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Cadre conceptuel et émergence de la question de recherche 124!

Partie I. Revue de la littérature 29!

Section 2. Cadre conceptuel et émergence de la question de recherche 124!

d’une part imposé et d’autre part collectif. La pratique sociale, concept théorique central de cette recherche, est en étroite relation avec les littératures sur le tri des déchets et la famille. La figure 11 présente le cadre conceptuel de la recherche.

Figure 11. Cadre conceptuel de la recherche

! Le tri comme pratique sociale (imposée)

Le lien entre consommation environnementale et pratique sociale a été exploré au travers de l’enjeu d’adopter des routines de consommation tenant compte des problématiques environnementales actuelles. L’idée générale est de faire adopter aux individus des comportements durables au moyen de routines de consommation. Ces routines et ce changement social sont examinés sous l’angle de la pratique sociale, qui met en avant un comportement de type routinier. Deux manières d’approcher les pratiques sociales sont relevées dans la littérature. (1) La pratique émerge de comportements individuels : les individus sont engagés pour élaborer la pratique et font le choix d’y entrer. C’est le cas par

exemple des recherches de Hand, Shove et Southerton (2005) sur la pratique de la douche ou de Shove, Pantzar et Watson (2012) sur la pratique de la conduite routière. On relève également la recherche de Maggauda (2011) sur la pratique de la consommation de l’IPod. Toutes examinent une pratique qui est formée par des individus, au niveau microsocial. En conséquence, la pratique est étudiée dans une perspective macrosociale de reproduction et de changement, et ce bien souvent dans une logique historique. (2) Un second courant, moins conséquent, considère qu’il existe des éléments qui relèvent de la pratique, alors qu’on n’en avait pas nécessairement conscience. C’est le cas de la recherche menée par Arsel et Bean (2013) sur la pratique du goût dans le design intérieur. A priori, le goût ne relève pas d’un comportement. Mais le goût se traduit par des comportements routiniers, justifiant le recours à la pratique sociale comme cadre théorique (Arsel et Bean, 2013).

Mais, ce qu’aucune recherche n’a envisagé jusqu’à présent est le cas de la pratique imposée. Comment cela se passe t-il quand une pratique est imposée de manière brutale par les Pouvoirs Publics (au niveau macrosocial), comme le tri, au niveau microsocial ? Dans ce cas, comment est diffusée la pratique au sein des familles ? Il n’est pas évident que les familles s’engagent naturellement dans la pratique et elles n’ont a priori aucune liberté de choix pour y entrer. Nous nous situons avec le tri des déchets dans la conception inverse du point (1).

! Le tri des déchets comme pratique familiale

Les recherches académiques sur la consommation écologique familiale se sont penchées sur la prise de décision éthique (Carey, Shaw et Shiu, 2008) ou environnementale (Grønhøj et Ölander, 2007). Plus particulièrement, les recherches menées par Grønhøj (2006) et Grønhøj et Ölander (2007) utilisent les concepts de genre et de communication familiale. Les résultats de ces recherches mettent en avant la division des rôles au sein du couple parental : les pratiques environnementales sont le plus souvent portées par l’un ou l’autre des parents. Cette division genrée des rôles se caractérise également par une dichotomie intérieur/extérieure des tâches (Grønhøj, 2006). La communication familiale se révèle par ailleurs pertinente pour trouver des solutions aux problèmes quotidiens rencontrés par les familles, même si toutes les familles ne semblent pas accorder la même importance aux enjeux environnementaux. Une recherche a également retenu notre attention, celle menée par Meneses et Palacio (2005), qui a pour objectif d’aborder le tri des déchets sous l’angle des rôles et tâches tenus par les individus au sein du foyer (limité au couple parental). Leurs conclusions rejoignent celles d’Arcury, Scollay et Johnson (1987), Schahn et Holzer (1990) et Davidson et Freudenburg (1996) qui mettent en évidence le rôle de la femme dans les tâches domestiques. Plus

largement en marketing, il est montré que les tâches liées à la sphère domestique sont plus traditionnellement portées par les femmes (Davis, 1976 ; Miller, 1998 ; Kaufmann, 1997). Un dernier point concerne l’enfant, qui est le grand absent de ces quelques recherches. De nombreux éléments restent inexploités dans la littérature familiale au regard des pratiques écologiques. Majoritairement abordés sous l’angle de la prise de décision familiale (couple parental), les comportements écologiques n’ont pas ou peu été envisagés en incluant l’enfant dans la réflexion. Ce point sur la place des enfants est à approfondir.

! La routine de consommation familiale

Peu de travaux académiques étudient la consommation familiale dans la perspective de la routine. Tous les travaux menés font état d’une routine à l’échelle de l’individu. Nous souhaitons dans cette recherche mettre plus en avant les possibles contributions de l’étude de la routine à l’échelle collective, de la famille. Quelques recherches existent sur le repas familial, qui peut être assimilé à une routine de consommation. Ces recherches mettent cependant l’accent non pas tant sur la routine en elle-même que sur le concept d’identité familial (Guttiriez, Price et Arnould, 2008 ; Epp et Price, 2010). Ce point sur les habitudes familiales est donc à approfondir dans le comportement du tri des déchets.

Une analyse critique de la littérature sur les comportements écologiques, plus particulièrement sur le comportement du tri des déchets, amène au constat que peu d’apports existent dans notre domaine d’étude.

Trois limites principales sont soulignées :

! Toutes les recherches comprennent le tri des déchets comme un acte raisonné, et non comme une routine de consommation ; elles s’inscrivent majoritairement dans des cadres théoriques cognitifs et/ou normatifs.

! La théorie de la pratique sociale n’a jamais envisagé l’étude d’une pratique sociale imposée vs. choisie par les individus/les familles.

! Rares sont les recherches ayant inclus le niveau d’analyse collectif pour l’étude du comportement du tri et si elles existent, toutes se sont limitées à l’étude du couple parental. Or l’apport de l’enfant n’est peut-être pas négligeable.

La question du tri des déchets n’est en effet que très peu abordée sous un angle de routine de consommation et se limite bien souvent au niveau d’analyse individuel. La famille reste la grande absente de tous ces travaux sur le tri des déchets, alors même que la pression

institutionnelle se fait grandissante sur la nécessité d’un tri des déchets efficace. Les Pouvoirs Publics ne sont cependant pas en situation d’imposer le processus de tri dans les familles. La famille est par ailleurs un niveau d’analyse qui reste difficile à approcher en marketing. Les interactions entre ses membres ne sont pas abordées en consommation environnementale (à l’exception des travaux de Grønhøj et Ölander sur la communication familiale et le genre) et restent bien souvent limitées à l’étude de la prise de décision familiale (couple parental). On n’a donc pas idée du comment les familles trient leurs déchets, mais on a uniquement une idée de la finalité du tri, au regard des indications données par les Pouvoirs Publics.

Cette analyse nous permet de préciser et de formuler plus précisément notre question de recherche en se focalisant sur la construction du tri dans les familles :

Comment se construit la pratique sociale du tri des déchets dans les familles ?

! Comment se structure-t-elle ?

! Comment s’établissent les liens entre les différents éléments de la structure ? ! Comment les familles entrent-elles dans la pratique du tri ?