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Le contrat de travail partiaire

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Le contrat de travail partiaire. Revue suisse de jurisprudence , 1983, vol.

79, no. 11, p. 169-174

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12187

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Le contrat de travail partiaire

(. Gabriel Aubert, chef de travaux à l'Université de Genève, chargé de cours à l'Université de Fribourg (Genève)

(

Der Beitrag entwickelt zunachst den Begriff des partiari- schen Arbeitsvertrages, rur den eiD Loho auf Kommissions- basis oder eine Beteiligung am Ertrag des Gesamtbetriebes aIs typisch erscheint. Anscbliessend werden die U nterschiede

ZUT einfachen Gesellschaft herausgearheitet, wobei die beiden wesentlichen Elemente in der Zurverfügungstellung von Ar- beitszeit (iro Gegensatz zur gemeinsamen ZweckverfoIgung) und im Bestehen eines Unterordnungsverhaltnisses erblickt werden.

In der Folge wied der Schutz des Arbeitnehmers mit variabler Entlôhnung durch Gesetz und Gesamtarheitsver- trage skizziert.

Auf dieser Basis setzt sich der Autor mit dem Entscheid Georges gegen Kramer (BGE 106 II 45 ff.) auseinander, in welchem das Bundesgericht nach der Auffassung des Autors zu U nrecht dahin tendiert, eine einfache GeseUschaft an·

zunehmen und damit den Schutz des Arbeitsrechts zu ent·

ziehen. Fo.

1. Introdnction

Sont dits partiaires les contrats prévoyant que la rémunération due à l'une des parties, pour sa presta- tion, dépend du résultat économique de l'affaire '. Le contrat de travail est susceptible de revêtir un tel caractère. Comme souvent dans le domaine des con- trats partiaires, l'on éprouve alors de la difficulté à effectuer la distinction d'avec la société simple. Un arrêt du Tribunal fédéral rendu le 12 mai 1980 dans la cause Georges contre Kramer 2 illustre ce problème

1 Cf. A. Meier·Hayoz / P. Forstmoser, Grundriss des Schweizerischen Gesellschaftsrechts, Berne 1981, p.42; H.

Oser / W.Schonenberger, Das Ob1igationenrecht, Zurich 1929, Vorbem. zn Art. 1-40, note 59.

, ATF 106 (1980) II 45.

d'une manière qui nous paraît mériter quelque dis- cussion.

Comment définir le contrat de travail partiaire?

Selon quels critères faut-il le comparer avec la société simple? Comment l'ordre juridique protège-t-il les travailleurs dont le salaire est variable? Voilà les trois questions que nous voudrions aborder avant d'ana- lyser, brièvement, cet arrêt Georges.

II. La notion de contrat de travail partiaire 1. Selon l'art.319 CO, le contrat de travail pré- sente quatre éléments constitutifs essentiels: une pres- tation personnelle de travail; la mise à disposition, par le travailleur, de son temps; un rapport de subordina- tion entre l'employeur et le travailleur; enfin, un salaire 3.

D'ordinaire, le travailleur n'a pas vocation à béné- ficier directement de la prospérité de 'J'entreprise. Il arrive cependant que l'employeur l'associe plus étroitement au devenir économique de cette dernière, si bien que s'instaure une véritable participation aux

3 Art. 319, al. 1 CO. Cf. F. Vischer, Le Contrat de travail, in Traité de droit privé suisse, vol. VII, t. l, 2, Fribourg 1982, p. 11 ss, 30 ss; A. Berenstein, Le Contrat de travail, un siècle d'évolution législative, in Le Centenaire du code des obliga·

tions, Fribourg 1982, p. 227 ss, 2325., 237, 245 s.; M. Reh·

binder, Droit suisse du travail, trad. fr., Berne 1979, p. 204 S.;

J. Brühwiler, Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, Berne 1978, p. 9 ss; E. Schweingruber, Commentaire du con·

trat de travail, Berne 1975, p.19 5S; U. Streiff, Leitfaden zurn neuen Arbeitsvertrag, Berne 1974, p. 27 ss; J. Al·Kouraichi, Les critères juridiques du contrat de travail, Genève 1968, p. 65 ss.

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170 (2) Schweizerische Juristen-Zeitung 79. Jahrgang profits. Cette participation s'étend aux risques, dans

la mesure où le bas niveau des profits ou leur absence·

retentit sur la rémunération. Toutefois, le travailleur n'essuie point les pertes. Un tel contrat de travail sera qualifié de partiaire 4. Examinons les différentes formes du salaire pour déterminer lesquelles peuvent justifier cette qualification.

2. Le salaire est calculé soit d'après le temps, soit d'après le travail fourni ou, en d'autres tenues, d'après le rendement (art. 319 al. 1 CO). Le salaire au rende- ment se présente sous divers aspects.

Les modes de calcul les plus répandus sont la rétribution aux pièces et à la tâche (art. 319 aI. 1, 326 et 326 a CO). Il faut y ajouter la rémunération à la commission (dite aussi provision, art. 322 b CO) et la participation au résultat de l'exploitation (art. 322 a CO). La commission est une participation à la valeur des affaires traitées par le travailleurs. On la ren- contre dans les activités qui, plaçant le salarié en contact avec la clientèle, lui permettent de réaliser un chiffre d'affaires individuel qui traduit son rendement (personnel de vente, en particulier voyageurs de com- merce; serveurs dans les restaurants; garçons- .coiffeurs, etc.). La participation au résultat de l'ex- ploitation, en revanche, a pour assiette le chiffre d'affaires ou le bénéfice de toute l'entreprise (ou d'une partie de celle-ci) 6. Elle apparaît surtout dans les con- trats des employés dont le rendement se reflète à ce niveau, c'est-à-dire les cadres dirigeants 7. Signalons enfin que la gratification (art. 322 d CO), sans consti- tuer à proprement parler une forme de salaire au rendement, est usuellement fixée par l'employeur compte tenu des prestations du destinataire et du résultat de l'exploitation.

La pratique recourt souvent à une méthode de calcul mixte: le salaire se compose de deux parties, l'une fixe, mesurée selon le temps, l'autre variable,

4 Cf. Meier-Hayoz / Forstmoser, p_ 42; R. Patry, Précis de droit suisse des sociétés, vol. l, Berne 1976, p. 4958;

W. von Steiger, Die Personengesellschaften, in Schweize- risches Privatrecht, vol. VIII, t. 1, Bâle et Stuttgart 1976, p. 327; H. Oser / W. Schonenberger, Das Obligationenrecht, Zurich 1936, ad Art. 330, note 10. Voir aussi ATF 99 (1973) II 303, 306.

5 Cf. Vischer, p. 107; B. Schnüriger, Les obligations des parties, in Le droit du travail actuel dans les entreprises, Zu-

rich 1982, 4/3. 3. 1, p. 2.

6 Cf. Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision des titres dixième et dixièmebis du code des obligations, du 27 août 1967, FF 1967 TI 325; Oser / Schonenberger, ad Art. 330, note 16.

7 Cf. Schweingruber, p. 66; Oser / Schonenberger, ad Art. 330, notes 9 et 10. Voir aussi SI 1982, p. 2075.; 1960, p. 153, 157.

liée au rendement8 . Rien n'empêche, cependant, que la rémunération ne s.e fonde sur le seul reudement, c'est-à-dire que le travailleur soit payé uniquement aux pièces, à la tâche ou à la commission 9, voire même qu'il ne touche qu'une participation au résultat de l'exploitation 10.

3. Lorsqu'il détermine le salaire seulement d'après le temps, le contrat ne saurait être qualifié de partiaire.

Lorsque la rémunération est fonction du rendement, l'on doit faire une distinction. Ce dernier ne dépend-il que de l'activité du salarié (travail aux pièces ou à la tâche), toute idée de participation aux profits et aux risques reste absente. Tel n'est pas le cas si le rende- ment se révèle solidaire de la marche générale de l'entreprise. Sa rétribution consiste-t-elle dans des provisions, le voyageur de commerce d'une maison eu pleine expansion ne gagne-t-il pas davantage que ( celui d'un employeur en déclin? La rémunération à la commission comporte donc une certaine parti- cipation aux profits et aux risques. Elle revêt un caractère partiaire. Ce caractère demeure limité, dès lors que l'entreprise doit verser la participation au chiffre d'affaires individuel quel que soit son bénéfice (et même si elle enregistre des pertes). Il s'accentue en cas de participation au chiffre d'affaires d'une partie de l'entreprise ou de l'entreprise tout entière.

Cependant, .ici encore, bien qu'elle se trouve plus étroitement liée au devenir de l'entreprise, cette parti- cipation peut être due même en l'absence de béuéfice (voire en présence de pertes). Le caractère partiaire du contrat de travail atteint son point culmiuant en cas de participation au bénéfice. Cette dernière, supposant un profit, comporte des risques plus éten- dus (sauf, encore une fois, celui de la participation aux pertes) ". Le fait que la commission et la parti- cipation au résultat de l'exploitatiou ne représentent ( souvent qu'une partie du salaire, ajoutée à un mon- tant fixe, atténue seulement l'aspect partiaire du contrat, mais ne le supprime pas.

4. Ainsi, le contrat de travail partiaire se définit à raison du mode de rémunération. Sont typiques, à cet égard, le salaire calculé à la commission et, surtout, la rétribution déterminée en fonction du résultat de l'exploitation.

8 Cf. p. ex. Tribunal des prud'hommes de Bâle-Ville, 17 décembre 1979, in Journal des associations patronales 1981, p. 547 s.

9 Voir SJ 1982, p.203, note 36, avec de nombreuses ré- férences; ATF 16 (1890) 400, 406; 41 (1915) Il 105, 110 s.

" Cf. SJ 1982, p. 207 5.; 1960, p. 153, 157; 1953, p. 273, 277.

11 C'est le cas classique. Cf. supra, note 4.

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(

m.

Comparaison avec la société simple 1. Nous avons rappelé plus haut les quatre élé- ments constitutifs essentiels du contrat de travail.

Permettent-ils de distinguer ce dernier d'avec la so- ciété simple?

2. Le salarié effectue une prestation personnelle de travail. Il en va de même, parfois, de l'associé. En effet, l'apport de celui-ci, dans la société simple, peut consister non seulement en argent, créances ou en d'autres biens, mais également en industrie (art. 531 al. 1 CO) 12. Dans une telle hypothèse, ce critère n'est pas signilicatif.

Le travailleur met simplement son temps à la dispo- sition de l'employeur. Les associés se lient en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1 CO). Pour le preotier, la prestation personnelle de travail, pen- dant une certaine durée, constitue l'o~etd'unéchange,

les deux parties ayant des intérêts Lopposés (contrat synallagmatique). En revanche, l'activité des seconds représente une contribution fournie dans leur intérêt à tous (union d'intérêtsJ «animus societatis») 13, dès lors qu'ils partagent la «substance même de

r

entre-

prise» ". Bien que la notion de temps, dans le cadre du contrat de travail, l'emporte sur celle de réalisation commune de l'objectif, il paraît quelquefois difficile de démêler les faits pour appréhender clairement l'importance relative de ces deux facteurs.

Le travailleur est subordonné à l'employeur. Au contraire, les associés, prenant ensemble les décisions, sont en principe égauxlS . Ce critère est détenninant, dès lors que la subordination et le partage des dé- cisions s'excluent mutuellement.

Le travailleur touche souvent un salaire fixe. Mais, comme on l'a vu, bien qu'il n'essuie jamais les pertes, sa rétribution peut revêtir un caractère variable. Or, la rémunération de l'associé, par définition, présente le même caractère, puisqu'elle n'est autre qu'une participation au résultat. Certes, en principe, cette participation s'étend non seulement au bénéfice, mais aussi aux pertes (art. 533 al. 1 CO). Toutefois, lors- qu'il n'apporte que son industrie, l'associé peut être dispensé de contribuer aux pertes (art. 533 al. 3 CO).

La similitude avec le salaire variable s'en trouve ren-

12 Cf. p. ex. Patry, p. 34 s.

" ATF 104 (1978) Il 108, 111 s. = JT 1982 1 77, 80;

Meier~Hayoz 1 Forstmaser, p. 39 ss; Patry, p. 21 ss . .. ATF 99 (1973) Il 303, 305.

15 Cf. Meier-Hayaz 1 Forstmoser, p. 43; Patry, p. 51 s. et 216; A. Siegwart, Das Obligationenrecht, Zurich 1938, Vor~

hem. zu Art. 530--531, note 71; Oser 1 Schonenberger, ad Art. 330, note 10.

forcée". C'est dire que le critère du mode de ré- munération n'est pas absolu.

3. Ainsi, dans le cadre de cette comparaison, les divers éléments constitutifs du contrat de travail n'ont pas tous le même poids. Certes, en l'absence de l'un quelconque d'entre eux, les rapports entre les parties ne sauraient ressortir à ce contrat. Il faut donc, dans chaque cas, examiner l'ensemble des circonstances.

Les critères du travail et du salaire ne sont pas dé- terminants. Ceux de la mise à disposition du temps (en contraste avec les efforts tendant à un but com- mun) et du lien de subordination se révèlent donc décisifs.

IV. La protection du travailleur dont le salaire est variable

1. Lorsque le montant de son salaire est variable, le travailleur risque de ne pas recevoir de l'employeur une rémunération suffisante pour sa subsistance.

D'où la nécessité d'une protection fondée sur des règles impératives: d'une part, celles figurant dans la loi elle-même; d'autre part, celles posées par les partenaires sociaux dans le cadre des conventions collectives.

2. Vu les abus nombreux qui s'étaient produits en la matière, le législateur est intervenu dès 1941 pour protéger les voyageurs de commerce 17. Ainsi, le sa- laire de ces derniers doit comprendre un traitement fixe (accompagné, le cas échéant, de comotissions).

Toutefois, il peut consister exclusivement ou princi- palement dans des commissions si les parties en sont convenues par éérit et si ces commissions représentent une rémunération convenable (art. 349 a al. 1 et 2 CO). En cas de litige, c'est au juge qu'il appartient de dire quel montant satisfait à cette exigence ". Rela- tivement impérative, cette réglementation n'admet pas de dérogation au détriment des travailleurs (art. 362 CO).

3. Comme on l'a vu, le contrat de travail partiaire est un contrat individuel de travail, dont les parti- cularités sont réglées aux art. 322 a et 322 b du code des obligations. En tant que tel, il peut être soumis à l'empire des conventions collectives (art.356 al. 1 CO).

16 Cf. p. ex. Patry, p. 49 S.

17 Cf. l'art.9 de la loi sur les conditions d'engagement des voyageurs de commerce, du 13 juin 1941, ROLF 1941, p.1085, repris à l'art. 349 a CO.

t8 Cf. Schweingruber, p. 278.

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172 (4) Schweizerische Juristen-Zeitung 79. Jahrgang

Dans deux br.nches importantes notamment, les partenaires sociaux ont veillé à protéger les travail- leurs dont le salaire est variable. Il s'agit, d'une part, de la coüfure et, d'autre part, de l'hôtellerie et de 1.

restauration. Nous reviendrons plus bas sur la con- vention collective nationale des coiffeurs

'9.

Men- tionnons seulement, à titre d'exemple, les modalités de protection prévues par la convention applicable aux hôtels, restaurants et cafés. Pour le personnel de service, ce texte autorise trois modes de rémunération à choix: un salaire fixe; un salaire fixe avec une parti- cipation au chüfre d'affaires individuel (provision);

une participation au chiffre d'affaires individuel, avec un salaire minimum garantPo. En d'autres termes, la rétribution fondée sur les seules commissions est interdite. Le travailleur se voit toujours assurer un revenu de base.

Sous réserve des dispositions stipulées en faveur des travailleurs, les accords individuels contraires à la convention sont nuls et remplacés par les clauses de cette dernière (art. 357 al. 2 CO). Jusqu'à l'expiration du contrat de travail (et durant le mois qui suit), le travailleur ne saurait renoncer valablement aux cré- ances résultant d'une disposition impérative de la convention (art. 341 al. 1 CO).

La convention collective ne lie en principe que les parties signataires et leurs membres. L'autorité com- pétente peut cependant étendre son ch.mp d'appli- cation à tous les employeurs et à tous les travailleurs de la branche 21. Les conventions étendues demeurent rares. Le fait qu'on y trouve les plus importantes de celles qui protègent les travailleurs dont le salaire est variable paraît d'autant plus significatif de leur rôle à cet égard 22.

V. L'arrêt Georges contre Kramer

1. Dans l'affaire Georges, le Tribunal fédéral ne s'est pas inspiré des règles rappelées ci-dessus.

Georges avait travaillé dans le salon de coiffure de

19 Cf. note 22 infra.

20 Art. 28 de la convention collective nationale pour les hôtels, restaurants et cafés, du 14 novembre 1980. Cf. A. T.

Müller et F. U. Schmid, Der L-GAV in der Praxis, Ein Leit- faden durcb das gastgewerbliche Arbeitsrecht, Zurich 1981, p.57.

21 Loi fédérale permettant d'étendre le champ d'appli- cation de la convention collective de travail, du 28 septembre 1956, ROLF 1956, p.I645.

22 On trouve la liste des conventions collectives de travail étendues in La Vie économique 1982, p. 678. Sur la conven- tion collective nationale pour les hôtels, restaurants et cafés, voir FF 1982 1 876; sur la convention collective nationale des coiffeurs, FF 1980 II 856, 1982 l 257.

Kramer du 31 octobre au 23 décembre 1978. Sa ré- munération était de 40 % de son chiffre d'affaîres.

Georges avait apporté sa clientèle et jouissait d'un horaîre libre. Son chiffre d'affaîres n'était toutefois pas assez élevé pour lui valoir une rémunération qui correspondît au minimum fixé par la convention collective nationale des coiffeurs, du 9 juin 1975, étendue par le Conseil fédéral le 10 mai 1976, avec effet jusqu'au 31 décembre 197823• Il réclama donc au maître-coiffeur la différence entre le gain touché et le salaire calculé selon cette convention.

Le salaîre de Georges consistait uniquement dans une participation à son chiffre d'affaires individuel, c'est-à-dire daus des cornruissions. Pour le Tribunal fédéral, «-ces éléments - caractère aléatoire de la ré- munération (du garçon-coiffeur

J,

qui lui faisait par- iager dans une large mesure les risques et profits de l'entreprise - définissent l'accord des parties non pas comme un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO et de la convention collective, mais comme un contrat de travail partiaire (. .. ), voire un contrat de société. Dans les deux cas, le mode de rémunération visé par ( ... ) la convention collective était manifeste- ment inapplicable aux rapports juridiques des parties.

Celles-ci sont librement convenues d'une collabora- tion soumise à d'autres règles»24. Cette manière de voir nous semble discutable pour plusieurs raisons.

2. D'abord, elle repose sur une conception trop étroite de la figure du contrat de travail. La loi ne tient pas la participation aux profits et aux risques pour incompatible avec cette figure. Au contraire, elle admet que les parties choisissent la commission (de même que la participation au résultat de l'exploi- tation) comme seul mode de rémunération. En sous- trayant le contrat de travail partiaire à l'application des art.319ss du code des obligations, le Tribunal fédéral paraît inattentif à ce point. De plus, il contre- dit sa propre jurisprudence et se heurte à une doctrine fort cohérente25.

3. En second lieu, l'arrêt Georges se fonde sur une notion trop large de la société simple, qui serait caractérisée essentiellement par le mode de rémuné- ration. Or, nous avons vu que ce critère n'est pas déterminant.

Il aurait fanu étudier les autres aspects. Georges devait une prestation de travail. Certes, il avait égale- ment apporté sa clientèle. Mais, dans ce métier, les clients suivent volontiers les garçons-coiffeurs lorsque

n Voir FF 1976 II 738.

'" ATF 106 (1980) II 46s.

25 Cf. notes 4 et 9 supra.

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(

(

ces derniers changent de place". S'agissait-il donc nécessairement d'un apport au sens des règles sur la société simple? De toute façon, ce dernier ne jouait-il pas qu'un rôle accessoire? En outre, Je Tribunal fédéral paraît douter que Georges ait dû son temps à Kramer, en raison de son horaire 1ibre. Mais, d'habitude, l'horaire dit libre astreint le travailleur à certaines heures de présence obligatoire. Du reste, le garçon-coiffeur s'est vu octroyer une indemnité de vacances qui, liée à la mise à disposition du temps, est typique du contrat de travaiI2' . Quoi qu'il en soit, il demeurait indispensable de rechercher si les deux parties, mues par un «animus societatis», avaient un but commun. Enfin, l'arrêt n'examine pas le problème du rapport de subordination, lequel représente pour- tant une pierre de touche en la matière. Il ne souligne aucun indice révélateur d'une prise commune des décisions.

4. De plus, l'arrêt fait trop peu de cas des disposi- tions prises, dans le cadre de l'ordre juridique, pour protéger les garçons-coiffeurs payés à la commission.

Etendue par le Conseil fédéral, la convention collec- tive nationale des coiffeurs s'appliquait à tous les contrats de travail passés dans la branche 28. Quant au mode de rémunération, son article 27 imposait aux parties une alternative excluant toute autre possibilité:

soit un salaire fixe, soit un salaire minimum, avec provision sur le chiffre d'affaires individuel. Dans chacune de ces deux hypothèses, le salaire ne devait pas être inférieur à un montant détenniné à l'art. 28.

La convention interdisait donc le système de rétri- bution fondé uniquement sur les commissions. Elle obligeait les employeurs à garantir un salaire mini- mum en tout état. La seule volonté des parties ne pouvait suffire pour écarter l'application de la régle- mentation collective, précisément conçue de manière à l'emporter sur les accords individuels moins fa- vorables au travailleur.

5. Dans une perspective plus générale, l'arrêt Georges suscite d'autres difficultés.

Le Tribunal fédéral laisse entendre que le contrat de travail partiaire pourrait être un contrat innommé, à mi-chemin entre le contrat de travail et la société simple. Or, selon la jurisprudence, les conventions qui ont pour objet une prestation de travail et qui ne correspondent pas à un type défini par la loi se trouvent régies par les dispositions relatives au man-

26 Cf.R.Kuhn, Das Konkurrenzverbot im Arbeitsvertrags- recht, Muri BE, p. 2l.

27 Schweingruber, p. 22.

28 Cf. note 23 supra.

dat (numerus clausus, art. 394 al.2 CO). Echappent à cette règle certains contrats mixtes dont les éléments se rapportent non seulement à une prestation de tra- vail, mais aussi à d'autres prestations (par exemple la cession de l'usage d'une chose) 29. Tombent ainsi sous le coup du numerus clausus et sont gouvernés par les dispositions relatives au mandat: le contrat de gérance d'un immeuble (éléments du mandat et du contrat de travail) 30 et le contrat de «management»

entre une chanteuse et son impresario (éléments du mandat et de la société simple)". Est admissible, en dehors du numerus clausus, le contrat mixte de con- cierge (éléments du contrat de travail et du bail) 32.

Ayant pour objet une prestation de travail, le con- trat de travail partiaire peut-il s'affranchir du numerus clausus? Bien qu'il ne paraisse pas l'envisager, le Tribunal fédéral lui appliquera-t-il vraiment les règles du mandat?

Supposé qu'un contrat de travail partiaire innommé soit concevable (qui mêlerait des éléments du contrat de travail et de la société simple), quelles seront les obligations des parties? L'une fournit son travail. Et l'autre? Elle versera à. la première une participation à son chiffre d'affaires individuel. Lui accordera-t- elle, comme Kramer, des vacances payées? Quid, par exemple, de la rémunération en cas d'empêchement de travailler (art. 324a CO); de la prévoyance pro- fessionnelle (art. 331 CO); du délai de résiliation (art. 334ss., 545 s. CO) et des éventuelles conventions collectives applicables? En un mot, que fera-t-on des nombreuses dispositions absolument ou relativement impératives du titre X (art. 361 et 362 CO)? Quand les parties auront-elles la faculté d'éluder la protec- tion 33 du travailleur, voulue par le législateur?

VI. Conclnsion

Selon l'opinion traditionnelle, bien qu'il prévoie une rémunération variable, liée aux profits et dans une certaine mesure aux risques, le contrat de travail partiaire reste un contrat de travail. L'arrêt Georges

" Cf. ATF 106 (1980) II 157, 159; 104 (1978) II 108, 110s.

= JT 1980 1 77, 79. Sur les contrats innommés en général, cf. W.R. Schluep, Innominatvertrage, in Schweizerisches Pri- vatrecht, vol. VII, t. 2, Bâle et Stuttgart 1979, p. 761 ss, 770 ss, 813 note 170; voir aussi Vischer, p. 41 s.

'" Cf. ATF 106 (1980) II 157, 159; 104 (1978) II 108, 111

= JT 1980 1 77, 79.

" Cf. ATF 104 (1978) II 108, 112 = JT 1980 1 77, 81.

" Cf. ATF 104 (1978) II 108, 111 = JT 1980 1 77, 79.

Voir aussi SI 1982, p. 209 s.

33 Cf. Schluep, p. 793; Siegwart, Vorbem. zu Art. 530-531, note 72.

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174 (6) Schweizerische luristen-Zeitung 79. Jahrgang

infirme cette manière de voir. Le Tribunal fédéral n'a guère explicité les motifs d'un tel bouleversement.

Nous avons tenté de montrer que la jurisprudence nouvelle s'inspire d'une notion trop étroite du contrat de travail et d'une conception trop large de la société simple. Elle multiplie les problèmes délicats dans le

domaine .des contrats innommés. Et surtout, elle néglige les dispositions impératives visant à protéger les salariés. Or, c'est précisément dans une situation comme celle de Georges, dont la rétribution était inférieure au minimum fixé par la convention collec- tive, qu'une telle protection révèle sa nécessité.

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