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Etudes de droit du travail

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Academic year: 2022

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Reference

Etudes de droit du travail

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Etudes de droit du travail. Zürich : Schulthess, 1995, 352 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14311

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Le droit du travail en pratique Arbeitsrecht in der Praxis Collection dirigée par Gabriel Aubert

Professeur à l'Université de Genève

Volume 12

Etudes

de droit du travail

Gabriel Aubert

Schulthess Polygraphischer Verlag ZUrich 1995

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Mise en page: M. L. Manelli, Onex

© Schulthess Polygraphischer Yerlag AG, Zürich 1995 ISBN 3 7255 32796

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AVANT-PROPOS

En Suisse, trop souvent, les praticiens du droit du travail ne dispo- sent que malaisément des revues et des ouvrages dans lesquels sont publiées les études relevant de leur matière. C'est le cas, en particulier, des juristes d'entreprises, comme des secrétaires patronaux et syndicaux.

Aussi les auteurs de telles études sont-ils assez modestes pour savoir que le fruit de leurs efforts n'est, en fait, guère diffusé, surtout lorsque la barrière des langues s'ajoute à la dispersion des sources.

Nous avons cru pouvoir réunir ici quelques articles déjà publiés ailleurs, mais peu accessibles aux principaux intéressés. Nous remercions les éditeurs, qui nous en ont donné l'autorisation

Les textes ont été repris sans changement, sous réserve des suc- cinctes mises à jour qui s'imposaient.

Nous espérons que cette réimpression stimulera les échanges sur plusieurs thèmes qui resteront longtemps d'actualité.

G.A.

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SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE: DROITS CONSTITUTIONNELS ET RAPPORTS DE TRAVAIL La protection de l'exercice des droits constitutionnels

dans le cadre des rapports de travail ... 9 L'égalité des sexes dans le domaine du travail ... 23 Discriminations salariales, protection de la personnalité

et concurrence déloyale: à propos de la qualité

pour agir des organisations professionnelles ... 65 Soumissions publiques et conventions collectives de travail ... 73

DEUXIÈME PARTIE: NÉGOCIATION COLLECTIVE

Les conventions collectives et la paix du travail en Suisse ... 99 Le droit de négocier ou d'adhérer à une convention

collective de travail ... 119 Droit collectif du travail et protection contre le licenciement ... 141

TROISIÈME PARTIE: FLEXIBILITÉ

Le contrat de travail partiaire ... 165 Le travail à temps partiel irrégulier ... 175 La flexibilité du temps de travail;

les tendances récentes en droit suisse ... 195 L'aménagement de dérogations à la loi sur le travail

dans le cadre de conventions collectives ... 211

QUATRIÈME PARTIE: MISE EN ŒUVRE

La protection des droits, le cas du droit du travail ... 227 Les mandataires professionnels devant le Tribunal

genevois des prud'hommes ... 247

CINQUIÈME PARTIE: PERSPECTIVES EUROPÉENNES

L'avenir des conventions collectives de travail ,,..- dans l'Espace Economique Européen ... 257 Le droit suisse du travail face à l'intégration européenne ... 265

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PREMIÈRE PARTIE

DROITS CONSTITUTIONNELS

ET RAPPORTS DE TRAVAIL

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LA PROTECTION DE L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS

DANS LE CADRE DES RAPPORTS DE TRAVAIL *

I. INTRODUCTION

L'effet des droits constitutionnels sur les rapports de droit privé (Drittwirkung) provoque, depuis longtemps, des controverses parfois très vivesl .

A vrai dire, l'enjeu de la dispute n'est probablement pas à la mesure des passions qu'elle soulève. En effet, le juge civil, tenu d'appliquer la loi fédérale, ne saurait en écartcr la portée au profit du droit constitutionnel (art. 113 al. 3 Cst. féd.). Les privatistes ne sc trouvent donc pas menacés d'asservissement aux constitutionnalistes.

Comme le souligne la jurisprudence, la seule question véritable est de savoir quelle influence les droits fondamentaux peuvent déployer sur l'interprétation du droit privé2. Elle revêt, même bornée par ces limites, une importance non négligeable: le code civil et le code des obligations ne renferment-ils pas plusieurs dispositions d'un contenu particulière- ment peu déterminé, qui laissent au juge une remarquable liberté d'in- terprétation (art. 28 CC, 20 et 41 CO, ainsi que, dans le domaine du droit du travail, art. 328 CO)?

Dans cette perspective, la querelle de la Drittwirkung prend tout son relief. Elle concerne, en réalité, les rôles respectifs du législateur et du juge dans le développement du droit privé. Jusqu'à quel point le second peut-il, sans empiéter sur les compétences du premier, tirer de normes au contenu indéterminé un véritable corps de règles dans des matières que le parlement a négligées? Une telle question revêt d'autant plus d'intérêt que

2

In Présence et actllalité de la Constitution dans l'ordre juridique, Mélanges offerts à la Société suisse des juristes pour son Congrès 1991 à Genève, Helbing et Lichtenbahn, Bâle 199I,p. 83.

Cf p. ex. BUCHER, E., «Drittwirkung der Grundrechten'?, Ueberlegungen ru

«Streikrecht» und «Drittwirkung» i. S. von BGE ·111 Il 245-259, in RSJ 198";

p. 37; BUCHER, E., «Gibt es ein verfassungsrnlssiges "Streilrrecht" und lasst sich diese Vorstellung ins Privatrccht übertragen?», Ueberlegungen aus Anlass von BGE III Il 245ff, in Recht 1987, p. 9; voir .aussi TERCIER, P., Le nouveau droii de la,..- personnalité. Zurich 1984. p. 29 s.

ATF III II 255, avec réf.

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10 ETIJDES DE DROIT DU TRAVAIL

ces matières occupent parfois une place essentielle dans notre ordre juri- dique.

La présente contribution n'a pas pour objet d'approfondir ce thème du point de vue de la théorie des sources du droit. Nous nous proposons plutôt d'illustrer le rôle du juge et du législateur civils comme protecteurs de l'exercice des droits constitutionnels, en attirant l'attention du lecteur sur l'importance toute particulière que ce rôle revèt en droit du travail. Le nouvel art. 336 al. 1 lit. b CO, adopté en 1988 pour réprimer les licen- ciements abusifs, n'est-il pas la seule disposition, dans le code des obliga- tions, où l'on rencontre les mots «droit constitutionneb,?

Nous examinerons sous cet angle la liberté du commerce et de l'in- dustrie (II) et la liberté d'association (III), avant d'étudier plus en détailla grève et le boycottage dans le cadre de la négociation collective (IV).

Nous terminerons par quelques observations sur la protection générale contre le licenciement motivé par l'exercice des droits constitutionnels (V).

II. LA LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE

La liberté du commerce et de l'industrie est «le droit de choisir et d'exercer librement une activité lucrative privée»3. Pendant de nom- breuses décennies, le Tribunal fédéral ne reconnaissait la titularité de ce droit qu'aux indépendants, et non pas aux salariés; depuis 1958, les tra- vailleurs peuvent eux aussi l'invoquer4.

Selon la perspective classique, la liberté du commerce et de l'indus- trie protège les citoyens contre l'État. Toutefois, le Tribunal fédéral a jugé depuis longtemps que les particuliers doivent la respecter dans leurs rapports de droit privé; il s'est appuyé, pour ce faire, sur les art. 2 al. 2 CCS, 20 et 41 CO.

A) La clause contractuelle d'interdiction de concurrence

Avant la révision du code des obligations, en 1911, la loi ne proté- geait pas expressément le travailleur contre les clauses d'interdiction de concurrence excessives. Le Tribunal fédéral déclara que l'art. 31 Cst. féd.

3 AUBERT, J.-F., Trailé de droit constitutionnel suisse, Neuchâtel 1967, t. Il, p. 669, avec réf.

4 ATF84 121.

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L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS 11

ne pouvait s'appliquer, horizontalement, dans ce domaine; il parvint tout de même à sauvegarder la liberté économique du salarié en examinant ces clauses à la lumière de l'art. 17 aCO, qui correspond à l'actuel art. 20 CO: les accords trop rigoureux devaient être regardés comme contraires aux mœurs et, partant, nuls5. Ainsi, avant la lettre, c'est-à-dire avant même que les travailleurs en fussent reconnus titulaires, le Tribunal fédé- ral contribuait à garantir la liberté du commerce et de l'industrie dans les rapports entre individus. Aujourd'hui, le problème se trouve expressé- ment résolu par la loi (art. 340 ss CO).

D) Le boycottage

Le boycottage peut se définir comme le fait, par une ou plusieurs personnes, de s'abstenir volontairement de relations économiques Ou juridiques avec d'autres personnes. Dans la lutte économique, il a souvent pour but de contraindre ces dernières à adopter une certaine attitude ou de les punir d'un comportement passé; il peut aussi tendre à leur anéan- tissement6 .

La jurisprudence, dans ce domaine, a connu un revirement spectacu- laire. On se rappelle qu'il fut jugé, pendant de nombreuses décennies, que le boycottage devait être, en principe, considéré comme licite, à moins que le but visé, les moyens utilisés ou la disproportion évidente entre l'avantage recherché et le dommage causé ne lui fissent perdre ce carac- tère 7. Depuis le fameux arrêt Giesbrecht, la présomption se trouve ren- versée: le boycottage est désormais tenu pour illicite, à moins que l'auteur ne défende des intérêts légitimes manifestement prépondérants, qu'il ne peut sauvegarder d'aucune autre manièreS. Cette règle s'applique au boycottage d'une manière générale, que celui-ci touche ou non les

5 Cf HAEFLIGER, A., Das Konkurrenzverbol im neuen schweizerÎschen Arbeitsvertragsrecht. Berne 1975, p. 18-19; PFLÜGER, F., Das vertragliche Konkurrenzverbol im Diensrvertrag. Müsingen 1949, p. 10-11 et 18; VERREY, R., La prohibition de concurrence dans le contrat de travail, Lausanne 1920, p. 18 et ,

36, tous avec réf. \ .

6

7

Cf JT 1956 1 99; REHBINDER, M., «Formen des Arbeitskampfes», in EKONOMI M., et REHBINDER, M., (éd.) Recht und Arbeitskampf, Berne 1980, p. 29 s.

ATF 73 II 76; 69 II 82.

8 Cf ATF 86 II 378, avec réf.

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12 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

rapports de travail9. Elle est d'ailleurs conforme à la maxime selon laquelle l'atteinte aux droits de la personnalité est en principe illicite (art. 28 CC)lO.

Le boycottage sert parfois à établir un certain ordre dans la profes- sion. Ainsi, les maîtres-coiffeurs bâlois s'étaient entendus pour ne pas engager des employés qui, dans les six derniers mois, auraient travaillé chez un patron dont le salon serait situé dans un rayon de 500 mètres, sauf consentement de l'ancien employeur. Même sous l'ancienne juris- prudence, le Tribunal fédéral jugea inadmissible ce moyen de faire régner la discipline panni les employeurs aux dépens des salariés; du reste, dans la vieille ville de Bâle, les salons se trouvaient pour la plupart dans un rayon de 500 mètres, si bien que, de toute façon, l'entrave à la liberté économique des salariés se ·révélait excessive II. Cette manière de voir vaut a fortiori depuis l'arrêt Giesbrecht.

Du côté des travailleurs, le boycottage peut aussi servir à écarter de la profession des personnes indésirables en raison de la concurrence qu'elles causeraient aux salariés qui s'y trouvent déjà occupés. Durant des décennies, les syndicats se sont ainsi opposés à l'emploi des femmes, pour les empêcher de prendre, en général à moindre prix, la place de péres de famille. Avant l'arrêt Giesbrecht, le Tribunal fédéral considéra un tel boycottage comme licitel2 . Aujourd'hui, il admettrait évidemment le contraire: d'une part, le fait d'écarter des salariés d'une profession heurte très profondément le principe de la liberté économique, sans justi- fication suffisante; d'autre part, le boycottage de femmes en tant que telles viole la maxime de l'égalité des sexes ancrée à l'art. 2 al. 2 première phrase Cst. féd. Au surplus, depuis 1956, le code des obligations interdit aux partenaires sociaux de prévoir, par convention collective, des clauses tendant à éloigner de nouvelles personnes de la profession (art. 356a al. 3 CO).

Quelque importance que revêtent les cas de figure rappelés ci-des- sus, le boycottage joue son rôle le plus marquant dans le cadre de la

9 q: AUBERT, G., «Le droit de négocier ou d'adhérer à une convention collective de travaih>, in Mélanges Robert Patry, Lausanne 1988, p. 27-28, avec réf., reproduit dans le present volume, p. 125-126.

10 Sur Je caractère a priori illicite de l'atteinte â. la liberté économique, cf BUCHER, A., Personnes physiques et protection de la personnalité, Bâle J 985, p. 133 et TERCIER, P., p. 84.

Il ATF73 Il 65.

12 ATF 30 Il 283-284.

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L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS 13

négociation collective, lorsque l'une des parties y recourt pour faire pression sur l'autre. Cet aspect des choses mérite d'être examiné en liai- son avec un autre ensemble de problèmes: celui du droit de la grève. Nous y reviendrons après quelques observations sur la liberté d'asso- ciation.

III. LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION

Le droit du travail est né des revendications présentées collective- ment par les salariés. S'ils ne s'étaient pas coalisés, ces derniers n'auraient pu obtenir les progrès marquants survenus depuis la révolution indus- trielle, que ce soit dans le cadre de la négociation collective ou du processus législatif1 3.

L'art. 56 Cst. féd. garantit la liberté d'association, dont hi liberté de coalition des salariés représente un aspect important. On sait que la liberté de coalition renferme un double contenu: d'une part, les salariés peuvent créer librement des associations ou adhérer librement à celles qui existent déjà (liberté positive); d'autre part, ils sont libres de se tenir à l'écart de toute association (liberté négative)14.

Sur le plan horizontal des rapports entre sujets de droit privé, l'exer- cice de la liberté d'association se heurte à deux menaces potentielles.

Premièrement, les employeurs peuvent être tentés d'affaiblir le mouve- ment syndical, en empêchant les salariés de se coaliser. En second lieu, les syndicats eux-mêmes risquent d'abuser de leur force pour contraindre à l'adhésion des salariés qui ne partagent pas leurs objectifs.

Les employeurs cherchent parfois à entraver le recrutement des syndicats en refusant d'engager des travailleurs militants. Or, le boycot- tage des membres d'une organisation syndicale constitue, en soi, un acte illicite. Il viole en effet les droits de la personnalité du travailleur, qui doit pouvoir exercer librement une activité économique l5 et s'associer avec d'autres salariés pour défendre ses intérêtsl6 . Les salariés et le

13

14 15

16

KÀGI, A., Koalitionsfreiheit und Streikfreiheit,.Zurich 1969, p. 26 S5.

Cf, au lieu de pJusieurs, MÜLLER. 1. P., Die Grundrechte der schweizerischen Bundesverfassung, Berne 1991, p. 168.

ATF 113 1145; 86 11376.

ATF 113 Il 45; III Il 253; cf SI 1981, p. 317; sur la protection de la personnalité économique, cf TERCIER, P., p. 71·72; BUCHER, A., p. 130-131.

~, ,"

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14 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

syndicat touchés sont fondés à demander réparation sur la base de l'art.

41 al. 1 CO, en relation avec les art. 28 et 28a CC.

Les employeurs disposent d'une autre arme puissante pour nuire au recrutement syndical: le licenciement des militants. La protection de la liberté d'association contre de tels procédés fut lente à se dessiner dans la jurisprudence et à obtenir sa consécration dans la loi, malgré les revendi- cations anciennes et pressantes des syndicats. En 1979, dans un arrêt non officiellement publié, le Tribunal fédéral se demanda s'il fallait considé- rer comme abusif, au sens de l'art. 2 al. 2 CC, le licenciement d'un travailleur motivé par son activité syndicale, mais ne trancha pas la question 1 7 . Ce n'est qu'en 1988 que le législateur se résolut à protéger, dans le cadre des rapports de travail, la liberté de coalition positive, en reconnaissant expressément comme abusif tout licenciement fondé sur l'appartenance du travailleur à un syndicat (art. 336 al. 2 lit. a CO); le salarié peut obtenir le paiement d'une indemnité (art. 336a CO). Cette sanction ne porte pas préjudice à l'action du syndicat lui-même, qui pourra agir en vue de la protection de sa personnalité, pour faire cesser le trouble ou pour obtenir réparation du préjudice résultant de la perte de ses membres (art. 28a CC et 41 CO).

La liberté d'association protège aussi les salariés contre les organisa- tions de travailleurs. On se rappelle le contexte historique. En Suisse comme dans d'autres pays, le mouvement syndical est divisé en plusieurs tendances, dont les deux plus marquantes sont la socialiste et la chré- tienne. Ces tendances furent longtemps séparées par d'âpres rivalités, qui ont laissé des traces durables. En particulier, certains syndicats parvinrent à imposer aux employeurs, dans quelques branches, des accords de c/osed shop, en vertu desquels seuls pouvaient être occupés dans l'entre- prise des membres du syndicat signataire (les tenants d'une autre ten- dance se voyant ainsi privés de travail). Après avoir considéré de tels accords comme en principe licites18 , le Tribunal fédéral les déclara contraires aux mœurs, car ils avaient pour effet de contraindre des sala- riés d'adhérer, pour obtenir un emploi, à un syndicat défendant des idées politiques qu'ils ne partageaient pas (par exemple, la socialisation des moyens de production)19. La victime pouvait exiger réparation. Bien qu'il n'envisageât le problème que sous l'angle de l'art. 41 al. 2 CO, sans

17 SJ 1981, p. 317-318; cf un autre arrét non officiellement publié, in AUBERT, G., Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984, 185, p. 104, 18 ATF 30 II 282-283.

19 ATF 54([147; 51 II 530-531.

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L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS 15

se référer explicitement à l'art. 56 Cst. féd., le Tribunal fédéral protégeait la liberté d'association négative (en même temps que la liberté d'opinion).

Sa construction aurait d'ailleurs aussi pu se fonder sur l'art. 28 CC, en liaison avec l'art. 41 CO.

Le législateur confmna, en 1956, l'interdiction prétorienne du c/osed shop: sont expressément déclarées nulles les clauses de conventions col- lectives interdisant à l'employeur d'occuper des travailleurs non membres du syndicat signataire (art. 356a al. 1 CO)20; ce ne fut pas sans peine que la pratique y renonça21 . En outre, depuis la révision du droit du licen- ciement, en 1988, la résiliation du contrat de travail fondée sur le refus, par le salarié, d'adhérer à un syndicat est considérée comme abusive (art.

336 al. 2 lit. a CO).

La liberté d'association déploie également des effets sur d'autres plans. Le Tribunal fédéral a jugé récemment qu'elle peut être invoquée par les organisations minoritaires qui désirent adhérer à une convention collective existante: selon les circonstances, l'ostracisme dont sont vic- times ces organisations porte une atteinte illicite à leur recrutement et à leur activité22 . Nous nous permettons de renvoyer, sur ce point, à une étude publiée ailleurs23.

IV. LA GRÈVE ET LE BOYCOTTAGE

DANS LE CADRE DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

On ne connaît pas encore bien les effets des conflits collectifs sur les rapports entre un employeur et le syndicat organisateur de la grève ou entre les parties au contrat individuel de travail. Dans ce domaine, la doctrine veut prendre en compte tantôt la liberté d'association, tantôt la liberté économique, tantôt le système des négociations collectives tel

20 Sur ces questions. cf, en général, BERENSTEIN. A., «Exclusivité syndicale et champ d'application des conventions collectives en Suisse)), in RlT 1962, p. 169 S5.

21 En 1962, le Tribunal arbitral horloger eut encore à connaître d'une affaire dans laquelle les travailleurs considéraient (évidemment à tort) que l'employeur ne pou-", vait occuper que des membres du syndicat (sentence non publiée du 6 novembre 1962).

22 ATF 1I3 1137.

23 AUBERT, G., «Le droit de négocier ... ). p. 21 ss, reproduit dans le présent volume, p.1I9ss.

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16 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

qu'il sous-tend l'art. 34ter al. 1 lit. c et al. 2 Cst. féd24. A vrai dire, ces différentes approches ne sont pas exclusives les unes des autres. Elles essayent, chacune à sa manière, de rendre compte d'un phénomène com- plexe, qui s'explique mieux lorsqu'on les combine.

La négociation collective suppose la liberté d'association, qui pennet la création d'organisations professionnelles capables de conduire les pourparlers et de les conclure dans le cadre conventionnel fixé par le code des obligations. Mais elle relève également de la liberté écono- mique, car c'est cette dernière qui permet de fixer librement les condi- tions de travail (en dessus du minimum légal), le cas échéant au moyen du combat. La jurisprudence relative à la liberté économique s'applique donc à la négociation collective.

Comme nous l'avons vu, avant l'arrêt Giesbrecht, le Tribunal fédéral considérait le boycottage comme en principe licite. Aujourd'hui, cette mesure de combat est en principe illicite, sauf si l'auteur défend des inté- rêts légitimes manifestement prépondérants, qu'il ne peut sauvegarder d'aucune autre manière25. Il s'agit dès lors de déterminer quand ces conditions sont réunies. L'on recherchera quels peuvent être les intérêts prépondérants servis par la lutte; on se demandera ensuite s'il existe d'autres moyens que celle-ci pour les protéger (subsidiarité).

Or, du point de vue de ses effets, la grève s'apparente étroitement au boycottage, car elle comporte la rupture momentanée, mais organisée, des relations économiques entre les travailleurs et l'employeur, en vue d'exercer une pression sur celui-ci. Il s'impose donc de traiter les deux mesures de combat de la même façon.

L'intérêt légitime du syndicat qui conduit un boycottage ou une grève, c'est la réglementation des conditions de travail, laissée par la loi à la négociation des partenaires sociaux. Pour s'intégrer dans le système de protection prévu par le législateur, cette réglementation doit figurer dans une convention collective; cela suppose, d'une part, que l'organisation syndicale possède la personnalité morale, de façon à pouvoir conclure une convention et, d'autre part, que le contenu de l'amélioration dépende de la volonté des parties à l'accord revendiqué (et non pas du bon vouloir de tiers). En outre, le combat ne saurait être considéré comme légitime s'il enfreint une obligation, conventionnelle ou légale, de maintenir la

24 ATF 111 II 252-253, avec de nombreuses réf.; cf aussi MORAND, Ch.-A., «Le droit de grève dans tous ses états)), in Mélanges Alexandre Berenstein, Lausanne

1989, p. 45 S8.

25 ATF 85 II 552; cf aussi ATF25 II 802.

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L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS 17

paix du travail. Enfin, la lutte doit respecter le principe de la proportion- nalité; en particulier, elle n'interviendra qu'après que les autres moyens d'obtenir satisfaction, par exemple, la négociation ou la conciliation, auront été épuisés (ultima ratio )26.

Ces principes proviennent de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la grève. Ils reflètent la philosophie libérale et sociale du légis- lateur. Libérale, parce que, sous réserve du minimum légal de protection, les conditions de travail doivent faire l'objet de négociations entre les intéressés, et non pas d'une décision de l'État; sociale, parce que les négociations doivent être conduites, du côté des salariés, par des organi- sations qui défendent collectivement leurs intérêts; des négociations individuelles se borneraient en effet à entériner la volonté de l'employeur, qui est en général la partie la plus forte.

Il ne suffit toutefois pas que ces conditions soient remplies. En effet, le boycottage et la grève peuvent revêtir un caractère illicite pour des motifs tirés de la violation d'autres règles, en particulier si les moyens utilisés sont contraires au droit (diffamation, contrainte physique, viola- tion de domicile, etc.)27.

Dès lors qu'elle attribue une place essentielle à la négociation collec- tive dans la réglementation des conditions de travail, la loi autorise la grève et le boycottage légitimes selon les critères définis ci-dessus. Elle ne saurait réprimer ni permettre de réprimer la participation à de tels combats. L'employeur touché ne peut donc pas obtenir la réparation du préjudice qui en résulterait. De plus, il ne saurait licencier un travailleur au motif que celui-ci a pris part à une grève légitime, car il s'agit d'une activité syndicale conforme au droit: la résiliation serait abusive selon la lettre même de l'art. 336 al. 2 lit. a CO.

On objecterait en vain que, même légitime, la grève représenterait une violation du contrat individuel, dès lors qu'elle entraîne en fait une suspension de la prestation de travail. En effet, les obligations découlant du contrat ne peuvent faire échec aux droits des salariés dans le cadre de la négociation collective, sauf à priver les travailleurs de leurs moyens

26 ATF III Il 257-258. Cf VISCHER, F., «Strcik und kollektives Arbeitsrecht», in Recht 1987, p. 138 S5. Une jurisprudence ancienne admettait que le boycottage ten-~, ..

dant à faire respecter une convention collective était licite (A TF 34 II 256-257);

cette manière de voir doit aujourd'hui être rejetée, car, lorsqu'il existe une voie de droit, le combat n'est pas l'U/lima ratio. Dans le même sens, le combat est illicite s'il .. ~

vise il imposer une interprétation erronée du droit (A TF 44 II 482).

27 Cf p. ex. ATF 101 IV 302; 41 Il 444; SJ 1940, p. 174.

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i

1 1

18 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

d'action légitimes. Le salarié ne saurait donc être tenu de travailler, dans le cadre du contrat individuel, lorsque le droit collectifl'en dispense. Les parties au contrat ne peuvent convenir du contraire, car l'abandon de ses droits, par le salarié, serait nul (art. 27 al. 2 CC)28. D'ailleurs, dans le rêgime du licenciement, la protection du travailleur exerçant une activité syndicale conforme au droit est impérative, de sorte que le travailleur ne pourrait valablement y renoncer (art. 362 CO en relation avec l'art. 336 al. 2 lit. a CO). Il faut réserver les problèmes posés par certaines activités qui ne peuvent être interrompues sans préjudice excessif pour l'em- ployeur ou pour des tiers (soins aux malades, surveillance, etc.); nous ne les abordons pas ici.

Lorsqu'ils ne respectent pas ces limites, le boycottage et la grève violent le droit de l'employeur au libre exercice de son activité écono- mique. L'auteur doit réparer le préjudice causé. Aux rapports entre, d'une part, le syndicat organisateur de la grève (ou du boycottage) ou les travailleurs impliqués et, d'autre part, l'employeur lésé, l'on appliquera les règles sur la responsabilité civile (art. 28, 28a CC et 41 CO)29. Entre les salariés et leur propre employeur, il sera préférable de mettre en œuvre les dispositions sur le contrat individuel de travail (art. 321e, 335 et 337 C0)30.

Le boycottage ou le lock-out décidés par un ou plusieurs employeurs se trouvent régis par les mêmes règles. En particulier, ils ne sont conformes au droit que s'ils visent la réglementation des conditions de travail, s'ils ne violent pas une obligation de paix et s'ils respectent le principe de la proportionnalité (et de la subsidiarité)31.

V. LA PROTECTION GÉNÉRALE CONTRE LE LICENCIEMENT À RAISON DE L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS C'est à propos de la liberté d'association et de la liberté économique, en liaison avec le droit des conflits collectifs, que la jurisprudence et la

28 Cf BUCHER, A., p. 119.

29 Sur l'étendue de la réparation du préjudice causé par un boycottage illicite, cf ATF

41 11445.

30 Cf ZR 33 (1934),p. 84.

31 A1F 3711383-384.

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L'EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS 19

loi ont développé les règles les plus importantes touchant la protection de l'exercice des droits constitutionnels dans le cadre des rapports de travail.

Depuis la révision du droit du licenciement, en 1988, le code des obligations prévoit une protection plus générale du travailleur: il déclare abusif le congé donné par l'employeur en raison de l'exercice, par le salarié, d'un droit constitutionnel, à moins que l'exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte, sur un point essentiel, un préjudice grave au travail dans l'entreprise (art. 336 al. 1 lit. b CO).

Ainsi, de façon explicite, le législateur a mis en œuvre les droits fon- damentaux sur le plan horizontal, afin de protéger le travailleur en cas de licenciement; pour des motifs de principe, dont la pratique n'a pas démontré le besoin, il a étendu cette protection à l'employeur, qui peut lui aussi demander réparation ensuite d'une démission du travailleur fondée sur l'exercice, par son patron, d'un droit fondamental.

Les droits constitutionnels visés ici sont tous les droits, écrits ou non écrits, découlant de la constitution elle-même ou de textes de rang équi- valent, par exemple la Convention européenne des droits de l'homme. Il serait vain de les énumérer32 .

Ce qu'il faut analyser ici, ce sont les limites de cette protection nou- velle. En premier lieu, selon le texte même de la loi, la résiliation n'est pas abusive si l'exercice du droit constitutionnel viole une obligation découlant du contrat de travail. En d'autres termes, apparemment, bien qu'il attribue une place particulièrement importante à la protection des libertés fondamentales, le législateur retirerait d'une main ce qu'il a donné de l'autre: lors de la conclusion du contrat, l'employeur pourrait exiger du travailleur qu'il assume des obligations restreignant l'exercice de ses droits constitutionnels. La protection légale serait ainsi vidée de sa substance, car la simple volonté des parties permettrait d'abolir l'effet horizontal des droits fondamentaux.

Une telle manière de voir doit être rejetée. L'exercice des droits fon- damentaux joue un rôle essentiel; le salarié ne peut pas y renoncer dans une mesure contraire aux mœurs (art. 27 al. 2 CC). On ne saurait donc admettre que, à teneur de son contrat de travail, il assume valablement des obligations comportant une limitation excessive de sa liberté. Cett,.

32 Cf BRUNNER, C., BÜHLER, J.-M., et WAEBER, J.-B., Commentaire du contrat,y-' de travail, Union syndicale suisse, Berne 1989, n° 5 ad art. 336; FRITZ, M., Les nouvel/es dispositions sur le congé dans le droit du contrat de travail, Union cen- trale des associations patronales, Zurich 1988, nO 4 ad art. 336.

(21)

1,1

..

20 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

observation, classique, se trouve renforcée dans le cadre du droit du tra- vail. D'une part, l'employeur est impérativement tenu de protéger la personnalité du salarié (art. 328 et 362 CO); une pareille obligation interdit d'exiger le respect de clauses contractuelles limitant de façon injustifiée la liberté du travailleur. D'autre part, la protection contre le licenciement à raison de l'exercice d'un droit constitutionnel est elle aussi impérative (art. 336 al. 1 et 361 CO): à quoi servirait cette contrainte si les parties pouvaient librement limiter l'exercice, par le salarié, de ses droits constitutionnels?

D'ailleurs, les travaux préparatoires et les remarques des commenta- teurs montrent bien que cette restriction à l'exercice des droits constitu- tionnels vise des situations spéciales. En particulier, le législateur a voulu tenir compte des besoins de certains employeurs, dont l'activité impose aux salariés une conduite déterminée non seulement durant le travail, mais aussi dans leur vie privée. Ce sont les entreprises dites «à tendance»

(Tendenzbetriebe), par exemple les partis politiques, les syndicats, les organisations patronales ou économiques, les églises, les mouvements caritatifs, qui doivent donner d'eux-mêmes une image correspondant à leurs buts et qui ne peuvent tolérer, de la part de leurs employés, un comportement nuisant à ces buts et consacrant, du coup, une violation de leur obligation de fidélité (art. 32la al. 1 CO). Deux exemples touchant la liberté politique et la liberté d'expression illustreront ce propos: un syndicat peut certainement se séparer licitement d'un secrétaire qui se porterait candidat au parlement sous les couleurs d'une organisation raciste; un parti peut faire de même si son employé appelle publiquement à voter pour l'adversaire, etc)3.

Ainsi, dans la mesure où elle restreint l'exercice d'un droit constitu- tionnel par le salarié, l'obligation assumée par ce dernier n'est valable que si les circonstances la justifient objectivement. Le juge ne pourra pas se dispenser d'examiner dans chaque cas cette justification, à la lumière, en particulier, de l'obligation de fidélité découlant de l'art, 321a C034.

La seconde limite de la protection contre le congé donné en raison de l'exercice d'un droit constitutionnel touche les effets de cet exercice sur le

33 FF 1984 Il 622; FRITZ, M., nO 4 ad art. 336; PEDERGNANA, R., «Ueberblick über die neuen Kündigungsbestimmungen im Arbeitsvertragsrechb), in Recht 1989, p. 38; MEIER. K.t OEHMKE, P., «Die neuen Bestimmungen des Arbeitsvertrags- rechts zurn Kündigungsschuw), in Pliidoyer 1988. nO 5/6, p. 47.

34 Cf sur ce point. RAAFLAUB, H. E., Die Treuepflicht des Arbeitnehmers beim Dienscverlrag, Winterthur 1959 p. 92.

(22)

L'EXERCICE DES DROITS CONSTITIJTIONNELS 21

fonctionnement de l'entreprise. JI peut arriver que l'expression de cer- taines idées politiques, par le salarié, choque gravement ses collègues de travail. Le respect de la liberté d'expression, par l'employeur, risque alors de susciter des difficultés avec d'autres travailleurs qui, grève à l'appui, exigeraient son licenciement. Dans ce cas de figure, la résiliation se trou- verait dictée non pas par la volonté de l'employeur, mais par celle des travailleurs eux-mêmes, qui feraient subir un préjudice grave à l'entre- prise, sur un point essentiel de son activité. En pareille hypothèse, l'em- ployeur ne doit pas être tenu pour responsable de la résiliation qu'il se trouvera contraint de notifier au perturbateur; il sera en conséquence exonéré de toute obligation de lui payer une pénalité. La victime du congé ne reste cependant pas démunie. Elle pourra agir, le cas échéant, contre les travailleurs qui la boycottent, en application des principes rap- pelés plus haut (art. 28 et 28a CC; art. 41 CO).

La situation décrite ci-dessus (touchant la liberté d'opinion) relève de la règle générale de l'art. 336 al. 1 lit. b, qui soumet à des limites déter- minées la protection de l'exercice des droits constitutionnels. Elle survient rarement dans la pratique.

Un cas plus fréquent, tout au moins dans le passé, intéresse la liberté d'association. Il s'agit du refus, opposé par des travailleurs, de collaborer avec un autre travailleur appartenant à un syndicat rival; pour appuyer la demande de licenciement du dissident, ses collègues menacent de faire grève ou suspendent purement et simplement le travail. Ici s'applique la règle spéciale de l'art. 336 al. 2 lit. a, qui protège, sans restriction expli- cite, la liberté d'association positive et négative des salariés. L'employeur commettrait un abus s'il licenciait le travailleur indésirable, quand bien même l'exercice, par ce dernier, de sa liberté d'association, nuirait gra- vement à la bonne marche de l'entreprise.

Vl. CONCLUSION

Au cours des décennies écoulées, les tribunaux et le législateur ont construit, peu à peu, un réseau protecteur de l'exercice des droits consti- tutionnels par les salariés.

Dans le domaine de la responsabilité délictuelle, ce système s'arti:"

cule, pour l'essentiel, autour de la liberté d'association et de la liberté économique. Le revirement de l'arrêt Giesbrecht marque l'étape la plus,"""- importante, puisqu'il pose la présomption de l'ilIicéité du boycottage et, par conséquent, de la grève. A notre avis, les conditions dans lesquelles

(23)

22 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL cette présomption d'iIIicéité peut être levée sont les mêmes qu'il s'agisse de celle-ci ou de celui-là; on les trouve dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral sur la gréve.

Dans le domaine contractuel, l'évolution la plus remarquable découle du nouveau droit du licenciement. Aujourd'hui, la loi déclare abusif le congédiement d'un salarié en raison de sa participation à une grève légi- time. Elle offre en outre aux travailleurs une protection plus étendue, puisque, en principe, toute résiliation du contrat de travail fondée sur l'exercice d'un droit constitutionnel revêt un caractère abusif. L'exception la plus importante à cette règle (le respect des obligations découlant du contrat de travail) doit s'interpréter à la lumière des dispositions impéra- tives; sauf circonstances objectivement justifiées, le salarié ne saurait renoncer valablement à ['exercice de ses droits constitutionnels.

(24)

L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES DANS LE DOMAINE DU TRA V AIL*

J. INTRODUCTION

Dans le domaine du travail, l'art. 4 al. 2 de la Constitution fédérale renfenne deux principes. D'abord, il commande d'une manière générale au législateur de pourvoir à l'égalité. En second lieu, il interdit la discri- mination salariale.

Le mandat de pourvoir à l'égalité présente une face négative et une face positive. Il s'agit, d'une part, de revoir les dispositions concernant le travail des femmes, de manière à éliminer les textes se bornant à perpé- tuer la répartition traditionnelle des rôles, en maintenant seulement la protection spéciale rendue nécessaire par les différences physiologiques entre la femme et l'homme. Il s'agit, d'autre part, de prendre des mesures concrètes pour promouvoir l'égalité, notamment dans la formation et l'activité professionnelles l .

Depuis le vote du 14 juin 1981, les dispositions de la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics2 comportant des diffé- rences de traitement injustifiées entre les femmes et les hommes ont été amendées ou supprimées3. En revanche, la révision de la loi fédérale sur le travail4 se trouve encore en chantier. La Commission fédérale du tra- vail examine actuellement les changements à apporter. En outre, la Suisse a résilié, avec effet à fin février 1992, la convention 89 de l'Orga- nisation internationale du travail, de 1948, interdisant le travail de nuit des femmes dans l'industrie: elle devra donc adapter son droit interne à cette situation nouvelleS. On peut penser que la révision législative s'accomplira dans un avenir relativement proche, car elle touche aussi la flexibilité du temps de travail, à laquelle les employeurs sont attachés .

2 3 4 5

ln L'égalité entre hommes etfemmes, Payot, Lausanne] 988, p. 143.

FF 1986 1 1179-1187; FF 1980 1 146; sur les pretendues différences fonctionnelles, cf HAEFLlGER, A., p. 81 ·82; CAMPICHE, A., p. 120, avec ref.

Appelée improprement loi fédérale sur la durée du travail, RS822.21. Novelle du 19 décembre 1986, ROLF 1987 1 735; FF 1984 Il 565.

RS 822.1 1.

...--~

Cf FF 1986 1 1186-1 187. Addendum. L'OlT a adopté en 1990 une nouvelle ' convention (nO 171) sur Je travail de nuit, ainsi qu'un protocole relatif â: la conven- .ion de 1948 (cf FF 1991 III 970 et 982).

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24 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

Le droit à l'égalité de rémunération découle directement de l'art. 4 al. 2, troisième phrase de la Constitution fédérale, de sorte que, a priori, les tribunaux peuvent appliquer cette disposition sans attendre l'adoption d'une loi tendant à faciliter sa mise en œuvre; les décisions judiciaires rendues dans ce domaine depuis le 14 juin 1981 sont toutefois rares: nous ne comptons que deux affaires dans le secteur public et deux dans le secteur privé6. Conscient de ces difficultés, le Conseil national a adopté le 4 octobre 1985 un postulat invitant le Conseil fédéral à se prononcer sur l'opportunité de légiférer en vue de permettre la réalisation du prin- cipe de l'égalité des salaires entre hommes et femmes; la loi devrait en particulier préciser les critères permettant d'apprécier la valeur du travail, déterminer les personnes et organisations ayant qualité pour agir et régler l'administration et le fardeau de la preuve 7. En attendant, la Chambre du peuple a cependant refusé une initiative parlementaire (plus contrai- gnante) du même auteur demandant que soit reconnue aux organisations professionnelles la qualité pour agir en justice en matière d'inégalités salariales8. Le Conseil fédéral a fait connaître son intention de déposer un rapport sur ce postulat (accompagné le cas échéant d'un projet de loi) lors de la prochaine législature9.

Signalons que, le 19 mars 1987, lors de la discussion du rapport du Conseil fédéral sur le programme législatif «Égalité entre hommes et femmes»IO, le Conseil national a rejeté une initiative parlementaire extrêmement ambitieuse demandant que la loi définisse précisément l'interdiction de la discrimination; oblige la Confédération, les cantons, les communes et les particuliers à prendre des mesures concrétes en vue de la réalisation du principe de l'égalité; institue un quota de 50% d'em- plois pour les femmes; reconnaisse la qualité pour agir des organisations féminines; enfin crée un Office fédéral pour l'égalité de l'homme et de la femme. Il a néanmoins accepté un postulat demandant au Conseil fédéral d'examiner les mesures permettant d'accélérer la réalisation de l'égalité, notamment la création d'un office doté de compétences clairement déli- mitéesll.

6 Notes 73 il 76 infra.

7 Postulat laggi, BOCN 1985, p. 1809.

8 BOCN 1985, p. 1795 ss.; CAMPICHE, A., p. 143.

9 FFI98611181.

10 FF 198611132-1270.

Il BOCN 1987, p. 463.

(26)

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L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES 25

Les lignes qui précèdent montrent que l'essentiel des mesures de mise en œuvre se trouve (si elles sont adoptées) devant nous, et non point dans les années récentes, auxquelles devrait se rapporter notre bilan.

Dans une première partie, nous nous demanderons donc, à la lumière des discussions en cours, quelles adaptations doit subir la loi fédérale sur le travail pour réaliser, dans son champ d'application, l'égalité entre hommes et femmes. Dans la seconde, nous examinerons l'interdiction de la discrimination salariale, en commentant les rares décisions rendues en la matière Il bis.

Nous n'ignorons pas que, dans notre domaine, des résultats suffisants ne pourront probablement pas être obtenus sans que soient engagées des actions positives, en vue notamment de favoriser l'égalité des chances dans la formation professionnelle et l'emploi. De telles actions positives soulèvent des problèmes difficiles, qui ne font pas l'objet de ce rapport.

La mise en œuvre du principe de l'égalité des sexes joue un rôle considérable dans la vie juridique de nombreux pays et sur le plan inter- national. Un examen approfondi ne saurait donc se passer de l'étude des problèmes survenus et des solutions trouvées à l'étranger (notamment au sein de la Communauté européenne) et dans le cadre, en particulier, de l'Organisation internationale du travail, dont la Suisse a ratifié la convention nO 1 00, de 1951, concernant l'égalité de rémunération entre la main d'œuvre masculine et la main d'œuvre féminine pour un travail de valeur égale, et la convention n° III, de 1958, concernant la discrimina- tion en matière d'emploi et de professionl2 . Les limites de cette contri- bution nous interdisent les amples regards nécessaires sur le droit inter- national et comparé. Nous sommes néanmoins convaincu que la Suisse, qui prend un chemin frayé depuis longtemps par d'autres, pourrait tirer grand profit des expériences accumulées ailleurs 13.

Ilbis En général, cf 1. nouvelle loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24 mars 1995 (FF 1995 Il 363); à ce sujet, COSSALI, M., <<La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24 mars 1995», in Journée /995 de droit du travail et-.- de la sécun·té sociale, Zurich 1995 (à paraître dans la présente collection).

12 FFI98611254;CAMPICHE,A.,p.llO.

13 BERENSTEIN, A., in RJB, p. 489-498; HAEFLIGER, A., p. 105-106; NEF, U,',....-·

Ch., in RSJ, p. 22; STAEHELIN, A., n' 20 ad art. 322; STAEHELIN, A., in BlM, p. 62; TSCHUDI, H. P., in RSJ, p. 91; CAMPICHE, A., passim.

(27)

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26 ETIJDES DE DROIT DU TRAVAIL

Il, L'ÉGALITÉ DES CONDITIONS DE TRAVAIL

La réglementation de droit public contient des dispositions proté- geant spécialement les travailleuses 14.

Selon le Conseil fédéral, ces dispositions se justifient dans la mesure où elles sont conçues pour protéger les femmes enceintes, les jeunes mères et les femmes qui allaitent leur enfant. Reposant sur un état de fait qui ne peut concerner que les femmes, elles ne sont aucunement discri- minatoires; il faut les considérer comme conformes à l'art. 4 al. 2 de la Constitution fédérale l5 .

En revanche, dans la mesure où elles découlent simplement sur l'idée traditionnelle du rôle de l'homme et de la femme, les dispositions spé- ciales de protection doivent être revues. Dans certains cas, il convient de faire bénéficier également les hommes de la protection instituée; dans d'autres, de supprimer les règles spéciales, qui compromettent la situation de la femme sur le marché du travail 16. En outre, pour tenir compte de l'égalité de l'homme et de la femme dans le nouveau droit du mariage, il sied d'avoir égard aux obligations familiales non seulement du personnel féminin, mais aussi des travailleurs 17.

La Commission fédérale du travail a été chargée de faire des propo- sitions en vue de la révision, en particulier, de la loi fédérale sur le travail, afin d'adapter la réglementation de droit public aux exigences de l'égalité entre les sexes. La modification de la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics, les opinions exprimées par le Conseil fédéral à propos de la mise en œuvre du principe de l'égalité dans la loi sur le travai[l8 et les déclarations des représentants de l'administra- tion et des partenaires sociaux font apparaître les axes dégagés ci- dessous. Nous nous contenterons d'un exposé sommaire, essentiellement destiné à alimenter la discussion 18bis.

14 BIGLER·EGGENBERGER, M., p. 15-21; TSCHUDI, H. P.,p. 95-100.

15 FF 1986 1 1183.

16 FF 198611183-1184.

17 FF 1986 1 1184-1185.

18 FF 198611181-1187.

18bis Addendum. Les propositions décrites ci-après ont été mal accueillies lors de la procédure de consultation. Elles servent actuellement de base à une révision plus modeste (cf le message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi

fédérale sur le travail, du 2 février 1994, FF 1994 Il 157).

(28)

L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES 27

A) Protection de la maternité

1) Les femmes enceintes, les accouchées et les mères qui allaitent sont protégées par l'art. 35 de la loi sur le travail (voir également les art. 67 et 72 de l'ordonnance générale d'application), ainsi que par l'art. 17 de la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics.

Les femmes enceintes et les mères qui allaitent ne peuvent être occupées à des travaux notoirement nuisibles à la santé, à la grossesse ou à l'allaitement; elles sont dispensées, à leur demande, des travaux qui leur sont pénibles l9.

Les femmes enceintes ne peuvent être occupées que si elles y consentent et jamais au-delà de l'horaire ordinaire de travail. Sur simple avis, elles peuvent se dispenser d'aller au travail ou le quitter20.

Les accouchées ne peuvent être occupées pendant les huit semaines qui suivent l'accouchement; à leur demande, l'employeur peut toutefois réduire cette période jusqu'à six semaines, à condition que le rétablisse- ment de la capacité de travail soit attesté par un certificat médica]2l.

Même après huit semaines dès l'accouchement, les mères qui allai- tent leur enfant ne peuvent être occupées que si elles y consentent; l'em- ployeur doit leur donner le temps nécessaire pour l'allaitement22.

En cas d'absence due à la grossesse, à l'accouchement ou à l'allaite- ment, la femme a droit à son salaire dans les limites de l'art. 324a du code des obligations (sont réservées les indemnités journalières dues dans le cadre de l'assurance-maladie). Elle est protégée contre le licen- ciement pendant les huit semaines qui précèdent et les huit semaines qui suivent l'accouchement, selon l'art. 336e lit. c du code des obligations.

Ces mesures spéciales de protection ne soulèvent pas d'objection en regard de l'interdiction de la discrimination, dès lors qu'elles reposent sur une différence physiologique objective23 .

Le caractère limité et l'incohérence de la réglementation relative à la maternité, s'agissant en particulier du droit au salaire (ou à une indemnité

19 Art. 67 OLT 1; voir aussi l'art. 17 al. 4 lDT.

20 Art. 35 al. 1 lT; art. 17 al. 1 lOT.

21 22 23

Art. 35 al. 2 L T; art. 17 al. 2 LOT.

Art. 35 al. 3 LT; art. 17 al. 3 LOT.

FF 1986 11183; TSCHUOI, H. P.,p. 95.

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28 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

journalière) et de la protection contre le licenciement ont été souvent critiqués24 . Signalons donc qu'en liaison avec la révision de la loi sur l'assurance-maladie, des améliorations sont prévues. Les travailleuses bénéficieront d'un congé de maternité de seize semaines, dont huit au moins après l'accouchement; pendant ce congé, elles auront droit à des indemnités journalières. D'autre part, la protection contre le licenciement sera étendue à toute la durée de la grossesse et aux seize semaines qui suivent l'accouchement25.

2) Il Y a des travaux qui peuvent être effectués par les femmes comme par les hommes, mais qui présentent des dangers particuliers pour les travailleuses en âge de concevoir (exposition à des risques d'infection de nature à provoquer des malformations en cas de grossesse, manipulation d'hormones ou de· substances toxiques, travaux dans des champs électriques ou magnétiques). Supposé que les risques soient en eux-mêmes minimes pour l'homme ou la femme adultes, de telles activi- tés pourraient compromettre le développement de l'embryon. En vue de la protection de l'enfant (éventuel), elles sont interdites aux femmes en âge de concevoir, sans que la prohibition de la discrimination soit violée, dès lors que cette interdiction résulte seulement du statut physiologique de la femme.

Actuellement, une interdiction de ce type se trouve prévue aux art.

32 et 35 de l'ordonnance concernant la protection contre les radiations26.

Tandis que, pour tous les travailleurs, la dose d'irradiation accumulée sur tout le corps ne doit en principe pas dépasser une limite annuelle (5 rem par an), quels que soient le nombre et l'intensité des expositions, les femmes en âge de procréer bénéficient en outre d'une protection limitant les doses d'irradiation à l'abdomen, calculées par trimestre (1,3 rem par trimestre)27. Ces maximums sont pour elles absolus; la loi n'y permet pas de dérogation: si des travaux peuvent être exceptionnellement autorisés qui entraînent des expositions supérieures, seuls seront en mesure de les

24 Récemment TSCHUDI, H. P., p. 98-100.

25 Revision de la LAMA et de la LAPG, FF 19871988-989; le peuple sera appele

a

se

prononcer sur cette révision. une demande de référendum ayant abouti. Addendum.

Le projet a été rejeté par le peuple le 7 décembre 1987 (FF 1988 1 541).

L'assurance-maternité reste donc à créer. En revanche, la protection accrue contre le licenciement a êté reprise lors de la réforme de 1988 (cf l'art. 336c al. 1 lit. c CO).

26 RS 814.5.

27 Art. 32 al. 1 et 5 de J'ordonnance précitée.

(30)

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L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES 29

accomplir d'une part les hommes et d'autre part les femmes de quarante ans et plus28.

B) Protection des travailleurs ayant des responsabilités familiales Comme l'ancien art. 26 al. 1 de l'ordonnance relative à la loi sur la durée du travail, l'art. 36 de la loi fédérale sur le travail prévoit des dispo- sitions spéciales pour les femmes tenant un ménage où elles vivent avec des proches. Selon cette disposition, en fixant l'horaire de travail, l'employeur doit avoir des égards pour leur situation particulière. A leur demande, il leur accorde, vers midi, une pause d'au moins une heure et demie. Il ne peut les occuper à du travail supplémentaire (c'est-à-dire dépassant le maximum hebdomadaire prévu par la loi sur le travail29)

que si elles y consentent. Dans les entreprises industrielles, il ne peut les occuper à des travaux accessoires (c'est-à-dire de préparation du travail, de nettoyage, d'entretien, de réparation30); vu l'objectif de la protection, on voit mal pourquoi cette interdiction se limite aux entreprises indus- trielles31.

Cette protection, en soi, répond à un besoin objectif. Toutefois, vu l'égalité des époux dans le cadre du nouveau droit du mariage, les hommes doivent aussi en bénéficier32. La catégorie des femmes tenant un ménage est donc appelée à être remplacée par celle des travailleuses et travailleurs ayant des responsabilités familiales. Le nouvel art. 26 de l'ordonnance relative à la loi sur la durée du travail s'inscrit dans cette perspective, puisqu'il substitue aux «femmes qui entretiennent leur propre ménage» les «travailleurs qui entretiennent leur propre ménage».

Les droits des salariés de cette catégorie pourraient être étendus afin de faciliter les soins donnés à leurs enfants malades ou accidentés.

Les salariés ayant des responsabilités familiales doivent aussi jouir d'une protection particulière dans le domaine du travail de nuit et du travail du dimanche. Nous y reviendrons plus bas.

28 Art. 35 al. 3.

29 Art. 12 LT.

30 Art.14LT.

31 Art. 69 OLT 1; TSCHUDI, H. P .• p. 100.

32 FF 19861\\84-\\85.

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30 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL

C) La protection de la moralité

L'obligation générale, à la charge de l'employeur, de protéger la moralité des travailleurs en général se trouve statuée par le droit privé33 .

Celle de protéger la moralité des travailleuses bénéficie de la protection accrue du droit public34.

Il ne parait plus justifié, aujourd'hui, de privilégier les travailleuses dans ce domaine. Certes, hommes et femmes pourraient être placés sur un pied d'égalité à l'art. 33 de la loi fédérale sur le travail, de telle sorte que l'employeur soit lié par une règle de droit public à l'égard des premiers comme des secondes. Toutefois, la protection générale de la moralité par le moyen du droit public ne s'impose pas: la pratique montre qu'il serait possible d'y renoncer .pour les travailleurs des deux sexes.

L'art. 197 du code pénal punit celui qui, abusant de l'autorité que lui donne sa qualité d'employeur, aura obtenu d'une femme l'acte sexuel ou une relation analogue. Le Conseil fédéral propose d'étendre aux hommes cette protection particulière35 . Une telle modification mérite certes l'approbation, bien qu'elle réponde surtout à des préoccupations de prin- cipe: le harcèlement sexuel frappe essentiellement les femmes.

D) Protection de la santé; interdiction de certains travaux

1) La protection de la santé des travailleurs et la prévention des acci- dents font l'objet de normes générales figurant dans diverses lois: l'art. 6 de la loi fédérale sur le travail, l'art. 82 de la loi fédérale sur l'assurance- accidents et l'art. 328 du code des obligations.

L'art. 33 al. 1 de la loi fédérale sur le travail, concernant plus parti- culièrement la protection de la santé des travailleuses, reprend les mêmes principes. On pourrait donc y renoncer.

Comme l'ancien art. 17 al. 2 de la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics, l'art. 33 al. 2 de la loi fédérale sur le travail prévoit que, par voie d'ordonnance, le Conseil fédéral peut inter- dire l'exécution de certains travaux par des femmes ou les subordonner à des conditions spéciales. Le Conseil fédéral a usé de cette compétence. Il

33 Art. 328 CO.

34 Art. 33 LT.

35 FF 19861 1171.

(32)

L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES 31

a distingué entre les travaux interdits à toutes les femmes36 et ceux interdits aux femmes enceintes et à celles qui allaitent37.

Cette réglementation entraîne une discrimination entre les hommes et les femmes, dès lors que certains travaux peuvent se révéler tout aussi nuisibles aux hommes qui ne sont pas de forte constitution physique; ces derniers devraient donc bénéficier également d'une protection parti cu- lière38. Aussi bien la version révisée de la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics prévoit-elle que le Conseil fédéral peut interdire ou soumettre à des conditions spéciales l'emploi à certains travaux non seulement des femmes enceintes, mais aussi d'autres catégo- ries de travailleurs39.

En outre, l'interdiction absolue imposée aux femmes d'effectuer cer- tains travaux risque d'aller trop loin: est-il opportun de viser toutes les femmes parce que, statistiquement, la majorité d'entre elles serait moins apte physiquement à les supporter40? Dans la mesure où l'on admet que certains travaux présentent en général un danger particulier pour les per- sonnes peu robustes (ceux impliquant des efforts physiques intenses, la soumission à des températures extrémes ou à des vibrations), ne serait-il pas approprié de prévoir une interdiction de principe, sous réserve de dérogations accordées par l'autorité, sur préavis médical41?

Une protection taillée selon les capacités de chaque individu, indé- pendamment du sexe, serait ainsi préférable à la création de catégories rigides. Toutefois, comme nous l'avons vu plus haut, dans la section consacrée à la protection de la maternité, il faut réserver l'interdiction générale de certains travaux dangereux seulement pour les femmes en âge de concevoir.

2) L'art. 135 du code pénal réprime le surmenage, en particulier, des enfants et des femmes; le Conseil fédéral propose d'abroger cette dispo- sition42. L'importance du bien protégé justifierait, au contraire, que la protection s'étende aux travailleurs des deux sexes.

36 Art. 66 OLT 1.

37 Art. 67 OLT 1.

38 FF198611184.

39 40 41 42

Art. 17 al. 4 LDT.

FF 198611184.

Cf le mécanisme prévu à l'art. 35 al. 2 LT.

FF 198611171.

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