N° 25. Paraissant le 15 dechaque mois. 15 Juin 1926.
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Le Numéro.
France... 3f 50 Etranger. 4f 50 AdresserlemontatitdesAbonnements àl'Institut
duPin.— C.C. Bordeaux 9237
BULLETIN
DE
L'INSTITUT du PIN
Sous le contrôle de l'Institut des Recherches agronomiques
et rattaché à la Faculté des Sciences de Bordeaux
<r
I, Articles originaux
SOMMAIRE
Pages
A. I. 11 Sur l'avenir économique de la forêt
landaise 413
D. I. 16 Contribution à l'étude des résinâtes in¬
dustriels 417
F. 1.9 La Cellulose et ses Dérivés (résumé des leçonsprofessées parM. Dupont,cours public), parM. Soum. 431
Pages II. Documentation
D. II. 37 Production pathologique de la Résine
et Gemmage, parDufrénoy 423
G. II. 76 Les Carburants (d'après la conférence
de Louis Pineau 433
J
MODE DE CLASSIFICATION DE NOS DOCUMENTS
A. Généralités.
B. Récolte et traitement des résines.
C. Essences de térébenthine, terpènes etdérivés.
D. Constituants solides des résines et leurs dérivés.
E. Dérivéschimiquesdubois.
F. Cellulose de bois.
G. Documentsdivers.
Adresser la Correspondance :
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BULLETIN
DE
L'INSTITUT DU PIN
Sous le contrôle de l'Institut des Recherches agronomiques
et rattaché à la Faculté des Sciences de Bordeaux
A. I. 11
Sur l'Avenir éGORDmigae de la Forêt landaise
Rapportfait parM. G. Dupont
auXIIIe Congrèsnational des Syndicats agricoles
à Bordeaux(juin 1926)
La région landaise, que nos
pères
ont connuesi
tristement déshéritée, traverse aujourd'hui une pé¬
riode de prospérité que lui envient
bien des régions
regardées autrefois comme
les plus heureuses;
Cette prospérité tient à l'accroissement
de valeur
formidable des produits qu'elle tire de sa
magnifi¬
que forêt de pins. La gemme, d'une part, que nous
avons vu, à certaines périodes, vendre 0 fr. 05
le
kilo, qui avant guerre valait h fr. 10, se cote
actuel¬
lement plus de 4 francs le kilo. D'autre part,
la
valeur du bois amonté dans desproportions, moin¬
dres sans doute, mais encore considérables.
Si cette prospérité, romme certains le
craignent,
n'était que factice, si ces taux actuels étaient mena¬
cés de retomber demain à leur valeur ancienne (fut-ce en francsi-or), ce serait pour la région dont
la production est si spécialisée un désastre
terrible.
Il est donc utile de rechercher les causesdes hauts
cours actuels, les menaces dont ils peuvent être l'objet et les moyens de les stabiliser.
La cause principale des hauts cours actuels, en
ce qui concerne les produits résineux, est l'accrois¬
sement de consommation de ces produits, provo¬
quée principalement par la découverte de débou¬
chés nouveaux. Pour répondre à cet accroissement,
les Américains qui sont, on le sait, les plus gros producteurs, finissent de détruire par une exploi¬
tation inconsidérée leurs vieilles forêts naturelles de pins, et leurs exportations, amoindries déjà par les besoins croissants des Etats-Unis, sont mena¬
cées d'être, dans un avenir prochain, réduites à
néant par la disparition des forêts productrices. En
revanche, les hauts cours des résineux incitent tous
les pays où poussent des pins à entreprendre ou développer l'exploitation de ceux-ci. Le Portugal,
la
Grèce, la Yougo-Slavie, en Europe; le Mexique, l'Argentine, en Amérique; les Indes, la
Birmanie et
l'Indochine en Asie; l'Australie et la Nouvelle-Zé¬
lande en Océanie, apporteront sans doute d'ici quelques années, sur le marché mondial,, des quan¬
tités croissantes deproduits résineux; tandis que les Etats-Unis, par le reboisement et par une ex¬
ploitation plus méthodique, assurera une produc¬
tion sans doute assez fortement réduite, mais en¬
coreimportante. Mais les régions du monde où les pins sont avantageusement exploitables, sont assez
peu étendues pour qu'il y ait lieu de penser que, d'ici longtemps du moins, on n'ait pas à craindre
la surproduction en produits résineux.
En revanche, une diminution notable de la con¬
sommation pourrait résulter des hauts cours ac¬
tuels. Ceux-ci, en effet, provoquent l'apparition de
succédanés et de substituts à bas prix. Chaque fois, par exemple, que l'essence de térébenthine at¬
teint un prix trop élevé, les fabricants de peintures
et vernis lui substituent le white-spirit et, malgré
la qualité très inférieure des produits obtenus, quand l'habitude de ce solvant est prise par la
clientèle, il faut plusieurs années et une baisse de prix considérable de l'essence pour qu'elle reprenne
sa position première. Nous avons là la raison prin¬
cipale de ces chutes de prix que subit l'essence après une montée excessive. C'est sur ce point sur¬
tout que nos producteurs doivent veiller et agir. Le
meilleur moyen pour les producteurs de lutter con¬
tre la concurrence des succédanés est d'utiliser eux- mêmes leurs matières premières, essence et résine,
pour les transformer en produits manufacturés :
1
414 BULLETIN DEL'INSTITUT DU PIN— N° 25 - Juin 1926
l'industrie doit être non seulement, pour eux, une
source de bénéfices nouveaux, mais une sentinelle avancée leur permettant le contrôle des usages de leurs produits, la lutte contre la spéculation, la
stabilisation des cours et surtout la surveillance des causes susceptibles de réduire les débouchés de
leurs produits et la recherche de débouchés nou¬
veaux et plus rémunérateurs. C'est donc par son industrialisation que la région pourra assurer la
stabilisation et même l'amélioration de sa prospé¬
rité actuelle.
Qu'a-t-on fait dans ce sens et que reste-t-il à
faire ? C'est ce que je vais rapidement exposer.
I. — Essence de térébenthine.
Avant la guerre, la presque totalité de l'essence produite était expédiée hors de la région landaise
pour servir surtout de solvant dans certaines fabri¬
cations : cirages, encaustiques, peintures et vernis.
Depuis la guerre, quelques petites usines se sont montées dans la région pour ces fabrications, mais
il reste encore beaucoup à faire de ce côté, parti¬
culièrement en ce qui concerne la fabrication des vernis.
Mais pour ces usages physiques de l'essence de térébenthine, des concurrents sérieux se présen¬
tent : à l'essence de térébenthine trop chère ten¬
dent à se substituer des succédanés sans doute bien inférieurs comme qualité, mais d'un prix beaucoup plus bas : le white-spirit, les essences de bois amé¬
ricaines, les hydrures de naphtaline (tétraline et décaline), etc. Pour maintenir les prix de l'essence
en face de ces substituts et des autres que l'indus¬
trie produira demain, il faut chercher pour l'es¬
sence des débouchés nouveaux pour lesquels la
concurrence sera moins à craindre : ces débouchés,
on doit les trouver dans une utilisation chimique
de l'essence en vue de la fabrication synthétique
de produits à prix élevés, synthèses de produits pharmaceutiques, de parfums synthétiques, de camphre, etc.
Dans ce sens, des efforts très louables ont été faits dans notre région, particulièrement pour la fabrication de la terpine, du terpinéol et de leurs dérivés, fabrication qui était jadis monopolisée par
l'Allemagne. Malgré cette concurrence allemande, qui a parfois été rude pour les industries débu¬
tantes, assez timidement lancées, deux usines fonc¬
tionnent aujourd'hui chez nous de façon satisfai¬
sante; elles assurent la majeure partie de la pro¬
duction française et luttent aujourd'hui avec avan¬
tage sur les marchés étrangers. Ces usines ne demandent aujourd'hui qu'à se développer en ac¬
croissant leurs moyens d'action, et à étendre leur
fabrication à celle de divers produits pharmaceuti¬
ques, de parfums nouveaux : ces usines doivent être considérées comme les embryons précieux
d'industries nouvelles particulièrement intéressan¬
tes pour notre région.
La synthèse du camphre est également très im¬
portante comme débouché possible pour notre
essence de térébenthine : on sait les énormes be¬
soins en camphre de l'industrie du celluloïd et les prix élevés atteints par le camphre naturel. Des usines, fabriquant chacune 1 à 2 tonnes de camphre synthétique par jour, à partir de l'essence de téré¬
benthine, fonctionnent en Allemagne, en Angleter¬
re, en Italie, en Espagne. LaFrance, qui cependant,
avec Berthelot, a réalisé la première la synthèse du camphre et qui possède sur trois des précédentes
nations l'avantage de produire elle-même l'essence
de térébenthine nécessaire, ne produit annuelle¬
ment qu'un très faible tonnage de ce corps, et dans
notre Sud-Ouest aucune usine de camphre n'existe;
il y a donc là une anomalie qui doit rapidement
cesser.
En dehors de ces fabrications, la chimie nous
permet d'en prévoir une foule d'autres qui, demain,
seront des réalités industrielles; notre région a tout intérêt à aller de l'avant dans cette voie qui
doit assurer à son essence des débouchés toujours plus rémunérateurs.
II. — La colophane et ses dérivés.
Avant la guerre, la colophane servait en majeure partie pour la confection d'huile de résine, de ver¬
nis cle basse qualité et pour celle d'allume-feu;
l'emploi de la résine pour le collage du papier ten¬
dait également à se généraliser, mais aucune fabri¬
que de colle de résine n'existait dans la région.
Depuis la guerre, plusieurs usines decette nature
se sont créées dans notre région, ainsi que des usi¬
nes fabriquant des résinâtes métalliques: et des
éthers résiniques (produits précieux pour la fabrica¬
tion des vernis et des peintures vernissées) des poix
de brasserie, des graisses à voitures, des cires à bou¬
teilles, des cires à cacheter, etc. Ces usages divers
de la résine assuraient déjà un débouché intéres¬
sant pour ce produit. Mais, ces dernières années, les emplois de la résine en savonnerie ont subi un
développement important. On sait les qualités pré¬
cieuses communiquées à certains savons par la présence de résine dans leur composition. Jusqu'à*
ces dernières années, cependant, l'emploi de la
résine dans les savons dits 72 % était regardé
comme frauduleux. Ce n'est que l'an dernier qu'un
BULLETIN DE L'INSTITUTBUPIN —N° 25 - Juin 1926 415
décret, est venu rendre légal l'emploi de résine dans
les savons de qualité. L'accroissement de consom¬
mation en résine, qui est résulté de ce fait, joint
d'ailleurs à l'augmentation des autres besoins, a
provoqué
cesderniers temps
unehausse considéra¬
ble de prix des colophanes : c'est
ainsi
que lesprix
des brais clairsi sont passés de 128 francs en avril
1925, à 350 francs en avril 1926.
Cette hausse rapide des cours n'a pas que des avantages : beaucoup des débouchés anciens de la colophane se voient
aujourd'hui
fermés parles prix
trop élevés, et certaines des
industries créés dans
la région-même voient de ce fait leur existence
menacée.
Iles risques assez gros résultent, d'autre part, de
cet état de choses : comme pour l'essence, des suc¬
cédanés peuvent venir menacer l'avenir de la colo¬
phane : des résines synthétiques tirées des gou¬
drons ou de la cellulose, pourront concurrencer la colophane dans la fabrication des vernis; des colles .végétales ou animales, dans le collage des papiers,
des corps gras à basprix provenant de nos colonies
dans la fabrication du savon, etc.
Il est donc nécessaire ici, si l'on désire maintenir le prix actuel des colophanes, de rechercher pour elles des débouchés nouveaux abondants et rému¬
nérateurs, et ceux-ci se trouveront, comme pour l'essence, par l'étude des propriétés chimiques des colophanes, étude qui permettra de découvrir des utilisations, par exemple, dans la synthèse de pro¬
duits pharmaceutiques ou de matières colorantes.
III. — Le bois de pin.
Le bois était jadis'le seul produit de valeur de la
Forêt landaise. Aujourd'hui, il en est presque devenu le sous-produit. Il y a dece côté, une situa¬
tion assez illogique, car la forêt produit normale¬
ment plus de 4 millions de tonnes de bois.
Avant la guerre, le bois landais ne servait guère
que comme bois de feu ou pour des usages méca¬
niques : bois d'oeuvre, caisserie, poteaux de mine, poteaux télégraphiques, traverses de chemins de fer, etc. Dans le but d'améliorer les qualités du bois de pin des usines pratiquaient déjà avant guerre l'injection ou l'imprégnation particulière¬
ment pour la préparation des traverses, poteaux de
mine et pavés de bois.
Les avantages principaux idu bois de pin sont : d'être bon marché et de résister assez bien à la pourriture. Les producteurs ont évidemment inté¬
rêt à supprimer ce premier avantage, mais il faut
alors qu'ils trouvent des débouchés pour lesquels
le bois de pin vaille mieux que les autres bois plus
coûteux. Ces usages particulièrement rémunéra¬
teurs du bois de pin, il faut, comme pour les rési¬
nes, les rechercher dans des usages chimiques;
ceux-ci s'offrent par deux voies : la distillation du
bois et la fabrication du papier.
I
La distillation du bois de pin
Pour utiliser les rémanents laissés dans la forêt par son exploitation, depuis des siècles les char¬
bonniers landais fabriquaient du charbon par le
vieux procédé de la meule ou, lorsqu'il s'agissait
de bois très résineux comme les souches, à l'aide de petits fours fixes, les « hournots », qui leur per¬
mettaient, en même temps, la récolte du goudron.
Au lendemain de la guerre, la présence de stocks
considérables de bois laissés sur le sol de la forêt par l'exploitation militaire, a orienté certains de
nos industriels vers la distillation complète du bois
en usines fixes. L'insuffisance des moyens maté¬
riels mis en œuvre et une étude sans doute trop superficielle du problème, ont fait avorter ces
essais cependant intéressants; il est évident que la
distillation du bois de pin doit être conduite diffé¬
remment de celle des bois feuillus; les rendements plus faibles en méthylène et en pyroligneux obte¬
nus dans les conditions ordinaires, rendent en effet l'exploitation de ces produits généralement peu rémunératrice, mais je puis dire ici que des études
que nous avons menées avec le concours de l'Office
national des combustibles liquides nous ont montré
que l'on pouvait aisément multiplier par 5 le ren¬
dement en méthylène de la distillation du bois de pin et rendre ainsi très rémunératrice cette exploi¬
tation. Il est donc à prévoir que ces méthodes ou d'autres analogues permettront demain de déve¬
lopper la carbonisation en usine fixe. Mais un autre aspect de la question est particulièrement intéres¬
sant : c'est la distillation en forêt à l'aide d'appa¬
reils mobiles.
Dans quelques jours, notre région forestière va être le lieu d'une manifestation ayant précisément
pour objet un concours de carbonisation en forêt
doublé d'un circuit de camions à gazogène. Nous
serons appelés à constater ainsi les progrès accom-
»plis ces dernières années d'unepart dans les métho¬
des permettant de tirer des sous-produits fores¬
tiers, le charbon et le goudron, et, d'autre part,
clans l'utilisation du charbon de bois comme car¬
burant.
L'exploitation forestière laisse sur le sol de la forêt, d'après diverses évaluations, plus d'un mil¬
lion de tonnes de bois. Ce bois serait susceptible de
fournir plus de 200,€00 tonnes de charbon et celui-
3
416 BULLETIN DE L'INSTITUT BU PIN — N° 25 - Juin 1926
ci, utilisé dans des gazogènes en remplacement d'essence, est, d'après M. Goûtai, susceptible de remplacer 2 millions d'hectolitres d'essence et d'économiser de ce fait à la France plus de 400
millions de francs d'importations annuelles. Le
charbon de bois est, on doit le dire, le seul carbu¬
rant national qui puisse actuellement lutter écono¬
miquement contre l'essence, et l'on sait ainsi l'im¬
portance que présente cette question de l'utilisa-
iton des sous-produits de la forêt landaise. Une première usine fonctionne déjà à Bayonne pour la fabrication d'un charbon carburant dans la com¬
position duquel entrent à la fois le charbon et le goudron tirés du bois de pin., Il y a là une utili¬
sation intéressante de nos sous-produits forestiers
et l'on doit espérer qu'à la suite du concours de
cet été, nos forestiers se mettront à tronsformer leurs sous-produits en charbon et en goudron qui.
utilisés comme carburant dans nos tracteurs et nos
camions, économiseront finalement au pays de coû¬
teuses importations d'essence tout en apportant à
la région landaise un surcroît intéressant derevenu.
La pâte à papier de pin
Une autre question d'un intérêt considérable pour les producteurs de bois landais, est le développe¬
ment de la papeterie dans les Landes. La forêt lan¬
daise exporte annuellement plus de 8Û0,0'00 tonnes
de poteaux de mine. Cette exportation, assez rému¬
nératrice grâce aux prix peu élevés du fret pour
l'Angleterre, fourni par les bateaux qui apportent à Bordeaux ou à Bayonne le charbon, se trouve menacée d'être beaucoup moins rémunératrice le jour prochain où l'électrification du Midi réduira
notablement les importations de charbon anglais
dans notre région. Or, ces poteaux de mine sont précisément susceptibles de fournir avec un ren¬
dement excellent, une pâte à papier de première qualité. Si on transformait intégralement en pâte chimique tout le tonnage que nous exportons aujourd'hui en Angleterre, on obtiendrait 200.000 tonnes de pâte représentant plus de 700 millions
de francs, sans compter les sous-produits que l'on peut retirer de ces fabrications.
Depuis la guerre on a, de divers côtés, hardiment
abordé ce problème du papier de pin : une première petite usine marche, et deux grosses usines, munies
de l'outillage le plus moderne, sont en construction;
l'une d'elles marchera dans quelques mois. Ces
usines fabriquent ou fabriqueront d'abord des papiers! kraft, papiers d'emballage de haute résis¬
tance; les deux dernières prévoient la récupération
de la soude et de divers sous-produits précieux.
On est en droit d'espérer que de ces réalisations
naîtront un développement industriel considérable
de la région, car, en dehors de la fabrication des diverses qualités de pâtes à papier, toute une série d'industrie sont susceptibles de se greffer sur celles-
ci : celles des nitro et des acétocelluloses, celles des vernis fins, du celluloïd, des films cinématogra¬
phiques qui en dérivent, ©fc.
CONCLUSIONS
Comme conclusion au rapide exposé qui précède, je dirai ma conviction que la prospérité actuelle de
la région landaise n'est pas un heureux accident et que des lendemains encore plus brillants doivent
être escomptés. Mais cet avenir ne saurait être assuré que par le travail et la volonté. L'Allema¬
gne avait su, jusqu'à ce jour, conserver une supré¬
matie indiscutable dans tout le domaine de l'indus¬
trie chimique. Elle devait cette suprématie, non seulement au travail de ses techniciens, mais à leur savoir et à leur collaboration étroite avec les laboratoires scientifiques.
Les industries qui assureront l'avenir des pro¬
duits de la forêt landaise sont des industries chi¬
miques des plus délicates et leur développement
réclame cette collaboration de la science et des pro¬
ducteurs qui faisait la force de nos ennemis d'hier.
Un pas notable a été fait dans ce sens, Messieurs, dans cette région, puisque les départements des Landes et de la Gironde, aidés d'ailleurs largement
par les ministères de l'Agriculture et de l'Instruc¬
tion publique, ont bien voulu aider à la création de l'Institut du Pin, qui est ce trait d'union nécessaire entre la science et l'industrie, trait d'union encore bien insuffisant sans doute pour répondre à tous
les besoins que je viens de signaler, mais qui se
développera si vous continuez à l'aider, ce dont je
ne doute pas.
BULLETIN DE L'INSTITUT BUPIN —N° 25 - Juin 1926 417
D. 1. 16
CONTRIBUTION Â L'ÉTUDE
DES
RÉSINÂTES INDUSTRIELS
Par Roger Uzac
(suite)
De très nombreux brevets ont été pris concer¬
nant des formules ou des procédés de fabrication.
Certains font tomber la colophane fondue en pluie
dans la lessive bouillante (F. Arledter 1899 : B.F.
291 907). H. Hampel et V. Zampis (1898 :
B.F.
281 694), préfèrent broyer la résine
préalablement
avec 3 % de GO3Na2 et ajouter de l'eau à
SO-l'O'O°,
puis 6 à 7 % deG03Na2
enpoudre. MUe Guilbert
(1899 B.F. 293 076), opère aussi un broyage
préa¬
lable, mais avec la quantité voulue de iG03Na2.
La
présence de GO2 donnantd'après quelques auteurs
des savons de très bonne tenue, G. Huth emploi le
bicarbonate de soude au lieu du carbonate (1900-
B.F. 302 832; addition : 1901), A. de Gew fait bre¬
veter l'emploi d'addition de tanin, de
«silicate de
soude, de cire (1918 U.S.A.P. 317 616. U.S.A.P.
317
618) — 1914, UjS.A.P. 472 662). Mitscherlich ajoute de la corne dissoute dans de la
soude (1905
B.F. 356 269). Enfin, on a préconisé la gélatine,
la
colle forte, l'amidon, la dextrine, la caséine, le phé¬
nol, le phénanthrène, l'huile de lin, etc...
Le prix de revient limite
l'emploi de toutes
ces additions, malgré les bons effets
qu'elles
peu¬vent produire. Il en est de
même du brevet de
Kieser qui hydrogène sa colophane avant
saponifi¬
cation pour éviter le jaunissement du
papier.
Propriétés des savons de résine.
Les savons de. résine se présentent sous forme plus ou moins visqueuse. «Seuls les savon
à l'am¬
moniaque sont solides comme les savons gras.
Un
savon de résine contenant 25 % de résine libre,
verra sa consistance diminuer si le pourcentage
d'eau augmente de 40 à 60 %, mais restera
trans¬
parent. A 60 % d'eau environ, le savon devient plus
consistant et peu à peu devient opaque.
Si
on l'abandonne à lui-même plusieurs mois, il se pro¬duit une séparation : la couche supérieure
rede¬
vient transparente et un excès de savon
tombe dans^
la couche inférieure. Un savon à pourcentage plus
élevé de résine libre, supportera moins d'eau en¬
core.Ces savonsà résine libre sont acides à laphta-
léine, mais leurs solutions aqueuses virent au rose par suite de l'hydrolyse qui se produit.
Le savon de résine a de fortes propriétés déter-
sives : tlillyer (8) a étudié la tension de surface
entre des solutions de savon et du kérosène. Cette tension, pour le savon de résine en solution aqueu¬
se N/10 est seulement de 5 à 6 % de celle de l'eau.
La décomposition hydrolytique est variable avec
la concentration et la température des solutions : elle augmente dans les solutions étendues.
L'étude
de cette dissociation a été faite par voie éleçtrochi- mique et par voie chimique, par A. Hang
(9), qui
a publié une série de courbes.
J'ai résumé dans un tableau ses résultats et
ceux de Me. Bain et de ses collaborateurs (10), sur les savons gras.
Concentration de lasolution
N/l
Savonrésineux résinelibéréepar
l'hydrolyse
»
Savon depalme hydrolyse
°/'o
0,20
0,1 N 6 % 1,28
0,0 5N 10 » 2,22
0.02N 24 » 5,6
0i, 0 IN 50 » 6,6
0,005N 70 » »
Quand le savon de résine contient une partie de
sa résine à l'état libre, il remarque que le pourcen¬
tage de résine libérée par
l'hydrolyse, diminue
au-dessous de 2 % de concentration.
Pour un savon à 25 % de résine libre il obtient : Conc O.IN 0.05N 0.02N 0.0IN 0.005N 0.00IN
Hydrol..o/o. 33 36 40 56 60 50
Cette dissociation est diminuée par addition de
Na.Gl :
Résine»/ohydrolyséedans: Concentr. eaupure 0.05 gr. 1.25 gr.NaCl
delasolution NaCl p.L. parlitre
9,1 N 6 % 5 % ■ 3 %
0,05'N 10 » 8 » 5 »
Oi,02N 24 » 18 » 11 »
0,01N 50 » 28 » 17 »
Cette dissociation explique la réaction alcaline
des solutions aqueuses de savon. 'Le
trouble
de ces solutions est dû à cette résine Tibre qui se trouveà l'état de suspension.
Est-ce de la résine libre ou une micelle contenant
de la résine libre et du savon ? Me. Bain, Laing et
(8) Journal of the Amer. Society, 1903.
<9) Wochenblatt fur Papier Fabrikation, nos 1 à 4 et 5, 1923.
{10) Me. Bain et Martin, et Me. Bain et Balam, Transact. chenu
soc., 1914, t. 105, p. 957, et 1918, t. 113, p. 825.
H rang .£*'•■ - "i >7*-"* -■"■f-WÏ HH ■<•■ ■' ■&*> ■X'1-i-r.m-y ■ . ,, , ■■ -«, » „• . r , JB
418 BULLETINDE L'INSTITUT BU PIN— N° 25 - Juin 1926
Taylor (11), ont trouvé que les particules en sus¬
pensions dans les solutions de palmitate de soude avaient la formule : H.P.2NaP (P. étant le radical acide). Krafft et Stern (12) trouvent que ces par¬
ticules tendent vers Na.HP2 quand la dilution aug¬
mente..Ils opéraient par' extraction des solutions au
toluène.
J'ai fait cette extraction pour le savon de résine
en solution N/100. Le produit extrait, lavé à l'eau, puis analysé donne les indices de neutralités :
I.N. = 0,12 pour un savon alcalin.
I.N. = 0,10 pour un savon à 25 % de résine libre.
J'ai ajouté de l'acide titré àune solution de savon de résine 0,1N, en présence de phtaléine de phénol;
la coloration rose persiste jusqu'à ce que les 2/3
de la résine soient libérés. Le précipité obtenu n'est pas du résinate. acide 'C20H29O3Na.3C20H3ftO2, com¬
me on pourrait le supposer. Ici encore j'obtient un I.N. = 0,13. D'ailleurs quand cette résine est ex¬
traite, la solution redevient alcaline à la phtaléine.
On peut de même décolorer la phtaléine par addition de colophane.
est dissout dans 100 cm3 d'eau distillée. On fait 1 gr. d'acide abiétique à l'état de savon neutre est dissout dans 100 cm. d'eau distillée. On fait d'autre part une solution titrée d'acide dans l'al¬
cool. Cette solution est ajoutée goutte à goutte dans
la isolution savonneuse. Ladécolorationde la phta¬
léine se produit pour 1,92 gr. d'acide.
En opérant de la même façon avec de l'abiétate
acide de soude, 3 (€29H3902), €29H2902Na, sel cris¬
tallisé, isolé et étudié par MM. Dupont et Desal-
bre (13), il faut 2,5 gr. pour provoquer la décolo¬
ration.
En comparant ces résultats :
Pour 1 gr. €20H30O2 à l'état de savon, il faut : 1 gr. 92 ae. abiétique, 2,5 abiétate acide.
Pour 1 molécule de savon il faut : 1,92 mol. ac.
abiétique, 1,87 équivalent abiétate acide.
Ces dosages sont peu exactes, le virage étant peu net.
III. — RESINATES FONDUS.
Les résinâtes fondus se préparent par simple
fusion de la colophane, dans une chaudière et
chauffage avec un oxyde métallique ou un sel dont l'acide est déplaçable à chaud par la colophane : carbonate, acétate. On ne peut arriver à incorporer
la quantité théorique d'oxyde, la température né-
(11) Third report on colloid chemistry, London, 1920.
(12) Ber. 1894, 1895, 1896, 1899.
(13) Soc. des Sciences phys. de Bordeaux, 1924.
cessaire devenant celle de la décomposition de la colophane en huile de résine. Les résinâtes fondus doivent donc être considérés comme des résines durcies ou des résines siccativantes et quand on voudra obtenir la neutralité, il faudra avoir recours aux résinâtes précipités ou aux éthers résiniques.
De nombreuses formules ont été données pour
préparer les résinâtes fondus, on les trouvent indi¬
quées dans « les Vernis » de €. Coffîgnier (14). Il peut se présenter deux cas : si l'on cherche à dur¬
cir la colophane, il est généralement inutile d'em¬
ployer les fortes proportions d'oxyde indiquées
dans les traités. Ainsi pour le résinate de zinc, au lieu des 8 % indiqués, on obtient une très bonne résine durcie avec seulement 4 % de ZnO. Au con¬
traire, dans le cas de résinâtes siccativants, la par¬
tie active étant le métal combiné, il importe d'in¬
corporer de l'oxyde jusqu'à prise en masse. Ce phé¬
nomène de la prise en masse est général dans la fabrication des résinâtes fondus : à partir d'une
certaine teneur en oxyde combiné, la masse fondue du résinate, s'épaissit, puis tout à coup, se prend
en une gelée grumeleuse, et le chauffage doit être arrêté, sous peine de carboniser les parties en con¬
tact direct avec la chaudière.
J'ai étudié quelques résinâtes, soit au point de
vue de la neutralité qu'on peut obetnir, soit pour déterminer leur composition.
Résinate de chaux.
Pardeller (15) indique 6 % de chaux en poudre, j'ai en effet obtenu par cette formule un résinate d'aspect résinoïde, par simple chauffage de 30s à
40 minutes à 260 °jC.
Jai essayé de pousser la neutralisation au maxi¬
mum. Pour produire un chauffage plus homogène,
sans risquer de décomposer les parties en contact
avec la chaudière, j'ai opéré dans une étuve pou¬
vant être portée à 300° et assez étanche pour éviter
les courants d'air qui oxyderaient la masse.
50 gr. de colophane et 6 gr. de chaux éteinte, préalablement broyés ensemble, sont chauffés dans l'étuve : en une heure la température est de 260*
et 45' après de 280°. Le résinate obtenu n'a plus l'aspect résinoïde et s'est pris sous forme d'une
masse boursouflée, opaque, blanc-jaunâtre. A l'ana¬
lyse, je trouve : I.N. ='0,75.
La chaux en excès s'était accumulée à la partie inférieure; pour la remettre en contact avec le rési-
(14) «Les vernis», J.-B. Baillière, Paris, 1921, p. 153 et 218.
(15) Pardeller: «Résinâtes métalliques», Moniteur scient, de Quesneville, 1911, p. 526.
Voir aussi Nicolardot et Cofflgnier : « Sur les résinâtes fondus », B. S. C., 1920, t. 1, p. 166.