2.2 aux réalités locales
4. Une démarche comparative « sociétale » pour penser le changement
4.3. Améliorer le cadre d’action du renouvellement périurbain français
L'objectif de cette démarche comparative est de penser le changement, autrement dit de contribuer à l’évolution du cadre d’action français au regard du cadre d’action américain pour le cas spécifique du renouvellement périurbain.
Pour cela, nous envisageons au terme de cette recherche des apports prospectifs en nous penchant sur les avancées procédurales issues de la comparaison. Cependant, nous veillerons à ce que nos résultats ne conduisent pas à l'établissement d'un nouveau référentiel d'action qui viendrait s'ajouter à la longue liste de « bonnes pratiques » pouvant par ailleurs s'apparenter, selon les propos de B. Hibou, à un « catéchisme » à vocation performative. Ce risque constitue
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effectivement un travers des démarches comparatives qui, faute de prendre la juste mesure de contextes locaux comparés, s'évertuent à imposer des rhétoriques normatives et répétitives vouées à l'échec (Hibou, 1998). Pour éviter cela, il est possible d'envisager les « bonnes pratiques » comme « un ensemble théorico-‐pratique issu de demandes d’informations sur les manières de faire et menant, le cas échéant, à leurs réorientations en fonction de référentiels vus comme exemplaires » (Devisme, Dumont, Roy, 2007, p. 16).
L'analyse prospective constitue alors un recours précieux permettant, selon Crozier et Friedberg, de comprendre la dialectique de l'acteur et du système soulignant, in fine, la nécessité d'intégrer un ensemble de facteurs clés identifiés mais aussi le jeu des acteurs (Crozier, Friedberg, 1977). Pour M. Godet, cette perspective revient à orchestrer un triptyque stratégique interdépendant articulant l'anticipation, l'appropriation et l'action.
Ainsi, la démarche comparative nous permet d'envisager le transfert et la circulation des idées à l'ère du durable. En effet, les travaux de B. Dupuis sur la circulation des modèles urbains montre qu’en s’appuyant sur une approche transnationale de l’urbanisme, il est possible de mieux saisir les processus de production, circulation et transformation de concepts ou de pratiques spécifiques. Le transfert d’un modèle peut alors s’opérer sur la base d’une conservation de sa substance tout en proposant des adaptations locales (Dupuis, 2011).
De fait, la comparaison ouvre la voie pour concevoir la prospective comme un outil d'aide à la décision s'appuyant sur des modèles dont l'intérêt est de chercher des solutions optimales où chaque acteur impliqué agit en fonction d'une conscience simultanée de ses volontés et de celles des autres (Godet, 1997).
Au terme de cette analyse, à l'instar des propos de Devisme et al., « l'enjeu ne serait pas tant d'invoquer de « meilleures » « bonnes pratiques » que de réaffirmer que les avancées procédurales en matière de démocratie technique renvoient plutôt à de l'invention pratique, passant obligatoirement par l'élargissement du champ des possibles » (Devisme, Dumont, Roy, 2007, p. 30).
Conclusion
Ce chapitre explore la méthodologie de la recherche en revenant sur la construction d’un rapport raisonné entre les objets de la recherche. Ce rapport est d’autant plus important à préciser qu’il fixe les méthodes de la comparaison entre deux pays dont il est parfois dit qu’ils sont incomparables. Ainsi pour associer l’étude de la production de l’espace et des modes d’intervention de Bimby et du New Urbanism, et pour ne pas tomber dans les travers de la comparaison, il est apparu nécessaire de clarifier un certain nombre d’étapes.
Premièrement, l’intérêt porté à la logique d’élaboration et de conception nous a permis de cibler et de délimiter le périmètre de la recherche à la phase « amont » des projets sélectionnés. Deuxièmement, en s’émancipant de la thèse culturaliste, nous faisons le choix de centrer notre attention, non pas sur les « cultures nationales » mais sur la « construction des acteurs dans leur rapport à la société ». Pour cela, deux méthodes appuient l’exploration visant à mettre en évidence les spécificités de l’activité de conception (organisation, innovation, temporalités…) de Bimby et du New Urbanism. D’abord, l’analyse typomorphologique introduit des critères rationnels permettant de soutenir la thèse d’une évolution des formes urbaines et architecturales. Similaire dans les deux pays d’étude, cette évolution des formes assoit l’hypothèse de départ dans laquelle nous suggérons que c’est au sein de la phase d’élaboration et de conception que se joue cette transformation typomorphologique. Pour cette raison, nous préférons positionner ce chapitre avant ceux venant rendre compte de l’influence des participants aux ateliers participatifs dans le choix et la transformation des espaces périurbains. Ensuite, les enquêtes de terrain inscrites dans un cadre théorique pragmatique viennent compléter ces premières conclusions et enquêter sur l’origine de ces transformations.
Troisièmement, plutôt que de chercher à dépasser l’impossible intégration de paradigmes qui s’opposent, nous déplaçons les logiques d’analyses caractérisant les logiques d’action grâce aux sciences de gestion. Sur ces bases, les prochains chapitres s’organisent en deux temps :
1) Dans les chapitres 5, 6 et 7, nous rendons compte du travail de terrain. Le chapitre 5 présente les principaux résultats de l’analyse typomorphologique, tandis que les chapitres 6 et 7 exposent un ensemble de situations permettant d’explorer les marges de manœuvre dont disposent les acteurs impliqués.
2) Dans les chapitres 8, 9 et 10, nous exprimons un ensemble de résultats, par le biais du comparatisme, venant caractériser les modalités de l’action de Bimby et du New Urbanism et positionner ces pratiques dans un schéma renouvelé du système de production de l’habitat individuel périurbain. Enfin, nous soumettons des apports prospectifs à la réflexion sur la construction de la ville durable française et, plus particulièrement, au renouvellement périurbain.