Th´eorie de la mesure (L3),Universit´e de Cergy–Pontoise
Examen du 16 d´ecembre 2019, dur´ee : 3 heures Aucun document n’est autoris´e
Tous les calculs et toutes les r´eponses doivent ˆetre justifi´es
Une r´edaction succincte et propre est demand´ee pour avoir la note maximale Exercice 1. (2 points)Soitf :R→Rune fonction d´efinie par
f(x) =
0 pourx≤0, 2 pour0< x <1, 1 pourx≥1.
La fonctionf, est-elle ´etag´ee ?
Exercice 2. (2 points)On d´efinit un ensembleA⊂Rpar A=
∞ n=0
n−3−n, n+ 2−n .
Montrer queAest bor´elien et trouver sa mesure de Lebesgue.
Exercice 3. (1 point)Enoncer le th´eor`eme de Levi sur la convergence mono-´ tone.
Exercice 4. (2 points)Soitfn(x) =ne−nx pour x≥1et n≥1. On d´efinit f(x) =
∞ n=1
fn(x), x≥1.
Calculer l’int´egrale suivante dans laquelleL1 d´esigne la mesure de Lebesgue:
[1,∞[
fdL1.
Exercice 5. (5 points)SoitE= [0,1]muni de la tribu bor´elienneB(E). Pour α∈R, on d´efinit µα:B(E)→R+ par
µα(Γ) :=
E
IΓ(x)xαdx,
o`uIΓ d´esigne la fonction indicatrice de Γ.
(a) Montrer queµαest une mesure surEet trouver toutes les valeurs deα∈R pour lesquellesµαest une mesure finie.
(b) Montrer que µα est absolument continue par rapport `a la mesure de Lebesgue et trouver la densit´e de Radon–Nikodymρα= dµdxα.
(c) Etant donn´e´ p ∈ [1,+∞[, trouver toutes les valeurs de α ∈ R pour lesquellesρα∈Lp(E).
Exercice 6. (4 points) Soit Π = [−1,1]×[−1,1] ⊂ R2 muni de la tribu bor´elienne et de la mesure de LebesgueL2.
(a) Enoncer le th´eor`eme de Fubini pour une fonction bor´elienne´ f :Π→R. (b) Le th´eor`eme de Fubini, est-il applicable `a la fonctionf d´efinie par
f(x, y) =
cos(x+y)
|xy| six∕= 0 ety∕= 0, 0 six= 0 ouy= 0 ? Indication: montrer qu’il existeδ>0 tel que
cos(x+y)≥1/2 pour 0≤x, y≤δ, et utiliser cette in´egalit´e pour minorer|f(x, y)|.
Exercice 7. (4 points)
(a) Donner les d´efinitions d’une tribu et d’une classe monotone.
(b) Enoncer le lemme des classes monotones.´
(c) Soientµetν deux mesures finies sur la tribu bor´elienne la droite r´eelleR telles que pour tous r´eelsa≤b
µ([a, b]) =ν([a, b]).
Montrer queµ=ν.
Corrig´e de l’examen pour le coursTh´eorie de la mesure
Exercice 1. La fonction f est ´etag´ee (1 point). En effet, il est facile de v´erifier que
f(x) = 2·1]0,1[(x) +1[1,+∞[(x).
Comme les ensembles]0,1[et [1,+∞[sont bor´eliens, on conclut quef est une fonction ´etag´ee (1 point).
Exercice 2. L’ensemble A est bor´elien, car il est r´eunion d´enombrable des in- tervalles ferm´es (1 point). Pour trouver sa mesure de Lebesgue L(A), on repr´esenteAcomme r´eunion d’intervalles disjoints:
A=
−1,32 ∞ n=2
n−3−n, n+ 2−n .
On a donc
L(A) = 5 2+
∞ n=2
3−n+ 2−n
=19
6 . (1 point)
Exercice 3. (1 point) Soit (E,E)un espace mesurable, µune mesure sur E et (gk)k≥1 une suite de fonctions int´egrables telle que 0 ≤gk(x)≤gk+1(x) pour toutk≥1 etµ-presque toutx∈E. Alors
klim→∞
E
gkdµ=
E
lim
k→∞gk
dµ. (1)
Exercice 4. Les sommes partielles
gk(x) =
k n=1
fn(x), k≥1,
forment une suite croissante de fonctions int´egrables positives. D’apr`es le th´eor`eme de convergence monotone, on a la relation (1):
klim→∞
[1,∞[
k
n=1
fn(x)
dL1(x) =
[1,∞[
f(x)dL1(x). (1 point)
D’autre part, comme les int´egrales de Lebesgue et de Riemann sont ´egales pour des fonctions continues, le membre de gauche est ´egal `a
k→∞lim
k n=1
[1,∞[
ne−nxdx= lim
k→∞
k n=1
e−n= 1 e−1, d’o`u on conclut que
[1,∞[ fdL1= e−11 (1 point).
Exercice 5. (a) Il est ´evident queµα(∅) = 0 (0.5 point). Montrons que µ est σ-additive. Soit {Γn} une suite d’ensembles bor´eliens de R qui sont deux `a deux disjoints, et soitΓleur r´eunion. Alors, d’apr`es le th´eor`eme de convergence monotone, on a
µα(Γ) =
E
xα
∞ n=1
IΓn(x)dx=
∞ n=1
E
xαIΓn(x)dx=
∞ n=1
µα(Γn) (1 point).
Trouvons la masse totale deµα. Comme les int´egrales de Lebesgue et de Rie- mann sont ´egales pour des fonctions continues, on a
µα(E) = lim
ε→0+
[ε,1]
xαdx=
1
α+ 1 siα>−1, +∞ siα≤ −1.
On voit queµα est finie si et seulement siα>−1 (1 point).
(b)SiL(Γ) = 0, alors
[n−1,1]
IΓ(x)xαdx= 0 pour toutn≥1,
d’o`u par passage `a la limite quandn→ ∞on voit que µα(Γ) = 0(1 point).
Par d´efinition de la densit´e, on a ρα(x) = dµα
dx(x) =xα. (0.5 point) (c)On a
E
ρpα(x)dx=
E
xαpdx <∞ si et seulement si α>−1/p. (1 point)
Exercice 6. (a)La fonctionfest int´egrable par rapport `a la mesure de LebesgueL2
si et seulement si
[0,1]
[0,1]|f(x, y)|dx
dy <∞. Dans ce cas, on a
Π
f(x, y)dL2(x, y) =
[0,1]
[0,1]
f(x, y)dx
dy. (2 points)
(b)En utilisant le th´eor`eme de Fubini pour des fonctions positives et le fait que les int´egrales de Lebesgue et de Riemann sont ´egales pour des fonctions continues, pourδ>ε>0suffisamment petit on peut ´ecrire
Π|f|dL2≥
[ε,δ]2
|cos(x+y)|
|xy| dxdy≥1 2
δ ε
δ ε
1 x· 1
ydxdy= 1
2(lnδ−lnε)2. Comme lnε → −∞ quand ε → 0+, on conclut que f n’est pas int´egrable et donc le th´eor`eme de Fubini ne s’applique pas (2 points).
Exercice 7. (a)(1 point) SoitE un ensemble etF,Mdeux familles de parties deE. On dit queF est unetribu si elle v´erifie les propri´et´es suivantes:
(i) ∅, E∈F;
(ii) siA∈F, alorsAc∈F; (iii) siAn ∈F pourn≥1, alors
nAn∈F.
On dit queMest uneclasse monotone si elle v´erifie les propri´et´es suivantes:
(i’) ∅, E∈M;
(ii’) siA, B∈Met A⊂B, alorsB\A∈M; (iii’) siAn ∈F etAn ⊂An+1 pourn≥1, alors
nAn∈M.
(b)(1 point) SoitE un ensemble etC une famille de parties deEtelle que
∀A, B∈C A∩B∈C.
Alors la classe monotone minimale contenantC est une tribu.
(c)(2 points) Soit B(R)la tribu bor´elienne surR. On d´efinit C :={[a, b]⊂R|a≤b}, M:={Γ∈B(R)|µ(Γ) =ν(Γ)}.
AlorsMest une classe monotone contenant C. Comme l’intersection de deux intervalles ferm´es est un intervalle ferm´e, d’apr`es le lemme des classe monotones, la classe monotone engendr´ee par C est une tribu. Elle est donc ´egale `a la tribu bor´elienne. D’autre part, elle doit ˆetre inclue dansM, d’o`u on conclut que M = B(R). Cette derni`ere ´egalit´e implique que les mesures µ et ν sont
´egales.