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En premier lieu, chacune des trois formulations de la mécanique présentées ci- dessus ore une représentation des phénomènes du mouvement au moyen de diérents principes généraux (deuxième loi de Newton, principes de d'Alembert et de Hamil- ton, principe de Hamilton modié) desquels on peut tirer des équations diérentielles permettant de prédire et d'expliquer le comportement de systèmes mécaniques. Le principe fondamental de la dynamique newtonienne est lui-même une équation dié- rentielle, dont le concept central est celui de force, exprimé au moyen d'une quantité vectorielle. Il exprime la relation qu'entretiennent à chaque instant les forces appli- quées au système et l'accélération de ce système ; en connaissant ces forces et les conditions initiales du système, on peut écrire les équations du mouvement, qui ont la forme du principe fondamental de la dynamique. Le principe de Hamilton est un principe variationnel qui exprime une condition (celle de la minimisation d'une in- tégrale) sur le mouvement des systèmes pris dans sa globalité, dont on peut déduire des équations diérentielles permettant de prédire et d'expliquer le comportement des systèmes mécaniques. Le concept central de ce principe et de ces équations est celui d'énergie, exprimé au moyen d'une quantité scalaire.

Si l'on considère ces principes comme les hypothèses que la théorie exprime à propos des phénomènes, et au moyen desquels elle nous permet de les comprendre, il semble, en un sens qui reste à analyser, que ces trois formulations ne disent pas la même chose du monde. L'une parle de forces et ore une représentation locale du

de la mécanique puissent être dites équivalentes en un sens strict, des diérences qui ne vaudraient pas comme des diérences  logiques  sont importantes pour l'analyse de l'activité théorique. On trouvera cependant, au chapitre 5, une critique des approches formelles en philosophie des sciences sur leur propre terrain. Je me contente, ici, d'appeler  équivalence logique  une équivalence empi- rique prouvée a priori, c'est-à-dire une équivalence telle qu'on ne peut pas déduire de conséquences contradictoires des diérentes formulations, quel que soit l'état du monde.

En quel sens parler d'équivalence ? 73 mouvement ; les deux autres parlent d'énergie, et en orent une représentation glo- bale.66En un sens pré-analytique et banal de la notion de signication, l'armation

selon laquelle la force et l'accélération sont proportionnelles n'a pas la même signi- cation que l'armation selon laquelle l'intégrale de la diérence de l'énergie cinétique et de l'énergie potentielle est stationnaire. De même, concevoir les phénomènes du mouvement en termes d'énergie ou en termes de force sont deux manières diérentes de se représenter le monde.

Certes, une fois dénis les concepts d'énergie et de force, chacune de ces deux armations est déductible de l'autre, et l'on peut raisonnablement armer que la compréhension de la mécanique classique  et de ce qu'elle dit des phénomènes  implique la compréhension de cette inter-déductibilité. Mais cela ne supprime pas ipso facto la diérence conceptuelle entre le principe fondamental de la dynamique et le principe de Hamilton. Un des buts de mon travail, dans son ensemble, est d'ap- profondir l'analyse de ce que l'on entend ici par  diérence conceptuelle , et de montrer que toute entreprise visant à la réduire à une diérence purement  psycho- logique  qu'une analyse philosophique de la notion de théorie ne doit pas prendre en compte est condamnée à manquer des aspects essentiels de cette notion. Pour l'heure, je me contente de souligner cette diérence, dont j'approfondirai l'analyse dès le cha- pitre 3, et je me concentre, dans ce chapitre, sur un autre type de diérences entre les formulations de la mécanique.

Outre cette diérence des principes et des concepts, les formulations de la méca- nique se distinguent en eet les unes des autres par la forme des équations  déduites de ces principes  au moyen desquelles elles permettent de résoudre des problèmes de mécanique. Ces équations gouvernent la dynamique des systèmes mécaniques en représentant leur conguration dans un espace géométrique, au moyen d'un certain type de coordonnées (coordonnées cartésiennes ou polaires, coordonnées généralisées). On a vu que les changements dans la représentation mathématique de l'état d'un système et dans la forme des équations qui lui sont associées ont d'importantes consé- quences pratiques pour la résolution de problèmes mécaniques. Dans certains cas, l'utilisation d'une certaine formulation rend impossible la mise en équations du pro- blème ; dans d'autres cas, c'est la résolution de ces équations qui est impossible. Ainsi, un changement dans la représentation mathématique d'un problème entraîne

66Signalons d'emblée une diculté supplémentaire, que l'on retrouvera au cours de l'analyse du

chapitre 3 : si l'on prête attention au langage mathématique utilisé dans ces diérents principes, la frontière entre formulations newtonienne et variationnelle n'est plus la même : en eet, le principe de d'Alembert est un principe diérentiel, comme le PFD de Newton, alors que le principe de Hamilton est variationnel.

74 Chap. 2. Formulations : principes et pratique dans certains cas un changement dans l'accessibilité67 des solutions de ce problème,

dans le type d'information dont il faut disposer à propos des systèmes étudiés (par exemple, connaître les diérentes forces appliquées au système), et dans les processus inférentiels que la recherche de ces solutions requiert. Dans la prochaine section, je me propose d'approfondir l'examen de la relation entre ces aspects pratiques et le type de représentation mathématique mis en ÷uvre par chacune des formulations.