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INTRODUCTION : DES CORPS ET DES SUJETS POLITIQUES

CHAPITRE 1. LA LOGIQUE CHARNELLE ET AFFECTIVE DE LA CHRONIQUE COLONIALE

24- Bangui – Genre Mondaine

1 6 : C a r t e p o s t a l e , A u g o u a r d , (missionnaire du Saint Esprit, Saint Paul d e s R a p i d e s ) , O u b a n g u i - C h a r i , 1910-1920, Collection Didier Carité.

48.- Congo Français. – BANGHI. – Petit léopard en nourrisse !

1 7 : C a r t e p o s t a l e , G e o r g a l a s (commerçant), Oubangui-Chari, 1923, Collection Didier Carité.

La case des miliciens


Archive 5 : « L’accueil charmant que nous font le gouverneur et Mme Deytte souligne encore davantage à nos yeux le chemin parcouru depuis 22 ans par notre action civilisatrice en ce pays. »

Correspondances de M. Rondet-Saint de passage à Bangui en 1932 . 70

Archive 6 : « Aujourd’hui, le foyer colonial existe, le couple français peut, s’il le veut, bâtir aux colonies et ne plus se

BOULVERT, Yves, Bangui. 1889-1989. Points de vue et témoignages, Paris : Sepia, 1994, p. 150 70

contenter d’y dresser des tentes. » Clotilde Chivas-Baron, 1929 . 71

Archive 7 : « Faut-il ajouter que tous deux sont d’excellents camarades et que leurs épouses font partie de cette phalange de femmes coloniales d’élite qui comprennent que leur devoir est de partager la rude existence des leurs et d’apporter à la colonisation cet appoint inappréciable de finesse, de grâce, d’élégance et de bonté que la Française répand autour d’elle comme un parfum. »

Correspondances de JM Pichat, fonctionnaire colonial de Brazaville, en 1932 . 72

Archive 8 : « Un autre principe, que l’on pourrait qualifier d’ethnique, doit également guider dans le choix de l’emplacement : séparer la vie de la population européenne de celle de la population autochtone. »

Médecin-Colonel Abbatucci, 1929 . 73

Les femmes françaises deviennent les sujets importants des cartes postales de l’époque. La plupart des cartes postales de ces montages appartiennent à la collection des missions du Saint-Esprit, fondées par Monseigneur Augouard, un fervent nationaliste et colon français favorable à la ségrégation. Ces images soutiennent une ségrégation raciale qui passe par le corps des femmes. La tenue des femmes françaises sur les cartes postales est une tenue politique, elle marque les espaces européens et les quartiers européens. Les femmes françaises font pleinement partie du projet politique et économique de l’État colonial (archive n.6). Ce changement des représentations s'accompagne d’un discours sur le maintien des distances raciales (archive n.8). La présence des épouses blanches sur les cartes postales est l’outil de construction d’une frontière raciale : les femmes colons marquent le foyer colonial comme un foyer blanc, et le centre-ville de la ville coloniale comme l’espace public de l’entre soi blanc.

Les représentations des indigènes expriment le pouvoir colonial : des quartiers indigènes séparés et contrôlés. Dans le Congo français, le code de l'Indigénat est appliqué à partir de 1908 et soutient les projets de ségrégation de l'espace urbain (Phyllis, 2006). A Bangui, le premier plan urbain de 1912 prévoit de construire une zone moderne et une zone africaine (Mabou, 1995), dans la logique du code de l’Indigénat, instrument

CHIVAS-BARON, Clotilde, La femme française aux colonies, Paris : Editions Larose, 1929, p. 196 71

BOULVERT, Yves, Bangui. 1889-1989. Points de vue et témoignages, Paris : Sepia, 1994, p. 150 72

ABBATUCCI Médecin-Colonel, « L’habitation coloniale et le mode relationnel d’existence aux colonies », La 73

vie aux colonies : préparation de la femme à la vie coloniale, / Ed. by Faure J.L, Paris : Editions Larose, 1938, p.

juridique de la ségrégation coloniale (Saada, 2003). Les représentations des femmes africaines sur les cartes postales mettent en scène l’idéologie de la femme indigène en voie de civilisation (Belmenouar et Combier, 2007). Les politiques de domestication des espaces

privés des colonisés marquent le début de la deuxième phase de la colonisation (Mama, 2004). Sur les cartes postales, les femmes colonisées sont le plus souvent accompagnées de leur mari, des fonctionnaires coloniaux, ou localisées dans le village indigène. Les représentations des colonisés comme des supplétifs de l’administration coloniale et comme des villageois soumis aux frontières du pouvoir font partie du dispositif politique visant à contrôler la population colonisée. Les poses rigides vues sur les cartes-postales coloniales expriment la présence du photographe qui est aussi le colon, l’administrateur ou le concessionnaire. La photographie coloniale est ici un « instrument de normalisation sociale [qui] concourt [à] la production et l’imposition des identités sociales » 74

soumises au contrôle administratif (Ouédraogo, 1996).

La tenue des femmes colons et des femmes colonisées est partie prenante de la politique coloniale qui marque, à partir du début du XXe siècle, la ségrégation raciale sur les corps et dans l’espace comme nouvelle phase de la colonisation.

18 : Carte-photo, anonyme, Bangui, 1933, Collection Didier Carité.

« Me voici avec mon singe Leco, ce roi des

resquilleurs. Fait à Bangui, le 9-3-33 »

19 : Carte-photo, anonyme, Bangui, 1934, Collection Didier Carité.

« Bangui 1934 ‘Au Café’ »

OUEDRAOGO Jean-Bernard, « La figuration photographique des identités sociales : valeurs et apparences au 74

Archive 9 : « J’embarquai Louison [sa concubine oubanguienne] à bord de la fameuse ’’aile volante’’ que l’adjudant Soubabère pilotait alors entre Brazzaville et Bangui. Elle me quitta et je demeurai sur le terrain, démuni, les poings serrés, avec l’impression que non seulement la France, mais la terre entière avait été occupée par l’ennemi. »

Romain Gary, La promesse de l’aube, 1960.

A partir des années 1920, les représentations des concubines disparaissent des cartes postales de la collection de Didier Carité. Dans les années 30’, les célibataires produisent encore des cartes-photos qu’ils envoient à leur famille en France, mais leurs concubines disparaissent des cartes-postales. Il y a un décalage entre les représentations de la colonie diffusée en métropole et les vécus des colons célibataires, aventuriers et militaires de l’Armée française. L’existence de la concubine de Romain Gary, qu’il a nommée Louison dans son récit autobiographique publié en 1960 (archive 9.) a disparu des cartes postales. À cette époque de l’entre-deux guerres, l’agence générale des colonies censure toutes les images transgressives sur les colonies (Belmenouar et Combier, 2007). Les célibataires aventuriers ne sont plus un repère des cartes-postales coloniales. C’est le discours de la stabilité et de l’installation qui domine, celui d’un espace domestique européen et blanc identifié par la présence des femmes blanches.