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La place de l'éthique dans le droit des brevets, analyse éthique du rôle des brevets

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La place de l'éthique dans le droit des brevets, analyse

éthique du rôle des brevets

Mémoire

Matthieu Gaignard

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

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La place de l’éthique dans le droit des brevets, analyse

éthique du rôle des brevets

Mémoire

Matthieu Gaignard

Sous la direction de :

Sophie Verville

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Résumé

Au travers de certaines affaires, comme celle de l’oncosouris de Harvard, la question de la place de l’éthique dans le droit des brevets s’est vue posée aux tribunaux. Quand certains soutiennent que le droit des brevets doit rester neutre d’encadrement éthique d’autres soutiennent le contraire. Dans ce travail nous verrons que depuis ses origines les plus anciennes jusqu’à aujourd’hui, le droit des brevets a toujours reposé sur une réflexion éthique principalement utilitariste. Cet utilitarisme a également été national dans le sens où ce qui était recherché était la satisfaction du pays délivrant le brevet. Avec cet utilitarisme nous avons également pu voir une recherche de la récompense de l’invention utile et bonne pour la société, cependant, cette volonté semble avoir perdu en importance. Avec la mondialisation, le droit des brevets et sa conception utilitariste nationale se voient remis en question, notamment par les pays en développement et moins développés. De ce fait, nous avons vu récemment des évolutions allant dans l’adoucissement de la dimension nationale de l’utilitarisme.

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Abstract

Through some cases, such as Harvard's Oncosouris, the question of the place of ethics in patent law has been raised in the courts. When some argue that patent law must remain free from ethical control, others argue the opposite. In this work we will see that from its earliest origins to the present day, patent law has always been based on primarily utilitarian ethical thinking. This utilitarianism was also national in the sense that what was sought was the satisfaction of the country issuing the patent. With this utilitarianism we have also been able to see the will to reward the invention that can be useful and good for the society, however, it seems that this will have lost in importance lately. With globalization, patent law and its national utilitarian conception are being challenged, especially by developing and less developed countries. As a result, we have recently seen developments in softening the national dimension of utilitarianism.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vi

Introduction ... 1

Chapitre préliminaire : Présentation de l’éthique et de certaines de ses mises en application concrète ... 10

Première Partie : Les théories éthique majeure ... 11

I / Le relativisme, l’absence de critère éthique absolu ... 11

II / L’égoïsme, la mise en avant problématique des besoins personnels ... 13

III / L’hédonisme, l’objectif de la maximisation du plaisir ... 14

IV / L’utilitarisme, la prééminence de la conséquence de l’action ... 15

V / L’éthique kantienne, la priorisation de la moralité directe de l’action et l’application des règles ... 19

VI / L’éthique des vertus, comment être bon suivant une liste de vertus ... 21

Deuxième Partie : La mise en pratique de l’éthique avec les domaines de l’éthique appliquée concernés ... 22

I / Étude de la bioéthique et de ses valeurs ... 23

II / L’éthique des affaires, le développement de la notion d’intérêt général et de la responsabilité sociétale ... 30

Chapitre 1 : L’éthique partie intégrante du droit des brevets depuis sa création ... 34

Première Partie : La propriété intellectuelle, un outil au service de l’innovation dès ses débuts .. 34

I / De l’antiquité au Moyen-Âge, la quasi-inexistence de la propriété intellectuelle ... 35

II / L’apparition progressive de la propriété intellectuelle du XIVème siècle au XVIIIème siècle, l’importance de l’utilitarisme nationaliste dans la délivrance du brevet ... 37

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Deuxième Partie : Le droit des brevets de sa création à la Première moitié du 20ème siècle ... 46

I / Les textes de base des droits de brevets canadien, français et états-uniens ... 46

II / La pratique et la jurisprudence du droit des brevets, l’illustration de l’utilitarisme ... 58

Chapitre 2 : L’affaiblissement de l’éthique utilitariste et la diversification des raisonnements éthique autour du droit des brevets ... 74

Première Partie : La délivrance et le contrôle du brevet, une remontée de l’intérêt du breveté face à l’intérêt général ... 74

I / Le recul évident du raisonnement utilitariste au profit d’un brevet plus neutre vis-à-vis notamment de la morale ... 75

II / Une plus grande liberté accordée au breveté par la disparition des déchéances de brevet ... 86

III / Une évolution marquant une volonté de neutralité ou bien dénotant un glissement vers une éthique égoïste. ... 94

Deuxième Partie : La remise en cause éthique du système des brevets, la critique d’un utilitarisme centré sur les intérêts des pays occidentaux ... 97

I / Le développement de dispositions spéciales pour les pays en voie de développement, vers un utilitarisme globalisé ... 97

II / L’injustice du système des brevets pour les pays en voie de développement ... 101

III / Le maintien de la philosophie utilitariste nationaliste ... 102

Conclusion ... 107

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

C-R OEB : Chambre des recours de l’Office Européen des Brevets

Cah PI : Les Cahiers de la Propriété Intellectuelle RFAS : Revue Française des Affaires Sociales CER : Comité d’éthique de la recherche

CCCB : Comité consultatif canadien de la biotechnologie CDBI : Comité directeur pour la bioéthique

DUBDH : Déclaration Universelle sur la Bioéthique et les Droits de l’Homme RSE : Responsabilité Sociale des Entreprises

ADPIC : Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce ALENA : Accord de Libre Échange Nord-Américain

ACEUM : Accord Canada-Etats-Unis-Mexique OEB : Office Européen des Brevets

CBE : Convention sur le Brevet Européen

RECDBE : Règlement d’Exécution de la Convention sur la Délivrance de Brevets Européens CPI : Code de la Propriété Intellectuelle

OMC : Organisation Mondiale du Commerce OMS : Organisation Mondiale de la Santé

(8)

Ne pas prendre position, en termes de valeurs, sur un droit qui s’écarte de ce qu’il devrait être ne peut être le rôle de la doctrine juridique. Quand ce droit devient principalement orienté vers la réalisation du progrès scientifique et que, pour ce faire, il méconnait l’éminente dignité attachée à la personne humaine, il doit être critiqué. La neutralité de l’homme de science que veulent parfois adopter les juristes peut être constitutive d’un véritable danger. Tel a déjà été le cas, dans l’histoire, pour un droit fondé sur des considérations uniquement scientifiques : le droit positif nazi. Par rapport au droit français de l’époque, qui en résultait, la doctrine professa un impératif de neutralité dicté par un souci de scientificité.

(9)

Introduction

« Qu’on le veuille ou non, la pratique […] du droit […] implique inévitablement des choix éthiques, des choix de valeurs morales »1. Cette

affirmation est d’autant plus vraie dans certains domaines du droit. En effet, là où dans le droit routier l’éthique n’aura qu’une place restreinte dans certains droits particuliers, tel le droit médical, une place importante lui sera accordée. Ces domaines du droit se trouveront bien souvent face à des dilemmes, des problèmes qui nécessiteront une réflexion éthique pour être résolus. Bien que la question fasse débat2, le droit des brevets est l’un des domaines du droit qui

pourrait avoir recours l’éthique. En effet, par sa nature, il sera en contact avec des nouvelles technologies telles que les biotechnologies qui soulèvent nombre de questions éthiques3.

Afin de déterminer clairement de quoi il sera question dans ce mémoire, nous allons dès maintenant poser plusieurs définitions et préciser certains termes clés. En premier lieu, dans ce mémoire, nous retiendrons une définition large du brevet. En effet, afin de mieux appréhender la place de l’éthique dans le droit des brevets, il conviendra de ne pas se limiter à la définition et au système moderne des brevets. Ainsi, par brevet, nous entendrons un système normatif permettant de protéger une invention, un procédé, ou toute création de l’esprit pouvant avoir des applications concrètes ou une utilité économique.

1 Guy Durand, Coordonnées de base de l’éthique, dans, Laval théologique et

philosophique, Volume 50, numéro 3, Québec, Faculté de philosophie, Université Laval et

Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, 1994, 467 à la p 467.

2 Voir Gaëlle Beauregard, L’éthique et le régime des brevets, une question d’actualité,

2006, 18:1, Cah PI, 13.

3 Voir Vandana Shiva, La vie n’est pas une marchandises Les dérives des droits de la

propriété intellectuelle, Montréal, Enjeux Planète, 2004 ; Pierre Sartor, Hold-up sur le vivant Ethique et manipulations, Mercuès, Sang de la Terre, 2012.

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La deuxième notion centrale dans ce travail sera l’éthique, aussi il est important de bien la définir. Michel Métayer l’a définie ainsi :

L’éthique est une réflexion portant sur un aspect fondamental de l’action humaine que nous désignons habituellement par le terme « morale ». La morale concerne notre souci de faire la « bonne » action, de prendre la « bonne » décision. Elle fait appel à cette distinction essentielle que font les humains entre le bien et le mal4.

L’éthique est donc l’étude de la morale. Elle consiste à s’interroger sur ce qui est moral. Elle va faire appel à un ensemble de règles, de raisonnements qui permettront de donner un sens à la morale. Cependant, bien souvent morale et éthique sont des termes qui sont utilisés sans distinction5. Cet état

de fait devra être gardé en mémoire au cours de ce travail. Parfois, certains auteurs ou certaines décisions ou textes useront du terme « moral » quand il s’agira en réalité d’éthique. Il est également nécessaire de préciser que, en dehors de l’éthique comme réflexion philosophique sur la morale, il existe également l’éthique appliquée. Ce domaine d’étude est quelque peu différent, Michela Marzano l’a définie de la manière suivante :

Plutôt que de se tourner vers la seule recherche fondamentale (théories philosophiques et politiques) ou la seule recherche appliquée (outils d’intervention), l’éthique appliquée emprunte la voix de la transdisciplinarité pour structurer une recherche qui soit à la fois fondamentale et pratique6.

Ainsi, là où l’éthique est une démarche plus théorique, une réflexion philosophique sur la morale, l’éthique appliquée est la mise en application des diverses théories éthiques dans des domaines concrets de la vie. C’est une donc une discipline qui va faire appel à la transdisciplinarité, en d’autres termes, elle va faire appel à plusieurs domaines de réflexions. Elle va confronter des réflexions éthiques à des problématiques réelles, va mettre en relation pensées éthiques et réflexions sur les besoins de la recherche, sur le bien être humain

4 Michel Métayer, La Philosophie Ethique enjeux et débats actuels, 3ème édition, Québec,

Editions du renouveaux pédagogique, 2008, page 2 .

5 Ibid à la p 4.

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dans les soins médicaux, sur les besoins environnementaux et bien d’autres encore.

La place de l’éthique dans le droit des brevets, et dans le droit de la propriété intellectuelle de manière générale, est une interrogation qui ne cesse de prendre de l’importance7. L’éthique est ainsi un terme que l’on peut dire "à

la mode" et qui est souvent mis en avant dans de nombreux domaines. Dans le domaine des sciences tout particulièrement, il est régulièrement fait appel à l’éthique et à la morale face aux progrès techniques et scientifiques tels que les biotechnologies et les manipulations du vivant, l’intelligence artificielle, les augmentations de l’humain ou bien encore les nanotechnologies8.

Le droit des brevets, du fait de sa proximité avec le progrès technique et scientifique, n’est pas épargné par le questionnement éthique. En effet, plusieurs affaires ont questionné les juges sur le positionnement éthique du droit des brevets. Au Canada par exemple, l’affaire la plus emblématique sur la question est la décision Harvard Collège contre Canada (Commissaire aux brevets) qui concernait l’oncosouris9. Dans cette affaire, les juges de

l’opposition, dont le juge en chef McLachlin, estimaient que l’éthique n’avait pas sa place dans le droit des brevets en l’état actuel des choses.

Le législateur lui-même a clairement indiqué sa conception limitée du rôle de la Loi sur les brevets. En 1993, il a supprimé l’interdiction, dans l’ancien par. 27(3) de la Loi sur les brevets, de breveter « une invention

7 Voir Christopher May et Susan K. Sell, Intellectual Property Rights a Critical History,

Boulder, Lynne Rienner Publishers, 2006 ; Mireille Buydens, La propriété intellectuelle

Evolution histoire et philosophique, Bruxelles, Groupe De Boeck, 2012 ; Peter Drahos, A philosophy of intellectual property, Aldershot, Dartmouth Publishing Company Limited,

1996 ; Pierre Sartor, Hold-up sur le vivant Ethique et manipulations, Mercuès, Sang de la Terre, 2012 ; E. Richard Gold et Bartha Maria Knoppers, Biotechnology IP & Ethics, Markham, LexisNexis, 2009.

8 Voir Jacques Quintin, « La menace des biotechnologies : un choix entre la vie et

l’existence », Vertigo, 2:1, 2001, 1, en ligne : <https://journals.openedition.org/vertigo/4076>.

9 Harvard Collège contre Canada (Commissaire aux brevets), 2002 4 RCS 45, 2002 CSC

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dont l’objet est illicite ». Ce faisant, il a établi clairement que la délivrance d’un brevet ne traduit ni une approbation ni une désapprobation. À l’époque, le législateur n’a pas ajouté une disposition, présente dans la Convention sur le brevet européen ainsi que dans maints régimes de droit civil et accords internationaux, qui interdirait la délivrance d’un brevet pour une invention dont l’utilisation ou l’exploitation serait incompatible avec l’ordre public, la moralité publique ou la protection de l’environnement ou de la santé. Ce genre de disposition ouvrirait la voie aux jugements de valeur dans l’appréciation de la brevetabilité. Le législateur n’a pas adopté une telle approche, même si les modifications de 1993 visaient à harmoniser le droit canadien des brevets avec divers accords internationaux. Il a ainsi indiqué, quoique d’une manière passive, que ces facettes importantes de l’intérêt public demeureraient régies par d’autres régimes de réglementation que la Loi sur les brevets.10

Ainsi, ils ne semblent pas s’opposer fondamentalement à ce que le droit des brevets intègre des éléments d’éthique, ils considèrent simplement qu’en l’état actuel des choses, il n’y a pas de place donnée à l’éthique dans le droit des brevets canadien. Cependant, d’autres personnes soutiennent clairement que l’éthique ne devrait pas avoir sa place dans le droit des brevets et qu’il devrait rester un droit neutre et purement technique.11

Dans cette décision, les juges de l’opposition soulignent que les textes internationaux, eux aussi sont indécis face à la question12. Ainsi, que ce soit

l’ALENA, ou bien l’ACEUM s’il est ratifié, dans le contexte canadien ou bien les ADPIC dans un contexte plus mondial, ces deux textes ne tranchent pas clairement sur la question de la place de l’éthique dans le droit des brevets. Ainsi, en ce qui concerne les ADPIC, à l’article 27, points 2 et 3, le texte prévoit la possibilité pour les États de mettre en place des exceptions à la brevetabilité pour des considérations éthiques13. Ainsi, il n’y aucune obligation qui est

10 Ibid au paragraphe 14.

11 Maurice Cassier, « Brevets et éthique : Les controverses sur la brevetabilité des gènes

humains », RFAS, 3, 2002, 235 (« Après avoir justifié la légitimité et la justesse de l'application des critères de brevetabilité aux séquences génétiques - nouveauté de

I'invention, activité inventive, application industrielle - et écarté les conclusions du CCNE, le cabinet en propriété industrielle réaffirmait une nette séparation entre le droit des brevets et les questions éthiques » à la page 236).

12 Harvard Collège contre Canada, supra, note 9, aux paragraphes 12 et 90.

13 Accord sur les Aspects de Droit de Propriété Intellectuelle qui Touchent au Commerce, 15

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imposée aux États. Ils peuvent décider d’inclure des considérations éthiques dans leur droit des brevets, tout comme ils peuvent s’en abstenir. Les autres textes internationaux donnent eux aussi la possibilité d’inclure de telles dispositions ou bien n’évoquent tout simplement pas cette possibilité. Aucune obligation ou interdiction n’existe donc concernant l’encadrement éthique dans les textes internationaux14.

De ce fait, il en résulte des divergences de position suivant les États. Ainsi, pour le Canada, là où auparavant dans la Loi sur les brevets, il existait une disposition interdisant la brevetabilité des inventions dont l’objet est illicite, désormais, il n’y a plus rien. L’ancien texte disposait que « Il ne peut être délivré de brevet pour une invention dont l’objet est illicite, non plus que pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques »15. Désormais, la loi

sur les brevets dispose simplement qu’il « ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques »16.

Aux Etats-Unis également, la place de l’éthique dans le droit des brevets a bougé. En effet, là où auparavant des éléments autres que purement techniques étaient pris en compte, désormais, il n’y a que les critères techniques classiques qui sont pris en compte17, la nouveauté, l’utilité et la

non-évidence18.

Dans le cas de l’Europe, en revanche, on remarque qu’une grande place est accordée à la notion de morale et d’ordre public19. De plus, les juges de la

chambre des recours de l’office européen des brevets, ont élargi la portée du

14 Nous faisons ici référence à la Convention d’Union de Paris du 20 mars 1883 pour la

Protection de la Propriété Industrielle, au Traité de coopération en matière de brevets du 19 juin 1970 ainsi qu’au Traité sur le droit des brevets du 1er juin 2000.

15 Robert H. Barrigar, Canadian Patent Act Annotated, Canada Law Book Inc., 1989, art

27 (3).

16 Loi sur les brevets, LRC 1985, ch. P-4, art 27 (8).

17 David Vaver, Intellectual Property Law, Seconde édition, Toronto, Irwin Law , 2011,

page 338 et 339.

18 Patent Act USA, 35 USC § 101 (1952).

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texte, en statuant que la protection de l’environnement faisait partie de l’ordre public20.

La difficulté à déterminer qu’elle est la place ou devrait être la place de l’éthique dans le droit des brevets n’est pas la seule difficulté face à ce sujet. En effet, l’autre grande difficulté est de réussir à déterminer de qu’elle éthique il est question. Dans la littérature juridique, il est ainsi rare, voire impossible de trouver une analyse, une définition ou bien une réflexion suffisante sur ce qu’est l’éthique et comment elle s’applique en pratique à la question du droit des brevets21. Soit seule la partie philosophie, éthique ou morale est étudiée

mais sans qu’il y ait d’analyse par rapport à la réalité du droit des brevets, soit il n’y a que le droit pur qui est étudié. De ce fait, bien souvent quand il est traité de l’éthique dans les brevets, il n’est abordé que la question de la moralité des inventions, la question éthique de surface. Nous pourrions ainsi citer en exemple le questionnement sur la brevetabilité des éléments de l’être humain comme les gênes. Cependant, la question de l’éthique dans les brevets va bien au-delà de cela. L’éthique dans les brevets peut aussi être étudiée en cherchant à comprendre pourquoi ce droit existe, et c’est là, bien souvent, une question qui n’est pas posée. En nous interrogeant sur les théories éthiques et leur mise en application, nous pourrons mieux comprendre et appréhender le droit des brevets.

Notre analyse sera limitée tant dans le temps et dans l’espace. Ainsi, nous nous interrogerons sur la place accordée à l’éthique dans trois modèles de droit des brevets, les Etats-Unis, le Canada et la France. Cependant, nous verrons brièvement d’autres modèles plus anciens afin de remonter aux sources, aux fondements des brevets. De la même manière, nous nous concentrerons

20 Cellules de plantes, C-R OEB, T 0356/93, 1995 .

21 Voir, Christopher May et Susan K. Sell ; Mireille Buydens ; Peter Drahos ; Pierre

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principalement sur le droit des brevets modernes, soit le droit des brevets depuis la deuxième moitié du 19ème siècle jusqu’à nos jours. Malgré cela, nous

remonterons brièvement aux origines du droit des brevets mais sans nous y attarder, le but sera surtout d’identifier les premiers cas de propriété intellectuelle et leur philosophie. Enfin, quand nous serons amenés à traiter de la théorie utilitariste en éthique, nous prendrons le présupposé que l’innovation et le progrès technique en général permettent le bonheur, le bien être. En effet, l’innovation et le progrès technique, en amenant de nouvelles méthodes facilitant la vie, en amenant la création de richesses ou bien en permettant le développement de méthodes médicales, traitements et autres permettent de satisfaire nos besoins et de nous rendre plus heureux.

Dans ce travail nous chercherons à identifier les grandes tendances éthiques qui se dégagent de la pratique des brevets au cours de l’histoire. Nous verrons comment le brevet a été utilisé pour servir les intérêts économiques de développement des États et comment, au cours de l’histoire, il a été confronté à de nouvelles problématiques avec l’avancée des sciences et la mondialisation. Nous ne pourrons pas nous intéresser à tout le droit des brevets, aussi, nous ne nous focaliserons que sur deux éléments de ce droit, la délivrance du brevet et le contrôle de son exploitation.

L’objet de ce mémoire sera donc de déterminer quelle a été la place de l’éthique dans le droit des brevets depuis ses origines jusqu’à nos jours, mais surtout, nous chercherons à savoir sur quelle éthique a reposé et repose le droit des brevets et quelle est l’importance qui lui est accordée.

Pour ce faire, il conviendra en premier lieu de nous attarder sur l’éthique (Chapitre Préliminaire). Nous passerons ainsi en revue les différentes théories éthiques majeures afin d’avoir les bases pour, par la suite, déterminer si l’éthique est présente dans le droit des brevets et sous quelle forme. Par la suite, nous nous attarderons également sur l’éthique appliquée, à savoir, comment est-ce que l’éthique peut être mise en application dans des cas concrets, des matières concrètes telles que le droit ou bien les biotechnologies. Ces bases

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nous permettront par la suite d’analyser le droit des brevets selon l’éthique, tant théorique qu’appliquée.

La deuxième sous question à laquelle nous devrons répondre sera de savoir qu’elle a été la place de l’éthique dans le droit des brevets depuis la deuxième moitié du 18ème siècle jusqu’à aujourd’hui (Premier Chapitre). Nous

verrons alors que plusieurs visions et théories s’affrontent pour déterminer quelle est la raison, et l’éthique, qui fonde le droit des brevets. Ainsi, selon Christopher May et Susan K. Sell, il existe deux approches pour justifier le droit des brevets, la justification du travail, « The first set of justifications argues for labor’s desert: the effort that is put into the improvement of nature should be rewarded »22 et la justification reliée au contrat social entre l’Etat et la société

civile, « the state legislates for property as part of its bargain with civil society »23.

Ils parlent également d’une troisième justification qui reposerait sur l’utilité de ce droit pour la société et l’économie moderne24. D’autres justifications au droit

des brevets sont possibles, en effet Mireille Buydens en ajoute trois. Selon elle, il pourrait y avoir une justification naturelle par l’occupation25, une justification

par la théorie personnaliste26 ou bien par la théorie utilitariste27. Nous verrons

également à cette occasion quelques exemples de droit de propriété intellectuelle anciens pouvant s’apparenter au brevet et nous chercherons à déterminer si ces droits répondaient à une éthique particulière. Nous verrons par la suite, comment, au travers de diverses affaires, décisions judiciaires, et normes juridiques, il est possible de relever une présence de l’éthique utilitariste dans le droit des brevets et comment cet utilitarisme se révèle être

22 May et Sell, Supra note 7 à la p 20. 23 Ibid à la p 21.

24 Ibid.

25 Buydens, Supra note 7 aux pages 340 à 345.

26 Ibid aux pages 315 à 320 (cette théorie s’applique plus au droit d’auteur qu’au droit des

brevets étant donné « qu’elle voit dans l’œuvre une émanation du génie individuel », l’auteur n’y fait ainsi référence qu’à des artistes).

27 Ibid aux pages 352 à 386 (bien que May et Sell évoquent également une théorie

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nationaliste. Notre étude se limitera temporellement aux années 50, la suite sera étudiée plus tardivement.

Enfin, la troisième sous question à laquelle il conviendra de répondre sera de déterminer si l’éthique a changé dans le droit des brevets (Second Chapitre). Nous verrons alors que depuis le dernier quart du 20ème siècle,

l’éthique n’est plus vraiment la même dans le droit des brevets. En effet, bien qu’elle garde une dimension utilitariste nationaliste, l’utilitarisme recule vis-à-vis des biotechnologies.

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Chapitre préliminaire : Présentation de l’éthique et

de certaines de ses mises en application concrète

Bien que les notions de morale ou bien d’éthique puissent être évoquées tant en doctrine qu’en jurisprudence, force est de constater que, malheureusement, ces dernières ne sont que trop rarement pour ne pas dire jamais définies. Le problème est que si nous ne définissons ou ne comprenons pas ce qu’est l’éthique, alors il devient compliqué d’apprécier sa place dans le droit des brevets ou même de l’identifier dans le droit des brevets. De ce fait, ce premier chapitre introductif va nous permettre de poser des bases de compréhension de l’éthique qui nous permettront par la suite de voir et comprendre l’éthique dans le droit des brevets.

L’éthique peut être étudiée de deux manières. Il y a tout d’abord l’étude purement théorique de l’éthique (Première Partie). Dans ce cadre, l’éthique est vue comme une réflexion intellectuelle, philosophique sur la morale. C’est dans ce cadre d’étude qu’existent de grandes théories éthiques telles que le relativisme, l’égoïsme, l’éthique des valeurs, l’utilitarisme et bien d’autres encore. Soulignons dès maintenant que la vision de ce qui est “éthique“ peut fortement changer en fonction de la théorie éthique prise en référence. Ainsi l’éthique est non seulement une notion complexe à appréhender et à définir, mais est aussi une notion ayant une signification pouvant fortement varier suivant la théorie de référence.

L’éthique peut cependant avoir un autre visage, être étudiée d’une autre manière, plus pratique, dans le cadre de l’éthique appliquée (Seconde Partie). Dans ce cadre, l’éthique ne sera pas étudiée comme un champ de réflexion théorique sur la morale mais comme un ensemble de règles, un cadre, permettant d’encadrer un domaine particulier de la vie courante. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les bioéthiques, l’éthique médicale, la déontologie, l’éthique des affaires ou bien encore l’éthique juridique.

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Première Partie : Les théories éthiques majeures

Nous passerons ici en revue les théories éthiques majeures. Nous nous attarderons plus particulièrement sur les théories qui présentent un grand intérêt dans le cadre de notre questionnement sur la place de l’éthique dans le droit des brevets. Nous verrons ainsi tout d’abord le relativisme (I), soit le fait qu’il n’y a pas de théorie éthique unifiée, puis l’égoïsme (II), la mise en avant des besoins personnels avant tout. Nous analyserons ensuite l’hédonisme de Bentham (III) pour ensuite voir sa continuité plus intéressante pour nous, l’utilitarisme (IV), théorie qui présente la particularité de mettre l’accent sur les conséquences de l’action et à laquelle nous ferons régulièrement appel. Nous enchainerons alors sur l’éthique kantienne (V) qui nous sera moins utile dans la suite du travail mais qui donne des clés de compréhension nécessaires et vient compléter l’utilitarisme. Enfin, en dernier lieu, nous verrons l’éthique des vertus (VI), qui se caractérise par une liste de vertus à respecter.

I / Le relativisme, l’absence de critère éthique absolu

Le relativisme, comme son nom l’indique, présente comme principale caractéristique de ne pas proposer de réponse unifiée sur l’éthique. Autrement dit « Ethical relativism is the notion that there are no universally valid moral principles, but that all moral principles are valid relative to cultural or individual choice »28.

Cette approche de l’éthique est très actuelle dans notre contexte de mondialisation et de métissage culturel29. En effet, une action pouvant sembler

28 Louis P. Pojman, Ethical Theory Classical and Contemporary Readings, Belmont,

Wadsworth Publishing Company, 1989, page 15.

29 Steven Lukes, Le relativisme moral, Genève, éditions markus haller, 2015, aux pages 14

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morale selon certaines normes sociales, culturelles, religieuses ou autres encore peut sembler immorale dans un autre lieu où ces normes diffèrent. Louis Paul Pojman distinguait deux formes de relativisme. Tout d’abord le subjectivisme30. Selon cette vision, la moralité d’une action devait être

interprétée selon la vision de la personne ayant réalisé cette action. Le problème de cette vision, comme le souligne très bien Louis Paul Pojman est que cela rend inutile le concept de morale, car, en suivant ce raisonnement, il est possible de rendre éthique n’importe quelle action31. La seconde forme de relativisme qu’il

met en avant est en revanche bien plus intéressante, le conventionnalisme32.

Le conventionnalisme est en fait le relativisme comme il est en général défini, à savoir une « doctrine qui, niant l’existence d’une vérité absolue ou de règles universellement valables, admet qu’il y a autant de vérités ou de normes d’action que de points de vue »33 Cependant, là aussi, il n’hésite pas à souligner

quelques aspects dérangeants de cette approche de l’éthique. En effet, selon celle-ci, des pratiques telles que l’esclavage ou bien les sacrifices pourraient être considérés comme morales si la société, ou bien la culture dans laquelle elles s’inscrivent considèrent ces pratiques comme morales. Une telle affirmation est bien évidemment dérangeante.

Face à cette approche de l’éthique, deux solutions se distinguent chez les philosophes et éthiciens pour apporter un jugement moral sur des actions qui seraient contraires à notre conception de la morale. Ces solutions n’ayant pas de nom nous les nommerons solution de la tolérance, dans le cas où deux conceptions de la morale viennent à s’opposer sur une action, on considère les deux valables, aucune ne doit primer sur l’autre34 et solution de la nuance qui

consiste tout simplement à nuancer le raisonnement de départ selon lequel

30 Louis P. Pojman, « A Critique of Ethical Relativism » dans Louis P. Pojman, dir, Ethical

Theory Classical and Contemporary Readings, Belmont, Wadsworth Publishing Company,

1989, 24 à la p 26.

31 Ibid.

32 Ibid aux pages 27 à 29.

33 Denis Huisman et Serge Le Strat, Lexique de philosophie, Paris, Editions Nathan, 2002,

sub verbo « relativisme ».

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aucune morale n’est supérieure à l’autre. On considère alors qu’il y a une échelle dans les normes morales et que certaines sont supérieures aux autres35.

II / L’égoïsme, la mise en avant problématique des besoins personnels

L’égoïsme, contrairement à ce que ce mot pourrait faire penser, n’est pas forcément une approche de l’éthique mauvaise. Le présupposé de base de cette éthique vient du fait que l’humain est naturellement égoïste et va chercher à satisfaire ses propres intérêts au détriment de ceux des autres36. Cet état de

fait est très problématique car, dans cet état de nature, tout le monde serait en danger face aux autres humains qui chercheraient à satisfaire leurs propres intérêts.

Hobbes, en partant de cette idée a théorisé le concept du Léviathan, cette autorité suprême à laquelle les humains se soumettraient afin d’être en sécurité. Cette dernière, en mettant en place des règles et des sanctions si celles-ci sont transgressées permettrait de réguler l’anarchie qui résulterait de l’état de nature37. De ce fait, c’est notre égoïsme qui nous pousse à nous

restreindre et à ne pas assouvir tous nos désirs. Ainsi, les individus ne se soumettent au Léviathan que s’ils estiment qu’ils gagnent plus. S’ils venaient à considérer que cette autorité suprême ne leur garantissait pas une meilleure condition que dans l’état de nature, alors ils cesseraient de lui obéir. De ce fait, selon cette conception, nous devons agir de manière équilibrée entre notre intérêt personnel et l’intérêt général, tout en gardant en tête que s’il devenait plus intéressant pour nous d’agir pour notre seul intérêt, alors nous n’aurions plus aucune raison de prendre en considération les besoins des autres.

35 Ibid aux pages 252 et 253.

36 Thomas Hobbes, « The Leviathan » dans Louis P. Pojman, dir, Ethical Theory Classical

and Contemporary Readings, Belmont, Wadsworth Publishing Company, 1989, 61 aux

pages 61 à 65.

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Ainsi, là où dans l’utilitarisme, la théorie se concentre sur le bonheur du plus grand nombre possible, l’égoïsme va se concentrer sur les besoins d’une personne. Cette accentuation mise sur l’intérêt d’une personne, sur l’intérêt personnel, ce qui ne serait pas une mauvaise chose étant donné que les intérêts collectifs ne sont pas nécessairement antagonistes et qu’en satisfaisant nos besoins, nous pouvons également satisfaire ceux des autres38. Cette distinction

entre les deux sera très importante à garder en tête dans la suite de ce travail. L’égoïsme ne se limite bien évidemment pas à cela, cependant, pour ce travail, nous nous limiterons à cette conception39. L’égoïsme se traduira par

une recherche de la satisfaction d’une personne et par la mise en place de règles minimales afin de s’assurer de l’adhésion au système.

III / L’hédonisme, l’objectif de la maximisation du plaisir

L’hédonisme est une théorie éthique très ancienne, elle remonte en effet aux grecs anciens tels Socrate, Aristote, Platon ou encore Épicure et est associée aux cyrénaïques40. L’éthique hédoniste se résume simplement par le

fait qu’elle « pose le plaisir comme le bien moral suprême »41. Jeremy Bentham,

l’une des grandes personnes de ce courant avait ainsi écrit que « Nature has placed mankind under the governance of two sovereign masters, pain and

pleasure. It is for them alone to point out what we ought to do, as well as

38 Ayn Rand, The Virtue of Selfishness : A New Concept of Egoism, 1964, New American

Library.

39 Voir Lester Hunt « Flourishing Egoism » dans Russ Chafer-Landau, dir, Ethical Theory,

Malden, Blackwell Publishing, 2007, 197 ; Jame Rachels « Ethical Egoism » dans Russ Chafer-Landau, dir, Ethical Theory, Malden, Blackwell Publishing, 2007, 213 ; Ayn Rand,

La Vertu d’égoïsme, Paris, Les belles lettres, 2008 (ces différents ouvrages et articles

permettront de détailler plus en détail cette vision éthique pour ceux qui le souhaitent, notamment les critiques et faiblesses de celle-ci).

40 Henri Wetzel, « Hédonisme » (9 novembre 2018), en ligne : Universalis

<https://www.universalis.fr/encyclopedie/hedonisme/>.

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determine what we shall do »42. C’est ainsi une vision de l’éthique qui se

rapproche de l’égoïsme car elle est centrée sur la personne et la recherche de son plaisir, bien qu’il y ait de subtiles différences entre les deux43.

Ainsi, selon cette philosophie, il convient de chercher à trouver le plus grand plaisir possible, en faisant un calcul mettant en balance la peine et le plaisir que nous procurera notre action.

L’élément central de l’hédonisme est donc le plaisir, et c’est pourquoi les hédonistes ont passé beaucoup de temps à le définir. Ainsi, contrairement à la douleur, telle une douleur physique au bras, le plaisir est plus difficilement identifiable. C’est pourquoi le plaisir n’est pas réellement délimité, défini. Par plaisir il est entendu toutes les sensations agréables, tout ce qui est positif. De la même manière, les différents plaisirs peuvent difficilement être hiérarchisés et c’est pourquoi l’hédonisme vise à rechercher tout type de plaisir, quel qu’il soit44.

IV / L’utilitarisme, la prééminence de la conséquence de l’action

L’utilitarisme est une théorie éthique qui prend comme base l’hédonisme, mais en le rendant plus global. Nous ferons souvent appel à cette vision de l’éthique au court de ce travail, aussi, nous détaillerons plus en détail cette théorie.

L’éthique utilitariste est l’une des plus présentes et répandue dans le monde45. Ce succès est probablement dû au fait que, en comparaison d’autres

42 Jeremy Bentham, « Classical Hedonism » dans Louis P. Pojman, dir, Ethical Theory

Classical and Contemporary Readings, Belmont, Wadsworth Publishing Company, 1989,

111 à la p 111.

43 Gordon Graham, Theories of Ethics: An Introduction to Moral Philosophy with a selection

of Classic Readings, New York, Taylor & Francis, 2010 aux pages 37 et 38.

44 Ibid aux pages 44 à 46.

(24)

théories, celle-ci peut être plus aisément applicable, elle est en effet plus réaliste. Comme l’hédonisme, l’utilitarisme, du moins dans sa forme la plus répandue, va viser le bonheur comme objectif. Cependant, là où l’hédonisme ne vise que le bonheur personnel, l’utilitarisme vise le bonheur collectif46. Ainsi,

en agissant selon la pensée utilitariste, contrairement aux autres théories vues précédemment, la vision est plus globale. Ce qui est recherché c’est le bien-être collectif, autrement dit, le plus grand bonheur possible pour le plus grand nombre.

Cependant, bien qu’elle soit hédoniste, dans sa vision la plus courante, l’éthique utilitariste n’est pas pour autant altruiste. C’est-à-dire que les besoins des autres ne sont pas supérieurs aux miens, simplement égaux47. Pour

l’expliquer simplement, chaque individu est considéré comme une unité, et ce qui est visé par l’utilitarisme hédoniste, c’est la somme du plus grand nombre possible d’unités satisfaites48. Cependant, ce n’est pas pour autant que le bien

être personnel doit être mis de côté. Le bien être personnel n’est simplement pas supérieur au bien-être de son prochain, il est au même niveau. Pareillement, le bien-être des autres ne surpasse pas mon bien être.

Autre élément important concernant cette théorie éthique et qui la distingue des autres, elle est finaliste, conséquentialiste. Par là il faut comprendre que pour déterminer si une action est bonne ou mauvaise d’un point de vue moral, il ne faut pas analyser l’action en elle-même mais ses conséquences49. Ainsi, selon cette vision, si elle était appliquée à la lettre, une

action pourrait être immorale, mais avoir des conséquences qui elles seraient morales car permettraient de maximiser le bonheur du plus grand nombre. De

46 Gordon Graham, Supra note 43 à la p 99. 47 Ibid à la p 101.

48 John Stuart Mill, L’utilitarisme, traduit par George Tanesse, Paris, Flammarion, 1988 à

la p 57.

49 J.J.C. Smart et Bernard Williams, Utilitarisme le pour et le contre, traduit par Hugues

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ce fait, cette action serait considérée comme conforme à la morale selon une perspective utilitariste.

Un autre élément tout particulièrement intéressant concernant l’éthique utilitariste est tout simplement qu’elle n’est pas destinée à guider uniquement des individus. Avant d’être destinée à guider les individus, elle est destinée à guider les décisions politiques, économiques, sociales50. Mills écrivait ainsi que :

l’utilitarisme demande que les lois et l’organisation sociale mettent le bonheur ou (comme on peut l’appeler dans la pratique) l’intérêt de chaque individu autant que possible en harmonie avec l’intérêt du tout ; et, deuxièmement, que l’éducation et l’opinion, qui ont un pouvoir si important sur le caractère humain, usent de ce pouvoir pour établir dans l’esprit de chaque individu un lien indissoluble entre son bonheur personnel et le bien du tout ; surtout entre son bonheur personnel et les modes négatifs et positifs de conduite qui sont en rapport avec ce que prescrit le bonheur universel ; de sorte que, non seulement il ne puisse concevoir que son bonheur personnel est compatible avec une conduite opposée au bien général, mais aussi qu’une impulsion directe à favoriser le bien général puisse être en chaque individu l’un des motifs habituels d’action et que les sentiments liés à cette impulsion puissent prendre une large et dominante place dans l’existence sentante de tout être humain.51

C’est donc l’un des autres points forts de cette vision, approche de l’éthique. Elle est tout autant destinée à guider les politiques publiques et grandes décisions que guider les actions des individus.

Comme nous l’avions évoqué plus tôt, bien que jusqu’ici nous n’ayons parlé d’utilitarisme à visée hédoniste, il est également possible que l’utilitarisme ne vise pas seulement le bonheur du plus grand nombre, mais prenne également en compte des valeurs, par exemple les valeurs et objectifs cités dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme52. Cette vision de l’utilitarisme

50 Tim Mulgan, Understanding utilitarianism, Stocksfield, Acumen, 2007, à la p 1. 51 John Stuart Mill, L’utilitarisme, traduit par Philippe Folliot, Paris, Les classiques des

sciences sociales, 2008 à la p 26.

52 Louis P. Pojman, Supra note 28 à la p 159 (l’auteur ne fait pas le lien avec les valeurs

présentes dans la DUDH, il cite plutôt des valeurs telles que « la connaissance, la liberté, la justice et d’autres ». Ces valeurs se retrouvent bien dans la DUDH. Dans le cas de liberté à l’article 3, la justice aux articles 7 à 12, la connaissance aux articles 26 et 27.

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se rapproche alors de la vision kantienne de l’éthique, également appelée le système déontologique que nous allons étudier dans la prochaine partie. Selon cette approche, bien qu’il soit reconnu que la recherche de la maximisation du plaisir doit être centrale, il est également développé que ce ne peut être la seule balise à suivre pour agir juste. D’autres règles doivent être suivies, par exemple tenir une promesse ou bien même s’améliorer53.

Pour finir sur la théorie utilitariste, nous devons nous attarder sur une distinction entre deux approches de la théorie, l’utilitarisme de la règle et l’utilitarisme de l’acte. Cette distinction a été développée par Mill en réponse aux objections qui avaient été faites à l’utilitarisme et à ses conséquences qui, si on l’appliquait strictement, pouvait amener à des situations qui nous sembleraient immorales54. Une excellente définition de l’utilitarisme de la règle,

l’adoucissement de l’utilitarisme développé par Mill se trouve dans l’ouvrage de Louis P. Pojman « Rule utilitarians, on the other hand, state that an act is right if it conforms to a valid rule within a system of rules that, if followed, will result in the best possible state of affairs (or the least-bas state of affairs, if it is a question of all the alternatives being bad). »55 Ainsi, avec cette approche de

l’utilitarisme, on évite les situations délicates dans lesquelles, si on suivait cette éthique, on se retrouverait à devoir tuer un individu pour en sauver plusieurs autres au nom du plus grand bien.

53 W. D. Ross, « What Makes Right Acts Right? », dans Louis P. Pojman, dir, Ethical Theory

Classical and Contemporary Readings, Belmont, Wadsworth Publishing Company, 1989,

253 aux pages 253 à 260.

54 Michel Métayer, Supra note 4 à la p 127. 55 Louis P. Pojman, Supra note 28 à la p 159.

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V / L’éthique kantienne, la priorisation de la moralité directe de l’action et l’application des règles

Contrairement aux modèles éthiques précédemment vus, l’éthique kantienne est déontologique et non téléologique56. En d’autres termes, là où

l’utilitarisme place comme critère moral de référence le bonheur produit par une action, bonheur qui n’est pas une valeur morale en soi, le modèle déontologique va considérer qu’une action a des valeurs innées. Ainsi, selon le modèle kantien, une action, quelles que soient ses conséquences pourra être morale. Le modèle kantien n’est pas conséquentialiste, la moralité d’une action se détermine sur l’action elle-même, pas sur ses conséquences.

Kant avait pour ambition de poser un modèle éthique universel. Ainsi, il estimait qu’il était trop incertain de fonder la moralité sur les conséquences d’une action et sur la bonne volonté. Quand bien même l’individu cherchait à faire le bien, à être bon, il estimait nos sentiments et notre perception trop partiale et changeante pour être pris en référence57.

Les sentiments n’étant pas assez fiables, Kant a développé un modèle éthique qui reposerait sur la raison. Les humains sont doués de raison et cette dernière est bien plus fiable que les sentiments58. En effet, en ayant recours à

la raison, nous pouvons nous assurer de la moralité de l’action elle-même, et non sur des résultats hypothétiques.

Kant va donc fonder la moralité d’une action sur trois propositions. La première proposition est qu’une action doit être fondée sur un devoir et non un sentiment. La deuxième est que la moralité se juge sur l’action elle-même, non ses conséquences. Enfin, la troisième proposition est la résultante des deux

56 Ibid à la p 226.

57 Michel Métayer, Supra note 4 à la p 88.

58 Immanuel Kant, « The Foundations of the Metaphysic of Morals », dans Louis P.

Pojman, dir, Ethical Theory Classical and Contemporary Readings, Belmont, Wadsworth Publishing Company, 1989, 229 aux pages 230 à 232.

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précédentes « Duty is the necessity of acting from respect for the law »59.

Cependant, quand Kant fait ici référence à la loi, il ne fait pas référence à la loi créée par le législateur mais à ce qu’il décrit comme “la loi universelle“. Cette loi universelle, il la résume très bien : « I am never to act otherwise that so that I could also will that my maxim should become a universal law »60. Nous

passerons sur beaucoup de détails de sa pensée car ce n’est pas l’objet de ce travail, nous retiendrons simplement que la position de Kant est relativement extrême étant donné que, si nous prenons l’exemple du mensonge, selon lui, le mensonge est immoral quelle que soit la situation.

Cette position a amené plusieurs des héritiers de sa pensée à chercher à assouplir sa théorie. Cet assouplissement de sa pensée va notamment se faire grâce aux intuitionnistes61. Selon cette vision, il y a des devoirs, les « prima

facie duty » qui seront plus importants que les autres devoirs. Ainsi, le devoir de préserver la vie humaine est plus important que celui de ne pas mentir. Si une personne se retrouve dans la situation où elle doit mentir pour préserver une vie humaine, alors le mensonge est moral.

Tout comme l’utilitarisme, le déontologisme qu’il soit kantien ou non, peut également aider à guider des décisions politiques. En effet, Kant, dans sa réflexion sur le déontologisme « a conçu l’idéal d’une société de type démocratique où chaque être humain libre et autonome obéit à des lois auxquelles il peut consentir parce qu’elles sont fondées sur l’impératif catégorique et ses principes d’universalisation et de respect des personnes. »62

Kant rejoint alors Hobbes sur le fait que l’humain a besoin d’une organisation au-dessus de lui posant des lois. Cependant, cette organisation ne doit pas être despotique afin de préserver la liberté de l’individu et sa capacité à exercer sa raison63. Nous pouvons également remarquer que la théorie kantienne est très

59 Ibid aux pages 232 à 234. 60 Ibid à la p 234.

61 Louis P. Pojman, Supra note 28 à la p 227. 62 Michel Métayer, Supra note 4, à la p 104.

63 Golan Moshe Lahat, The Political Implications of Kant’s Theory of Knowledge, Londres,

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utile pour justifier le devoir des Etats de protéger leurs citoyens ou bien pour organiser les relations internationales64.

VI / L’éthique des vertus, comment être bon suivant une liste de vertus

L’éthique des vertus remonte également aux grecs avec notamment Aristote et Platon65. Cette théorie se distingue des autres par le fait que l’accent

n’est pas mis sur l’action ou sur les conséquences de l’action mais sur une liste des vertus auxquelles se conformer afin de vivre une vie vertueuse et juste. Ainsi, parmi les vertus nous pourrons trouver le courage ou la bonté et nous devrons ainsi agir selon ces vertus. Un des éléments de cette éthique qui est intéressant, est que ces vertus, bien qu’elles soient absolues, ne deviennent pratiques qu’avec l’expérience, elles s’apprennent en en faisant l’expérience66.

Bien que ces vertus puissent varier d’une société à une autre, il n’en demeure pas moins que certaines vertus sont essentielles au bon fonctionnement d’une société, comme par exemple la justice67.

Cette théorie éthique fait partie des théories majeures et, de ce fait, il n’était pas envisageable de ne pas en parler. Cependant, elle ne présente que relativement peu d’intérêt car elle est surtout destinée à guider les individus68.

64 Heater M. Roff, Global Justice, Kant and the Responsibility to Protect a provisional duty,

Abigdon, Routledge, 2013 (l’auteur dans cet ouvrage choisi l’éthique déontologique kantienne et le sens du devoir pour analyser deux conflits majeurs menés au nom de la protection, le conflit Syrien et le conflit Libyen. De cette analyse il en ressort qu’il est nécessaire d’avoir une organisation supranationale ayant les moyens suffisant et la coordination nécessaire pour assurer cette responsabilité de protéger).

65 Louis P. Pojman, Supra note 28 à la p 289.

66 Russ Shafer-Landau, Ethical Theory, Malden, Blackwell Publishing, 2007, à la p 663. 67 Alasdait Macintyre, « The Nature Of the Virtues », dans Louis P. Pojman, dir, Ethical

Theory Classical and Contemporary Readings, Belmont, Wadsworth Publishing Company,

1989, 320 aux pages 321 à 324.

(30)

Nous venons donc de voir, dans leurs grandes lignes, les théories éthiques majeures. Nous avons pu constater que, même si elles tentent d’être aussi applicables que possible, elles ne resteront toujours que des théories et que, de ce fait, elles doivent être vues plus comme des guides que comme des vérités absolues. C’est pour cette raison qu’un autre domaine de l’éthique s’est créé, l’éthique appliquée.

Deuxième Partie : La mise en pratique de l’éthique avec les

domaines de l’éthique appliquée concernés

Les théories éthiques que l’on vient de voir, également appelée la méta-éthique, sont faites pour être des guides généraux. Pour ce qui est de confronter éthique et réalité, il peut être plus judicieux de se tourner vers le domaine des éthiques appliquées, expression relativement récente mais dont les préoccupations sont anciennes69. Comme le souligne bien Michela Marzano,

l’éthique appliquée « ne saurait se réduire à une simple application des théories morales préétablies à des objets différents »70. Autrement dit, l’éthique

appliquée ne se limite pas à confronter à la réalité les théories éthiques que nous avons étudiées dans la partie précédente. C’est une discipline qui va plutôt, comme nous l’avions évoqué dans l’introduction, relever de la transdisciplinarité. Elle ne va pas hésiter à aller puiser des ressources dans plusieurs domaines, théories éthiques et autres afin de venir apporter une réponse à un problème spécifique dans un domaine bien spécifique, comme la justice ou bien les affaires.

De ce fait, il n’existe pas seulement un domaine de l’éthique appliquée mais bien une pluralité de domaines. L’un des plus connus est l’éthique

69 Michela Marzano, Supra note 6 aux pages 3 et 4. 70 Ibid à la p 4.

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médicale. Les avocats sont confrontés également à leur domaine d’éthique appliquée via les codes déontologiques professionnels notamment. Dans ce travail, il sera également bien souvent question de bioéthique qui se trouve être encore un autre domaine d’éthique appliquée et qui cherche à répondre aux questions soulevées par les techniques de manipulation génétique et du vivant en général.

Ici, nous ne verrons bien évidemment pas tous les domaines de l’éthique appliquée, seulement ceux que nous estimerons utiles, ceux en lien avec notre sujet. Notre objectif sera là de voir quelles sont les grandes valeurs et directions qui se dégagent de ces différents domaines et d’observer s’il y a des valeurs communes. De ce fait, nous verrons dans un premier temps les valeurs soutenues dans la bioéthique (I) pour ensuite voir celles portées par l’éthique des affaires (II).

I / Étude de la bioéthique et de ses valeurs

La bioéthique étant un sujet vaste, nous procéderons en deux temps. Tout d’abord, nous identifierons ce qu’est la bioéthique et les sujets qu’elle recouvre (1.), puis nous irons chercher les valeurs et normes de la bioéthique présentes dans les systèmes que nous étudierons, le Canada, les Etats-Unis et l’Europe (2.).

1. Définition et délimitation du champ de la bioéthique

La bioéthique est le domaine de l’éthique appliquée le plus intéressant pour nous. En effet, beaucoup des affaires qui ont soulevé des questions

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éthiques devant les tribunaux concernent les manipulations génétiques71. De

la même manière, en droit européen, les exclusions à la brevetabilité sont très orientées vers les biotechnologies72. Ainsi, quand il est question de la place de

l’éthique dans le droit des brevets, le domaine en question se trouve bien souvent être les biotechnologies, très probablement car elle interroge plus aisément notre rapport au bien, notre morale étant donné qu’il s’agit de manipuler le vivant.

La bioéthique recouvre plusieurs choses, l’éthique médicale73, mais

également, ce qui nous intéresse plus l’expérimentation, la manipulation génétique, les brevets sur le vivant74. Ainsi, Guy Durand nous donne une liste

de thèmes inclus dans la bioéthique. Nous trouvons des thèmes qui sont largement admis tels que l’expérimentation sur l’être humain, le génie génétique mais aussi des thèmes plus connexes mais que des auteurs intègrent dans la bioéthique comme les politiques de santé voire même « la recherche et le développement des armements biologiques et chimiques, la guerre »75 ou bien

encore l’environnement. L’inclusion large de sujets nombreux semble judicieuse étant donné que le terme “bioéthique“ est composé de deux parties,

bios signifiant vie et éthique qui est la réflexion philosophique sur la morale76.

Ainsi, tous les sujets qui vont toucher au vivant sont susceptibles d’être inclus dans la bioéthique.

2. Identification des valeurs et normes de la bioéthique

71 Voir notamment Harvard Collège contre Canada, 2002 4 RCS 45, 2002 CSC 76 ;

Cellules de plantes, C-R OEB, T 0356/93, 1995.

72 La convention sur le brevet européen, 1973, art 53. 73 Michela Marzano, Supra note 6 aux pages 20 et 21. 74 Larousse, sub verbo <bioéthique>, en ligne <

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bio%C3%A9thique/9412>.

75 Guy Durand, La Bioéthique, nature, principes, enjeux, Québec, Cerf.Fides, 1997 aux

pages 34 et 35.

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Plusieurs valeurs et objectifs sont portés par la bioéthique, notamment d’un point de vue institutionnel. Notre étude portant sur le Canada (2.1.), les Etats-Unis (2.2.) et l’Europe (2.3.), ce sera dans ces trois institutions que nous irons identifier les valeurs de la bioéthique.

2.1. La bioéthique au Canada

Au Canada, plusieurs organismes traitant des questions bioéthiques peuvent être identifiés. Le principal acteur est le ministère Santé Canada qui a produit en 1997 des directives consolidées qui mettent en place des éléments d’ordre éthique pour la recherche77 et qui désormais supervisent le Comité

d’éthique de la recherche (CER). Ce comité a produit un document “Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains“. On peut ainsi lire dans celui-ci que les lignes directrices sont le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être et la justice78. Le respect des

personnes s’articulera grandement autour de la notion de l’autonomie des êtres humains étant sujet de recherches. Le respect du principe de justice, de manière classique, reviendra à traiter les personnes de manière juste et équitable. Leur approche du bien-être est très globale, en effet, beaucoup de facteurs sont pris en compte, non seulement la santé physique, mentale et spirituelle, mais aussi beaucoup d’autres considérations. Nous pouvons ainsi citer les conditions matérielles, l’emploi, la vie privée ou la sécurité de la personne concernée et des personnes qui lui sont importantes. Cependant, là où les objectifs de respect des personnes et de justice sont absolus, c’est-à-dire, qu’ils ne doivent pas être transgressés, le bien être est une préoccupation. En

77 Guy Durand, Introduction générale à la bioéthique Histoire, Concepts et outils, Québec,

Fides.Cerf, 1999 à la p 483.

78 Canada, Groupe consultatif interorganisme en éthique de la recherche, Énoncé de

politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, 2014,

Chapitre 1 B, en ligne < http://www.ger.ethique.gc.ca/fra/policy-politique/initiatives/tcps2-eptc2/chapter1-chapitre1/#toc01-1>.

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d’autres termes, ils doivent chercher le bien être, mais ce dernier sera également mis en rapport avec les bénéfices potentiels de la recherche.

Un autre organisme intéressant est le Comité consultatif canadien de la biotechnologie dont le rôle est de fournir « au gouvernement du Canada des conseils et des avis détaillés sur les enjeux stratégiques associés aux aspects suivants de la biotechnologie et de ses applications : la santé, l’éthique, la société, la réglementation, l’économie, la science et l’environnement »79. Dans

son rapport adressé au comité de coordination ministériel de la biotechnologie, le CCCB avait énoncé plusieurs principes et valeurs qui guidaient son travail, ces valeurs sont la justice, l’imputabilité, l’autonomie, la bienfaisance, le respect de la diversité, la connaissance et la prudence80.

Enfin, la dernière source de valeurs qu’il semble intéressant de citer n’est pas d’origine gouvernementale, mais d’origine privée. En effet, BIOTECanada, une association de plusieurs entreprises du domaine des biotechnologies s’est dotée d’une déclaration de principes pour l’industrie de la biotechnologie. Ainsi, parmi les principes il est possible de citer la recherche du profit de l’humanité, la protection de la santé, de la sécurité et de l’environnement ou bien encore la préservation de la diversité biologique81.

2.2. La bioéthique aux Etats-Unis

79 Canada, Comité consultatif canadien de la biotechnologie, Rapport annuel 2006, 2006,

à la p 3, en ligne < http://publications.gc.ca/collections/collection_2007/cbac-cccb/Iu195-2006F.pdf>.

80 Canada, Comité consultatif canadien de la biotechnologie, BREVETABILITÉ DES

FORMES DE VIE SUPÉRIEURES ET ENJEUX CONNEXES Rapport adressé au Comité de coordination ministériel de la biotechnologie Gouvernement du Canada, 2002, à la p 48, en

ligne < http://publications.gc.ca/collections/Collection/C2-598-2001-2F.pdf>.

81 « Déclaration de principes de l’industrie de la biotechnologie », 15 novembre 2018, en

ligne < http://www.biotech.ca/fr/a-propos/normes/declaration-de-principes-de-lindustrie-de-la-biotechnologie/>.

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Les sources de bioéthique aux Etats-Unis sont très nombreuses, aussi, nous ne pourrons toutes les citer. Malgré cela, bien que les sources soient multiples, les valeurs qui se dégagent de ses sources sont sensiblement les mêmes82. On

retrouve ainsi dans le domaine médical les principes d’autonomie, de bienfaisance et de justice83.

Malgré la profusion de sources aux Etats-Unis sur la bioéthique, les principes éthiques dégagés par ses sources sont finalement redondants et majoritairement centrés sur la manière de traiter l’humain dans l’expérimentation ou bien dans les soins et se limitent donc aux principes d’autonomie, de bienfaisance et de justice84. Ainsi, dans son article sur le

malaise de la bioéthique aux États Unis, Warren T. Reich analyse comment la bioéthique a énormément perdu en intérêt en se restreignant au seul domaine de l’éthique médicale. Il y déplore également une perte de réflexion dans le domaine face à toutes les avancées de la technologie qui éclipsent la réflexion bioéthique85.

2.3. La bioéthique en France

En France, en 1994, sont adoptées les premières lois bioéthiques. La toute première loi adoptée, la loi du 1er juillet 1994 n’est que peu intéressante pour

nous car étant destinée au traitement des « données nominatives ayant pour

82 Guy Durand, Supra note 77 aux pages à 482. 83 Ibid à la p 479.

84 Jeremy R. Garrett, Fabrice Jotterand et D. Christophe Raltson, The development of

Bioethics in the United States, New York, Springer, 2013, à la p 6.

85 Warren T. Reich « A Corrective for Bioethical Malaise : Revisiting the Cultural

Influences that Shaped the Identity of Bioethics », dans Jeremy R. Garrett, Fabrice

Jotterand et D. Christophe Raltson, The development of Bioethics in the United States, New York, Springer, 2013,aux pages 79 à 82.

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fin la recherche dans le domaine de la santé »86. En revanche les deux lois du

29 juillet 1994 viennent apporter des éléments intéressants. Ainsi, nous pouvons retrouver dans ces deux lois des valeurs telles que le respect de l’être humain et de son corps soit notamment son inviolabilité et l’impossibilité de le monnayer87. D’autres valeurs sont mises en avant comme le consentement de

la personne, mais celles-ci nous intéressent moins dans le cadre de ce travail. Les diverses modifications des lois bioéthiques intervenant en 2004, 2011, 2013 et 2014 vont continuer à porter les mêmes valeurs. La future loi bioéthique qui devrait arriver dans l’année 2019 pourrait amener des développements intéressants, notamment sur la question de l’intelligence artificielle dans le traitement des données médicales. En effet, en lisant le rapport … on peut y voir une hésitation entre deux valeurs. D’une part la vie privée par la protection des données et d’autre part l’innovation permettant une meilleure santé pour les citoyens : « Ces développements ne doivent pas masquer l’intérêt que représentant la collecte et le traitement des données de santé dans l’accès à l’innovation. A trop vouloir protéger, nous nous empêcherions de découvrir des applications très utiles à la santé de nos concitoyens. »88. Nous pourrions donc

assister à un débat intéressant mettant en opposition deux valeurs dans le cadre de cette future loi.

La France faisant partie du Conseil de l’Europe, il est également intéressant de se tourner vers ce dernier. Il convient tout de suite de noter l’existence du Comité directeur pour la bioéthique qui fut créé en 1985. Ce comité a notamment élaboré la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la

86 Loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant

pour fin la rechercher dans le domaine de la santé et modifiant la loi n0 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 1994, art 40-1.

87 Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, 1994, art 16-1 et

Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, 1994, art

L. 665-13.

88 Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlements par la

mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, 15 janvier 2019,

Références

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