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perspective chronologique

Chapitre 7 : Le développement et l'écriture de la première saison : la mise en place d'une équipe par tâtonnements

B) J.J Abrams, Damon Lindelof et le groupe de réflexion (janvier – juin 2004)

Cette phase du développement, concernant la rencontre entre J.J. Abrams et Damon Lindelof, est en général plus connue : aussitôt après le renvoi de Jeffrey Lieber, les cadres de ABC en charge du développement du drame (Thom Sherman et Heather Kadin notamment) contactent J.J. Abrams pour savoir si ce projet l'intéresse. À ce moment là, Lost est encore intitulée Nowhere et le scénario de Jeffrey Lieber reste la base du projet. Outre la présence de Thom Sherman et de Lloyd Braun, la continuité du projet est assurée parce que les deux autres co-créateurs ont bien lu le scénario de Jeffrey Lieber341. Sachant que ce dernier est daté

au 5 janvier 2004, J.J. Abrams est contacté au début de la deuxième semaine de l'année comme un solveur de problèmes créatifs : le projet est déjà conçu dans une veine réaliste mais cela ne satisfait pas Lloyd Braun. Peu convaincu en lisant le scénario au départ, J.J. Abrams a quelques idées au cours de la semaine. Thom Sherman se rappelle de ces moments :

« J.J. [Abrams] nous appela pour dire qu'il avait des idées. Il commença à parler de l'île comme d'un personnage à part entière. Il commença à dire que faire une série sur un groupe de rescapés sur une île déserte ne l'intéressait pas, mais que si l'île était un personnage et un lieu mystérieux, ce projet pourrait l'intéresser »342.

L'atmosphère étrange, si particulière à Lost, est à ce moment en gestation par le biais de la caractérisation d'un lieu aux propriétés mystérieuses. Durant cette courte semaine de réflexion lui vient l'idée de la trappe, qui sera introduite dans All The Best Cowboys Have Daddy Issues (S01E11). Le pilote quitte la veine strictement réaliste et devient cette « gigantesque note d'intention, […] une ode à l'incongruité, la dissimulation d'informations, l'inquiétante étrangeté et l'onirisme »343.

Seulement J.J. Abrams a déjà trop de travail avec Alias et demande l'aide d'un autre scénariste pour écrire ce projet. Encore une fois la situation d'urgence est déterminante, nous sommes le vendredi 9 janvier 2004 à 18h30 et Damon Lindelof, avec lequel Thom Sherman et Heather Kadin ont travaillé pour développer Crossing Jordan, se retrouve le candidat idéal selon trois critères pour Heather Kadin : l'urgence, la confiance des cadres (et de ABC) envers le scénariste et une personnalité avec laquelle J.J. Abrams aura une bonne alchimie344.

341 Cf. « The Genesis of Lost », op. cit.

342 Thom Sherman, dans « The Genesis of Lost », op. cit., [02:10 – 02:30] ; voir extrait n°7. 343 Florent Favard, op. cit., p.289

Pendant le week-end, Damon Lindelof développe des idées semblables à celles de J.J. Abrams, notamment le fait que « ce serait surtout à propos du mystère, le mystère de l'identité de ces personnages avant le crash et le mystère de la nature de l'île sur laquelle ils se sont crashés »345. Le coup de foudre créatif entre J.J. Abrams et Damon Lindelof est une histoire

bien connue des médias, des critiques et des fans aujourd'hui. En définitive peu importe le degré d'exagération dans la transmission de cette histoire : c'est l'image que les médias renvoient de cette instance auctoriale duelle. Lors du rendez-vous entre Heather Kadin, J.J. Abrams, Damon Lindelof, Bryan Burk, Jesse Alexander et Jeff Pinkner le lundi 12 janvier, « [les deux co-créateurs] avaient des idées semblables concernant la série »346, notamment et

surtout la nécessité d'accorder une place centrale au mystère. Jusqu'au jeudi 15 janvier, Damon Lindelof travaille avec Jesse Alexander et Jeff Pinkner347 sur une ébauche de scénario

d'épisode pilote. C'est probablement à ce moment que l'architextualité du jeu (évoquée dans le chapitre précédent) se renforce avec une affiliation au jeu-vidéo :

« L'exploration de cet endroit était un mystère et une aventure à part entière. L'île pouvait être en quelque sorte une version dramatique de jeu-vidéo. On peut tomber sur la trappe mais il faudra peut-être plusieurs semaines pour acquérir les outils requis pour l'ouvrir »348.

Entre jeudi et vendredi, Damon Lindelof et J.J. Abrams finissent cet outline ensemble, puis ils l'envoient à ABC le 16 janvier 2004, soit cinq jours après leur première rencontre349. Un

Lloyd Braun enthousiaste donne le feu vert à un projet sans scénario, une décision inédite dans la télévision américaine, qui justifie la nécessité d'engager un groupe de réflexion pour assister Damon Lindelof et J.J. Abrams.

J.J. Abrams et Damon Lindelof disposaient de peu de temps pour écrire un scénario viable (« ABC nous disait qu'il fallait commencer à tourner cinq ou six semaines plus tard »350). Pendant qu'ils s'attelèrent à cette tâche ardue, « ABC finança un groupe de réflexion

composé de scénaristes censés les aider à définir ce que serait réellement la série »351. C'est

suite à l'utilisation d'un groupe de réflexion de scénaristes pendant la phase de développement que les showrunners décidèrent ensuite de systématiser la pratique du mini-camp entre les saisons. Autrement dit la situation d'urgence mena à la création d'une dynamique de travail 345 Damon Lindelof, dans ibid., [03:45 – 03:51]

346 Thom Sherman, ibid., [05:00 – 05:05]

347 Outre leurs visites récurrentes pendant la première saison, c'est surtout ce travail qui leur vaut ensuite le crédit d'executive consultants pendant la première saison.

348 Jeff Pinkner, ibid., [07:25 – 07:35] voir extrait n°8 349 Damon Lindelof, ibid., [07:35 – 07:40]

350 Ibid., [06:45 – 06:50]

spécifique à l'équipe des scénaristes de Lost. Le 24 février 2004, la veille du jour où J.J. Abrams et Damon Lindelof rendent leur première version du scénario, le groupe de réflexion a sa première réunion. Il est alors composé de Damon Lindelof et de quatre scénaristes qui écriront des épisodes de la première saison : Javier Grillo-Marxuach, Jennifer Johnson, Paul Dini et Christian Taylor. Selon Javier Grillo-Marxuach, « Lost avait besoin de scénaristes qualifiés avec une expérience dans le développement et dans les séries de genre »352. Ainsi les

trois principaux critères de sélection de ces scénaristes ne renvoient pas à des affinités créatives, ils renvoient à des critères tous trois construits sur la base de l'expérience professionnelle.

Les relations professionnelles jouent dans le cas de Javier Grillo-Marxuach : « j'étais devenu ami avec Jesse Alexander hors du cadre professionnel, il me soutint énormément »353,

dit-il. Outre l'écriture d'épisodes unitaires pour des séries moins feuilletonnantes, son parcours témoigne d'une affection pour les séries qui mêlent les genres et les tons, notamment dans la

fantasy, le surnaturel, la science-fiction, l'humour, la parodie et le drame354. Outre ses relations

amicales avec Jesse Alexander, c'est certainement sa connaissance des codes des genres et son aptitude à en jouer avec exubérance qui légitime son emploi dans le groupe de réflexion. Jennifer Johnson a un parcours plus régulier. Ses crédits montrent qu'elle change de série presque tous les ans mais reste essentiellement dans la veine du drame et du policier, avec un penchant pour les questions sociales ou du moins les séries concentrées sur les relations humaines. Paul Dini a surtout une longue carrière dans les comics et les séries animées, après avoir travaillé avec DC Comics. Avant Lost, il a créé plusieurs séries animées de super-héros et a donc une expérience dans le développement. Christian Taylor a moins d'expérience que les trois autres membres du groupe de réflexion, mais son emploi est probablement légitimé par sa participation à Six Feet Under (HBO, Alan Ball, 2001 – 2005), une série où la mort est comme dans Lost un thème central, en particulier la mort symbolique du père, une péripétie qui marque le début des deux séries. Avant Lost il participe également à Miracles (ABC, Michael Petroni, Richard Hatem, 2003), « une étrange série fantastique où sont sans cesse interrogées les limites entre foi et science, qui aurait pu être un digne successeur à X-Files, dont elle partage certains tropismes »355. À bien des égards il avait le profil idéal pour venir

travailler sur Lost ; par ailleurs son emploi par ABC pour la courte série Miracles montre qu'il 352 Idem.

353 Idem.

354 Charmed (WB, Constance M. Burge, 1998 – 2006) ; The Chronicle (Syfy, Silvio Horta, 2001 – 2002) ; Jake

2.0 (UPN, Silvio Horta, 2003) ; Medium (NBC, CBS, Glenn Gordon Caron, 2005 – 2011) ; The Middleman

(ABC, Javier Grillo-Marxuach, Les McClaine, 2008) ; Helix (Syfy, Cameron Porsandeh, 2014 – 2015). 355 Benjamin Fau, « Miracles » dans Dictionnaire des séries télévisées, op. cit., p.644.

était peut-être encore contractuellement lié à la chaîne.

Ces quatre scénaristes constituent avant l'heure une « salle des scénaristes en parallèle du développement du Pilot, travaillant en étroite collaboration avec les créateurs »356

essentiellement Damon Lindelof – de mars à juin 2004. Selon le témoignage de Javier Grillo- Marxuach, lors de la première réunion du 24 février 2004, Damon Lindelof dévoile plusieurs éléments du monde fictionnel de Lost, notamment la trappe et la Medusa Corporation, qui sera rebaptisée Dharma Initiative par Craig Wright lors du premier mini-camp357. Par ailleurs

le fond de la nature de l'île leur est déjà présenté : « l'île était le nexus d'un conflit entre le bien et le mal : un territoire non répertorié, non répertoriable, avec une force mystérieuse en son coeur, qui appelait l'humanité pour jouer un jeu primal entre la lumière et les ténèbres »358.

À terme Jacob et l'Homme sans nom représenteront les deux côtés de ce manichéisme, selon leur propre individualité, un choix qui témoigne de la nature construite de la dialectique entre bien et mal. L'île est impossible à cartographier car les personnages peuvent découvrir tardivement des lieux auparavant complètement absents359. Cette force mystérieuse au centre

est une lumière très puissante, la Source que nous découvrons dans Across The Sea (S06E15) et dans The End (S06E17-18).

Dès le lendemain, le 25 février 2004, Damon Lindelof leur fait circuler des copies du scénario de l'épisode pilote pour leur fournir une base de travail et pour avoir leurs impressions. Conformément à la première scène dont Damon Lindelof fait le pitch le 12 janvier 2004, le pilote commence in medias res et le crash a déjà eu lieu, contrairement au script de Jeffrey Lieber qui présentait les personnages dans l'avion. Il sera montré ultérieurement par le biais de trois flashbacks se focalisant chacun sur un personnage central (Jack, Kate et Charlie). À ce moment le procédé du flash-back est encore loin de faire partie de la structure ordinaire du récit. Il s'agit plutôt d'employer les flashbacks subjectifs pour montrer rétrospectivement le crash comme un événement traumatique, par le biais de sa réminiscence par les personnages qui l'ont vécu quelques heures plus tôt. Dans ce scénario la plupart des personnages apparaissent mais ne sont encore que des types semblables à ceux décrits par Jeffrey Lieber dans son premier concept en septembre 2003360.

Une des anecdotes connues de la genèse de Lost est qu'à cette étape du développement le personnage de Jack était supposé mourir à la fin de la première partie de l'épisode pilote. 356 Javier Grillo-Marxuach, op. cit.

357 Idem.

358 Idem. ; traduction reprise à Florent Favard, op. cit., p.228.

359 Une propriété que nous avons reliée à l'architextualité du jeu dans le chapitre précédent

Seulement, comme le fait souligner Javier Grillo-Marxuach, qui prétend avoir annoté le script d'un « vous ne pouvez pas tuer l'homme blanc » (« you can't kill the white guy »)361 et que je

paraphrase ici, ce personnage, l'archétype du héros blanc, est une figure masculine centrale dans le processus d'identification du spectateur, d'autant plus dans le cadre d'une série comme

Lost avec un casting international. Sa mort aurait été un coup de théâtre évident (« piece of showmanship »362) en rupture avec les traditions de l'industrie télévisuelle, qui cherche plutôt

le consensus et faire adhérer une large audience, que la déstabiliser. Dans les jours qui suivent, Damon Lindelof et J.J. Abrams reçoivent la même remarque de la part des cadres de ABC et doivent adapter leur scénario et leur casting au maintien de Jack comme personnage central. À défaut d'une mort symbolique du héros blanc charismatique, J.J. Abrams et Damon Lindelof décideront de réserver ce sort au pilote de l'avion, ironie dramatique par laquelle ils tuent le pilote dans le Pilot (S01E01-02).

Nous ne disposons pas de ce scénario original. Toujours est-il que Damon Lindelof le réécrivent alors qu'ils terminent le casting en mars-avril et rendent le 19 avril une version du pilote à tourner en mai, à laquelle Lloyd Braun donne le feu vert. Seulement le budget faramineux de cette production n'enchante pas Disney (qui est propriétaire d'ABC), qui renvoie Lloyd Braun de son siège de directeur d'ABC dès le lendemain, le 20 avril 2004363 et

le remplace par Stephen McPherson, auparavant à la tête de ABC Studios, qui ne partage pas le même esprit aventurier que son prédécesseur. Lloyd Braun n'est pas crédité pour son rôle dans le développement de Lost mais laisse une petite trace dans la série : « Braun apparaît dans presque chaque épisode de Lost comme la voix non créditée qui annonce « Précédemment dans Lost » »364. Stephen McPherson reste à la tête de ABC durant toute la

période de la diffusion de Lost ; il quitte cette position en juin 2010. C'est avec lui que les

showrunners firent les négociations annuelles en mai/juin pour améliorer les conditions de

diffusion et obtenir prématurément une date de fin en 2007.

Pendant que J.J. Abrams et Damon Lindelof s'occupent des réécritures de l'épisode pilote, du casting et de la pré-production entre mars et avril, puis du tournage en mai, les membres du groupe de réflexion s'affairent à définir les histoires respectives des personnages principaux en s'appuyant sur des types de personnages et sur un casting inachevé, voire 361 Javier Grillo-Marxuach, op.cit.

362 Idem.

363 Bill Carter, « Top Managers Dismissed at ABC Entertainment » [article en ligne], The New York Times, le 21/04/2004, URL: http://www.nytimes.com/2004/04/21/business/top-managers-dismissed-at-abcentertain ment.html?_r=1, consulté le 30/05/2017.

parfois sur des acteurs sans personnage365. Cette tendance à tailler un personnage autour de

l'acteur, ou du moins à l'adapter à sa corporéité, sa voix voire sa personnalité fera une grande force de l'auteur pluriel en permettant à des acteurs avec peu d'expérience comme Evangeline Lilly ou Jorge Garcia de faire de grandes performances. Elle deviendra le mode opératoire des

showrunners lors des castings des saisons ultérieures.

Afin d'expliquer la méthode de travail du groupe de réflexion entre fin février et courant mai 2004, je vais commenter cette longue remarque de Javier Grillo-Marxuach :

« Jusqu'en mai 2004, alors que l'épisode pilote était projeté pour ABC et était sélectionnée pour devenir une série, les scénaristes croyaient vraiment que l'intégralité du récit se déroulerait sur l'île. Sur ce principe nous essayions de résoudre les intrigues principales et secondaires autour de la thématique sa Majesté des mouches/« Comment créer une civilisation quand on est rescapés sur une île sans espoir d'en échapper ? ».

Pour faire fonctionner ce concept, nous avons créé des histoires passées de personnages extrêmement détaillées, que nous espérions pouvoir utiliser pour expliquer les actions des personnages sur l'île. Pendant des semaines, chaque membre du groupe de réflexion travaillait sur un personnage ; en dehors de la salle [des scénaristes] nous cherchions [chacun de notre côté] des péripéties dans leurs vies passées, avant de les présenter aux autres. Dans la salle, le groupe de réflexion travaillait avec Damon [Lindelof], qui choisissait les événements qu'il trouvait intéressants, puis nous essayions de parfaire les personnages à partir de cela. Dans la majorité des cas, ce furent les histoires que [les scénaristes du] groupe de réflexion écrivirent lorsqu'on leur assigna des épisodes ensuite ; c'est comme cela que je me retrouvai à écrire l'épisode centré sur Jack All the Best Cowboys Have Daddy Issues »366.

Selon ce témoignage, ils cherchèrent avant tout à définir le passé des personnages pour expliquer leurs actions dans une perspective constructiviste. À ce moment, les scénaristes ont une organisation assez individualiste et semblable au fonctionnement ordinaire de la télévision : chacun réfléchit et travaille de son côté sur les histoires passées d'un personnage ; puis ils en discutent entre eux et les présentent au showrunner, qui choisit les histoires et les péripéties qui résonnent le mieux avec les propriétés esthétiques, les thèmes et les motifs qu'il cherche à mettre en œuvre dans la série. Et leur rôle dans l'invention de ces histoires détermine ensuite l'attribution des épisodes du début de la première saison, ce sur quoi nous reviendrons ensuite. Ce fonctionnement où chaque scénariste se charge individuellement de personnages se recoupera habilement avec le fait que l'unité des épisodes reposera davantage sur la mise en scène de l'intériorité d'un personnage, que sur la conclusion apportée à une 365 C'est le cas de Jorge Garcia, que J.J. Abrams aperçoit le 8 février 2004 dans The Car Pool Lane (Curb Your

Enthusiasm ; S04E06). Après cette découverte il lui fait lire les dialogues de Sawyer pour la séance de

casting et le personnage d'Hurley fut taillé sur mesure pour l'acteur. 366 Javier Grillo-Marxuach, op. cit. ; voir extrait n°10 en annexe.

intrigue typique des séries moins feuilletonnantes. Cela explique pour une part l'autorité que les scénaristes ont individuellement sur les treize premiers épisodes qu'ils écrivent respectivement : la maîtrise du personnage et de l'intrigue depuis la phase de développement de l'histoire jusqu'à la salle de montage asseoit leurs autorités juxtaposées respectives.

Ce travail de développer les histoires passées de leurs quatorze protagonistes et de les lier à de potentielles histoires se déroulant sur l'île aboutit à l'écriture du format de la série, « ce document entre Series Format et argumentaire de vente, étrangement bizarre et obsolète avant même de quitter les bureaux de Bad Robot »367. Il est divisé en trois sections : la

première vise à répondre aux principales questions que peuvent se poser les cadres de ABC. La deuxième présente les quatorze protagonistes et la troisième donne en exemple une trentaine d'histoires exploitables pour la suite de la série.

Dans la partie questions/réponses, ils abordent d'abord le plan de l'appartenance générique et des structures narratives368. Sur l'appartenance générique ils renvoient aux codes

de la série médicale, de la série policière, de la série judiciaire et du soap opera. Par ailleurs ils prétendent officiellement placer leur usage des codes de la science-fiction dans la filiation de Michael Crighton, un mensonge aujourd'hui évident. Du point de vue de la structure narrative, ils expliquent que la série sera feuilletonnante du point de vue des arcs narratifs des personnages, mais que les intrigues épisodiques permettront au spectateur lambda de prendre la série en cours de route ; cela est peut être vrai pour les premiers épisodes mais l'augmentation progressive de la densité narrative et l'usage abusif du cliffhanger léseront très vite l'unité d'intrigue de l'épisode. Le rythme narratif (faire correspondre une à deux journées par épisodes) sera lui relativement respecté. Les pages 3 et 4 du Series Format sont réservées à la question de la mythologie (comprise ici comme le monde fictionnel spécifique à la série). Sur la nature de l'île, ils prétendent encore une fois que « contrairement à The X-Files, [leur] mythologie est compartimentée, non pas interconnectée »369. Ce mensonge pieux sera démenti

par la suite du récit, l'interconnexion narrative entre les épisodes se renforçant au fil du temps. Concernant la nature de l'île, « il n'y a pas de « mystère ultime » à résoudre »370 : l'idée que

Lost était plutôt une série à mystère qu'une série à énigme était donc présente dès ce format.

Le monstre n'est pas décrit mais l'effet recherché dans ce document (l'utiliser, non pas pour faire des courses poursuites, mais comme une menace constante et oppressante371 qui donne à

367 Idem.

368 J.J. Abrams et Damon Lindelof, Lost Series Format, 05/05/2004, [disponible sur l'archive Lee Thomson], p.1-2.

369 Ibid., p.3 370 Idem. 371 Ibid., p.4

la série son atmosphère de thriller) correspond à sa caractérisation sonore initiale. Quant aux

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