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L'OBLIGATION DE NÉGOCIER

Dans le document Etudes de droit du travail (Page 132-142)

OU D'ADHÉRER À UNE CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL *

III. L'OBLIGATION DE NÉGOCIER

1) Il résulte de ce qui précède que les parties à une convention collective ont l'obligation d'admettre parmi elles (c'est-à-dire de conclure avec) les organisations représentatives et loyales.

Ces organisations peuvent-elles faire valoir un droit de négocier, qu'il s'agisse d'entamer ab ovo des négociations ou de participer à des négociations se déroulant entre d'autres partenaires? L'arrêt FTMH laisse expressément cette question ouverte4l .

Aux fins de la présente réflexion, le droit de négocier comporte que les interlocuteurs se rencontrent, que la partie demanderesse expose ses revendications, que l'autre partie écoute ces dernières, les examine et prenne position. Les règles de la bonne foi commandent que les interlo-cuteurs n'allèguent point de faits faux et ne recourent pas à des manœuvres dilatoires. Une fois ces étapes franchies, la négociation est terminée. Chaque partie reste libre de conclure une convention ou de maintenir le statu quo (sous réserve, évidemment, du droit des organisa-tions représentatives et loyales d'adhérer à une convention existante).

2) Se fondant sur le principe de la liberté contractuelle, le Tribunal fédéral a déclaré en 1948 qu'aucune association ne peut prétendre à un droit de participer à des négociations collectives42. La Cour d'appel de

40 JAAC 35 (1970-1971), p. 44.

41 ATFI131138=JTI9871472.

42 ATF74 Il 161 =JT 19491306.

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Berne, en 1985, lui a emboîté le pas43. Schweingruber s'en tient à cette opinion traditionnelle44. Vischer, en revanche, admet l'existence d'une obligation de négocier avec les syndicats suffisamment représentatifs45.

A vrai dire, dans l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en 1948, le problème de l'obligation de négocier ne se posait pas, car le syndicat dissident avait lui-même volontairement refusé de prendre part aux pour-parlers en cause46.

De plus, dans cette décision même, la haute juridiction a marqué que la liberté de refuser de négocier trouve ses limites dans les buts fonda-mentaux du droit collectif du travail: «En reconnaissant les organisations ouvrières comme parties contractantes, la loi a voulu compenser la supé-riorité économique du patronat et opposer à celui-ci, lors de la fixation des conditions de travail, un partenaire qui puisse discuter et traiter avec lui d'égal à égal et soit aussi fort non seulement en droit mais aussi en fait. L'employeur ou l'organisation patronale qui refuserait, sans aucun motif raisonnable, d'entrer en discussion avec une organisation ouvrière en vue de la conclusion d'un contrat collectif dans l'intention évidente d'affaiblir la situation des ouvriers et de se procurer de cette façon un avantage pour lui-même commettrait un acte illicite et contraire aux mœurs parce que son attitude aurait pour effet de priver les ouvriers de la protection voulue par la loi et irait à l'encontre d'une des idées fondamen-tales de la législation sur le contrat collectif de travaib)47. Le Tribunal fédéral a pris le soin de rappeler expressément ce principe dans l'arrêt FTMH48.

Et surtout, on relèvera que, dans l'arrêt de 1948, le Tribunal fédéral a justifié la liberté du refus de négocier en se fondant sur ce qu'il tenait pour une conséquence inacceptable: selon lui, l'obligation de négocier risquait de déboucher sur l'obligation de conclure si les deux parties à la négociation tombaient d'accord; or, une telle contrainte ne serait pas

43 JAR 1986, p. 210-211.

44 SCHWEINGRUBER, E., BIGLER, F. W., p. 42.

45 VISCHER, F., 2 ss ad art. 356c, no!. 6; VISCHER, F., Zum GesamlDrbeits-vertrag ... p. 411-414, DOt. 412; cet auteur était plus réservé auparavant: VISCHER, F., Zur Stellu"g ... p. 295-296.

46 Cf note 13 supra.

47 ATF74 11163 =JT1949 1 307-308.

48 ATF 113 1140 = JT 19871474.

LE DROIT DE NÉGOCIER 133 admise en droit suisse4 9. L'arrêt FTMH ébranle évidemment cette construction: le droit d'adhérer à une convention collective existante entraîne un devoir de conclure à la charge des parties à cette convention;

l'obligation de contracter existe donc dans certaines limites en droit positif.

3) Même s'il déclare ne pas résoudre la question, l'arrêt FTMH l'éclaire d'une lumière à notre avis détenninante. Le renversement de la perspective en matière de boycottage des organisations syndicales et patronales, fondé sur l'arrêt Giesbrecht, ne saurait demeurer ici sans conséquence. L'illicéité du boycottage des organisations syndicales ou patronales est aujourd'hui la règle, la licéité l'exception. S'il en résulte, sous certaines conditions, le droit d'adhérer à une convention collective, il doit en découler également le droit de négocier.

En effet, les intérèts en cause sont largement les mêmes, car le refus de négocier opposé par l'un ou l'autre des acteurs (employeur, organisa-tion d'employeurs, organisaorganisa-tion de salariés), de manière indépendante ou conjointement, porte atteinte, comme le refus de l'adhésion d'une organi-sation représentative et loyale, aux droits de la personnalité des protago-nistes: d'une part, à ceux des travailleurs au libre exercice de leur activité économique50 et au libre choix d'un syndicatS 1 ; d'autre part, à ceux de l'organisation syndicale ou patronale comme corporation de droit privé qui, victime d'un tel boycottage, serait menacée dans son existence par l'impossibilité d'accomplir sa fonction52 . D'ailleurs, l'obligation de négocier, pour un employeur ou pour une organisation patronale ou syndicale, comporte une diminution de la liberté moins forte que celle d'admettre une organisation comme partie à une convention.

Aux exigences découlant des droits de la personnalité s'ajoute la nécessité de respecter les objectifs fondamentaux du droit du travail, parmi lesquels le développement de la convention collective joue un rôle de premier plan comme facteur de protection sociale, de paix du travail et d'assainissement des conditions de concurrence entre entrepreneurs

49 A7F74 1/162 =JT 1949 1 307.

50 ATF 113 1/45 =JT 1987 1 478, avec références, notamment à TERCIER, P., Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, p. 71 s. 'II~.

51 ATF 1 13 1/45 =JT 1987 1 478, avec références, notamment àATF 1111/253.

52 ATF 113 Il 45 = JT 19871479, avec références.

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s'agissant du coût de la main d'œuvre53 . Seule la négociation peut conduire à ce but.

L'obligation de négocier sur le plan du droit privé paraît d'ailleurs d'autant plus naturelle qu'elle existe sur le plan du droit public fédéral et cantonal: le droit du travail, croissant simultanément sur ces deux plans, est du reste sensible à leur interdépendance54. Ainsi, dans son champ d'application, la loi fédérale concernant l'Office fédéral de conciliation en matière de conflits collectifs du travail (applicable en cas de conflit débordant les limites d'un canton) prévoit: «Les personnes que cite l'office de conciliation sont tenues de comparaître, de participer aux débats, de fournir des renseignements et de produire les documents requis»55. De même, la loi fédérale sur le travail dans les fabriques (qui oblige les cantons à créer des offices de conciliation pennanents pour régler à l'amiable les différends d'ordre collectif entre fabricants et ouvriers), statue: .<Toutes les personnes citées par l'office sont tenues ( ... ) de comparaitre, de prendre part aux débats et de fournir tous renseigne-ments»56. Les cantons peuvent décider de confier à ces offices le soin de se saisir de litiges survenus non seulement dans des fabriques, mais aussi dans d'autres entreprises. Là encore, les parties au conflit ont l'obligation de négocier57. La violation de cette obligation est passible d'une peine d'amende 58.

Enfin, la jurisprudence a posé récemment qu'une grève ne pouvait, en toute hypothèse, être considérée comme légitime qu'à condition qu'elle constituàt l'ultima ratio, lorsque la négociation d'une convention collective se bloque dans une impasse dont aucun autre moyen ne pennet

53 Cf note 31 supra. Voir aussi VISCHER, F., Zum Gesamlarbeftsvertrag .... p. 396 ss;

VISCHER. F., nO 13 ss ad art. 356; BERENSTEIN, A., «Switzerland», in Inter·

national Encyclopaedia for Labour Law and Industrial Re/a/fons, Deventer 1984, p.149.

54 Art. 342 al. 2 CO.

55 Art. 3 de la loi Œdérale concernant l'Office fédéral de conciliation en matière de conflits collectifs de travail, du 12 février 1949, RS 821.42.

56 Art. 31 de la loi fédérale surle travail dans les fabriques, du 18 juin 1914 (encore en vigueur sur ce point), RS 821.41.

57 Art. 16 de l'arrêté neuchâtelois concernant l'institution d'un office cantonal de conciliation en matière de conflit de travail, du 9 avril 1918; art. 15, 18 ct 33 de la loi vaudoise sur la prévention et le règlement des conflits collectifs, du 15 décembre 1942; art. 18 du règlement genevois de l'office cantonal de conciliation, du 25 novembre 1955, RS J/l17.

58 Cf les dispositions mentionnées aux notes 55 à 57 supra.

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de sonir59. Cette règle, imposée aux salariés, a cenainement pour corol-laire, du côté des employeurs, l'obligation de prendre part à des négo-ciations60.

4) L'obligation de négocier ne saurait être absolue. On doit en réser-ver le bénéfice aux organisations représentatives et loyales.

L'exigence de représentativité revêt ici une importance plus grande qu'en matière d'adhésion: pour des raisons pratiques, il faut limiter la quantité des parties à la négociation, que la présence d'interlocuteurs trop nombreux pourrait rendre excessivement difficile. Les organisations majoritaires jouissent d'une position justement privilégiée: le refus de négocier avec elles serait particulièrement contraire à la protection de leur personnalité et aux objectifs du droit collectif du travail. On doit admettre également les organisations minoritaires, pourvu qu'elles soient suffisamment importantes: les garanties dégagées ci-dessus s'appliquent aussi (et peut-être surtout) à elles61 .

Quant à la loyauté, elle doit assurer le déroulement normal de la négociation et la mise en œuvre correcte de la convention à conclure: les organisations qui se refuseraient d'emblée à tout compromis ou qui sabo-teraient les discussions par des polémiques publiques et intempestives se disqualifieraient d'elles-mêmes62 .

5) L'obligation de négocier a pour but la réglementation collective des conditions de travail dans une entreprise ou une branche données (en vue d'y établir un minimum uniforme de protection des salariés).

Lorsqu'une convention y a déjà été conclue, cette obligation perd son sens. En effet, la fonction de protection sociale est en principe déjà remplie; de plus, la coexistence de plusieurs conventions dont les champs d'application personnels se recouvriraient en tout ou panie entraverait la fonction unificatrice de cet instrument. Dès lors, il n'y a pas lieu d'admettre une obligation de négocier une autre convention à la charge d'une panie à une convention collective existante visant la même caté-gorie professionnelle. D'une manière générale, la seule voie qui s'ouvre à une organisation syndicale ou patronale dans une entreprise ou une

59 60 61 62

ATF III II 258 =JTl986 115.

VISCHER, F., n' 3 ad art. 356c; VISCHER. F., Zum Gesam/arbeitsver/rag ....

p. 412; con/ra, JAR 1986. p. 210.

VISCHER, F., n' 6 ad art. 356c; VISCHER. F .• Zum Gesam/arbei/svertrag.... ,...-p. 412; plus réservé auparavant. VISCHER. F .• Zur Srel/ung .... ,...-p. 296.

VISCHER, F .• n' 7 ad art. 3560.

136 ETUDES DE DROIT DU TRAVAIL branche déjà pourvues d'une convention collective est l'adhésion, si les conditions en sont satisfaites. Cependant, à l'échéance de la convention, toutes les parties (y compris l'adhérente) pourront participer aux négo-ciations de renouvellement.

Les organisations syndicales doivent parfois se voir reconnaître le droit de négocier même si, dans la branche ou l'entreprise, a déjà été conclue une convention collective. Ce sera le cas lorsque la partie patro-nale a conclu la convention avec un tiers sans raison valable, dans le dessein d'affaiblir la partie salariée et d'en tirer profit63 ; par exemple lorsque l'organisation tierce se révèle dénuée de représentativité ou déloyale envers les personnes dont elle est censée défendre les intérêts (syndicat inféodé à un employeur ou à une organisations d'employeurs), de telle sorte que les buts protecteurs du droit collectif du travail ne sauraient être atteints.

La Cour d'appel du canton de Berne a abordé cette question il y a peu. Un syndicat (la FOBB) entendait conclure une convention collective de travail cantonale avec une association d'architectes, urbanistes et ingénieurs indépendants. Cette dernière s'y refusa. Des négociations se déroulèrent devant l'office de conciliation compétent, mais sans résultat.

Entre-temps, l'association patronale adhéra à une convention collective conclue sur le plan suisse par deux organisations d'ingénieurs et d'archi-tectes, d'un côté, et par trois organisations d'employés, de l'autre. La FOBB persista dans son désir de conclure une autre convention avec l'association bernoise et agit devant la juridiction civile afin de contraindre cette dernière à négocier une telle conclusion.

La question décisive était ici de savoir si, en adhérant à la convention collective existant sur le plan suisse, l'organisation d'employeurs avait porté un préjudice illicite à la FOBB. Sur la base d'un examen attentif, la Cour d'appel a admis que les organisations parties à cette convention étaient représentatives; elle a, en outre, constaté que la convention en vigueur ne comportait nullement des désavantages manifestes pour les employés. Elle en a déduit, avec raison, que la FOBB ne pouvait prétendre négocier une convention séparée avec l'organisation patra-naleM.

63 ATF74 Il 163 =JTl949 1 307-308.

64 JAR 1986, p. 211-212. Dans cet arrêt, la Cour d'appel de Berne indique que la FOBB n'aurait pas de droit à participer aux négociations de renouvellement de la convention collective signée par l'organisation patronale avec des associations d'employés (JAR 1986, p. 212). Nous avons essayé de démontrer que cette

observa-LE DROIT DE NÉGOCIER 137 6) Quelles seront les sanctions de l'obligation de négocier? Rien n'empêche que l'organisation boycottée exige réparation de son préjudice économique ou moral (difficile à établir)65. Elle pourra aussi solliciter la condamnation de la défenderesse à négocier, sous menace d'application de l'art. 292 du code pénal66 . Ces sanctions s'effaceront souvent devant celles, plus facilement applicables, prévues par la législation de droit public sur les offices de conciliation, soit les peines de police67 . Du reste, pratiquement, la conséquence la plus nette du refus de négocier réside sur un autre plan, soit celui des contrats individuels de travail entre l'employeur et le travailleur: la grève déclenchée pour surmonter ce refus devra être considérée comme légitime68 .

7) En fait, la négociation avec plusieurs syndicats s'est imposée dans des branches importantes. Ainsi, dans la maçonnerie et le génie civil, la négociation de la convention collective a lieu simultanément avec les quatre syndicats représentatifs. Dans l'industrie des machines également, l'organisation patronale négocie avec les quatre syndicats représentatifs, mais séparément.

IV. CONCLUSION

1) Au cours des trente dernières années, les conventions collectives se sont multipliées; la jurisprudence sur le droit collectif du travail est restée rare. Les arrêts rendus par le Tribunal fédéral l'un en 1985 sur le droit de grève et l'autre en 1987 sur le droit d'adhérer à une convention collective existante marquent sans doute le début d'une époque plus féconde.

Le droit d'adhésion n'est pas tombé du ciel. Il s'inscrit dans une évolution logique, qui correspond d'ailleurs à celle du contexte écono-mique, social et politique suisse. On ne peut que l'approuver.

tion n'est pas compatible avec tes conséquences qu'il y a lieu de tirer de l'arrêt FTMH. L'hypothèse de l'adhésion n'a toutefois pas été examinée:; elle le serait

aujourd'hui à la lumière (nouvelle) de cet arrêt. ,._

65 BUCHER. A., Personnes physiques el protection de la personnalité. Bâle 1985.

p. 115, 145-146; TERCIER, P., p. 241 ss et 269.

66 BUCHER, A., p. 142; TERCIER, P., p. 132.

,...--67 68

Cf notes 55-58 supra.

Cf note 59 supra.

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Le droit de négociation, qu'il faut aussi reconnaître, repose sur les mêmes fondements: respect des objectifs essentiels du droit du travail, favorisant la réglementation collective des conditions de travail; respect des droits de la personnalité, en particulier des minorités.

S'inspirant de ces grands principes, le Tribunal fédéral élabore peu à peu notre droit collectif du travail, dans des domaines laissés largement vierges par le législateur. La matière est trop neuve pour faire l'objet de lois. Le rôle créateur du juge garde ici toute sa valeur.

2) La nouvelle jurisprudence entraîne déjà des adaptations dans la pratique. Les syndicats minoritaires l'invoquent, non sans succès, pour devenir parties à des conventions collectives dont ils ont jusqu'ici été tenus à l'écart; là où ils échouent, les tribunaux seront probablement appelés à trancher, de sorte qu'on peut s'attendre à des décisions se bor-nant tout simplement à faire entrer dans les faits les principes désormais établis ou précisant les critères de la représentativité et de la loyauté.

Les syndicats majoritaires adoptent une attitude ambiguë. Ils criti-quent certes la jurisprudence, mais ne craignent pas de s'en servir. Ainsi, devant l'Office cantonal de conciliation à Genève, en 1987, la FOBB a profité de l'arrêt FTMH pour obtenir son adhésion à une convention collective conclue par un employeur avec un autre syndicat; dans une seconde affaire, elle a toutefois refusé par principe d'admettre l'adhésion à une convention existante d'une organisation patronale qu'elle considé-rait comme minoritaire, de peur que des organisations syndicales minori-taires tirent parti de ce précédent.

La position de la FTMH elle-même est moins simple qu'il n'y paraît.

L'arrêt qui porte son nom a certes été rendu sur recours d'une de ses sections; cette section (l'une des rares à être minoritaires dans son canton) n'avait pas tenu sa centrale au courant de la procédure; la victoire surprit les instances de Berne. Cette surprise ne fut pas totalement agréable, car, dans certains secteurs, la FTMH a dès longtemps manifesté une réelle hostilité envers les minorités (ainsi dans l'horlogerie).

Toutefois, l'arrêt du Tribunal fédéral pouvait être utile ailleurs: confinée, dans l'industrie des machines, à la défense des ouvriers (qui ont leur propre convention collective), la FTMH désire depuis plusieurs années se faire reconnaître comme porte-parole des employés. Ces derniers étant au bénéfice d'une convention séparée, signée par des associations de cols blancs, la FTMH s'est appuyée sur le récent arrêt du Tribunal fédéral pour obtenir son adhésion à cette seconde convention. Les négociations sont actuellement en cours: les parties intéressées s'acheminent proba-blement vers la conclusion d'une convention unique pour les ouvriers et

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les employés. Si cette éventualité se réalisait, ce fait historique serait dans une large mesure dû à la jurisprudence nouvelle.

3) La réaction des employeurs n'est pas non plus univoque. Naturellement, l'adhésion des organisations de salariés modérées leur plaît, car elle leur semble de nature à faciliter les discussions avec les syndicats plus revendicatifs; en revanche, celle d'organisations minori-taires moins habituées à jouer le rôle de partenaires les inquiète. L'idée de devoir réexaminer leur politique à cet égard en raison d'une décision judiciaire indispose fortement certains d'entre eux.

Un problème délicat surgit dans quelques branches à l'occasion de rivalités particulières entre associations d'employeurs, liées à l'existence de caisses de compensation concurrentes. Ces caisses contribuent forte-ment au prestige et au bien-être des organisations dont elles dépendent.

Certaines associations majoritaires, pour renforcer leur position, pourront être tentées de conserver une attitude conquérante envers les organisa-tions minoritaires dotées de leurs propres caisses de compensation, afin d'absorber ces dernières. Vu l'importance des intérêts économiques en jeu, des litiges sur cet aspect particulier de la protection des minorités ne sont pas à exclure69.

69 Addendum. Cf ATF 118 Il 431. Voir aussi un ATF du 27 avril 1995, Gewerkschaft Druck und Papier, destiné à la publication, qui consacre les principes développés

ci~dessus (consid. 3a).

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