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LES AIRES PROTÉGÉES EN MILIEU FORESTIER, LE CAS PARTICULIER DU PARC NATIONAL DE NOUABALÉ NDOKI

Catégorie VI : aire protégée de ressources naturelles gérée

LES AIRES PROTÉGÉES EN MILIEU FORESTIER, LE CAS PARTICULIER DU PARC NATIONAL DE NOUABALÉ NDOKI

Jérôme MOKOKOIKONGA

Il ne semble pas exister de définition conventionnelle pour les aires protégées forestières, bien qu’elles s’inscrivent dans le classement proposé par l’UICNen 1994. Ainsi le parc national de Nouabalé Ndoki (Congo Brazzaville), qui sert ici à caractériser une aire protégée forestière, est-il considéré comme une aire protégée de la catégorie II.

Importance sur le plan écologique et économique

La zone actuellement désignée comme parc national n'était jusqu'à une période récente qu'un exemple représentatif du bloc forestier d'Afrique centrale. Elle fait partie des forêts denses humides du Congo qui couvrent 60 % du pays (342 000 km2). Actuellement, cette zone, entourée par des territoires livrés à l'exploitation forestière industrielle, est devenue un des derniers échantillons représentatifs d'un écosystème menacé partout ailleurs dans la région. C'est notamment un refuge pour les Éléphants, qui sont chassés au nord du Congo, au sud-est du Cameroun et dans le sud de la République centrafricaine, c'est-à-dire là où il n'y a pas de réelle politique anti-braconnage (ce qui est partout le cas en dehors des parcs nationaux au Congo et en République centrafricaine).

Les espèces animales les plus importantes en termes d'effets sur l'écologie globale de la forêt, et qui sont également vulnérables à l'influence humaine, sont les grands mammifères. Ceux-ci sont d'importants disséminateurs de graines. Les Éléphants et les Gorilles modifient la végétation en se nourrissant ou en

construisant les nids. Ces modifications prennent souvent l'aspect de clairières dans le sous-bois herbacé dense (Maranthacées et Zingiberacées) : la lumière atteignant alors le sol permet aux plantules de grandir.

Une étude menée au Gabon a montré que les sites de nids de Gorilles sont d'importants espaces de germination, les plantules bénéficiant de l'ouverture de la couche herbacée, et des crottes dans lesquelles elles sont déposées (Rogers et al., 1998 ; Voysey et al., 1999a, 1999b).

Les grands mammifères à faible taux de reproduction sont très vulnérables à la pression de la chasse.

Cela est particulièrement vrai pour les Éléphants, qui ont vu leurs effectifs diminuer à cause du commerce de l'ivoire ( Alers et al., 1992 ; Barnes, 1989 ; Fay & Agnagna, 1991a, 1991b).

La vie des habitants de la région dépend du poisson et de la viande de brousse en particulier des Céphalophes pour leur apport en protéines. La connaissance des densités et de la distribution de ces espèces est importante.

La gestion en vue de la conservation implique d’orienter les efforts, les ressources et le temps disponible sur les aspects les plus fragiles de l'environnement qui jouent des rôles importants dans la poursuite des processus écologiques.

La gestion du parc national de Nouabalé Ndoki a été, et est toujours dirigée vers : - les grands mammifères qui ont un effet sur l'écologie de la forêt,

- les mammifères qui sont largement consommés par les populations locales (Céphalophes et primates), - les animaux rares, menacés ou inhabituels pour la région.

Le parc national de Nouabalé Ndoki a également une valeur globale importante en termes de séquestration du carbone. Ces dernières années, le rôle des forêts tropicales comme puits de carbone a retenu l’attention de la communauté internationale. Les conséquences au niveau mondial des activités industrielles et agricoles incluent l'émission de gaz à effet de serre à base de carbone. Plus grande est la quantité de carbone stockée dans du matériel vivant (en particulier les forêts), moins ces gaz auront d'effet sur l'atmosphère et le réchauffement de la terre. Une grande superficie de la forêt pluviale contient beaucoup plus de biomasse végétale (et donc de carbone) qu'une surface égale de forêt secondaire, de végétation herbacée ou de terres agricoles. Plus grande sera la superficie de la forêt pluviale intacte, meilleure sera la stabilité climatique.

Le parc national de Nouabalé Ndoki peut générer des bénéfices sociaux et économiques directs pour les populations locales grâce aux emplois, aux infrastructures, aux fonds de développements villageois.

Sa contribution à l’entretien des services environnementaux essentiels (cycles hydriques, réserve de carbone, réservoir des espèces végétales et animales exploitées) est très significative, bien que difficile à évaluer en termes économiques.

L’écotourisme dans les aires protégées forestières est un potentiel capable de contribuer au bien-être économique et social des populations. Le site d’habituation des gorilles de Mondika, internationalement reconnu, commence à drainer des touristes de par le monde. Mais un certain nombre de contraintes économiques, politiques et institutionnelles ont jusqu’à présent empêché ces activités d’atteindre un niveau susceptible de générer des revenus significatifs.

Les grandes orientations de la gestion du parc national de Nouabalé-Ndoki

Depuis sa création, les principales orientations de gestion du parc national de Nouabalé-Ndoki ont été les suivantes :

- éducation,

- activités anti-braconnage,

- prise en compte des problèmes des habitants,

- recrutement et formation du personnel (de gestion ou administratif, des équipes de surveillance, ouvriers, personnel hôtelier et assistants de recherche),

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- création d'infrastructures, - recherche pour la conservation, - activités dans la zone périphérique, - suivi,

- recherche de financements, - publicité internationale,

- questions de politique et de gestion de la faune et des aires protégées.

Éducation

Beaucoup d'efforts ont été déployés dans le domaine de la sensibilisation/éducation. Ce processus a impliqué, à tous les niveaux, les communautés locales et tous les autres acteurs impliqués dans la gestion du parc national de Nouabalé Ndoki. Les médias nationaux et internationaux ont joué un rôle fondamental pour faire connaître le parc national.

Depuis le début, le travail s’effectue d’une manière régulière avec toutes les autorités gouvernementales et les chefs coutumiers des villages proches du parc national. Au niveau des villages, la direction du parc national entretient des contacts quotidiens avec les villageois, contacts qui ont toujours été gérés d'une façon consultative. Les habitants des villages proches comprennent que les prélèvements excessifs diminuent leurs ressources de base, ils doivent, par exemple, imposer une interdiction des collets en faveur de la chasse au fusil, plus sélective, dans les zones hors parc national.

Au niveau régional, des séminaires formels ont permis de sensibiliser le public sur les travaux menés.

Il est arrivé que des problèmes de gestion demandent l'intervention directe des autorités régionales, traditionnelles et administratives. La résolution de ces problèmes a permis aux autorités d'acquérir de l'expérience pour la gestion participative d'un parc national.

Toutes les occasions ont été saisies pour utiliser les médias nationaux afin d’informer le public sur le parc national et ses diverses activités. La préparation du projet de parc national de Nouabalé-Ndoki a été suivie par une équipe de la chaîne de télévision nationale sous la forme d’un forum destiné à sensibiliser les Congolais. Nouabalé-Ndoki est devenu un nom connu de tous. Ce résultat est essentiel à la viabilité à long terme du parc national.

Activité anti-braconnage

Une équipe d'écogardes a été formée et mène régulièrement des patrouilles anti-braconnage dans et autour du parc national. Bomassa et Makao étaient des centres actifs de braconnage des Éléphants et de commerce de viande de brousse. Les autorités du parc national exercent une répression continue, en collaboration avec les habitants de la région, et suivant l’éthique de « l'intérêt personnel éclairé », ce qui a provoqué un déclin brutal du braconnage dans les villages congolais situés aux abords immédiats du parc. Cependant, les braconniers sont encore très actifs dans les secteurs de Lobéké et du parc national de Ndoki (République centrafricaine).

Prise en compte des problèmes des populations humaines

Le parc national de Nouabalé-Ndoki a pour objectif majeur la conservation d’un écosystème où il y a toujours eu très peu de chasse. Les projets de conservation sont généralement source d'emplois et sont des acheteurs potentiels de biens et de services. Dans les zones où les populations sont très mobiles, elles vont typiquement aux endroits où il semble y avoir des possibilités d'emplois ou de nouveaux marchés. Cependant, l'augmentation de la densité humaine dans les zones de forêt humide a provoqué une pression accrue sur les ressources naturelles, en particulier la viande de brousse.

Dès le début, le projet Nouabalé-Ndoki a mis en place des politiques de prévention de l'immigration incontrôlée. Le principe de base est d'améliorer le niveau de vie des communautés villageoises, sans

incontrôlée. Le principe de base est d'améliorer le niveau de vie des communautés villageoises, sans créer un pôle d'attraction pour les braconniers.

L'établissement du siège du parc national à Bomassa sur la Sangha a attiré de nombreuses personnes à la recherche d'un emploi rémunéré. Avant 1989, la région de Bomassa-Bon Coin était une zone de petits villages mais, conséquence directe de l'installation du parc national, de nombreuses personnes s'y sont installées avant les premiers recensements.

À Makao, seconde base de vie du parc national, les tendances démographiques sont moins précises que pour Bomassa ; Makao est moins attirant pour les immigrants potentiels, car la base du parc national y est beaucoup moins importante, plus isolée, et reçoit très peu de visiteurs.

Les méthodes suivantes ont été utilisées pour éviter une augmentation trop rapide et trop importante de la population :

- contrôle des dépenses lors de la mise en place du parc national de Nouabalé Ndoki pour éviter d'attirer des immigrants indésirables tels que les grands braconniers,

- accord avec la population locale sur une croissance contrôlée et respect de cet accord,

- utilisation de toutes les occasions pour montrer à la population locale des exemples d'immigrants non contrôlés qui ont compromis la vie au village,

- exclusion des contrevenants aux accords sur la conservation acceptés par le comité de village.

Ces méthodes ont globalement bien fonctionné à Bomassa, qui a servi de test. Il a été investi plus de 500 000 dollars USdans le village entre 1991 et 1997, pour la santé, l'éducation, les transports entre autres. Au cours de cette période, le renouvellement de la population a dépassé 50 %, notamment parce que les jeunes originaires du village y reviennent pour profiter des nouvelles possibilités et parce qu'on a demandé aux éléments indésirables de partir.

Rôle des populations locales

dans la création d’une aire protégée forestière

La législation congolaise prend en compte les populations locales dans sa politique de classement. C’est dans le souci d’une gestion participative prônée aujourd’hui au plan international.

Au Congo, le classement d’une forêt désigne la procédure par laquelle une forêt protégée ou appartenant à une personne privée, ou une partie de celle-ci, est incorporée dans le domaine forestier permanent. Le classement d’une forêt est prononcé par décret pris en Conseil des ministres.

Après avoir entendu l’autorité administrative régionale ou communale ainsi que les représentants des populations locales, l’administration forestière procède à la reconnaissance du périmètre à classer et des droits et usages exercés sur la forêt. À l’issue de cette enquête, un projet de classement et rédigé ; il comporte les coordonnées exactes et une description précise des limites du périmètre dont le classement est projeté. Il est remis à l’autorité administrative régionale ou communale qui le porte à la connaissance des intéressés par tous les moyens de publicité.

Le projet de classement établi par l’administration forestière fait apparaître, le cas échéant, les droits des tiers à exproprier. L’expropriation est réalisée conformément à la procédure prévue par la loi.

Les personnes qui ont des droits autres que ceux d’usage doivent les faire connaître à l’autorité régionale ou communale au plus tard dans les soixante jours, à compter de la date de communication effective du projet de classement aux intéressés. Les réclamations formulées sont portées devant la commission de classement par l’autorité régionale ou communale.

Dans un délai maximal de soixante jours à compter de la date du dépôt du projet de classement au chef-lieu de la région, le ministre en charge des forêts convoque la réunion de la commission de classement qui comprend sous sa présidence, les autorités administratives régionales ou communales concernées, les représentants des administrations des forêts, des impôts, de l’agriculture et de l’élevage, de l’environnement, de la recherche scientifique, de l’aménagement du territoire, du cadastre, du tourisme,

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le président et les membres des comités de chaque village intéressé, deux responsables locaux d’associations et d’organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine de la protection de la nature ou du développement régional.

La commission de classement se réunit au chef-lieu de la région ou dans la commune dans laquelle se trouve la forêt à classer.

Elle détermine les limites de la forêt à classer, constate l’absence ou l’existence des droits d’usage grevant cette forêt et examine le bien fondé des réclamations formulées.

Un procès-verbal, relatant les opérations accomplies par la commission de classement, est transmis au gouvernement.

Personnel

Le recrutement et la formation dans le parc national ont été amorcés dès le début du projet. Une grande partie de la réussite de la gestion des aires protégées dépend d'un personnel bien formé et professionnel à tous les niveaux. Le parc national de Nouabalé-Ndoki a formé lui-même et facilité la formation du personnel de gestion, gardes, guides, chercheurs et autres, nécessaires au bon fonctionnement d'un parc national.

L’administration forestière a joué un rôle important en fournissant un personnel d'encadrement pour travailler à la gestion efficace du parc national. En ce qui concerne le personnel non-fonctionnaire du gouvernement, le parc national a simplement embauché des travailleurs locaux, suivant ainsi les accords qui avaient été passés avec les communautés locales au début du projet. Le personnel local a été recruté et formé aux différents postes nécessaires pour créer et maintenir le système de fonctionnement d'un parc national. Cela inclut écogardes, assistants de recherche, guides, artisans, mécaniciens, chauffeurs, ouvriers du bâtiment, personnel hôtelier et de bureau.

Création d’infrastructures (physiques et institutionnelles)

Bien que le parc national de Nouabalé-Ndoki soit une aire protégée relativement récente, il a fait l'objet d'une attention particulière aux niveaux national et international, du fait de son extraordinaire état de nature intacte. La qualité du parc national est en partie due à des efforts de recherche de financement très actifs, impliquant des médias nationaux et internationaux. Qualité et recherche de financement fonctionnant en synergie, cela a permis une réalisation rapide des infrastructures du parc national avec l'aide de financements internationaux.

Plusieurs bâtiments et infrastructures associées ont été construits sur les sites du parc national à Bomassa, à Makao, au Camp de recherche de Ndoki, et au baï de Mbéli ; plusieurs pirogues et véhicules ont été mis en service. Bomassa est la base de planification et de coordination du parc national, et Makao contrôle la zone orientale. À l'exception du camp de recherche de Mbéli, tous les bâtiments du parc national sont à l'extérieur des limites du parc. Les deux bureaux du parc national sont dans ou à proximité des villages du même nom. Le camp de recherche de Ndoki est situé juste à l'extérieur de la limite sud-ouest du parc national.

Recherche pour la conservation

Le parc national de Nouabalé-Ndoki a une importance reconnue. La préservation de l'écosystème est son objectif principal. La conservation a nécessité, et nécessitera toujours des bases scientifiques solides sur lesquelles doivent se fonder les décisions de gestion. La philosophie des activités de recherche a suivi les principes généraux suivants :

- la priorité est donnée aux recherches ayant des implications directes sur la gestion,

- le programme de recherche est géré par la direction du parc national afin de minimiser tout impact potentiel négatif sur le statut de conservation du parc national,

- autant que possible, les projets de recherche à long terme doivent choisir un site stratégique afin d'ajouter encore de la valeur pour la conservation du parc national.

Les recherches dans le parc national et ses environs ne compromettant pas les objectifs de conservation, telles que les recherches sur l'atmosphère, ont toujours été les bienvenues. Les recherches indépendantes peuvent apporter des revenus directement au parc national, et contribuer à sa bonne image comme site de grande importance pour la conservation, avec des exigences scientifiques élevées. Depuis le début, les recherches se sont focalisées autour des aspects suivants :

- conservation et gestion, - innovations méthodologiques, - suivi écologique à long terme,

- formation de jeunes chercheurs et d'assistants de terrain.

Sujets de recherche, 1987-2000 :

- facteurs anthropiques et changements de végétation, - recherche atmosphérique,

- formation et biologie des baïs (clairières),

- inventaires biologiques dans le parc national de Nouabalé-Ndoki (PNNN) et dans les zones environnantes ,

- inventaires ornithologiques, - écologie du Bongo,

- inventaires botaniques,

- distribution et écologie des Chimpanzés dans un habitat non dégradé, - approches « conservation » du suivi et de la gestion de la chasse sportive, - distribution et déplacements des Éléphants,

- entomologie : écologie des Fourmis Magnans, - comportement social des Gorilles,

- écologie des Gorilles, Chimpanzés et petits primates, - utilisation des routes forestières par les grands mammifères, - collecte de données météorologiques,

- méthodologies d'étude et d'inventaire forestier des grands mammifères,

- méthodologies de suivi, en particulier vidéographie aérienne et recensements sur le terrain des grands mammifères,

- phénologie des aliments des grands singes,

- biologie des populations : distribution des classes de taille de populations naturelles de Gilbertiodendron dewevrei,

- biologie des populations : distribution des classes d'âge des Acajous, - biologie des populations : populations post-exploitation des Acajous, - études socio-économiques : conflits homme-éléphant,

- études socio-économiques : démographie et activités humaines autour du PNNN,

- études socio-économiques : chasse autour du PNNN; commerce de la viande de brousse à Pokola, Kabo, Ouesso et Brazzaville ; chasse aux Crocodiles,

- études socio-économiques : marché et commerce de l'ivoire au Congo, - études socio-économiques : récupération artisanale du bois (Brazzaville), - utilisation des clairières en forêt par les grands mammifères.

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