Paris 7 PH 443
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THEORIE CLASSIQUE DES CHAMPS
EXAMEN, t0= vendredi 24 mai, 15 h 30
∆t= 4 heures
Les exercices* sont suffisants et n´ecessaires pour vous assurer la moyenne.
La suite, un tantinet verbeuse, est plus muscl´ee et requiert donc plus de culture physique. Le th`eme, effleur´e, en est la r´eaction de rayonnement, vieille question dont l’histoire est pleine de bruits et de fureur. Ici, la chose est abord´ee de mani`ere intuitive et vous pouvez donc vous laisser aller `a toute remarque, sinon critique, intelligente. L’´evaluation des ordres de grandeur est fondamentale (la nature n’est pas qu’une application num´erique).
*TRANSFORMATION DU CHAMP ELECTROMAGNETIQUE (6 pts)
1. i) Calculez soigneusement deux composantes typiques du tenseur du champ ´electromagn´etique Fµν en termes des composantes des champs ´electrique et magn´etique.
ii) En d´eduire le tableau complet des composantesFµν, puis des composantesFµν.
iii) En d´eduire les grandeurs invariantes que l’on peut associer aux champs ´electrique et magn´etique en un ´ev´enement.
2. Oph´elie et Vanessa sont ´equivalentes, du point de vue physique. Oph´elie choisit son axe ˆxsuivant la vitesseβ~ de Vanessa. Pour le reste, elles conviennent d’axes en configuration standard.
i) On notex0µ= Λµνxν la transformation donnant les valeurs des coordonn´ees affect´ees `a un ´ev´ene- ment par Vanessa en fonction des valeurs affect´ees par Oph´elie. Donner les expressions de chacun des coefficients Λµν non nuls.
ii) En d´eduire les expressions de chacune des composantes du champ ´electrique observ´e en un ´ev´e- nement par Vanessa, en fonction des composantes des champs ´electrique et magn´etique observ´es au mˆeme ´ev´enement par Oph´elie.
iii) En d´eduire les expressions vectorielles des composantes longitudinale et transverse du champ
´electrique observ´e par Vanessa, puis les expressions correspondantes des composantes du champ magn´etique.
iv) D´ecrivez au moins une v´erification des formules que vous venez d’´etablir.
v) Etablir l’expression vectorielle du champ ´electrique observ´e par Vanessa. V´erifications ? vi) Oph´elie observe que les champs en un ´ev´enement P ont pour composantes :
−E→P= (0
EP
0
, −→BP= (0
0 BP
.
Calculez les composantes des champs −→ E0Pet −→
B0P observ´es en ce mˆeme ´ev´enement par Vanessa. V´eri- fications ?
3. i) Oph´elie consid`ere des champs
−E→(t, x, y, z) = (0
Ecos(ωt−kx) 0
et −→B(t, x, y, z) = (0
0
Bcos(ωt−kx) ,
dans une certaine r´egion de l’espace-temps. D´eterminez les conditions que doivent satisfaire les constantes E, B, ω et k pour que ces champs soient solutions des ´equations de Maxwell dans une r´egion o`u il n’y a pas de sources.
ii) D´eterminez dans ce cas les expressions des composantes des champs pour Vanessa :−→E0(t0, x0, y0, z0) et −→B0(t0, x0, y0, z0).
2 Champs classiques, PH443 Paris 7
*RAYONNEMENT D’UNE CHARGE A BASSE VITESSE (3 pts) Vous connaissez l’expression du champ ´electrique cr´e´e par une charge :
−→ E = q
4π 1 (1−rˆ·~v)3
½
(1−v2)rˆ−~v
r2 +ˆr∧£
(ˆr−~v)∧~a¤ r
¾
1. i) Expliquez, aussi bri`evement que pr´ecis´ement, le rˆole et le fonctionnement de cette formule : ce qu’elle calcule et `a partir de quoi, la signification des symboles qui interviennent et les conditions qu’ils doivent satisfaire.
ii) Quelle est l’expression du champ magn´etique cr´e´e dans les mˆemes conditions ? 2. En d´eduire, pour une charge source `abasse vitesse,
i) l’expression du champ ´electrique de rayonnement, ii) l’expression du champ magn´etique,
iii) l’expression du vecteur de Poynting du rayonnement, iv) la puissance totale rayonn´ee R(formule de Larmor).
*CHAMPS CREES PAR UNE CHARGE PONCTUELLE (3 pts)
Une charge positive d´ecrit la trajectoire plane ci-dessous, avec une vitesse qui subit un changement
`
a t= 0, mais dont le module reste par ailleurs constant,v= 3/5.
1. Repr´esentez les zones o`u il ya un champ ´electromagn´etique du type rayonnement, ainsi que l’allure des lignes de champ ´electrique, dans le plan de la trajectoire,
i) `a t=−1 m., ii) `at= 1 m.
2. Repr´esentez l’allure du champ magn´etique `at= 1 m.
EFFONDREMENT DE L’ATOME D’HYDROGENE CLASSIQUE
L’´electrodynamique classique pr´edit qu’un ´electron acc´el´er´e rayonne, et on tient `a croire par ailleurs `a la conservation de l’´energie. On se propose donc d’estimer la perte d’´energie d’un ´electron en orbite autour d’un proton, et la dur´ee de vie de cet atome (la th´eorie quantique a ´et´e invent´ee pour empˆecher ¸ca).
Pour faire simple, on suppose le proton relativement infiniment lourd et, pour commencer, l’´electron
“non relativiste” (v¿1).
1. Pour un ´electron en orbite circulaire, ´etablir la relation entre vitesse angulaireωet rayon d’orbiter. (Si le♥vous en dit, vous pouvez l’exprimer en fonction du “rayon classique de l’´electron”redf=e2/4πme.) 2. En d´eduire, pour cet ´electron sur orbite circul-r :
i) d’une part, l’expression de l’´energie totale (cin´etique plus potentielle)E(r), ii) d’autre part, l’expression de la puissance rayonn´ee, ou taux de Larmor, R.
3. Croyons `a la conservation de l’´energie, et admettons (¸ca peut mˆeme se justifier en m´ecanique analytique) que la puissance rayonn´ee ´etant faible, la trajectoire de l’´electron est peu perturb´ee et donc que l’expression de son ´energie au rayonr reste valide.
i) Quelle relation le principe de conservation de l’´energie implique-t-il entre la puissance rayonn´eeR et la variationdE de l’´energie de l’´electron durant un laps de tempsdt?
ii) En d´eduire une ´equation diff´erentielle r´egissant l’´evolution der(t), puis la dur´e´etf−ti´ecoul´ee pour tomber du rayon ri au rayonrf.
iii) Quelle estimation en d´eduisez-vous pour la dur´ee de vie, en secondes, d’un atome d’hydrog`ene ordinaire ?
4. Cela fait, on peut l´egitimement s’interroger sur les conditions de validit´e de cette estimation. . . i) Dans quelle mesure l’´electron est-il “non relativiste” : calculer la vitesse de l’´electron sur orbiter? Conclusion ?
ii) Dans quelle mesure la trajectoire reste-t-elle sensiblement circulaire : calculer l’´energie rayonn´ee durant un tour au rayonr, en d´eduire la variationdEd’´energie de l’´electron et, finalement, la variation relative dr/rdu rayon ? Conclusion ?
Champs classiques, PH443 Paris 7 3 FREINAGE DE RAYONNEMENT
Si l’on peut fort bien admettre que le champ de convection de la particule charg´ee n’agit pas sur celle-ci (autrement que, lui ´etant indissolublement associ´e, par une contribution noy´ee dans la masse), il n’en va pas de mˆeme de son champ de rayonnement qui ´evacue de l’´energie(-impulsion). Le dogme de la conservation de l’´energie exige, si l’on y croit, un terme suppl´ementaire dans l’´equation du mouvement de la particule, conduisant `a uneth´eorie unifi´eede la particule et du champ : une ´equation du mouvement de la charge tenant compte de l’effet du champ (de rayonnement) cr´e´e par cette charge.
On peut commencer doucement, de mani`ere intuitive, par le cas d’une particule charg´ee “non relativiste” en adjoignant `a son ´equation du mouvement conservative uneforce de freinage(our´eaction de rayonnement) :d~p/dt=f~+f~ray, cette forcef~ray´etant d´etermin´ee en sorte que l’´energie de l’ensemble particule-champ soit conserv´ee.
1. On consid`ere la trajectoire~r(t) de la particule et on s’impose la conservation de l’´energie.
i) Quelle est la relation entref~rayet Rau cours du d´eplacement d~rdurantdt?
ii) En d´eduire une condition int´egrale, sur le temps, entre deux points quelconques de la trajectoire.
2. Au moyen de l’expression du taux de Larmor R en fonction de l’acc´el´eration d2~r/dt2, int´egrer par parties la contribution deR, et en induire une expression def~rayconvenant pour tout mouvement qui d´ebute et s’ach`eve librement, c’est-`a-dire `a vitesse constante.
UNE THEORIE UNIFIEE : L’EQUATION DE LORENTZ-DIRAC
On cherche maintenant `a ´etablir, de mani`ere toute aussi intuitive, une th´eorie relativiste coh´erente du mouvement d’une particule charg´ee, incorporant l’existence de son rayonnement et la conservation de l’´energie (et donc de l’impulsion). On d´esire que l’´energie irr´em´ediablement ´evacu´ee par le rayonnement soit emprunt´ee au mouvement de la particule, pour lequel on cherche une ´equation de la forme dpµ/dτ=fextµ + Γµ, o`u :
• fextµ est le terme orthodoxe, qui rend compte des effets ext´erieurs ´electromagn´etiques (champFµν, y compris un ´eventuel rayonnement incident) ou autres, dont l’histoire et la g´eographie sont connus, d´ecid´es,
• Γµ, ditvecteur d’Abraham,doit au moins satisfaire−→Γ ∼
|~v|¿1
f~ray.
Enfin, on ach`eve la d´etermination de cette nouvelle th´eorie en exigeant, par coh´erence, que dans le cas de champs ext´erieurs localis´es,la particule soit initialement et finalement libre, c’est-`a-dire `a vitesse constante : pas d’influence ext´erieure, pas d’acc´el´eration, pas de rayonnement, pas d’´energie ´evacu´ee.
L’´equation du mouvement de la charge n’est donc pas seulementdpµ/dτ =fextµ +Γµ; on lui adjoint une condition asymptotique suppl´ementaire,sur la quadri-acc´el´erationAµ par exemple. Ainsi, l’´equation du mouvement cherch´ee est constitu´ee par l’ensemble :
mAµ=fextµ + Γµ, Aµ(τ) −→
|τ|→∞0 .
La premi`ere tˆache est maintenant de d´eterminer ce vecteur d’Abraham.
1. Au vu de l’expression de la force de freinage, op´erante `a basse vitesse, `a quelle expression du vecteur d’Abraham peut-on d’abord songer ?
2. i) Montrez que par ailleurs le vecteur d’Abraham doit satisfaire la condition ΓµUµ= 0, o`uUµ est la quadrivitesse de la particule.
ii) Qu’en est-il de l’expression subodor´ee pour le vecteur d’Abraham ?
3. On songe donc `a ajouter `a l’expression subodor´ee une contribution ?µtelle que ΓµUµ= 0 et~? −→
|~v|→00.
i) D´eterminer le quadrivecteur ?µ le plus simple, fonction des ingr´edients quadrivectoriels A et U, remplissant ces conditions.
ii) En d´eduire l’expression du vecteur d’Abraham.
4. En d´eduire l’´equation diff´erentielle `a laquelle est soumis le mouvement de la particule, sous la forme mAµ=fextµ +etc., dite´equation de Lorentz-Dirac.
4 Champs classiques, PH443 Paris 7 UNE EQUATION INTEGRO-DIFFERENTIELLE DU MOUVEMENT
On peut `a pr´esent avoir l´egitimement envie d’´etudier la coh´erence et les pr´edictions de notre nouvelle th´eorie. Mais l’´equation de Lorentz-Dirac est compliqu´ee, et ¸ca n’est pas toute l’´equation du mouvement : il faut lui adjoindre la condition asymptotique suppl´ementaire sur l’acc´el´eration.
Comme souvent en pareil cas, on a int´erˆet `a lui substituer une ´equation int´egrale.
1. i) Montrez que l’´equation de Lorentz-Dirac peut se mettre sous la formeAµ−τ0(dAµ/dτ) =Kµ(τ), et donnez les expressions de la constanteτ0 et du “second membre”Kµ.
ii) Montrez (au moyen de la m´ethode de la “variation de la constante”, ou par tout autre moyen) que la solution pertinente de cette ´equation peut s’´ecrire, formellement, comme une int´egrale sur τ0
´etendue, par exemple, deτ `a l’infini.
iii) Comment se traduit sur cette int´egrale la condition asymptotique de l’´equation du mouvement ? 2. i) Montrez, grˆace `a cette solution formelle, que se produit un ph´enom`ene depr´eacc´el´eration,autrement dit que l’acc´el´erationAµ au tempsτ d´epend des valeurs champs externes `a des instants ult´erieurs.
ii) Quelle est l’expression de l’ordre de grandeur de cette anticipation ?
iii) Pour quel type de particule ´el´ementaire de la nature cette anticipation est-elle la plus grande ? Quel est alors son ordre de grandeur en secondes ?
iv) Ce ph´enom`ene de pr´eacc´el´eration vous semble-t-il observable ? PARTICULE LIBRE
La th´eorie unifi´ee n’est acceptable que si y subsiste encore la notion de particule libre : pas de champs externes, vitesse constante.
1. Ecrire l’´equation diff´erentielle de Lorentz-Dirac en absence de champs externes.
2. Cette ´equation non lin´eaire du second ordre enUµ(τ) est soluble !
i) Quelles que soient les conditions initialesA(τi) etU(τi), il existe toujours un rep`ere dans lequel−→A(τi) et −→U(τi) sont parall`eles. Montrez qu’il en reste ainsi au cours du temps. On se place dans ce rep`eree, et on choisit cette direction comme axe ˆx.
ii) Montrez que l’on peut toujours poserUt= chϕet Ux= shϕ.
iii) En d´eduire l’´equation diff´erentielle r´egissant l’´evolution deϕ(τ), puis sa solution g´en´erale, et enfin la solution g´en´erale de l’´equation de Lorentz-Dirac dans ce cas :Ut(τ),Ux(τ).
iv) Mais n’oublions pas que l’´equation de Lorentz-Dirac n’est pas `a elle seule l’´equation du mouvement de la th´eorie unifi´ee : pour des raisons physico-logiques il a fallu lui adjoindre une condition asymptotique. Compte tenu de cette condition, quelle est finalement la solution de l’´equation du mouvement de la particule libre dans la th´eorie unifi´ee ?
MOUVEMENT A ACCELERATION PROPRE CONSTANTE On peut se demander si ce mouvement canonique existe dans la th´eorie unifi´ee. . .
1. Rappeler les expressions de t(τ) et x(τ) dans un mouvement rectiligne `a acc´el´eration propre a constante.
2. Calculer les composantes du vecteur d’Abraham dans ce cas ? 3. Ce mouvement peut-il ˆetre solution de l’´equation de Lorentz-Dirac ?
4. i) Compte tenu de la condition asymptotique, ce mouvement peut-il ˆetre solution de toute ´eternit´e de la th´eorie unifi´ee ?
ii) Est-ce physico-logiquement acceptable ?
iii) Donner un sch´ema de dispositif exp´erimental permettant de r´ealiser le mouvement acceptable.
5. i) Calculer la puissance totale rayonn´ee R en un ´ev´enement d’une partie de la trajectoire o`u l’acc´el´eration propreaest constante.
ii) Estimer la puissance totale rayonn´ee par un ´electron dans un champ ´electrique de 30 kV cm−1. On pourrait encore faire de nombreuses v´erifications de cette th´eorie de Lorentz-Dirac, mais les meilleurs divertissements ont une fin ! Pour en savoir beaucoup plus, voir : F. Rohrlich, Classical Charged Particles, Foundations of Their Theory,Addison-Wesley (Reading), chap. 6.