2.2 aux réalités locales
1. Le New Urbanism : principes et outils au service du renouvellement périurbain américain
2.1. b Ancrage contextuel et principes
Le projet de recherche Bimby s'appuie sur deux éléments contextuels principaux orientant fortement les débats institutionnels : la crise du logement et la lutte contre l'étalement urbain.
114 « Teintées de clivages thématiques et disciplinaires » (ANR, 2009). 115 AETIC, ESPACT 2050, MUSCADE, VegDUD.
116 OMEGA, D2SOU, MEDITOSS.
117 FLUIDE abordent la logistique urbaine utilisant les ports fluviaux, RESILIS se consacre à la résilience des systèmes urbains et BIMBY.
Bruno Sabatier — sociologue et chargé d’urbanisme au CETE Normandie — revient sur l’ancrage historico-‐conceptuel de Bimby dans le paysage de la recherche sur l’étalement urbain. Il souligne l’importance centrale de la recherche préliminaire de Bernard Le Roy118 qui permet à Bimby de se focaliser sur le tissu pavillonnaire diffus, sans complètement écarter les lotissements (Sabatier, 2013).
Benoît Le Foll et David Miet mettent en évidence l’angle socio-‐économique adopté par le projet de recherche. Ils font ressortir le potentiel urbain et foncier du pavillonnaire qui, construit à une époque moins préoccupée par la consommation d'espace, hérite aujourd'hui d'une place de choix dans les métropoles et d'un réseau urbain déjà constitué. La morphologie de ces espaces est aujourd'hui perçue comme un gisement d'espace à bâtir dès lors que l'on envisage des divisions ou des recompositions permettant de libérer des surfaces constructibles. De plus, l'évolution contemporaine des modes de vie, caractérisée par une urbanisation croissante, voit s'éloigner les souvenirs de la vie à la campagne se répercutant directement sur la taille des terrains (Miet, Le Foll, 2010). En cela, Bimby insiste sur l'intérêt de reconsidérer les tissus pavillonnaires sous l’angle d’une approche architecturale et urbanistique dans la démarche d'une réflexion sur la ville durable.
La recherche est organisée sous la forme d’une recherche-‐action. Les expérimentations sont nombreuses et forment un corpus propice à l’évaluation. Par ailleurs, Bimby donne lieu à un certain nombre de nouvelles expérimentations extérieures au projet, le plus souvent menées par des collectivités et réalisées par des agences qui ne sont pour la plupart pas « affiliées » au projet initial. Ce succès engendre un flou au niveau des pratiques actuelles. Pour cela, nos recherches reposent, d’une part, sur les travaux du projet de recherche et de ses partenaires directs et, d’autre part, sur les travaux de Villes Vivantes, l’agence créée, en 2013, par D. Miet, initiateur, avec B. Le Foll, de Bimby.
Pour clarifier le propos, il est nécessaire de préciser que nous faisons référence à « Bimby » lorsque nous parlons du projet de recherche, financé par l’ANR, entre 2009 et 2012. Nous faisons référence à la « démarche Bimby » lorsque nous parlons de la démarche d’urbanisme entreprise par une collectivité locale pour renouveler son tissu pavillonnaire sous l’angle des résultats du projet de recherche, considérant notamment le volet réglementaire central à la démarche. Selon le schéma (Fig. 3.4), nous distinguons les « filières libres » des « filières organisées ». Ces dernières sont représentées par des acteurs professionnels (promoteurs ou micro-‐promoteurs*), tandis que les premières sont constituées de particuliers auto-‐
118 Recherche réalisée pour le PUCA (2004-‐2008) : « Lotir les lotissements : conditions architecturales, urbanistiques et sociologiques de la densification douce de l’habitat individuel »
promoteurs*. La « filière Bimby » forme, quant à elle, une filière courte caractérisée par la présence d’un intermédiaire pilotant la démarche Bimby.
Astrid Tanguy — chargée d’étude en aménagement urbain au CETE Ile-‐de-‐France — qui suit l'expérimentation de l'intégration de la démarche Bimby dans le PLU d'une commune francilienne, observe d’abord que la démarche de division/densification est déjà entreprise par certains habitants auto-‐promoteurs (Tanguy, 2012). Ceux-‐ci sont motivés par plusieurs facteurs identifiés par I. Fordin et B. Sabatier (2012) : financier, adaptation du logement, cession d’un terrain à un proche, etc.
Ce constat pose un premier jalon pour le projet de recherche : ce processus naturel de densification, amené à réduire la surface de terrain de la maison initiale, n'affecte pas ou peu la valeur immobilière du bâti et entraîne, in fine, une plus-‐value notable sur la valeur de l'ensemble. Ainsi, selon Miet et Le Foll, le prix de vente d'un bien immobilier situé en périphérie d'une agglomération se calcule par la multiplication d'une surface habitable et d'un prix au mètre carré très largement indexé par la localisation du bien dans l'agglomération. La surface totale de terrain n'exerce donc qu'une faible influence sur le prix final, bien que sa valeur puisse évoluer si ce dernier est constructible (Miet, Le Foll, 2010).
Figure 3. 4 : Filières économiques de la production du logement (Miet, Truchard, Vilmin, 2012).
Sur fond de crise du logement (Grépinet, 2006), la France accuse un déficit de construction variant de 50 000 à 150 000 logements par an (SNAL, 2007). Par ailleurs, selon les données SITADEL exploitées par le projet de recherche (Fig. 3.5), plus de la moitié des maisons individuelles construites sur la période 1991-‐2005 l'ont été en dehors des filières organisées. Les
particuliers constituent donc les acteurs majeurs de la transformation des tissus pavillonnaires (Miet, Le Foll, 2010). Repérant cet état de fait comme un potentiel levier de lutte contre l'étalement urbain et de réponse à la crise du logement, les chercheurs du projet Bimby tentent de qualifier cette « filière libre » (Miet, 2012b) qui opère de manière directe (particuliers maîtres d'ouvrage) et courte (entreprises locales maîtres d'œuvre) mais fondamentalement désorganisée d'un point de vue urbanistique (Chatron, 2012). En effet, selon Laure Chatron — juriste spécialiste du droit de l’urbanisme désormais associée à Villes Vivantes — cette désorganisation repose, d'une part, sur l'impuissance des outils de l'urbanisme opérationnel* à transformer ces tissus et, d'autre part, sur les difficultés qu'éprouvent les documents d'urbanisme* à enrayer l'étalement urbain. Le projet de recherche s'attelle donc à tester une série d'outils qui permettraient de canaliser les filières libres locales afin d'investir le champ du renouvellement des tissus pavillonnaires existants. L'élaboration d'un dispositif opérationnel se décompose alors en trois axes :
1) évaluation du potentiel d’intensification des tissus pavillonnaires, 2) évaluation du potentiel sociologique : les habitants ont-‐ils des projets ? 3) ingénierie réglementaire, traduction de la démarche Bimby dans le PLU.
Figure 3. 5 : Sur la base des données SITADEL, on constate que la filière libre (individuel « hors procédure ») contribue deux fois plus que les filières organisées à la construction de maisons individuelles dans le logement neuf.