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Les pratiques de dumping et le commerce international

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Texte intégral

(1)

EDMOND PICARD LEON HENNEBICQ

1882 - 1899 1900 - 1940

Les pratiques

de dumping et le commerce international

Dans les milieux industriels, on applique en général le terme « dumping » à toute espèce de mesure qui tend à fausser le jeu de la con- currence normale dans le commerce interna- tional : discrimination de prix, accaparement i de matières premières, systèmes de subsides à l'exportation, avilissement des prix ...

Ce sont là, il importe de le souligner, des pratiques courantes. Malgré les efforts d'or- ganismes tels que l'O.E.C.E., !llalgré l'exis- tence d'un vif mouvement d'opinion en faveur de 1'« intégration européenne», le commerce international reste empreint d'un nationalis- me étroit et souvent agressif.

Les économistes ont essayé de donner au terme « dumping» un sens plus précis et, par le fait même, plus restreint. Ils le définissent soit comme une exportation à des prix infé- rieurs ou égaux aux prix de revient soit com- me une exportation à des prix inférieurs. aux prix normalement pratiqués sur le marché intérieur (1).

Nous nous en tiendrons dans cet exposé au dumping tel qu'il est défini par les écono- mistes et, ainsi limité, le terme couvre encore un ensemble de pratiques de portée fort dif- férente.

Le dumping peut être pratiqué par une en- treprise ou un groupe d'entreprises dans le but d'éliminer des concurrents étrangers ou de les contraindre à adhérer à une entente.

A côté de ces pratiques inavouables et heu- reusement exceptionnelles, il y a les cas plus fréquents de sous-offres faites occasionnelle- ment en vue de liquider des stocks excessifs ou de s'introduire sur un marché nouveau.

Le dumping peut, d'autre part, être un élé- ment permanent de la politique d'un pro- ducteur. Si celui-ci est capable de maintenir des prix élevés .sur son . macché .intél:ieu:r ,et qu'en augmentant sa production, il réduise son coût de revient unitaire, il pourra tirer des bénéfices accrus de ventes à perte à l'é- tranger et il est très aisé de calculer les li- mites de la rentabilité de cette spéculation, la «marge de dumping ».

Pareille politique n'est en général accessible qu'à , des entreprises puissantes ou à des en- tentes qui mettent en œuvre les méthodes de la production de masse et qui disposent d'un monopole ou d'un quasi-monopole sur leur marché intérieur. Encore faut-il què ce mar-

<:hé soit· protégé par uri tarif douanier qui empêche le retour des produits exportés à bas prix.

Il s'agit ici d'une discrimination de prix établie, avec l'accord et le concours indirect de l'Etat, par les producteurs eux-mêmes et à leur profit, au détriment du marché qu'ils dominent.

Ce dumping, tel le dumping allemand de l'acier au début de ce siècle, peut revêtir un caractère systématique et permanent et à raison de cette constance exercer un effet bienfaisant sur l'économie dès pays qui lui

(1) Raskin, Theorie en politiek van de Dumping, pp.

70

et s.

servent de débouché.· Le plus souvent cepen- dant, sans atteindre l'ampleur du dumping allemand de l'acier, il sévira par à-coups sur tel marché et puis sur tel autre, suivant les >oontin~enœs ~œlq~ -et les pos.sibi- _

lités d'infiltration. -

A l'heure actuelle, l'Etat prend générale- ment une part plus active à l'organisation du dumping par l'établissement de systèmes d'ai- de à l'exportation: remise d'impôts, remise de charges sociales, tarifs différentiels de trans- port, octroi de subsides et de primes sous les formes les plus diverses.

Dans le dumping· par discrimination des prix, les producteurs cherchent à tirer le ma- ximum de parti de leur appareil de produc- tion et ils restent limités par les possibilités relativement restreintes de la rentabilité de cette politique. L'Etat, au contraire, poursuit des buts plus généraux. Il s'agira de lutter contre le chômage, de combattre une dépres- sion économique, de remédier à un déficit de la balance des comptes ou tout simplement de réserver au marché national le cycle in- dustriel complet de la transformation d'une matière première. I l n'y a plus ici de «marge de dumping ». Les primes peuvent atteindre des niveaux déconcertants. On a calculé, par exemple, qu'en 1951, les entreprises de teil- lage de lin recevaient en France circa 680.000 francs français par an~ par travailleur (soit environ deux fois le montant payé en salaires et charges sociales). Ces primes et subsides sont souvent distribués sous des formes volon- tairement complexes pour dissimuler leur por- tée exacte et cette aide sera parfois complé- tée par des mesures tendant à priver les en- treprises étrangères concurrentes de leur ma- tière première. La politique française du lin est à cet égard un exemple suggestif.

On conçoit -comuien J)areîlle intervention de l'Etat peut être perturbatrice. Les entre- prises ainsi soutenues disposent d'un potentiel de dumping dont elles useront ou non, suivant les circonstances. Source de déséquilibre et d'insécurité.

Cette énumération, d'ailleurs incomplète, montre la diversité des formes du dumping.

On ne peut donc se contenter d'une apprécia- tion péjorative globale et sans nuance.

D'autre part, le dumping qui porte toujours atteinte à l'intérêt p:riv.é des producteurs soumis à ce genre de concurrence, peut aussi avoir une répercussion sur la structure et l'é- quilibre économique du pays qui lui sert de débouché et sur le commerce international dont il fausse le mécanisme.

Il convient donc de se placer successive- ment sur le plan du droit privé, du droit pu- blic et du droit internationaL

l. - Droit privé.

Il est évident qtle le dumping, quelle que soit la forme sous laquelle il se manifeste, est toujours préjudiciable -pour les concurrents qui le subissent. Il peut même, dans certains cas et surtout s'il se pratique avec le soutien

HEBDOMADAil<E JUDICIAIRE EDITEURS : Maison FERD. LARCIER, S. A.

26-28, rue des Minimes, Bruxelles

actif de l'Etat, mettre en danger leur exis- tence. Il n'en résulte cependant pas nécessai- rement qu'il porte atteinte à µn droit privé des producteurs ainsi menacés.

Le dumping, pratiqué par des entreprises étrangères sur le marché belge, peut-il être considéré comme de la concurrence déloyale ou illicite ?

~a lutte des tarifs est le domaine par excel- lence de la concurrence libre. Aucune dispo- sition de notre droit ne limite la liberté de vendre à bas prix et c'est le but même de la libre ~ence ...q.ue -d'.amener les prix au plus bas niveau possible sans tenir compte

ae

l'intérêt des concurrents qui ne peuvent s'y adapter. La baisse des prix est donc, avec I~

qualité des produits, un moyen essentielle- ment licite ·de concurrence et la jurispru- dence belge ne s'est jamais départie de cette opinion.

Le dumping par discrimination des prix ou celui qui est mené avec l'aide· de l'Etat ne fausse-t-il pas les conditi'ens de la concur- rence et ne constitue-t-ff pas un abus de droit ? Nous ne le croyons pas. Il est normal que les. concurrents utilisent tous les ·atouts dont ils disposent. C'est la règle du jeu .. Tout ce que l'on peut et doit exiger, c'est qu'ils ne recourent pas à des moyens illicites et la baisse des prix est un moyen licite de concur- rence. Les entreprises qui bén~ficient d'avan- tages fiscaux grâce à leur organisation inter- ne, celles qui ont une structure financière so- lide, celles qui bénéficient d'un bas niveau de salaires ou des effets d'une dépréciation mo- nétaire exploitent légitimement, sur le plan des relations privées, les avantages de leur situation. Il n'y a aucune raison d'apprécier différemment l'attitude des entreprises qui tirent parti du cloisonnement des marchés nationaux ou de la politique de leur pays, même si l'on porte sur pareille politique un jugement sévère.

Il reste dès lors le dumping agressif qui tend à éliminer un concurrent ou à le con- traindre à adhérer à une entente.

La volonté de nuire, qui préside à cette ma- nœuvre .. ne vicie-t-elle pas le droit dont il est fait usage?

Dans une étude récente, M. Pierre A. Frank a soutenu l'affirmative (2), tout en recon- naissant les difficultés d'application presque insurmontables de ce principe.

Nous croyons que l'on ne peut accepter le principe lui-même sans réserve. Toute concrir- rence - même si elle n'utilise que des moyens honnêtes - implique toujours une volonté de

vaincre. ?

Il n'y a pas de compétition sans risque de défaite. L'abus du droit ne pourrait dès lors se distinguer de l'usage normal du droit que par une nuance bien délicate de la volonté.

le caractère plus ou moins explicite de l'in- tention de nuire. Distinction précaire et ar- bitraire.

On peut certes observer que le droit de libre concurrence est détourné de sa fm s'il tend à supprimer le régime même de la libre concurrence. Encore faut._il dans ce cas .·que l'un des concurrents soit en mesure de me- nacer réellement ce régime, que sa politique tende vraiment à cette fin et que la réali- sation de ce but soit contraire à l'intérêt gé- néral.

(2) J. T., 27 févr. 1954·

(2)

Nous en arrivons ainsi à la notion nouvelle de l'abus de pouvoir, qui excède le domaine du droit privé.

Telle est d'ailleurs la conclusion générale qui se dégage de cet exposé. Les pratiques de dumping ne relèvent pas du droit privé. Ce- lui-ci ne fournit pas et il ne peut fournir le moyen de les combattre.

Il s'agit dans chaque cas d'un problème de politique économique que l'on ne peut résou- dre sainement qu'en se plaçant sur le plan de l'intérêt général, abstraction faite de l'in- térêt particulier des producteurs lésés.

Un dumping peut avoir des effets bienfai- sants, même s'il lèse des producteurs. La Hoilande a pu, grâce au dumping allemand de l'acier, édifier une industrie de la con- struction navale qui est devenue assez forte pour n'avoir plus besoin des facilités initiales d'approvisionnement. D'autre part, la pres- sion que subissent les producteurs menacés, entraînera parfois une diminution des coûts de revient et un assainissement du marché.

L'aide. dispensée aux entreprises bénéficiaires finira dans ce cas par se retourner contre elles.

Le plus souvent cependant le dumping sera néfaste, causant des dommages graves à des entreprises parfaitement rentables sans com- pensation réelle ni profit véritable pour per- sonne. Il convient donc que le gouvernement dispose des pouvoirs nécessaires pour défen- dre les entreprises menacées si l'intérêt gé- néral l'exige.

2. · Droit public.

De nombreux pays ont adopté ·des législa- tions qui confèrent au gouvernement le pou- voir de prendre des mesures de défense con- tre le dumpfug, soit en percevant des droits d'entrée spéciaux anti-dumping ou compen- satoires, soit en imposant des restrictions quantitatives à l'importation.

En Belgique, la matière est régie par la loi du 30 juin 1931 (modifiée par celle du 30 juillet. 1934) relative à l'importation, l'expor- tation et le transit de marchandises, ainsi que par la disposition générale du tarif des droits d'entrée· annexée à la convention douamère belgo-luxembourgeoise-néerlandaise (approu- vée par la loi du 5 septembre 1947) .

En vertu des lois de 1931 et 1934, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des mi- nistres, réglementer l'importation, l'exporta- tion et le transit de toutes marchandises et fixer les droits spéciaux à percevoir à l'occa- sion de la délivrance des autorisations accor- dées par application de la dite réglementa- tion.

Ce pouvoir peut être exercé dans trois cas · distincts :

a) lorsque, dans des circonstances extra- ordinaires, les intérêts vitaux du pays sont en péril;

b) en vue d'assurer l'exécution d'arrange-

ments internationaux; · ·

c) lorsqu'il s'agit de marchandises qui, par suite de mesures prises à l'étranger par les pouvoirs publics, bénéficient à l'exportation d'avantages tels, que l'action normale de la concurrence sur Je marché belge s'en trouve essentiellement viciée.

Le dumping ne répondra jamais aux con- . ditions prévues dans le premier cas. Il pourra

entrer exceptionnellement dans les prévisions du deuxième cas, lorsqu'il a fait l'objet d'un accord international.

Le troisième cas concerne expressément le dumping mais il ne prévoit que l'une de ses formes, la plus courante mais non la seule.

Le dumping par discrimination des prix, tel

·que nous l'avons décrit ci-dessus, échappe aux prévisions du texte. Celui-ci laisse le champ 'llbre à l'action et aux manœuvres des entre-

prises et groupements privés. C'est une la- èune.

Le pouvoir de réglementer l'importation comporte évidemment le pouvoir de soumettre l'importation de marchandises à l'octroi préa-

lable d'une licence. Nous examinerons dans quelle mesure les accords internationaux, auxquels la Belgique est partie, limitent le pouvoir du gouvernement d'imposer des res:..

trictions quantitatives à l'importation mais il est en tout cas certain que ce moyen de dé- fense, s'il est efficace, ést en général peu heureux. Il ajoute en effet une cause de trou- ble à celle qu'il tend à combattre. Les res- triètions quantitatives isolent les niveaux de production et de prix en les soustrayant à l'évolution des besoins et aux courants nor- maux de l'économie internationale. Elles ont dès lors des effets qui rendent un retour ul- térieur vers le libre échange plus difficile.

D'autre part, il est certain que l'abolition des restrictions quantitatives répond.à la tendance actuelle des accords internationaux. La Char- te de La Havane et le G.A.T.T. proclament le principe de leur abolition sans faire d'ex- ception en ce qui concerne le dumping. Le re- cours à pareilles mesures est dès lors tout au moins contestable au point de vue du droit international. Il est dangereux pour un petit pays comme la Belgique d'affaiblir sa posi- tion dans les négociations internationales en utilisant des moyens de défense contestables, alors qu'il en existe d'autres tout- aussi effi- caces et dont la licéité est expressément re- connue par les accords internationaux.

Les pouvoirs prévus par les lois de 1931 et de 1934 comportent-ils celui de fixer des prix minima à l'importation des marchandises ? Il nous semble que l'affirmative n'est guère douteuse mais ce procédé - qui constitue certes un moyen de défense efficace .- a l'inconvénient de contrevenir à une disposi- tion du G.A.T.T. (art. 111-4).

La loi du 30 juillet 1934, complétant et mo- difiant la loi du 30 juin 1931; stipule que les pouvoirs accordés au Roi comprennent celui de fixer les droits spéciaux à percevoir à l'oc·

casion de la délivrance des autorisations d'im- portation. Ce texte vise-t-il les droits anti- dumping ou compensatoires? (3) Ne s'agit-il pas uniquement de redevances pour presta- tions fournies à l'occasion de la délivrance des autorisations?

La rédaction du texte semble impliquer que le législateur ne visait que des droits- redevances, les droits anti-dumping et com- pensatoires étant des droits d'entrée et non des taxes perçues à l'occasion dé l'octroi d'une autorisation d'importation. En fait, le gouvernement n'a jamais appliqué cette loi dans un sens plus large.

Il est regrettable en tout cas que le légis- lateur n'ait pas davantage précisé la nature des droits que le gouvernement est autQrisé à établir et; si le texte doit s'interpréter dans le sens le plus large, que l'établissement. de droits antklumping et compensatoires soit lié à l'application de restrictious quantitatives' d'importation. Les droits anti-dumping et compensatoires sont en effet des moyens de défense efficaces, adéquats et expressément autorisés par les accords internationaux, alors qu'au point de vue des négociations in- ternationales, les restrictions quantitatives présentent les inconvénients que nous avons déjà signalés.

A côté des lois de 1931 et 1934 que nous ve- nons d'examiner, il y a la disposition géné- rale du tarif des droits d'entrée annexé à la Convention douanière belgo-luxembourgeoise- néerlandaise (approuvée par la loi du 5 SeP- tembre 1947).

Cette disposition prévoit l'application d'un tarif maximum égal, pour les marchandises imposées dans le tarif, au double du taux normal avec minimum de 10 % et, pour les marchandises non imposées dans le tarif, à 10 % ad valorem.

(3) Le droit anti-dumping est un droit d'entrée égal à la différence entre le prix normal de la mar- chandise sur le marché d'origine et le prix à l'ex- portation. Le droit compensatoire est un droit d'en- trée fixé en fonction des primes ou subventions dont bénéficie la production ou l'exportation du produit.

Ce tarif maximum ne peut être appliqué qu'à des marchandises originaires ou en pro- venance de pays qui traitent les partenaires de Benelux soit d'une manière moins favo- rable qu'ils ne traitent d'autres pays, soit d'une manière qui porte atteinte à leurs· inté- rêts vitaux.

On voit immédiatement que cette disposi- tion - tant par les conditions d'application que par les taux qu'elle prévoit - ne sera presque jamais utilisable comme moyen de défense contre le dumping.

Tels sont les textes légaux qui régissent la matière et nous avons pu constater combien ils sont imparfaits. Ils ne prévoient que cer- taines formes de dumping et ils ne mettent à la disposition du gouvernement que des moyens de défense inadéquats et peu con- formes aux accords internationaux et qu'il est dès lors souvent impossible ou dangereux d'utiliser.

On doit en conclure que, devant la recru- descence des pratiques de ce genre, il serait opportun que notre pays disposât d'une loi anti-dumping conforme aux accords interna- tionaux. Cette loi pourrait se référer à la définition fort èomplète du dumping~ . que donne l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (G.A.T.T.), et conférer au gouvernement le pouvoir de lever des droits anti-dumping ou compensatoires, tels qu'ils sont précisés et limités par le dit accord international.

On peut craindre qu'une loi de ce ·genre, bien qu'elle soit conforme à un accord inter- national de tendance foncièrement libre- échangiste, ne soit utilisée abusivement à des fins protectionnistes. Ce danger est théorique dans un pays comme le nôtre dont la politi- que est traditionnellement et nécessairement libérale. Mais il va sans dire que des garan- ties doivent en tout cas être prévues contre toute possibilité d'abus. Il conviendrait à cet égard de stipuler que le gouvernement ne peut faire usage des pouvoirs, qui lui sont conférés, que par arrêté délibéré en conseil des ministres et que s'il y a réellement un dumping susceptible de causer un préjudice important à une branche de l'économie natio- nale.

Il faut au surplus tenir compte de la con- vention douanière belgo-luxembourgeoise-néer- landaise approuvée par la loi du 5 septembre 1947. Cette convention unifie les droits d'en- trée des partenaires pour les produits en pro- venance de pays tiers et les supprime entre les trois pays de Benelux. Elle interdit «sauf convention entre parties, la perception à l'im- portation de droits et taxes autres que ceux expressément désignés à la convention ou existant au moment de la conclusion de la convention ».

Il en résulte que la mise en· vigueur de droits anti-dumping ou compensatoires à l'é- gard de pays tiers requiert l'accord des trois partenaires de Benelux. Une loi, votée en Belgique, ne pourrait dès lors être utile que si la Hollande et le Grand-Duché de Luxem- bourg adoptaient une même législation. Ces deux pays ont d'ailleurs souscrit, comme la Belgique, aux dispositions du G.A.T.T.

Entre les pays de Benelux, l'application de droits anti-dumping ou compensatoires est exclue par la convention susdite. Le seul re- mède efficace à l'intérieur d'une union doua- nière, c'est l'unification des politiques écono- miques. A ce défaut, l'union douanière est elle-même vouée à l'échec. En attendant cette unification, il ne reste que les restrictions quantitatives, qui ne sont pas interdites par les accords de Benelux.

A l'égard du dumping que pratiquent sou- vent les pays communistes sur les marchés occidentaux, la législation que nous préco- nisons serait aussi inapplicable. Les régimes économiques sont trop fondamentalement dif- férents pour que l'on puisse établir une com- paraison entre les niveaux de prix· ou iden- tifier un système de subsides faussant la concurrence. Il n'y a, à vrai dire, plus de

(3)

commune mesure. Ici les restrictions quan- titatives sont les seules mesures de défense possibles et elles ne présentent pas d'incon- vénients, le commerce avec les pays com- munistes n'étant pas régi par les accords internationaux ci-dessus invoqués et les échanges se faisant normalement en exé- cution de conventions de compensation.

3. - Droit international.

Le droit national, quelle que soit sa perf ec- tion, ne peut apporter que des solutions frag- mentaires. Les entreprises, protégées sur le marché national, continueront à se heurter au dumping sur leurs marchés d'exportation.

C'est tout le mécanisme du commerce inter- national qui se trouve vicié par les pratiques du dumping et il convient donc d'examiner le problème sur le plan du droit international.

Deux accords auxquels la Belgique a sou- scrit contiennent des dispositions concernant le dumping.

Il s'agit :

1 de l'accord général sur les tarifs doua- niers et le commerce (G.A.T.T.).

2 au code de libération de l'O.E.C.E.

Le G.A.T.T., auquel la Belgique a adhéré, n'a pas été ratifié par le Parlement belge.

Le Code de libération de l'O.E.C.E. est une décision prise le 20 juillet 1951 par le conseil de l'O.E.C.E., conformément aux articles 13 et 15 de la Convention de Coopération Econo- mique Européenne. Cette dernière a été rati- fiée par la loi du 15 septembre 1948 mais le code de libération, bien qu'il ait le caractère d'un traité international, n'a pas été ratifié par les Chambres.

Ces accords ne peuvent donc être invoqués en Belgique pour fonder un recours devant le Conseil d'Etat ou devant les tribunaux mais ils engagent la responsabilité politique et in- ternationale du gouvernement belge et il se- rait· contraire à l'intérêt même d'un pays comme le nôtre de déforcer sa position dans les négociations, en prenant des mesures en- freignant des obligations internationales aux- quelles il a souscrit.

L'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (G.A.T.T.) condamne de manière formelle le dumping qu'il définit avec pré- cision (art. VI-!) :

· « Les parties contractantes ·reconnaissent que le dumping, qui permet l'introduction des produits d'un pays sur le marché d'un autre pays à des prix inférieurs à leur valeur nor- male, est condamnable, s'il cause ou menace de causer un préjudice important à une pro- duction établie d'une partie contractante ou s'il retarde sensiblement la création d'une production nationale. Aux fins d'application du présent article, un produit exporté d'un p_ays vers un autre doit être considéré com- me étant introduit sur le marché d'un pays importateur à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix de ce produit est :

a) inférieur au prix comparable pratiqué au cours d'opérations commerciales normales pour . un produit similaire, destiné à la con- sommation dans le pays exportateur;

b) ou, en l'absence d'un tel prix sur le mar- ché intérieur de ce dernier pays si le produit exporté est :

1. inférieur au prix comparable le plus élevé pour l'exportation d'un produit similaire vers un pays tiers au cours d'opérations commerciales normales;

2. ou inférieur au coût de production de ce produit dans le pays -d'origine, plus un supplément raisonnable pour les frais de vente et le bénéfice.

Il sera dûment tenu compte, dans chaque cas, des différences dans les conditions de vente, des différences de taxation et des au- tres différences affectant la comparabilité des prix».

Devant une condamnation aussi formelle et aussi précise, la persistance -et la recrudescen- ce des pratiques de dumping sont de nature à donner une piètre idée de la moralité inter-

nationale. Il serait cependant faux de croire que les Etats, qui ont souscrit à cette conven- tion, y contreviennent toujours de manière flagrante.

Le G.A.T.T. comporte en.effet des disposi- tions qui atténuent la rigueur du principe et d'autres qui diminuent son efficacité.

Tout d'abord, il n'y a pas dumping si le produit est exonéré à l'exportation des droits et taxes qui frappent le produit similaire lorsqu'il est destiné à être consommé dans le pays d'origine ou d'exportation ou si ces droits ou taxes sont remboursés (art. VI-4).

Cette disposition vise explicitement les taxes et droits qui frappent le produit, tels que les taxes de transmission et les droits d'ac- cises. On peut l'étendre à une taxe sur le chiffre d'affaires qui n'est pas essentiellement différente d'une taxe forfaitaire de trans- mission... En réalité, le texte se réfère à un critère artificiel (le mode de perception de la taxe) et il le définit par surcroît avec une imprécision telle qu'il ouvre la voie à toutes les interprétations.

D'autre part, l'accord prévoit une exception en faveur des systèmes destinés à stabiliser le prix intérieur d'un produit ou les recettes brutes. des producteurs nationaux, s'il est établi, apr~s consultation des parties inté- ressées de façon substantielle à ce produit, que les différences entre les prix intérieurs et extérieurs, . qui en résultent, ne sont pas à sens unique et que ces systèmes ne sont pas appliqués de manière à stimuler indûment les exportations (art. VI-7).

Enfin, traitant des subventions, « y compris toute forme de protection des revenus ou de soutien de prix, qui a directement ou indirec- tement pour effet d'accroître les exportations d'un produit quelconque ... », le G.A.T.T. ne les interdit pas expressément. « Dans tous les cas où il sera établi qu'une telle subvention cause ou menace de causer un préjudice sérieux aux intérêts d'une autre partie contractante, la partie contractante, qui l'a accordée, exa- minera lorsqu'elle en sera requise, avec la ou les parties intéressées ou avec les parties con~

tractantes, la possibilité de limiter la subven- tion. » (art. XVI).

Certes, la condamnation générale édictée par l'article Vt de la Convention subsiste lorsque les subventions entraînent une diffé- rence entre les prix extérieurs et intérieurs mais on organisera des systèmes de subven- tion de manière à éviter, atténuer ou masquer cette conséquence et le commerce internatio- nal n'en sera pas moins faussé.

Malgré les ressources qu'offrent ces excep- tions, certains pays n'hésitent pas à mettre en vigueur des systèmes de subventions (par ex.

les ristournes· des charges sociales pour les ventes à l'exportation) qui sont inconciliables avec les dispositions du G.A.T.T.

Les mesures autorisées en vue de neutrali- ser ou d'empêcher le dumping, consistent dans la perception d'un droit· anti-dumping, dont le montant ne peut être supérieur à la marge de dumping, ou d'un droit compènsa-

teur, qui ne peut dépasser le montant estimé de la prime ou de la subvention accordée di- rectement ou indirectement à la production ou à l'exportation d'un produit (art. VI-3 du G.A.T.T.). Ce droit peut, bien entendu, s'appli-

quer en dehors du droit normal de douane.

Les restrictions quantitatives sont-elles au- torisées comme moyen de défense contre le dumping.

Le G.A.T.T. (art. XI), qui condamne toute restriction quantitative, prévoit une série d'exceptions. Celles-ci tendent notamment à protéger la balance des comptes ou à éviter certains déséquilibres en matière agricole.

Aucune de ces exceptions ne concerne le dumping. On peut donc conclure qu'aux ter- mes de ce traité, les restrictions quantitatives ne. peuvent être utilisées à titre de défense contre le dumping.

Le Code de libération de l'O.E.C.E. apporte une importante modification au système du G.A.T.T .. Ce code - qui organise la suppres- sion de toute mesure de discrimination entre les pays membres de l'O.E.C.E. - prévoit en son article 7 une exception au principe de la non-discrimination en cas de dumping. ~Si

un pays membre subit un préjudice de la part d'un autre pays membre, du fait de pratiques de dumping au sens de l'article 34 du texte de la Charte de La Havane (4) et s'il n'a p~s

été en mesure d'obtenir satisfaction par voie de négociations directes, il peut déroger à l'égard de ce pays membre aux dispositions du paragraphe (a) de l'article 7 ... ».

Entre les pays membres de l'O.E.C.E., il est donc licite, en cas de dumping, de déroger aux mesures de «libéralisation» appliquées en vertu du dit article 7 et de rétablir les restrictions quantitatives d'importation (5).

Comme on peut le constater, il y a eu, dans les conventions internationales, un effort réel pour assainir le commerce international. Mais il reste bien des brêches. On en a largement profité et on est allé au delà en établissant des systèmes de subsides camouflés ou en re- courant à des manœuvres qui ne sont pas aussi explicitement condamnées (comme par exemple, les manœuvres d'accaparement de matières premières). On connait certes en Europe la nécessité d'un élargissement des marchés. Mais toute la vie économique reste organisée sur des bases nationales. Le dum- ping est une conséquence de cette organisa- tion. On peut essayer, sur le plan national, d'en atténuer les conséquences dommageables et, sur le plan international, d'en limiter les manifestations et il convient de le faire. Le remède véritable, c'est la suppression de l'or- ganisation défectueuse par l'unification des marchés et des politiques économiques, mais ce remède-là n'est pas pour demain.

Hubert V ANP ARRYS.

(4) Ce texte est le même que celui de l'article VI du G. A. T. T.

(5) Swarttouw, Economisch Statistische Berichten, 17 juin 1953·

JURISPRUDENCE

Cass. (re ch.), 7 mai 1954.

Prés. : M. VANDERMERSCH, cons. ff. de prés.

Rapp. : M. PrnET, cons.

Min. publ. : M. HAYOIT DE TERMICOURT, proc. gén.

Plaid. : MM05 V AN RYN et DEMEUR.

(Hass et cons. c. f anssens et cons.) I. TUTELLE DATIVE. - Dissociation de la garde des autres attributs de la tutelle. - Intérêt de l'enfant. - Il. CONSEIL DE FAMILLE. - Annulation de la délibération par justice. - Renvoi au conseil de famille.

I. - L'intérêt de l'enfant en tutelle peut exiger soit que le droit de garde soit attribué à un autre tuteur que le tuteur datif, investi des attributs de la tutelle,

soit que la garde soit confiée temporaire- ment à une autre personne que le tuteur datif.

Le tribunal ou la Cour qui estiment 1(1.

dissociation conf orme aux intérêts de l'enfant, peut annuler la délibération du conseil de famille qui ne l'a point or- donnée.

II. - Le recours à justice contre une délibération du conseil de famille· n'est point un appel.

En pr:incipe, le tribunal ou la cour, qui annule la délibération ne se substitue pas au Conseil pour prononcer la déci- sion, mais renvoie à un conseil de {ci.mil- le, pour nouvelle délibération.

(4)

Il n'en est autrement que si le renvoi apparait sans objet ou inutile.

Ouï M. le conseiller Piret en son rap- port et sur les conclusions de M. R.

Hayoit de Termicourt, procureur général;

Vu l'arrêt attaqué, rendu par la Cour d'appel de Bruxelles, le 13 juillet 1953;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que l'action mue par les de- mandeurs tend à contraindre les deuxiè- me, troisième, et quatrième défendeurs à remettre àu sieur Israël Lowy, e:p. sa qua- lité de tuteur datif, les mineures Ilona et Léa Mermelstein;

Qu'à cette action est jointe une autre action mue par le défendeur J anssens et qui tend à l'annulation de la délibération du conseil de famille par laquelle Lowy a été désigné comme tuteur au motif que cette délibération est contraire aux in- térêts des mineures, ainsi qu'à la destitu- tion du tuteur Lowy;

Attendu que l'arrêt attaqué par con- firmation du jugement a quo a déclaré, d'une part, que l'action en destitution du tuteur n'était point recevable pour la raison que pareille mesure ne pouvait être prise que par le conseil de famille, et d'autre part, que la délibération et la décision du conseil de famille critiquées devant lui étaient sans valeur et nulles comme contraires aux intérêts des mi- neures;

Qu'il a décidé qu'une nouvelle délibé- ration du conseil de famille devrait avoir lieu à la requête du procureur du Roi, et a rejeté l'action des demandeurs;

Sur le premier moyen, pris de la vio- lation de l'article 97 de la Constitution;

' En ce que l'ar:r:êt attaqué déclare, d'une part, dans ses motifs que la décision prise par le conseil de famille le 28 octo- bre 19·47, désignant le sieur Lowy, Israël, quatrième demandeur, comme tuteur des deux enfants mineurs, Ilona et Léa Mer- melstein, peut être approuvée moyennant dissociation du droit de garde et, en conséquence, déclare non recevable l' ac- tion en destitution du tuteur Lowy, et d'autre part, dans son dispositif, con- firmant le jugement attaqué, « dit pour droit que la délibération et la décision du conseil de famille en cause Mermelstein, tenu le 28 octobre 1947, devant le juge de paix du deuxième canton d'Anvers, sont contraires aux intérêts des mineu- res Ilona et Léa Mermelstein... et en conséquence déclare ces décisions sans valeur»;

En ce que l'arrêt attaqué, approuvant, d'une part moyennant certaines modali- tés, la décision. en question du conseil de famille, désignant le sieur Lowy comme tuteur, mais annulant d'autre part sans réserve cette décision, repose sur des mo- tifs contradictoires ou tout au moins obscurs et équivoques, ce qui constitue une violation de la disposition indiquée au moyen;

Attendu que l'arrêt attaqué déclare, sans doute, que la désignation de Lowy, comme tuteur, peut être approuvée, mais qu'il ajoute qu'elle est contraire aux in- térêts des enfants, en tant que ledit Lowy a été investi, du fait de celle-ci, de la garde des mineures;

Que la Cour d'appel, considérant que la décisfon du conseil de famille, telle qu'elle a été prise, c'est.;.à-dire sans disso- ciation du droit de garde des autres attri- buts de la tutelle, était contraire à l'inté- rêt des enfants, a pu sans contredire l'af- firmation ci-devant relevée annuler pour le tout la décision soumise à son examen, de manière à permettre à un nouveau conseil de famille, soit de désigner un autre tuteur, s'il estimait inopportun de diviser les attributs de la tutelle, soit de désigner le sieur Lowy comme tuteur,

mais en confiant la garde des mineures à une autre personne;

Que le moyen manque en fait;

Sur le deuxième moyen, pris de la vio- lation des articles 442, 443, 444, 445 et 450 du Code civil et 97 de la Constitution;

En ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement a quo, décide que le droit de garde doit être dissocié de la tutelle exercée par le sieur Lowy, parce que leur réunion est contraire aux intérêts des mineures Ilona et Léa Mermelstein mais rejette néanmoins l'action en desti- tution du sieur Lowy;

Alors que le droit de garde sur les mineures fait indiscutablement partie de la tutelle et que sa dissociation, telle qu'elle a été prononcée sans aucune limi- tation par l'arrêt attaqué, aboutit à une exclusion ou à une destitution du sieur Lowy comme tuteur et d'ailleurs ne peut être obtenue que par une exclusion ou destitution du tuteur, tandis que, d'autre part, l'arrêt attaqué déclare rejeter, com- me non recevable, l'action en _destitution de tutelle du sieur Lowy;

En ce que l'arrêt attaqué a ainsi violé les dispositions légales visées au moyen;

Attendu que l'institution de la tutelle est établie en fonction de l'intérêt du mineur;

Attendu que l'intérêt du mineur peut justifier soit que le conseil de famille désigne, en cas de tutelle dative, deux tuteÙrs au mineur dont l'un est spé- cialement chargé de la garde de ce dernier, soit que, tout en ne désignant qu'un seul tuteur, le conseil de famille attribue temporairement la garde du mi- neur à une personne autre que le tuteur désigné;

Que le tribunal ou la cour, appelés à statuer sur les critiques dirigées contre une délibération du conseil de famille, peuvent disposer, s'ils estiment que la décision prise par ce conseil relative- ment à la garde de l'enfant n'est point conforme à l'intérêt de celui-ci, que la garde sera, au cas où le tuteur désigné conserverait sa qualité, dissociée des au- tres attributs de_ la tutelle;

Attendu que la mesure prise en ce qui concerne la garde pouvant toujours être revisée, si les circonstances qui la fon- dent ont cessé, l'arrêt attaqué n'avait pas à déclarer expressément que la mesure qu'il prescrivait n'avait point un carac- tère définitif;

Que le moyen manque en droit;

Sur lé troisième moyen, pris de la vio- lation des articles 883 et 884 du Code de procédure civile;

En ce que l'arrêt attaqué, au motif

« que la désignation du sieur Lowy en qualité de tuteur peut être approuvée moyennant attribution du droit de garde à une autre personne et qu'il y a lieu de se rallier à la thèse du premier juge en tant qu'il décide que le conseil de famille a porté atteinte aux intérêts des mineures en ne dissociant pas la garde de la tu- tutelle », décide, par confirmation du ju- gement a quo, « que la délibération et la décision du conseil de famillè tenu le 28 octobre 194 7, sont contraires aux in- térêts des enfants mineures Ilona et Léa Mermelstein, déclare ces décisions sans valeur et ordonne qu'un nouveau conseil de famille sera convoqué à la requête du procureur du Roi»;

Alors que lorsque, comme en l'espèce, la délibération du conseil de famille est annulée, parce que l'attribution au tuteur du droit à la garde des mineures, est con- traire aux intérêts de ces enfants. l'arrêt attaqué aurait dû prendre lui-même une autre décision à la place de la décision annulée et a excédé ses pouvoirs en ren- voyant la cause au conseil de famille dont il ordonne une nouvelle convoca-

tion, après avoir purement et simple- ment annulé la délibération;

En ce que l'arrêt attaqué en se bornant à prononcer la nullité de la décision que- rellée et à renvoyer la cause devant le conseil de famille, au lieu de réformer lui-même la décision, a violé les disposi- tions visées au moyen;

Attendu, d'une part, qu'aucune dispo:

sition légale visée au moyen ne prescrit au juge, qui annule une délibération du conseil de famille de substituer lui-même à celle-ci une décision nouvelle;

Que dès lors, après l'annulation d'une délibération de l'espèce, un conseil de famille doit être appelé à délibérer de nouveau, à moins que pareil renvoi ap- paraisse sans objet ou inutile;

Que le moyen manque en droit;

Par ces motifs : LA CouR, Rejette le pourvoi;

Condamne les demandeurs aux dépens;

Les dépens taxés à la somme de 3.442 fr. envers la partie demanderesse et à la somme de 610 fr. envers la partie défen- deresse.

Cass. (2° ch.), 30 mars 1954.

Prés. et rapp. : M. GrnouL, cons. ff. prés.

Min. publ. : M. GANSHOF VAN DER MEERsèH, av. gén.

Plaid. : MMes VAN LEYNSEELE et H. PIERLOT.

(Etat Belge, Ministre des finances c_ Guyot, frère et sœttr.)

IMPOTS SUR LES REVENUS. - I. PRO- CEDURE EN CASSATION, - Signature de la copie signifiée de la requête en cassation.

-:- Pas obligatoire. - Dépôt de la requête et des pièces. - Par la partie elle-même ou son fondé de pouvoir spécial. - II. TAXE PRO- FESSIONNELLE. - Exploitation en com- mun. - Partage du capital investi possible.

- Inopérant. - Pas de division des béné- fices.

I. - Aucune disposition de l'article 14 de la loi du 6 septembre 1895 n'impose, ni que les copies signifiées de la requête en cassation portent la signature du deman- deur, ni que les feuillets de la dite re- quête soient paraphés par lui.

La remise de la requête en cassation et des pièces annexées, par le fondé de pouvoir spécial du demandeur, satisfait au prescrit des articles 13 et 14 de la loi du 6 septembre 1895.

Il. - Varticle 27, § 3, alinéa ter des loi.s coordonnées relatives aux impôts sur les revenus déroge aux règles du droit civil autorisant le partage des bénéfices de l'exploitation en commun, en disposant qu'aucune division des bénéfices prove- nant d'exploitation en commun n'est ad- mise entre l~s membres d'une même fa- mille, habitant ensemble, ni entre les membres d'une société, association ou communauté quelconque.

Le fait que le capital investi est sus- ceptible d'être partagé est. sans perti- nence.

Sur la fin de non-recevoir, proposée par les défendeurs et déduite de ce que, en méconnaissance de l'article 14 de la loi du 6 septembre 1895,

1) les copies signifiées de la requête en cassation ne portent pas la signature du demandeur;

2) les feuillets de la dite requête en cas- sation ne sont point paraphés;

3) l'exploit de signification ne mention- ne pas que la requête a été signée par le demandeur ou son fondé de pou- voir;

4) l'acte de dépôt· de la requête au greffe de la Cour d'appel ne mentionne pas

(5)

que la remise de ces documents a été faite par le demandeur ou son fondé de pouvoir;

Attendu qu'aucune disposition de l'ar- ticle 14 de la loi du 6 septembre 1895 n'impose, ni que les copies signifiées de la. requête en cassation portent la signa- ture du demandeur, ni que les feuillets de la dite requête soient paraphés par lui;

Attendu que les copies signifiëes de la requête en cassation, débutant par les mots «Le soussigné, Directeur des Con-

tributions à Namur ... » portent in fine la mention : «Namur, le 5 juin 1952 (s.) Ancel, pour copie conforme » suivie de la signature de l'huissier; que, dès lors, les dites copies contiennent, au vœu de l'article 14 précité, la constatation que la requête en cassation a été signée par le demandeur ou son fondé de pouvoir;

Attendu que si, en l'espèce, le dépôt de la requête en cassation et des pièces annexées n'a pas été effectué par le di- recteur des Contributions directes à Namur mais par M. Colla .Joseph, contrô- leur d'administration, il résulte des pièces régulièrement jointes à la pro•

cédure que ce dernier justifie d'un pou- voir spécial à lui donné par le directeur - des Contributions directes à Liège, dé- légué pour ce faire par son collègue à Namur; que, dès lors, la remise de la re- quête en cassation et des pièces an- nexées, dans les conditions où elle a été opérée, satisfait au prescrit des articles 13 et 14 de la loi du 6 septembre 1895;

Qu'en aucune de ces branches, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Sur le pourvoi :

Sur le premier moyen, pris de la vio- lation de l'article 112 de la Constitution, de l'article 27, § 3, 1-er alinéa des lois d'impôts sur les revenus, coordonnées par l'arrêté du 31 juillet 1943 et pour autant que de besoin, par l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948, de l'article 2, § 1, des dispositions légales relatives à la contri- bution nationale de crise coordonnées par l'arrêté du 31 juillet 1943 et de l'article 19 de la loi du 16 octobre 1945, en ce que l'arrêt attaqué après avoir admis que les requérants, issus des mêmes auteurs, ha- bitent ensemble· et exploitent en commun un moulin et une terre de 6 hectares, et après avoir constaté que les ·bénéfices recueillis dans cette exploitation ne sont pas effectivement partagés entre eux, annule cependant les cotisations liti- gieuses réglées à charge soit de l'explüi- . tation en commun Guyot René et Alice,

soit de l'association Guyot René et Alice, parce qu'il suffit, déclare-t-il, que le droit de partage soit virtuel et indiscu- table pour que cette constatation en- traîne la division des revenus au point -de vue fiscal, alors que la manière de vivre des requérants, tout autant que celle d'exercer leurs activités profession- nelles, correspondent incontestablement a:ux caractéristiques qui définissent les membres d'une même famille, exploitant.

en commun, au sens de l'article 27, § 3,

ter

alinéa, lequel prohibe, en cette hypo- thèse, toute division des bénéfices au point de vue de l'application de la taxe professionnelle, de la contribution na- tionale de crise, et de l'impôt extraordi, naire sur les revenus exceptionnels réa- lisés en période de guerre;

Attendu que l'arrêt attaqué constate que les défendeurs qui sont frère et - sœur, habitant ensemble, exploitent un moulin et cultivent une terre de 6 hec- tares; que, dans cette double activité, se trouve la source de leurs bénéfices pro~

fessionnels; que le capital qui sert à l'ex~

ploitation est indivis, que le fonds de roulement est versé à un compte com-

mun et que le~ p~~~fices recueillis ne

sont pas matériellement partagés dans leur totalité;

Attendu que, bien qu'il ait ainsi con- staté l'existence d'une exploitation en commun par les deux défendeurs, l'arrêt entrepris écarte l'application de l'article 27, § 3, alinéa ter, des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus, pour les motifs que le capital investi, bien qu'indivis, est susceptible d'ètre in- dividualisé par un partage effectif sui- vant des droits égaux, et que chacun des indivisaires a, s'il l'exige, le droit d'ob- tenir le partage des bénéfices de l'ex- ploitation;

Attendu, d'une part, que le fait que le capital investi est susceptible d'être par- tagé est sans pertinence; que, d'autre part, aux règles de droit civil autorisant le partage des bénéfices de l'exploitation en commun, l'article 27, § 3, alinéa t0r, des lois coordonnées déroge en ce qui concerne l'établissement de l'impôt à la taxe professionnelle, en disposant qu'au- cune division des bénéfices provenant d'exploitation en commun n'est admise entre les membres d'une même famille, habitant ensemble, ni entre les membres d'une société, association ou commu- nauté quelconque;

Que, dès lors, les. motifs de l'arrêt ne justifient pas légalement la division des bénéfices communs en vue d'établir l'im- pôt à la taxe professionnelle;

Que de ces motifs, l'arrêt attaqué a déduit la nullité non seulement des coti- sations à l'impôt extraordinaire, à la taxe professionnelle et à la contribution nationale de crise, mais encore par une prétendue voie de conséquence, des coti- sations à l'impôt complémentaire per- sonnel;

D'où il suit que l'arrêt entrepris a violé les dispositions légales visées au moyen et que la cassation doit être totale;

Par ces motifs : Casse l'arrêt attaqué.

OBSERVATIONS. - L'arrêt entrepris, prononcé par la Cour d'appel de Liège le 30 avril 1952, a été publié dans ces colonnes (!. T., 1953, p. 467).

En ce qui concerne le dépôt de la requête en cassation et des pièces annexées, consultez égale- ment : Cass., 8 juill. 1952, /. T., 1953, p. 137 et·

Cass., I4 juill. 1953, Rev. fisc., 1953, p. 902.

Cass. (re ch.), Il mars 1954.

Prés. : M. V ANDERMERSCH, cons. ff. de prés.

Rapp. : M. HuYBRECHTs, cons.

Min. publ. : M. MAHAUX, av. gén.

(Etat belge c. Domaine de s'Gravenwezel.) REQUETE CIVILE. - Article 481 du Code de procédure civile. - Rétractation des juge- ments et arrêts. - Condition. - Sens des termes « s'ils n'ont ·pas été défendus ou s'ils ne l'ont pas été valablement». - But de ·la requête. - Annulation totale ou partielle _de la décision attaquée.

L'article 481 du Code de procédure civile autorise l'Etat et les incapables qui y sont visés à poursuivre par voie de requête civile la rétractation des Ju- gements et arrêts auxquels ils ont été parties, « s'ils n'ont été ·défendus ou s'ils ne l'ont été valablement».

Il y a défense non valable, aux termes de la loi, lorsqu'auront été omis des moyens décisifs de fait ou de droit qui, s'ils avaient été soulevés, auraient dé- terminé le juge à statuer différemment.

La requête civile a pour but, ou bien l'annulation complète de la décision at- taquée, ou _bien l'annulation du chef contre lequel l'attaque est dirigée.

Vu l'arrêt attaqué rendu le 14 juil- let 1952 par la Cour d'appel de Bruxel- les;

~ur le pre~fr>r moyen pris de la vio- lahon des articles 97 de la Constitution et 481 du Code de procédure civile

En ce que l'arrêt attaqué admet 'que

« la notion de défense non valable telle que la conçoit le législateur... est étran- gère à celle d'efficacité ou d'intégralité de la défense » et se fonde notamment sur ~ette . c<;msidération pour rejeter la requete c1v1le; en ce que l'arrêt n'est pas suffisamment motivé :

Attendu que l'article 481 du Code de procédure civile autorise l'Etat et les in- capables qui y sont visés à poursuivre par voie de requête civile la rétractation des jugements et arrêts auxquels ils ont été parties, « s'ils n'ont été défendus ou s'ils ne l'ont été valablement »;

Attendu qu'il vésulte de l'exposé des motifs de cet article qu'il a été emprunté à l'ancien droit et notamment à l'ordon- nance de 1667, que sa rédaction primi- tive telle qu'elle avait été projetée par les auteurs de la dite ordonnance, pré- cisait notamment que les parties inté- ressées n'auront pas Hé valablement dé- fendues lorsque « les principales déf en- ses de fait ou de droit auront été omises quoique les jugements et arrêts aient été contradictoires... ·en telle sorte néan- moins que le défaut des défenses omises a donné lieu à ce qui a été jugé et qui aurait été autrement jugé si les défenses eussent été fournies », et que, si ces pré- dsions n'ont pas .été insérées dans le texte définitif de l'ordonnance, elles n'en ont pas moins toujours été consi- dérées comme étant « l'expression de la pensée de la loi et une explication utile pour guider le juge et prévenir les abus»;

Attendu qu'il apparaît dès lors qu'il y a défense non valable, aux termes de la loi; lorsqu'auront été omis des moyens décisifs de fait ou de droit qui, s'ils avaient été soulevés, ·auraient déterminé le juge à statuer différemment;

Attendu qu'en disposant que « la no- tion de défense non valable, telle que la

conçoit le législateur est étrangère à celle d'efficacité ou d'intégralité de la défense », l'arrêt attaqué a donc violé l'article visé au moyen;

Que le moyen est fondé;

Sur le deuxième moyen pris de la vio- lation des articles 97 de la Constitution et 481 du Code de procédure civile,

En ce que

r

arrêt attaqué admet .que, dans l'hypothèse où la défense déf ectu- euse ou incomplète donne ouverture à requête civile au profit de l'incapable, il n'y a néanmoins pas matière à re- quête civile en l'espèce, parce que le moyen omis doit être de nature à assu- rer le gain du l?rocès en ~on e.n~ier, c~

qui exclut la presente requete civile, qm ne concerne que certains points du litige;

Attendu qu'il résulte de l'exposé fait par le rapporteur au corps législatif le 17 avril 1806 que la requête civile a pour but ou bien l'annulation complète de la dé~ision attaquée, ou bien. l'annulation du chef contre le·quel l'attaque est diri- gée;

Que l'article 482 éclaire en ce sens la portée de l'article 481;

Qu'en effet, d'après le dit article 482, s'il n'y a ouverture que· contre un chef du jugement, il sera seul rétracté, à moins que lés autres n'en soient dépendants;

Que -dès lors, en déclarant qu'il n'y a matière à requête civile que si le moyen omis, encore -qt1e -décis-if, est de nature à assurer le gain du procès en son entier, l'arrêt attaqué a violé l'article 481;

Que le moyen est fondé;

Par ces motifs : Casse l'arrêt attaqué.

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