple suivant :

[7] Orig.translit : [ʒāʔa ʔal-ʔawlādu]

Trad.litt. : (viennent les-enfants) Trad.fr. : Les enfants viennent.

Comme le montre cet exemple, le verbe, dans une phrase verbale, occupe la première place, contrairement à ce qu’il se passe en français, où l’on place régulièrement le sujet avant le verbe : le sujet [fāʕil] (agent) ([ʔal-ʔawlādu] (les-enfants)) (cf. Kouloughli 1994 et 1998 concernant la structure thématique en arabe).

Le deuxième type est la phrase nominale, dans laquelle on ne trouve pas de verbe. Ce type de phrase se construit sur la combinaison de deux éléments principaux [mubtadaʔ] (thème) et [xabar] (rhème), comme l’illustre l’exemple suivant, issu du corpus ArabiCorpus22 :

[8] Orig.translit : [ʔal-ʔawlādu ju-ʕānūna ʔal-ʒūʕ] (Hayat 97)

Trad.litt. : (les-enfants ils-souffrent le-faim) Trad.fr. : Les enfants souffrent de la faim.

Nous laisserons de côté la question de la phrase nominale, qui ne concerne pas notre étude.

Au sein des phrases verbales, il faut distinguer deux formes de verbes : une forme simple et une forme augmentée. La première concerne le verbe nu [ʔal-fiʕl ʔal-muʒarrad].

21

Afin de rendre la lecture des lexèmes arabes plus commode, notamment pour les locuteurs non natifs, nous rappelons que nous avons adopté une présentation particulière, cf. « Précisions typographiques » en début de thèse.

22

Nous reviendrons sur la présentation de ce corpus dans le chapitre suivant, consacré à la présentation des corpus français et arabe et à la méthodologie du travail.

C’est la première forme du verbe, qui pourrait constituer l’équivalent de l’infinitif en français23.

[9] Orig.translit : [fariħa ʕabdu ʔassatār] (ArabiCorpus, Ghad01)

Trad.litt. : (se-réjouir-il abdu assatar) Trad.fr. : Abdu Assatar se réjouit de…

La deuxième forme, quant à elle, concerne les outils d’augmentation dont peut être doté un verbe. Ainsi, les verbes de cette langue peuvent avoir dix formes :

– une forme simple, qui marque le sens de la racine « faʕal » (faire)24

; – neuf autres formes25

, qui sont en relation avec la forme simple et produisent une modification au sens de la racine et même à la taille du verbe.

On peut également conjuguer les verbes arabes en ajoutant des désinences après la racine du verbe. Dans ce cas, il s’agit d’une conjugaison suffixale. Les suffixes ajoutés sont conçus comme des pronoms sujets du verbe, comme l’illustre l’ajout du morphème [t], qui marque la troisième personne de singulier.

[10] Orig.translit : [fariħa-t]

Trad.litt. : (se-réjouir-elle) Trad.fr. : Elle se réjouit de…

Arbaoui (2010), quant à lui, s’intéresse aux dix formes du verbe arabe. Il note que celui-ci peut apparaître sous différentes formes selon le sens qu’il exprime : le causatif, l’intensif, le réciproque, etc. Les exemples ci-dessous rendent compte de ces variations sémantiques :

[11]

[12] (ibid. : 12)

23 Contrairement au français, l’arabe ne possède pas d’infinitif (El Kassas, 2007). 24

La forme « faʕal » signifie « faire ». Elle permet de désigner le mot « fiʕl », qui signifie « verbe ». 25

Ces neuf formes sont : forme II, « faʕʕal » ; forme III, « faaʕal » ; forme IV, « ʔa-fʕal » ; forme V, « ta-faʕʕal » ; forme VI, « ta-faaʕal » ; forme VII, « ʔin-faʕal » ; forme VIII, « iftaʕal » ; forme IX, « ʔifʕall » ; forme X, « sta-fʕal ». Pour plus de détails sur ces formes verbales, cf. Sibawayh (1938) ; Arbaoui (2010).

La forme du verbe [kataba] en [11] a changé en [12] car elle indique la notion de causativité (correspondant, en arabe, à la forme III). Les actants changent aussi au niveau syntagmatique. De même pour les exemples suivants :

[13]

[14]

(Ibid. : 12)

Ici, le verbe [rasala] (a lavé) en [13] change de forme en [14] : [rtasala] (s’est lavé). Cette dernière forme (correspondant à la forme VIII en arabe) exprime le réflexif, moyennant l’infixation du morphème [t]. L’objet est ainsi supprimé26. Cette particularité morpho-syntaxique distingue l’arabe du français, ce qui a été souligné par Arbaoui de la manière suivante :

[…], ce qui est rendu en français par un élément qui se met à côté du verbe principal est rendu en arabe par un élément qui se met à l’intérieur du verbe principal. Il est vrai que l’arabe utilise un morphème du réflexif de la même manière que le français mais c’est le fait qu’il soit réalisé à l’intérieur de la forme verbale qui est à retenir. C’est la capacité qu’a le verbe de l’arabe classique à contenir un maximum d’informations et de traits qui fait sa particularité et le différencie du verbe français. (Arbaoui, 2010 : 12)

C’est à partir de la racine que s’obtiennent les dérivations des lexèmes, voire une famille de mots. Cela s’effectue par l’ajout de suffixes ou de préfixes. Nous reprenons l’exemple de la racine [Ka] [Ta] [Ba], proposé par Bouchaddakh (2009-2010) dans son étude sur la base de données lexicographiques bilingues français-arabe Dico-FRAR27. On obtient, par dérivation, les termes suivants :

26 C’est une similitude avec le français, où l’insertion du pronom « se » est accompagnée de la suppression d’un des arguments :

Pierre lave la voiture.

Pierre se lave. (Arbaoui, 2010 : 11)

27 Pour plus d’information sur cette base de données lexicographiques bilingues, voir en particulier la section 3.2. du chapitre I.

– le verbe [kataba] « écrire » ; – [kitāb] « livre » ;

– [kuttāb] « école islamique » ; – [kātib] « écrivain » ;

– [maktūb] « écrit ou lettres », etc. (Bouchaddakh, 2009-2010 : 2).

L’arabe présente ainsi une variation au niveau des formes que le verbe peut réaliser grâce à certaines modifications générées à l’intérieur même de ce verbe. Nous livrer à un tour d’horizon concernant ces différentes formes nous permettra de dégager celles auxquelles appartiennent les V_affect que nous avons sélectionnés.

Pour l’identification des lexèmes équivalents principaux proposés, une note de Bouchaddakh (2010 : 4) précise que la partie du discours de l’équivalent principal arabe correspond généralement à celle de la lexie française. En revanche, l’auteure stipule que cet équivalent arabe « peut parfois appartenir à une PDD [partie du discours] différente ou particulière à la langue arabe » (ibid. : 4), étant donné la possibilité de ne pas avoir toujours une correspondance parfaite entre les parties du discours arabes et françaises.

Ces caractéristiques nous permettent de comprendre la nature des collocatifs s’associant aux mots pivots (mots principaux) ; cela permet d’expliquer et de comprendre le mode d’association qui gouverne les collocations arabes d’affect et dont celles-ci résultent. Notre objectif est de comprendre comment les combinaisons des V_affect véhiculent des dimensions sémantiques particulières et donc de déceler comment ces associations sont formées. Les particularités des constructions syntaxiques en arabe nous amènent ainsi à porter tout particulièrement notre attention aux types de collocatifs variant en même temps que changent les formes verbales. Il s’agit véritablement d’une spécificité de l’arabe en regard du français, qui ne connaît pas la même variation de collocatifs en relation avec des changements de forme.

1.3.2. Les V_ affect en arabe

Il existe, à notre connaissance, très peu d’études sur les verbes d’affect en arabe, et encore moins dans une perspective contrastive. Certes, certains grammairiens se sont intéressés à l’étude des « verbes de cœur » (S.J. Donat Vernier, 1892 : 290). Néanmoins, cette catégorie ne relève pas véritablement du lexique des affects. Par ailleurs, la Grammaire arabe (S.J. Donat Vernier, 1892) consacre un chapitre aux verbes d’admiration. Cette étude recoupe

en partie notre sujet puisqu’elle énumère ces verbes et constate que tous les verbes d’admiration admettent un complément d’objet indirect. Ces verbes réfèrent aux domaines notionnels de l’amour, de la haine ou du désir. Un chapitre de Vernier traite de certaines constructions relatives à ces catégories de verbes : par exemple, lorsque ceux-ci apparaissent dans des structures passives, ils nécessitent l’ajout de la préposition [ʔilā] (à).

Nous considérons toutefois que ces remarques sont trop parcellaires et insuffisantes pour servir d’appui à notre étude. Il faut bien reconnaître que ce champ d’étude n’est pas exploré comme l’est celui du français. Cela constitue donc une difficulté mais justifie pleinement l’étude entreprise. La partie analytique (chapitres III, IV et V) permettra de mettre au jour certaines spécificités en arabe des verbes d’affect que nous aurons choisis.

Synthèse

Les V_affect ont fait l’objet de nombreuses recherches et classification, notamment en français. En revanche, le terrain de recherche sur ce champ sémantique demeure, à notre connaissance, très peu exploré en arabe, et encore moins dans une optique contrastive. Cela motive pleinement la recherche entreprise sur ces verbes dans une perspective contrastive interlinguistique.

Nous nous intéresserons, dans la section suivante, aux principaux classements des V_affect existant dans la littérature.