2 Th´ eor` emes fondamentaux
2.1 Th´ eor` eme de convergence monotone
Th´eor`eme 2.1 (Beppo-Levi). Soit fn : X → R une suite de fonctions int´e- grables telles que
fn(x)≤fn+1(x)pour toutx∈X,
�
X
fndµ≤C pour toutn≥1, o`uC est une constante. On pose
f(x) = lim
n→∞fn(x). (2.1)
Alorsf est int´egrable et
�
X
f dµ= lim
n→∞
�
X
fndµ. (2.2)
D´emonstration. Sans perte de g´en´eralit´e, on peut supposer quefn ≥0. Soit N >0, An,N ={x∈X:fn(x)≥N}, AN =
�∞ n=1
An,N.
Il est clair quef(x) =∞si est seulement six∈ ∩NAN. On a C≥
�
X
fndµ≥
�
X
fnIAn,Ndµ≥N
�
X
IAn,Ndµ=N µ(An,N), d’o`u on voit que
µ(AN) = lim
n→∞µ(An,N)≤ C N. Il s’ensuit que µ�
∩NAN�
= 0, donc{f =∞} est un ensemble de mesure z´ero.
On fixe maintenant c ∈]0,1[ et on note En = {x ∈ X : fn(x) ≥ cf(x)}. AlorsEn⊂En+1 pour toutn≥1 etµ�
X\ ∪nEn�
= 0. On a C≥
�
X
fndµ≥
�
X
fnIEndµ≥c
�
X
f IEndµ.
Lemme 2.2. Soitf ≥0une fonction int´egrable et{En} une suite d’ensembles mesurables telle que
En⊂En+1, µ�
X\ ∪nEn�
= 0,
�
X
f IEndµ≤C. (2.3) Alorsf est int´egrable et
�
X
f dµ= lim
n→∞
�
X
f IEndµ. (2.4)
Le lemme 2.2 implique que
nlim→∞
�
X
fndµ≥c
�
x
f dµ pour toutc∈]0,1[.
Cette in´egalit´e entraˆıne la relation (2.2).
D´emonstration du lemme. Montrons d’abord que f est int´egrable. Supposons qu’il existe une fonction ´etag´eeg=�
kckIΓk ≤f telle que�
Xgdµ > C. Alors
�
X
gIEndµ=�
k
ckµ(Γk∩En)→�
k
ckµ(Γk) =
�
X
gdµ > C, d’o`u on conclut que
�
X
f IEndµ≥
�
X
gIEndµ > C pourn�1.
Nous avons montr´e que�
Xf dµ≤C. Un argument similaire permet d’´etablir la relation (2.4).
Exemple 2.3.SoitX = [0,1] muni de la mesure de Lebesgue,fn(x) = min{x−1, n}, fn(0) = 0. Alors
fn(x)→ 1 x,
�
X
fndλ→+∞ quandn→ ∞.
2.2 Th´ eor` eme de convergence domin´ ee
Th´eor`eme 2.4 (Lebesgue). Soit {fn} une suite de fonction mesurables telle que
n→∞lim fn(x) =f(x), |fn(x)| ≤g(x) pour toutx∈X, o`ug est une fonction int´egrable. Alors f est int´egrable et
nlim→∞
�
X
fndµ=
�
X
f dµ.
D´emonstration. Soit gn(x) = inf{fk(x), k ≥ n}. Alors gn ≤ gn+1, gn ≤ fn, gn→f. En utilisant le th´eor`eme de convergence monotone, on obtient
�
X
f dµ= lim
n→∞
�
X
gndµ≤lim inf
n→∞
�
X
fndµ. (2.5)
D’autre part, soit hn(x) = inf{−fk(x), k ≥n}. Alors hn ≤hn+1, hn ≤ −fn, hn→ −f. D’apr`es le th´eor`eme de convergence monotone,
�
X
(−f)dµ= lim
n→∞
�
X
hndµ≤lim inf
n→∞
�
(−fn)dµ, d’o`u on conclut que �
X
f dµ≥lim sup
n→∞
�
X
fndµ. (2.6)
Les in´egalit´es (2.5), (2.6) impliquent le r´esultat cherch´e.
2.3 Lemme de Fatou
Th´eor`eme 2.5. Soitfn≥0une suite. Alors
�
X
�lim inf
n→∞ fn
�dµ≤lim inf
n→∞
�
X
fndµ. (2.7)
D´emonstration. On peut supposer que le membre de droite dans (2.7) est fini.
Soitgn = infk≥nfk. Alorsgn≤gn+1,gn≤fn,
n→∞lim gn= lim inf
n→∞ fn, lim
n→∞
�
X
gndµ≤lim inf
n→∞
�
X
fndµ.
D’apr`es le th´eor`eme de convergence monotone, on a
�
X
�lim
n→∞gn
�dµ=
�
X
�lim inf
n→∞ fn
�dµ= lim
n→∞
�
X
gndµ≤lim inf
n→∞
�
X
fndµ.
Exemple 2.6. Soit X = [0,∞[, fn(x) = ne−nx. Alors lim infnfn(x) = 0 pour x >0, �
X
fndλ=
� ∞ 0
ne−nxdx= 1 pour toutn≥1.
Donc, l’in´egalit´e dans (2.7) peut ˆetre stricte.
2.4 G´ en´ eralisations
Soitµ une mesure sur (X,BX). Un ensembleN ⊂X est dit n´egligeable si N ∈ BX et µ(N) = 0. Soit (P) une propri´et´e qui d´epend des points de X. On dit que (P) a lieu presque partout s’il existe un ensemble n´egligeableN tel que (P) est vraie en tout point de X \N. Etant donn´e un ensemble E ∈ B, on dit que (P) a lieu presque partout dansE s’il existe un ensemble n´egligeable N ⊂X tel que (P) est vraie en tout point deE\N.
Exemple 2.7. 1) Deux fonctions mesurables ´egales presque partout.
2) Une suite de fonctions mesurables qui converge presque partout.
Les th´eor`emes de convergence monotone et de convergence domin´ee restent vrais dans le cas o`u la suite converge presque partout. Ce fait est une cons´equence du lemme suivant.
Lemme 2.8. Soientf, gdeux fonctions mesurables ´egales presque partout. Dans ce cas, sif est int´egrable, alorsg l’est aussi, et on a
�
X
f dµ=
�
X
gdµ.
Signalons aussi que la th´eorie construite ci-dessus reste vraie dans le cas de fonctions `a valeurs complexes.
2.5 Fonctions d´ efinies par des int´ egrales
SoitX = [a, b], µune mesure sur (X,BX) et Λ⊂R (ou Λ⊂C) un ouvert.
On consid`ere une fonction f :X×Λ→Rtelle quef(·, λ) soit int´egrable pour tout λ∈Λ. Posons
F(λ) =
�
X
f(x, λ)dµ.
Les deux r´esultats suivants donnent des conditions suffisantes pour que F soit continue ou d´erivable. Leur d´emonstration est bas´ee sur le th´eor`eme de conver- gence domin´ee.
Th´eor`eme 2.9. Supposons que les conditions suivantes sont satisfaites.
(a) Pour presque tout x∈X, la fonctionλ�→f(x, λ)est continue surΛ.
(b) Pour tout compact K⊂Λ, il existe une fonction int´egrable gK(x)telle que
|f(x, λ)| ≤gK(x) pour λ∈K et presque toutx∈X.
AlorsF est continue sur Λ.
Th´eor`eme 2.10. Supposons queΛ⊂Ret les conditions suivantes sont satis- faites.
(a) Pour presque tout x∈X, la fonctionλ�→f(x, λ)est d´erivable surΛ.
(b) Pour tout compact K⊂Λ, il existe une fonction int´egrable gK(x)telle que, pour toutx∈X pour lequelf(x, λ)est d´erivable et pour toutλ∈K,
��
�f(x, λ)
∂λ
��
�≤gK(x).
AlorsF est d´erivable sur Λ, et sa d´eriv´ee est donn´ee par F�(λ) =
�
X
∂f(x, λ)
∂λ dµ. (2.8)
D´emonstration du th´eor`eme 2.9. Soit{λn} ⊂Λ une suite que converge versλ.
On veux montrer queF(λn)→F(λ).
On posegn(x) =f(x, λn) etg(x) =f(x, λ). Alors
gn→g, |gn(x)| ≤gK(x) presque partout, o`uK={λn, λ}. D’apr`es le th´eor`eme sur la convergence domin´ee,
F(λn) =
�
X
gndµ→
�
X
gdµ=F(λ).
D´emonstration du th´eor`eme 2.10. Pourν >0, on pose g(ν) =F(λ+ν)−F(λ)
ν =
�
X
f(x, λ+ν)−f(x, λ)
ν dµ.
Il suffit de montrer queg(νn) converge vers le membre de droite dans (2.8) pour toute suite{νn} convergeant vers z´ero.
SoitBδ ={ν ∈R:|ν| ≤δ}, o`u δ >0 est suffisamment petit. Alors, d’apr`es le th´eor`eme des accroissements finis, pourν∈Bδ et presque tout x∈X, on a
��
�f(x, λ+ν)−f(x, λ) ν
��
�≤gK(x),
o`uK=λ+Bδ. En utilisant le th´eor`eme de Lebesgue sur la convergence domin´ee, on conclut que{g(νn)}converge vers le membre de droite de la relation (2.8).
Exemple 2.11. 1)Fonction Gamma. Soit Γ(λ) =
� ∞ 0
e−xxλ−1dx, λ∈C, Reλ >0.
On posef(x, λ) =e−xxλ−1. Alorsf est continue,
|f(x, λ)| ≤e−xxReλ−1≤e−xxσ−1=:gσ(x), x >0, Reλ≥σ.
Pour tout σ > 0, la fonction gσ est int´egrable, donc le th´eor`eme 2.9 implique que Γ(λ) est continue pour Reλ >0. De plus,
��
�∂f(x, λ)
∂λ
��
�≤e−x|lnx|xReλ−1≤e−x|lnx|xσ−1:= ˜gσ(x), x >0, Reλ≥σ.
Comme ˜gσ est int´egrable, on peut appliquer le th´eor`eme 2.10 et conclure que Γ est d´erivable, et son d´eriv´ee est donn´ee par
Γ�(λ) =
� ∞ 0
e−x(lnx)xλ−1dx.
Le mˆeme argument montre que Γ∈C∞et Γ(k)(λ) =
� ∞ 0
e−x(lnx)kxλ−1dx.
2) SoitF la fonction d´efinie par F(λ) =
� ∞ 0
sin(λx)
x(x2+ 1)dx, λ∈R. AlorsF est d´erivable surR,
F�(λ) =
� ∞ 0
cos(λx) x2+ 1 dx= 1
2
� ∞ 0
eiλx+e−iλx x2+ 1 dx
=1 2
� ∞ 0
eiλx
x2+ 1dx−1 2
� −∞
0
eiλx
x2+ 1dx= 1 2
� ∞
−∞
eiλx x2+ 1dx.
En utilisant des m´ethodes d’analyse complexe, on peut montrer que F�(λ) =π
2e−|λ|. De plus,F(0) = 0. Donc,
F(λ) = sgn(λ)π 2
�1−e−|λ|� .