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Le passage où apparaît l’expression actus essendi correspond à la solution de la deuxième objection du In III Sent., d. 11, a. 2. L’objectant soutient qu’une notion qui se trouve dans un genre contient nécessairement la notion de ce genre. Comme « homme » comprend la notion de créature et est prédiqué du Christ, « créature » doit aussi pouvoir se prédiquer du Christ. La solution apparaît évidente en raison de

137 Textes traduits, p. XLI.

138 « La nature humaine se rapporte à la personne composée du Christ en tant que partie, bien que

l’on ne puisse dire proprement partie, ni personne composée, comme il a été dit plus haut, à la d. 6, q. 2, a. 3. Or la partie a parfois une disposition qui est de nature (est nata) à convenir au tout. En re- vanche, <elle en a> parfois une autre <disposition> qui n’est pas de nature à convenir au tout, comme la blancheur qui est dans les cheveux peut convenir au tout, alors que la frisure ne convient d’aucune façon au tout, ni à aucune autre partie. Donc, selon ces dispositions qui sont seulement dans une par- tie, le tout est dénommé simplement et proprement par la disposition de la partie, sans ajout, comme un homme est dit crépu. Mais quant aux dispositions qui sont de nature à convenir à la partie et au tout, le tout n’est pas dénommé simplement par la partie, mais par la partie ajoutée, comme lorsque l’on dit qu’un homme est blanc quant à ses cheveux, ni proprement, mais de façon figurée par synec- doque. D’où il est évident que comme la création est de nature à convenir à la nature et à la per- sonne, de même l’être convient d’une certaine façon à l’une et l’autre. On ne peut cependant dire du Christ qu’il est une créature parce que la nature humaine est créée, sans qu’un ajout soit fait, comme si l’on dit « selon l’homme ou selon qu’il est homme ». Alors il s’agit encore d’une figure de style (tro-

pica est et figurativa), comme le dit le Maître, de même que celle-ci : « un Éthiopien est blanc selon sa

dent. » », In III Sent., d. 11 q. 1 a. 3 co., notre traduction à partir de l’éd. Mandonnet, op. cit., t. 3, p. 367.

ce qui a été exposé : la création ne concerne pas tant la nature que l’être. Deux ar- guments constituent cette solution telle qu’elle se présente dans l’édition Mandonnet. Le premier argument reprend d’Avicenne que l’être n’est pas un genre, ni n’entre dans la définition d’aucun genre, pour la raison que les choses qui se trouvent sous un même genre ne conviennent pas dans un même être, mais selon une même natu- re139. Thomas précise, dans le deuxième argument, que « la création ne concerne pas

la nature ni l’essence, si ce n’est par la médiation de l’acte d’être, qui est le premier terme de la création ». Certains penseurs définissent en effet la créature comme ce qui à un moment ne fut pas140. Ainsi, la première détermination de la créature est son

acte d’être. La création n’a donc trait que de façon secondaire à l’essence ou nature de la chose, relativement à l’être du suppôt. En effet, puisque le suppôt est nécessai- rement d’une certaine manière, la prédication de créature, qui convient en propre au suppôt en raison de son être, peut être étendue à sa nature. Mais l’être de la nature humaine dans le Christ est celui de la personne divine. Dans ce cas, la création ne peut pas se prédiquer de la nature par la médiation de l’être du suppôt puisque celui- ci est incréé.

Dans cet extrait se trouvent explicités les rapports entre l’être, l’essence et le suppôt. L’être est toujours de façon première l’être du suppôt. Il est dit de façon relative l’être de la nature ou des accidents selon que ceux-ci constituent formellement le suppôt. Ceux-ci sont nécessaires au suppôt qui subsiste dans ces déterminations, ne pouvant être sans ces modes d’être. En revanche, l’être est un, s’étendant aux parties et acci- dents du suppôt sans se segmenter. L’être est premier par rapport à l’essence puisqu’il pose le sujet dans l’être, étant ici nommé « premier terme de la création ».

139 Cf. op. cit., p. 364. L’éditeur précise que le premier argument n’apparaît pas dans plusieurs manus-

crits. On pourrait croire qu’il ait été omis lors de la copie d’un manuscrit source, le début des deux parties de la solution commençant par « quod creatura non est superius ad hominem ». Nous croyons plutôt qu’il s’agit d’un ajout en raison de la nature de l’argument. Celui-ci reprend d’Avicenne des considérations au niveau de la notion d’être, alors que l’argumentation de Thomas se situe, dans cet article, au niveau de l’être comme principe de la chose.

L’esprit se connaît-il lui-même par essence ou par quelques

species?

Dans cet article des Questions disputées sur la vérité, Thomas d’Aquin expose la fa- çon dont l’âme a une connaissance d’elle-même141. Il s’agit ainsi de savoir si l’âme

rationnelle se connaît par des espèces intelligibles ou par son essence. En raison de la théorie de la connaissance de Thomas brièvement exposée précédemment, on pour- rait penser que Thomas retient la connaissance de l’âme par son essence. En effet, comme l’âme est une réalité immatérielle, on ne peut abstraire d’elle une forme qui serait particularisée dans la matière comme c’est le cas pour la connaissance des réa- lités corporelles. De plus, l’âme nous est un objet de connaissance immédiat, puis- qu’elle nous est constamment présente. La connaissance de l’âme par son essence entraîne cependant certaines difficultés, notamment quant à l’actualisation de l’intel- lect possible par l’essence de l’âme qui est toujours présente et qui l’actualiserait ain- si en tout temps. Il est aussi manifeste que quoique l’âme nous soit présente en tout temps, nous ne connaissons pas pour autant avec justesse ce qu’elle est. Or si nous la connaissions par son essence, il ne serait pas possible d’ignorer ce qu’est l’âme puis- que son essence même informerait l’intellect. À ces objections et à plusieurs autres, Thomas répond par une position dans le cadre de laquelle se trouve précisée sa con- ception de l’essence et, par suite, le rapport de l’essence à l’acte d’être.