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Les antécédents de la pardonnabilité du consommateur face à un scandale écologique

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Academic year: 2021

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Les antécédents de la pardonnabilité du consommateur

face à un scandale écologique

Mémoire

Laurence Poulin

Maîtrise en sciences de la consommation - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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Les antécédents de la pardonnabilité du consommateur

face à un scandale écologique

Mémoire

Laurence Poulin

Sous la direction de :

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Résumé

Considérant l’intérêt grandissant des consommateurs pour l’écologie, il n’est pas surprenant de constater que des entreprises se « verdissent » très rapidement afin de répondre à cette nouvelle demande. Certaines de ces entreprises sont impliquées dans des scandales de nature écologique ayant des répercussions négatives sur leur image et sur la confiance accordée par les consommateurs. Bien que plusieurs réactions soient susceptibles d’être adoptées par les consommateurs, la volonté à pardonner (pardonnabilité) s’avère d’une grande importance puisqu’elle permet conditionner la pérennité de la relation d’affaires. L’objectif de cette recherche est de comprendre ce qui motive les consommateurs à vouloir (ou non) pardonner une entreprise impliquée dans un scandale écologique. Prenant fondement sur une approche expérimentale, cette recherche identifie les variables susceptibles d’expliquer la volonté à pardonner du consommateur spécifiquement dans un contexte de scandale écologique. Pour mesurer ces variables, la méthode des scénarios a été mobilisée et huit scénarii distincts ont été construits afin de reproduire le plus fidèlement des situations contextualisant des scandales écologiques.

Avec un échantillon de convenance de 464 étudiants universitaires, les résultats obtenus ont permis de mettre en lumière que les valeurs et l’implication écologique semblent peu influencer la gravité perçue du scandale et indirectement, la volonté à pardonner lorsque survient un scandale écologique. D’un autre côté, le fait de croire en l’authenticité des discours de responsabilité sociale d’entreprise semble influencer un peu plus la gravité perçue du scandale écologique. De plus, les résultats ont mis en évidence que la gravité perçue du scandale impacte principalement la volonté à pardonner et ce, uniquement à ses dimensions affective et cognitive. Pour ce qui est de la dimension comportementale, les résultats indiquent qu’elle est peu influencée par la gravité perçue du scandale. Ces résultats mettent en lumière des implications fort intéressantes d’un point de vue théorique et managérial.

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Abstract

Considering the growing ecological interest of consumers, it is not surprising that companies are becoming greener to satisfy this new claim. Ecological scandals affect negatively companies’ image and therefore the trust of their consumers. While consumers can adopt many different reactions, the willingness to forgive (forgiveness) appears to be one of the most important since the way it is managed allows to maintain business relationship. The purpose of this research is to understand what motivates consumers to forgive (or not) a company involved in an environmental scandal. Drawing on an experimental approach, this study identifies the variables likely to explain the consumer willingness to forgive in an ecological context. To conduct this research, a scenario-based experiment was used. Eight distinct scenarios were created to replicate as closely as possible existing ecological scandals. With a convenience sample of 464 university students, results show that ecological values and environmental concerns have a low effect on the perceived seriousness of the scandal and indirectly the willingness to forgive when an ecological scandal occurs. On the other hand, believing in the authenticity of corporate social responsibility have a slightly influence on the perceived seriousness of the ecological scandal. In addition, the results show that the perceived seriousness of the scandal primarily impacts the willingness to forgive, more precisely its affective and cognitive dimensions. Results indicate that the behavioral dimension is not influenced by the perceived seriousness of the scandal. These results highlight interesting implications at theoretical and practical levels.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des acronymes ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1. Problématique ... 3

1.1 Scandale écologique ... 3

1.2 Volonté à pardonner ... 5

1.3 Variables susceptibles d’influencer la pardonnabilité ... 6

1.4 Question de recherche, objectif et contributions de l’étude ... 8

Chapitre 2. Recension des écrits ... 9

2.1 Scandale de marque : description et application au domaine écologique ... 9

2.2 Pardonnabilité... 11

2.2.1 Origine et fondement ... 11

2.2.2 Contexte de consommation ... 13

2.3 Influence des caractéristiques propres à l’individu ... 14

2.3.1 Valeurs écologiques ... 15

2.3.2 Implication écologique ... 18

2.3.3 Croyance en l’authenticité de la responsabilité sociale d’entreprise ... 20

2.4 Influence des variables modératrices... 21

2.4.1 Attachement émotionnel à la marque ... 21

2.4.2 Genre du répondant ... 23

2.5 Influence du contexte du scandale ... 25

2.5.1 Gravité perçue du scandale ... 26

Chapitre 3. Hypothèses de recherche et modèle conceptuel ... 28

Chapitre 4. Méthodologie ... 33

4.1 Population à l’étude ... 33

4.2 Méthode de collecte ... 34

4.3 Méthode de recherche ... 36

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4.3.2 Construction des stimuli ... 38

4.3.3 Prétests ... 40

4.4 Variables et mesures ... 42

4.4.1 Antécédents de la pardonnabilité ... 43

4.4.2 Variable modératrice : attachement émotionnel à la marque ... 48

4.4.3 Variable médiatrice : gravité perçue du scandale ... 50

4.4.4 Variable d’intérêt : pardonnabilité ... 50

4.4.5 Autres variables ... 54

4.5 Questionnaire final ... 58

4.5.1 Présentation du questionnaire finale ... 58

4.5.2 Analyse exploratoire des variables ... 60

4.6 Procédures d’analyse des données... 62

Chapitre 5. Résultats et discussion ... 65

5.1 Descriptif de l’échantillon ... 65

5.2 Retour sur le modèle conceptuel ... 66

5.3 Influence des antécédents de la pardonnabilité (H1a - H1b - H2 - H3) ... 67

5.3.1 Influence des valeurs écologiques (H1a et H1b) ... 67

5.3.2 Influence de l’implication écologique (H2) ... 68

5.3.3 Influence des croyances envers la responsabilité sociale des entreprises (H3) ... 68

5.4 Influence des variables modératrices (H4a, b, c et H5a, b, c) ... 71

5.4.1 Attachement émotionnel à la marque (H4a, b, c) ... 71

5.4.2 Genre du répondant (H5a, b, c) ... 72

5.5 Effet de la gravité perçue du scandale sur la pardonnabilité (H6a, b, c) ... 72

5.5.1 Pardonnabilité : affective (H6a) ... 72

5.5.2 Pardonnabilité : cognitive (H6b) ... 73

5.5.3 Pardonnabilité : comportementale (H6c) ... 74

5.6 Discussion ... 78

5.6.1 Synthèse des antécédents sur la pardonnabilité ... 78

5.6.2 Synthèse des modérateurs sur la pardonnabilité ... 83

5.6.3 Synthèse de la gravité perçue sur les dimensions de la pardonnabilité ... 86

5.6.4 Particularités à souligner ... 90

Chapitre 6. Contributions, limites et perspectives futures ... 94

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6.2 Limites ... 95

6.3 Perspectives futures de recherche ... 96

Conclusion générale ... 99

Bibliographie ... 100

Annexe A : Scénarii ... 127

Annexe B : Questionnaire ... 133

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Liste des tableaux

Tableau 1. Plan expérimental ... 37

Tableau 2. Résultats des prétests en fonction de chacun des scénarii (scén.) ... 41

Tableau 3. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent les valeurs écologiques ... 44

Tableau 4. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent l’implication écologique ... 46

Tableau 5. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent la croyance en l’authenticité de la RSE ... 48

Tableau 6. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent l’attachement à la marque ... 49

Tableau 7. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent la gravité perçue ... 50

Tableau 8. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent la pardonnabilité ... 51

Tableau 9. Liste des items dans le questionnaire final qui mesurent la pardonnabilité ... 53

Tableau 10. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent l’attachement à la région ... 55

Tableau 11. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent la désirabilité sociale ... 56

Tableau 12. Synthèse des variables avant et après le prétest ... 57

Tableau 13. Synthèse des variables antécédentes et modératrices du questionnaire (n=464) ... 60

Tableau 14. Synthèse des statistiques descriptives en lien avec les scénarii ... 61

Tableau 15. Profil selon le sexe des répondants dans l’échantillon (n=464) ... 65

Tableau 16. Profil selon l’âge des répondants dans l’échantillon (n=464) ... 66

Tableau 17. Profil selon la région d'origine des répondants dans l’échantillon (n=464) ... 66

Tableau 18. Test ANOVA sur les antécédents de la pardonnabilité ... 70

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Liste des figures

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Liste des acronymes

MDS Méthode des scénarios

RTC Réseau de transport de la Capitale RSE Responsabilité sociale d’entreprise

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Remerciements

Ce projet de maîtrise de longue haleine m’a permis de me dépasser et d’accomplir un projet qui me rend fière. C’est aussi un travail collectif dont le cheminement a été épaulé par plusieurs individus qui m’ont apporté support et aide. Je profite de cette occasion pour leur adresser un remerciement tout particulier.

Je tiens d’abord à sincèrement remercier mon directeur de recherche, M. Bernard Korai, pour son expertise, ses judicieux conseils, son aide ainsi que sa disponibilité pour ce mémoire. Il m’apparaît impossible de suffisamment le remercier pour la confiance qu’il m’a octroyée tout au long de ce cheminement. Je tiens également à mettre un point d’honneur sur son ouverture d’esprit qui a permis à ce projet expérimental de prendre forme. Merci infiniment.

Il me faut également souligner le travail important du corps professoral en Sciences de la consommation qui favorise des relations d’échange et de partage conviviales avec les étudiants. Toujours à l’écoute, vous savez être très rassurants et motivants. Je vous remercie pour ce soutien. Je tiens aussi à témoigner ma reconnaissance pour mes parents qui ont su me soutenir lors des moments de doute et d’incertitude sur mes perspectives d’avenir. Ils ont toujours été des mentors et m’ont toujours appuyé dans mes projets. Merci pour tout.

Pour terminer, un énorme merci à mes collègues étudiants. Votre écoute et vos idées ingénieuses ont permis de propulser encore plus loin les réflexions de ce projet. Il m’est d’ailleurs impensable de ne pas souligner le support inconditionnel de ma collègue étudiante et meilleure amie Patricia Long. Sa bonne humeur, ses encouragements et sa compréhension m’ont permis de garder un bon moral et de mettre à terme ce travail.

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Introduction

Depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain de 1972, l’écologie ne cesse d’être une préoccupation mondiale majeure (Benoît-Moreau et Parguel, 2016; Cincerra et Krajhanzi, 2013; Diemer et Labrune, 2007; Thiery-Seror, 1996). Il suffit de constater à quel point les questions environnementales sont présentes dans les sphères politique et économique (Diemer et Labrune, 2007; Weiss et Girandola, 2010). À titre d’exemple, il est possible de mentionner la Conférence de Rio de 1992, la Cop21 de 2015 et le Forum économique de Davos de 2018. Pendant longtemps, les réflexions sur les notions de développement et de croissance durable étaient essentiellement ancrées dans une vision économique de type linéaire, c’est-à-dire que les gouvernements se focalisaient sur la production mécanique et à grande échelle de biens et services (Cooper, 2008; D'Otreppe, 2015). De nombreuses voix se sont élevées afin d’interpeller les gouvernements et les consommateurs sur la nécessité d’une modification des habitudes de consommation (Benoît-Moreau et Parguel, 2016; Bigot, Hoibian, et Daudey, 2014; Cooper, 2008; Gendron, Lapointe, Champion, Belem, et Turcotte, 2005; Jacques, 2009; Thiery-Seror, 1996). Ces critiques ont ainsi favorisé la prise en compte de l’importance du changement des choix de consommation dans le modèle de durabilité.

D’ailleurs, il est observé que les consommateurs, de partout à travers le monde, sont de plus en plus sensibles aux signaux écologiques (ex. : produits dits verts, aliments biologiques, étiquettes écoresponsables, etc.) pendant leur processus décisionnel (Commissariat général au développement durable, 2018; Durif et Boivin 2017; Eurobarometer, 2008; Monnot et Reniou, 2013). En effet, 55% des individus à travers le monde se sentent très concernés par les problèmes environnementaux et sont conscients des impacts écologiques de leurs achats (Bodger et Monks, 2009). Également, 50% des individus placent l’environnement au premier rang de leurs priorités (Pew Research Center, 2015). En France, 57% des Français s’efforcent de poser des gestes favorables pour l’environnement même si ces actions peuvent engendrer des coûts supplémentaires (Commissariat général au développement durable, 2018). Plus près du contexte de l’étude, une recherche de Recyc-Québec (2015) indique que près de 81% des répondants québécois ressentent un sentiment d’urgence à poser des gestes durables pour favoriser la protection de l’environnement. Selon l’Observatoire de la consommation responsable du Québec (2015), près de 48% des consommateurs québécois recherchent des informations écoresponsables sur les produits et services pendant leurs achats quotidiens. Plus récemment, le Baromètre de la consommation responsable de 2017 a mis en évidence que 86% des

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consommateurs québécois sont à la recherche de produits plus durables. Que ce soit en achetant des produits écologiques ou en adoptant des comportements responsables, les consommateurs se disent aujourd’hui prêts à utiliser leur pouvoir d’achat afin de participer aux bonnes pratiques écologiques (Commissariat général au développement durable, 2018; Durif et Boivin, 2017; François-Lecompte et Valette-Florence, 2006; Terrachoice, 2010).

Cet intérêt pour la vertu écoresponsable engendre une pression énorme sur les organisations (Benoit-Moreau, Larceneux, et Parguel, 2010; Diemer et Labrune, 2007) qui ne peuvent plus se permettre d’ignorer cette préoccupation (Persais, 2002). Elles doivent, dorénavant, incorporer une perspective de durabilité dans leur modèle d’affaires (Persais, 2002). La littérature indique que plusieurs bénéfices sont rattachés à la prise en compte des aspects écologiques par les organisations. Celles l’ayant intégré dans leur modèle d’affaires ont acquis un avantage concurrentiel dû, notamment, à l’ouverture de nouveaux marchés écoresponsables (Hett, 2014; Persais, 2002; Thiery-Seror, 2005). En plus d’améliorer leur image (Benoit-Moreau et Parguel, 2016; Dupuy, 2007; Miled et Farhani, 2012; Parguel et Benoit-Moreau, 2011) et leur réputation (Schlegelmilch et Pollach, 2005; Swaen et Chumpitaz, 2008), ces organisations ont aussi bénéficié d’une hausse de leurs revenus (Ferron, Funchal, Nossa, et Teixeira, 2012; Hett, 2014; Lanoie, Ambec, et Scott, 2007; Thiery-Seror, 2005). À titre d’exemple, l’entreprise américaine d’accessoires et de vêtements de sport, Patagonia, favorise des matériaux durables comme le coton biologique et le polyester recyclé (Lessard, 2016). L’entreprise projette une image positive auprès des consommateurs, en plus, de récolter un succès économique énorme (Lanoie et al., 2007). Plus précisément, un an après s’être affichée entreprise durable, les ventes ont augmenté de près d’un tiers (543 millions) et l’année suivante, en 2013, elles s’élevaient à 575 millions (Spivey, 2015).

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Chapitre 1. Problématique

1.1 Scandale écologique

S’il est vrai que cette orientation verte des organisations valorisant les arguments écologiques est promue, il semble qu’elle présente de nombreuses faiblesses récurrentes (Theys, 2014). Entre autres, l’ambigüité conceptuelle, lancée par Maier (1999), montre qu’il y a plusieurs interprétations possibles dans la signification des termes « durabilité » ou « soutenabilité », dans la pluralité des définitions se rapportant à ces concepts ainsi que dans l’hétérogénéité des objectifs qu’ils promeuvent (Theys, 2014). Le flou et la malléabilité du concept permettent à certaines organisations d’utiliser faussement les vertus écologiques pour promouvoir leurs produits et services afin d’attirer les consommateurs (Benoît-Moreau et al., 2010; Benoît-(Benoît-Moreau et Parguel, 2016; Desgagné-Éthier, 2014). Pour certains chercheurs, l’expression verte n’est qu’un outil marketing stratégique (Theys, 2014). Selon le bilan Publicité et Environnement de l’ARPP, les publicités présentant des allégations écologiques ont quintuplé entre 2006 et 2009. De plus, entre 2009 et 2010, le nombre de produits prétendant être écologiques (ex. : utilisation de la couleur verte, du terme durable, d’étiquettes et de certifications environnementales, etc.) a augmenté de 73% (Terrachoice, 2010). Ces nombreuses entreprises communiquant publiquement leur implication environnementale génèrent des attentes chez les consommateurs (Schlegelmilch et Pollach, 2005). Elles sont alors soumises aux risques de la découverte d’une incohérence d’écart entre leurs propos et leurs actes (Benoît-Moreau et al., 2010). Les recherches antérieures ont montré qu’une information négative à propos d’une marque (ex. : fausses allégations écologiques) dégrade beaucoup plus la perception qu’une information positive ne l’améliore (Parguel et Benoit-Moreau, 2007). De ce fait, l’implication ultérieure de la marque ou de l’entreprise dans des scandales environnementaux engendre des conséquences financières néfastes (baisse du chiffre d’affaires ou baisse d’achalandage) (Korkofingas et Ang, 2011; Pons et Souiden, 2012), mais aussi, sur son image (Swaen et Vanhamme, 2003; Tsarenko et Tojib, 2015) et sur la confiance que les consommateurs lui accordent (Benoît-Moreau et al., 2010; Tsarenko et Tojib, 2015). L’étude menée par Cone communication (2011) révèle que 37% des répondants n’achèteront plus aucun produit de l’entreprise qui a abusé de leur confiance en s’affichant faussement écologique. À titre d’exemple, l’entreprise Total, impliquée dans le scandale écologique du naufrage du pétrolier Erika en 1999, a eu des répercussions immédiates et durables sur leur image d'entreprise (Baccou, Bertrand,

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Nestlé s’est vu pointer du doigt par l’ONG Greenpeace la dénonçant de contribuer à la déforestation en Indonésie et ainsi, d'entrainer l’extinction des grands singes, les Orangs-outangs (Lefebvre, 2015; Luthun, 2010). Nestlé a dû s’expliquer auprès du public et revoir leur chaîne d’approvisionnement afin de tempérer la colère des consommateurs (Lefebvre, 2015).

Malgré son importance comme domaine de recherche, très peu d’informations sont disponibles quant à l’impact des scandales écologiques causés par une entreprise sur la réaction des consommateurs. Il est à noter que le scandale peut être défini comme étant un événement fâcheux lié à des actions en contradiction avec les valeurs et les codes sociaux, moraux ou légaux créant de l’indignation de la part des consommateurs (Depardon, Korchia, et Plusquellec, 2015; Lindenmeier, Schleer, et Pricl, 2012; Reuber et Fischer, 2010). La littérature porte largement sur les conséquences des scandales liant un porte-parole et une marque (Bélanger, 2013; Béroard et Parmentier, 2014; Breberina, Shukla, et Schwaiger, 2013; Depardon et al., 2015; Fong et Wyer, 2012). C’est le cas, par exemple du scandale de nature sexuelle lié à Tiger Woods et à son association avec Nike. Toutefois, elle demeure peu explorée quant aux marques ou entreprises impliquées dans un scandale de nature écologique. Par conséquent, l’étude du scandale, dans le domaine environnemental, semble être une voie de recherche très intéressante.

Le récent scandale environnemental de l’entreprise Volkswagen (c.-à-d. l’installation d’un logiciel pour manipuler les tests d’émissions polluantes) surnommé le dieselgate (Auffhamer, 2015), a rappelé la nécessité d’approfondir les connaissances sur la manière dont les consommateurs peuvent réagir face à une transgression écologique. La littérature rapporte que les consommateurs qui se sentent floués dans leur confiance ont généralement tendance à adopter des comportements radicaux tels que la vengeance (ex. : vandalisme) (Bui et Décaudin, 2012; Ysseldyk, 2005), la colère (Anton, Comarero, et Carrero, 2007), les plaintes et poursuites (Bui et Décaudin, 2012) et le boycott (Ben Khelil et Bouslama, 2015; Cissé-Depardon et N’Goala, 2009, Cone communication, 2011; Klein, Smith, et John, 2004) vis- à- vis des entreprises fautives.Or, cette hypothèse est loin d’être vérifiée en ce qui concerne la sphère environnementale où le consommateur semble, à la base, avoir un comportement paradoxal (Belin, Douai, Lavaud, Lazaric LeGuel, et Oltra, 2012; Monnot et Reniou, 2013). Il est connu que les consommateurs, en dépit de leurs intentions favorables pour l’écologie, n’adoptent pas forcément des comportements reflétant leurs intentions d’achat (Carrigan et Attalla, 2001; Devinney, Auger, et

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Eckhardt, 2010; Durif et Boivin, 2018; Lombardot et Mugel, 2015; Nordlund et Garvill, 2002). Certains scandales environnementaux dans le passé (ex. : Total, Nestlé ou Volkswagen) mettent en évidence que les consommateurs peuvent continuer à entretenir une relation d’affaires avec l’entreprise fautive (Aaker, Fournier, et Brasel, 2004; Bhattacharjee, Berman, et Reed, 2013; Depardon et al., 2015). Plus précisément pour le scandale de Volkswagen, les récentes études démontrent que moins de deux ans après le dieselgate, les ventes pour le géant automobile allemand ont atteint leur paroxysme (Agence France-Presse, 2018). Ainsi, dans un contexte spécifiquement écologique, les consommateurs sont amenés à réagir différemment et non systématiquement de manière négative.

1.2 Volonté à pardonner

Bien que les possibilités de réactions du consommateur face à un scandale soient multiples (Tsarenko et Tojib, 2015), cette recherche s’intéresse spécifiquement à la pardonnabilité en raison de ses nombreuses conséquences affectives (attachement à la marque au lieu de la rejeter), cognitives (restauration de la perception de l’entreprise) et comportementales (relation d’affaires avec l’entreprise retrouvée et maintenue) sur les consommateurs (Bies, Barclay, Tripp, et Aquino, 2015; Zourrig, Chebat, et Toffoli, 2009) et sur les organisations (Benoît-Moreau et al., 2010). Au contraire des autres réactions (ex. : vengeance, colère, boycott, etc.), la pardonnabilité peut renverser l’effet négatif d’un scandale, c’est-à-dire que les consommateurs peuvent remplacer les émotions négatives qu’ils entretiennent à l’égard des entreprises par des émotions positives (Chung et Beverland, 2006). Dans la littérature, la pardonnabilité est depuis longtemps travaillée dans plusieurs domaines d’étude (ex. : théologie, psychologie, anthropologie, etc.) (Amorim Soares, 2009; Bies, et al., 2015; Tsarenko et Tojib, 2015). Une synthèse des conceptualisations émanant de ces champs disciplinaires permet de définir la pardonnabilité comme étant la capacité d’une personne à pouvoir pardonner ou non une transgression commise (Goulakos, 2009). Plus précisément, elle se réfère à un acte permettant de renoncer à la colère, au ressentiment et au désir de vengeance contre la personne ou l’organisation ayant causé préjudice en remplaçant les émotions et les pensées négatives par des positives (Bies et al., 2015). Le terme « pardonnabilité » est traduit de l’anglais par le mot forgiveness et est suggérée par Amorim Soares (2009) et Goulakos (2009) dans la littérature scientifique francophone pour décrire la volonté à pardonner. N’ayant pas de substitut plus adéquat en français de l’expression anglaise forgiveness, l’utilisation du terme « pardonnabilité » est donc employée dans le cadre de cette recherche.

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1.3 Variables susceptibles d’influencer la pardonnabilité

Les recherches antérieures ont montré que les variables les plus souvent étudiées pour expliquer la volonté à pardonner et ce, tous domaines confondus, sont la crédibilité des accusations (Cissé-Depardon et N’Goala, 2009), la religion des individus (McCullough et Worthington, 1999; Mullet, Barros, Frongia, Usai, Neto, et Shafighi,2003), l’âge (Goulakos, 2009; Ysseldyk, 2005), la gravité perçue de la faute (Aaker et al., 2004; Depardon et al., 2015) et l’attachement émotionnel à l’égard du transgresseur ou de la marque (Beverland, Chung, et Kates, 2009; Fournier, 1998; McCullough, Worthington, et Rachal, 1997). Dans le cadre de cette recherche, la gravité perçue du scandale est retenue en tant que variable médiatrice variant en fonction de l’intensité du scandale écologique. En effet, la littérature dénote qu’une faute jugée plus sévère est plus difficile à pardonner (McCullough, Fincham, et Tsang, 2003; Tsarenko et Tojib, 2015) et a un impact davantage négatif sur l’attitude des consommateurs (Depardon et al., 2015). Selon Aaker et ses collaborateurs (2004), la gravité de la faute varie en fonction de la perception de l’événement, mais demeure quand même susceptible d’affecter la pérennité de la relation entre l’entreprise et le consommateur.

Par ailleurs, l’attachement émotionnel à la marque est mobilisé, car il a un rôle potentiel direct sur la réaction des consommateurs (Depardon et al., 2015). Les consommateurs fortement attachés voudront éliminer les informations incohérentes avec l’image qu’ils ont de la marque et iront jusqu’à procéder à une distorsion de la réalité pour maintenir leur relation d’attachement (Depardon et al., 2015). Étant donné les relations solides qu’entretiennent certains consommateurs avec les entreprises (Fournier, 1998; Fournier et Mick, 1999), la pardonnabilité permet de restaurer cette relation d’attachement à sa situation initiale, c’est-à-dire celle d’avant la transgression (Chung et Beverland, 2006). Dans ce sens, l'attachement émotionnel peut interférer sur la réaction des consommateurs et est, par conséquent, utilisé comme une variable modératrice.

Or, considérant que la recherche s’intéresse à un contexte spécifiquement écologique, il a été jugé opportun d’inclure des variables employées dans un contexte environnemental afin de mieux saisir la pardonnabilité des consommateurs. Il n’existe pas de recherche s’étant intéressée aux facteurs susceptibles d’expliquer la pardonnabilité du consommateur en contexte écologique. Néanmoins, en se basant sur certaines études, il est possible d’identifier quelques variables explicatives de la

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pardonnabilité (Amorim Soares, 2009; Bies et al., 2015; Depardon et al., 2015; Goulakos, 2009; McCullough, Pargament, et Thoresen, 2000; Zourrig et al., 2009).

De ce fait, certains principaux construits peuvent être utilisés pour expliquer le comportement du consommateur dans le domaine environnemental (Thiery-Seror, 1996). La sensibilité croissante à l’environnement pourrait entrainer les individus à juger plus sévèrement une entreprise impliquée dans une transgression environnementale (Persais, 2002). Selon la théorie de la cohérence cognitive (Abelson, Aronson, McGuire, Newcom, Rosenberg, et Tannenbaum, 1968), les individus s’efforcent d’être en accord avec leurs valeurs à travers leurs différents comportements (Gierl et Stumpp, 1999). Celles-ci sont considérées comme une ligne de conduite qui est un déclencheur central d’une réaction permettant l’évaluation et l’adoption d’un comportement par rapport à une situation (De Groot et Steg, 2008; Gierl et Stumpp, 1999; Stern, 2000). Il est possible de supposer, par externalité, que les valeurs écologiques des individus auront un impact sur l’évaluation de la réaction et le comportement à adopter face à un scandale de nature écologique. Dans le même sens, un consommateur fortement impliqué écologiquement (ex.: cause écologique, actions concrètes déployées, etc.) a tendance à adopter un comportement différent et à interpréter une situation d’une manière distincte de ceux étant peu ou pas impliqués (Cervellon, 2012; Chan, 2000; Chan, Leung, et Wong, 2006). De ce fait, il devient intéressant de constater l’effet de l’implication écologique des individus sur leur réaction face à un scandale de nature écologique. De plus, la croyance en l’authenticité de la responsabilité sociale d'entreprise altère possiblement la réaction des consommateurs (Biehal et Sheinin, 2007; Tsarenko et Tojib, 2015). Les entreprises utilisant des discours de durabilité de manière non authentique écornent leur réputation (Parguel, Benoît-Moreau, et Larceneux, 2011). Elles engendrent également une réaction forte et négative de la part des consommateurs (Gauché, Mullet, et Chasseigne, 2005; Goulakos, 2009; Mullet, Houdbine, Laumonier, et Girard, 1998) ce qui pourrait potentiellement induire un effet contreproductif à la pardonnabilité.

Également, le genre semble influencer la réaction des individus dans un contexte environnemental. Puisque les études révèlent que les femmes adoptent davantage des gestes écologiques et ont un comportement d’achat plus vert que les hommes (Belin et al., 2012; Diamantopoulos, Schlegelmilch, Sinkovics, et Bohlen, 2003; Durif et Boivin, 2016), ceci laisse supposer qu’elles réagiront plus négativement lorsqu’une entreprise est impliquée dans un scandale écologique et par résultante,

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qu’elles pardonneront plus difficilement. Dans ce contexte, le genre des individus est mobilisé en tant que variable modératrice pouvant potentiellement influencer certaines relations.

1.4 Question de recherche, objectif et contributions de l’étude

De l’ensemble de ces explications découle principalement une question de recherche qui est la suivante :

Qu’est-ce qui pourrait expliquer la tendance des consommateurs à la pardonnabilité (le fait de pardonner ou non une entreprise) quand survient un scandale environnemental ?

L’objectif principal de la recherche vise donc principalement à tester un modèle théorique du comportement du consommateur en contexte écologique. Plus précisément, l’étude tente d’identifier quelles sont les variables les plus susceptibles d’influencer la propension au pardon. Concrètement, dans quelle mesure chacune des variables identifiées ci-haut peut avoir un effet sur la réaction du consommateur dans un contexte de scandale écologique. Pour ce faire, cette recherche endosse une approche exploratoire en établissant certains jalons dans la littérature. L’objectif n’est donc pas d’inférer les résultats à la population générale, mais bien d’établir certaines pistes de réflexion. Dans ce sens, les résultats de cette recherche permettront ainsi d’identifier des facteurs pouvant affecter le comportement du consommateur dans un domaine d’étude peu exploré à ce jour qu’est la pardonnabilité en contexte de consommation et en contexte écologique.

Les principales contributions de l’étude sont d’apporter de nouvelles connaissances scientifiques et managériales sur les variables qui influencent la propension des consommateurs à pardonner dans un contexte pro-environnemental. Pour le domaine scientifique, dans la mesure de ses moyens, cette recherche, en abordant ces différentes variables, essaie de combler le peu d’investigations sur le concept de pardonnabilité en comportement du consommateur de manière générale et plus spécifiquement dans le champ de la recherche pro-environnementale (Tsarenko et Tojib, 2011; Zourrig et al., 2009). Du côté managérial, elle permet, pour les organisations, de mieux comprendre les mécanismes du scandale de nature écologique sur la réaction des consommateurs. Également, la recherche vise à identifier quels sont les antécédents les plus significatifs permettant de favoriser la volonté à pardonner et à formuler à partir de ceux-ci, des pratiques idoines susceptibles de minimiser les répercussions négatives du scandale sur le comportement du consommateur.

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Chapitre 2. Recension des écrits

Ce chapitre s’articule autour de cinq points. Tout d’abord, il est question du fondement théorique du scandale et plus spécifiquement, son application dans le domaine environnemental. Ensuite, une revue de littérature est effectuée afin de situer les recherches scientifiques ayant traité du concept de pardonnabilité. Cette recension permet ainsi de mettre en lumière certaines variables explicatives à la volonté à pardonner dans un contexte écologique. Dans ce sens, les variables antécédentes (valeurs écologiques, implication écologique et croyance en l’authenticité de la responsabilité sociale d’entreprise) à la pardonnabilité sont expliquées et les variables modératrices (attachement émotionnel à la marque et le genre de l’individu), pouvant affecter ces relations, s'en suivent. Enfin, la variable médiatrice reliée à la pardonnabilité, soit la gravité perçue du scandale, est traitée.

2.1 Scandale de marque : description et application au domaine écologique

De manière générale, le scandale est décrit comme un phénomène social (De Dampierre, 1954; Depardon et al., 2015; Van Damme, 2013). Il est défini comme étant une contradiction devenue publique et visible qui inspire de fortes réactions de la part du public (De Blic et Lemieux, 2005; Thompson, 2000). Il est un événement troublant, générant un effet fâcheux, qui se heurte à la bonne conscience et aux valeurs sociales du public (De Dampierre, 1954; Van Damme, 2013). Même si le scandale est faux, s’il est tenu pour vrai par le public, l’événement sera tout de même scandaleux (De Dampierre, 1954).

Pour ce qui est d’un scandale d’entreprise, il est lié à des actions en contradiction à des codes sociaux, moraux ou légaux qui suscite de l’indignation de la part du public, les consommateurs (Depardon et al., 2015; Lindenmeier et al., 2010). Ils peuvent ressentir une violation de leurs valeurs et de leurs normes morales causée par une transgression non éthique ou répréhensible commise par une entreprise (ex. : exploitation d’enfants au travail, négligence des normes de salubrité, pratiques frauduleuses, pollution de l’environnement) (Depardon et al., 2015). Afin de rester en cohérence avec leurs valeurs et leurs normes, les consommateurs peuvent décider de rompre la relation qu’ils entretiennent avec l’entreprise (Bhattacharjee et al., 2013). La réaction des consommateurs peut être alors une réponse émotionnelle négative, telle que de l’indignation (Depardon et al., 2015; Lindenmeier et al., 2012) qui a un impact sur la pérennité de la relation avec l’entreprise (Aaker et al., 2004). La

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transgression commise crée également des doutes et des incertitudes qui influencent les intentions d’achat des consommateurs (Aaker et al., 2004; Depardon et al., 2015).

Les études précédentes, traitant des scandales de marques, s’intéressent principalement à l’effet du scandale sur le capital-marque (Dawar et Pillutla, 2000; Van Heerde, Helsen, et Dekimpe, 2007) et sur la confiance et la perception des consommateurs envers l’entreprise (Ma, Zhang, Li, et Wang, 2010). Il est possible de distinguer deux types de scandales d’entreprise : intrinsèque et extrinsèque (Lee, Youn, et Nayakankuppam, 2011). Le scandale intrinsèque porte sur les défauts d’un produit en fonction de sa qualité et sa performance et le scandale extrinsèque concerne davantage les problèmes sociaux et moraux qu’engendre le produit, par exemple une marque socialement irresponsable (Depardon et al., 2015; Lee et al., 2015). Dans la littérature disponible, les travaux de recherche sont davantage orientés vers les scandales intrinsèques. Par exemple, les rappels de produits de mauvaise qualité ont intéressé beaucoup de chercheurs (Barreiro, Marty, et Reis, 2005; Dean, 2004; De Matos et Rossi, 2007; Jolly et Mowen, 1985; Korkofingas et Ang, 2011; Pons et Souiden, 2012). Les scandales extrinsèques sont moins présents dans les recherches scientifiques (Depardon et al., 2015). En raison de cette lacune dans la littérature, cette étude s’intéresse principalement aux scandales extrinsèques. Parmi les différents types de scandales extrinsèques auxquelles une entreprise peut être confrontée, le scandale écologique demeure peu exploré.

Considérant le peu de recherche mobilisant les scandales écologiques, la définition de scandale écologique utilisée pour cette recherche est adaptée de la définition de la pollution rédigée en 1965 par le comité scientifique officiel de la Maison-Blanche pour la protection de l’environnement ainsi que celle proposée par Depardon et ses collègues (2015). Il est donc possible de définir le scandale écologique comme étant un événement fâcheux, causé en totalité ou en partie par une entreprise, qui engendre des modifications défavorables d’un milieu naturel pouvant affecter les espèces vivantes (animales, végétales ou humaines), les ressources naturelles, les produits agricoles et biologiques et la constitution physico-chimique du milieu naturel. Afin de saisir cette caractérisation du scandale écologique, il est possible de se référer aux quelques événements survenus au fil des années : déversement d’hydrocarbures (Exxon Valdez en 1989), marées noires causées par des négligences (naufrage d’Erika de la compagnie Total en 1999) (Baccou et al., 2009), déforestation due à l’utilisation de l’huile de palme (scandale Nestlé 2010) (Lefebvre, 2015; Manez, 2010) et l’installation d’un logiciel modifiant les résultats des tests antipollution (Volkswagen en 2015) (Auffhamer, 2015).

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De Dampierre (1954) soutient que l’effet du scandale tombe plus rapidement dans l’indifférence lorsqu’une société a peu de valeurs sociales communément partagées et qu’elle utilise des moyens de communication rapides. Ces deux caractéristiques, se retrouvant ainsi dans les sociétés actuelles, peuvent induire par conséquent un effet d’absorption au scandale. Par externalité, il est possible d’en conclure qu’il existe un potentiel effet de réversibilité du scandale ayant été commis par une entreprise. Pour comprendre l’impact des scandales écologiques sur les consommateurs, force est d’examiner la volonté à pardonner comme étant un vecteur permettant la réversibilité de l’effet négatif des scandales. Cet effet de réversibilité est d’autant plus valide dans la sphère environnementale où le consommateur agit bien souvent à contre sens de ce qui est attendu et est reconnu comme un sujet très paradoxal (Belin et al., 2012; Monnot et Reniou, 2013).

Au regard de ces explications, et spécifiquement dans le contexte écologique, l’interprétation du scandale est influencée d’une part, par des variables individuelles et d’autre part, par la nature de la faute (Depardon et al., 2015; Lee et al., 2011). Il est donc intéressant d’explorer ces deux types de variables afin de bien saisir l’entièreté du processus de la pardonnabilité. Certes, en premier lieu, il est impératif d’approfondir le concept central de cette recherche. Il en est question dans la section suivante.

2.2 Pardonnabilité

2.2.1 Origine et fondement

Depuis des siècles, la pardonnabilité demeure une question investiguée et débattue dans plusieurs domaines d’études (Bies et al., 2015; Fehr, Gelfand, et Nag, 2010; McCullough, 2008). D’Aristote, expliquant le pardon déjà dans L'Éthique à Nicomaque, au New York Times, qui publie plusieurs articles sur ce sujet chaque année (Fehr et al., 2010), le concept de pardon est présent dans les différentes cultures et perdure à travers le temps (De Waal et Pokorny, 2005; McCullough, 2008). L’acte de pardonner apporte aux victimes plusieurs effets bénéfiques sur les plans psychologique (Fehr et al., 2010; Karremans, Van Lange, Ouwerkerk, et Kluwer, 2003; Orcutt, 2006) et physiologique (Lawler, Younger, Piferi, Billington, Jobe, Edmonson, et Jones, 2003; Witvliet, Ludwig, et Vander Laan, 2001). Selon la recherche de Rhoades et al. (2007), les Américains, qui ont pardonné aux responsables de l’attentat des tours du World Trade Center de New York en 2001, ont ressenti un sentiment de bien-être en se détachant ainsi de leurs émotions négatives. D’après les chercheurs

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Enright et ses collègues (1991), la volonté à pardonner est un trait de personnalité des individus ayant un bon fonctionnement affectif (ex.: stabilité émotionnelle), cognitif (ex. : capacité de jugement ou flexibilité mentale) et comportemental (ex.: caractère agréable) (Enright et al., 1991, cité dans Goulakos, 2009).

De plus amples recherches menées par Enright et ses collaborateurs (1998) expliquent que le pardon est la volonté de renoncer à un ressentiment, à un affect négatif et à un jugement négatif envers un événement ou un acte considéré injuste, en favorisant des qualités de compassion, de générosité et d’amour envers l’événement ou la personne en cause. Pour le chercheur McCullough (2000), en raison de plusieurs motivations internes (ex. : moins de motivation à exercer des représailles contre le transgresseur, motivé par la conciliation avec le transgresseur), la pardonnabilité est un processus individuel situé dans un contexte interpersonnel spécifique où la victime adopte un comportement prosocial envers l’auteur de la transgression. Pour d’autres chercheurs tels que Wade et Worthington (2005), la pardonnabilité permet à la victime de réorienter ses émotions, ses pensées et ses actions en adoptant l’un des deux types de pardon suivants: décisionnel (changement dans l’intention comportementale) ou émotionnel (remplacer les émotions négatives par des positives). Basée sur plusieurs études sur la tendance à pardonner, une seule recherche unit les différentes définitions. La récente recherche de Bies et ses collègues (2015) définit la pardonnabilité comme étant un acte permettant de renoncer à la colère, au ressentiment et au désir de vengeance contre la personne ou l’organisation ayant causé préjudice en remplaçant les émotions et les pensées négatives par des positives.

De même, l’étude de Bies et ses collègues (2015) opérationnalise la pardonnabilité selon une perspective tridimensionnelle : affective, cognitive et comportementale. La dimension affective est définie par ses chercheurs comme étant l’impact des émotions, des sentiments et des humeurs sur la volonté à pardonner (Bies et al., 2015; Clore, Gasper, et Garvin, 2001; Van Kleef, 2010). Pour illustrer cette explication, si un individu développe des émotions négatives vis-à-vis de la transgression commise et du transgresseur, il aura davantage tendance ruminer et entretenir des tensions négatives à son égard. La dimension cognitive est, quant à elle, appréhendée comme le jugement et la perception que porte un individu à l'égard de l'événement commis et du transgresseur. Spécifiquement, celle-ci peut se rattacher à une croyance, à un jugement de pensée et à l’interprétation des arguments de nature cognitive. Elle fait ainsi référence à la façon propre à chacun de comprendre l’information perçue

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(Fehr et al., 2010). Par exemple, le fait de croire que le transgresseur ne mérite pas de conséquences négatives face aux actes répréhensibles commis induit que l'individu le pardonne de façon cognitive. Finalement, la composante comportementale traduit l’action que l’individu va entreprendre à la suite de la transgression. Dans ce sens, si l’individu pardonne de manière comportementale, il va décider de rétablir ou de maintenir la relation qu’il entretient avec le transgresseur. Ces trois dimensions, étant couramment utilisées pour illustrer la volonté à pardonner dans un contexte interpersonnel (Bies et al., 2015; McCullough, 2000; McCullough et al., 1997; Rusbult, Zembrodt, et Gunn, 1982; Siamagka et Christodoulides, 2016; Yagil et Luria, 2015), sont mobilisées dans le cadre de ce mémoire et cette définition tridimensionnelle de la pardonnabilité, suggérée par Bies et ses collaborateurs (2015), est employée.

Une nuance est aussi apportée par plusieurs auteurs qui soulignent également que la pardonnabilité n’est pas synonyme de tolérance, de réconciliation ou d’indulgence par rapport à la transgression commise (Bies et al., 2015; Wade et Worthington, 2005), mais s’apparente davantage à la capacité d’une personne à pouvoir pardonner ou non une transgression commise. Malgré plusieurs définitions énumérées précédemment, la pardonnabilité demeure un processus complexe (Zourrig et al., 2009). De ce fait, ce concept se doit d’être précisé lorsqu’il est transposé dans un contexte différent que celui interpersonnel.

2.2.2 Contexte de consommation

Le concept de pardonnabilité peut être transféré dans un contexte de consommation (Beverland, Chung, et Kates, 2009; Chung et Beverland, 2006; Fedorikhin, Park, et Thomson, 2008; Riaz et Khan, 2015; Siamagka et Christodoulides, 2016; Tsarenko et Tojib, 2011). Chung et Beverland (2006) décrivent ainsi la pardonnabilité du consommateur comme étant un effort affectif et cognitif par lequel le consommateur repositionne la transgression commise par l’entreprise en délaissant le reproche qu’il leur faisait et en transformant leurs émotions et cognitions négatives en positives. Selon la théorie proposée par Plummer (1984), les consommateurs peuvent percevoir les marques comme étant des individus dans le sens où ils développent une relation avec la marque à travers une série d’interactions et d’actions au même titre qu’une relation se crée entre deux personnes (Fournier, 1998; Ledin, Norell, Thorell, et Cyron, 2016; Tsarenko et Tojib, 2015). Par ailleurs, un consommateur entretenant des tensions négatives envers une marque peut essayer de réguler ses émotions et d’ajuster ses cognitions afin de mieux gérer le stress engendré par le scandale (McCullough et Worthington, 1995;

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Tsarenko et Tojib, 2011). La pardonnabilité fait donc le lien entre la situation stressante et le processus d’adaptation (Tsarenko et Tojib, 2011; Worthington, 2006). Par conséquent, lorsqu’un consommateur accepte de pardonner, ses motivations négatives (ex. : évitement, vengeance, etc.) diminuent jusqu’à pratiquement être éliminées (Goulakos, 2009; McCullough, Bellah, Kilpatrick, et Johnson, 2001). La définition de Bies et ses collaborateurs (2015), présentée en amont, peut ainsi se transposer dans cette situation de consommation.

Il est également possible de mobiliser le modèle tripartite du pardon, expliqué précédemment, appliqué dans un contexte de consommation. En effet, la récente étude de Siamagka et Christodoulides (2016) innove en soutenant que les trois dimensions de ce concept peuvent être transférées dans ce contexte spécifique. Par conséquent, en fonction des dimensions affective, cognitive et comportementale, il est possible de mieux capter le processus de pardon des consommateurs. En outre, il n'en demeure pas moins que peu de recherches dans le domaine de la consommation ont tenté d’utiliser ce modèle tridimensionnel pour expliquer la volonté à pardonner. Il s’avère donc très intéressant de s’y concentrer et d’y en apporter de nouvelles pistes de réflexion.

Cette recherche s’intéresse tout particulièrement à la volonté à pardonner dans un contexte de consommation pro-environnemental. De ce fait, il est important de recenser différents facteurs afin de comprendre la volonté à pardonner des individus. Plus spécifiquement, des variables individuelles se rattachant aux individus ainsi que des variables modératrices peuvent être explorées. À celles-ci s’ajoutent une variable structurelle qui se rattache concrètement à l’effet du scandale soit la gravité perçue de celui-ci. L’ensemble de ces variables est traité dans les sections suivantes.

2.3 Influence des caractéristiques propres à l’individu

Puisque les variables individuelles des consommateurs sont des facteurs qui semblent jouer un rôle majeur sur la volonté à pardonner (Amorim Soares, 2009; Goulakos, 2009; Ledin et al., 2016; McCullough, 2001), plusieurs recherches ont été recensées quant aux variables pouvant influencer la volonté à pardonner dans un contexte écologique. Selon les chercheurs, la sensibilité environnementale est souvent associée aux valeurs écologiques des individus, aux attitudes et aux comportements observés (Böcker, Hausruckinger, et Herke, 1991; Thiery-Seror, 1996). Plus précisément, la littérature montre que l’acceptation ou le refus d’un message écologique provenant de l’entreprise semble être déterminé par la conscience écologique (les valeurs environnementales),

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l’implication écologique (comportements observés) des consommateurs envers la protection de l’environnement (Cervellon, 2012; Chan, 2000; Chan et al., 2006; Shrum, McCarthy, et Lowrey, 1996) et la croyance en l’authenticité des discours de la responsabilité sociale d'entreprise (RSE) (David et Lambotte, 2012). De ces explications, ces trois variables sont étudiées dans ce mémoire.

2.3.1 Valeurs écologiques

Le comportement humain contribue à plusieurs problèmes liés à l’environnement tels que le réchauffement climatique ou la déforestation, mais demeure tout de même essentiel pour contribuer aux solutions (Gardner et Stern, 2002; Nickerson, 2003). En effet, des études montrent que certains problèmes environnementaux sont dus à l’enracinement des valeurs des citoyens (De Groot et Steg, 2008). Selon les recherches de Schwartz (1992), le concept de valeur se définit comme « a desirable transsituational goal varying in importance, which serves as a guiding principle in the life of a person or other social entity » (p. 21). Plus précisément, une valeur peut référer à une croyance selon laquelle l’humain va être amené à agir en fonction de ses préférences (Allport, 1963), et elle sert de ligne directrice pour l’adoption de comportements ou l’évaluation d’une situation (De Groot et Steg, 2008). Les valeurs servent donc à guider les individus dans leurs actions et jugements à travers les différentes situations (Rokeach, 1968). Par exemple, l’association d’une valeur à un produit ou service permet aux individus, qui acquièrent l’objet, d’exprimer leurs valeurs à travers la composante symbolique du produit lui-même (Thiery- Seror, 1996).

Dans un contexte environnemental, plusieurs recherches se sont intéressées aux relations entre les valeurs, les croyances et les intentions (DeGroot et Steg, 2008; Gärling, Fujii, Gärling, et Jakobsson, 2003; Joireman, Lasane, Bennett, Richards, et Solaimani, 2001; Nordlund et Garvill, 2002; Schultz et Zelezny, 1998). Autant dans un raisonnement théorique qu’empirique, les études antérieures ont montré que les valeurs jouent un rôle significatif pour l’explication de certains comportements adoptés et sont, par conséquent, une variable prédictive des attitudes et des intentions comportementales (De Groot et Steg, 2008; Stern, 2000; Stern et Dietz, 1994). Zelezny, Chua et Aldrich (2000) définissent les valeurs écologiques comme « the expression of motivational concern for environmental issues based upon an individual’s conception of humanity’s relationship to the environment » (p. 446). Selon la théorie de la cohérence cognitive (Abelson et al., 1968), les individus s’efforcent d’être en concordance avec leurs valeurs en fonction des différents comportements qu’ils adoptent (Gierl et Stumpp, 1999). Les valeurs, étant considérées comme une ligne de conduite, sont ainsi un déclencheur primordial

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dans l’évaluation et l’adoption d’un comportement par rapport à une situation (De Groot et Steg, 2008; Gierl et Stumpp, 1999; Stern, 2000). Par conséquent, appliqué à la sphère environnementale, il est possible de spéculer que les valeurs écologiques des individus influencent l’évaluation de la réaction et le comportement à adopter face à un scandale de nature écologique. De ce fait, en se basant sur la théorie de la cohérence cognitive, les individus ayant davantage de valeurs écologiques peuvent réagir davantage négativement envers l’entreprise impliquée dans un scandale écologique, en raison qu’ils adopteront fort probablement un comportement concordant avec leurs valeurs.

Selon les études précédentes, les individus véhiculant des valeurs collectives et sociales sont davantage engagés dans des formes d’altruisme, de partage et d’intérêt collectif (De Groot et Steg, 2008; Nordlund et Garvill, 2002; Schwartz’s, 1992; Stern, Dietz, et Black, 1985). Plus précisément, les formes d’altruismes font référence à un geste qui bénéficie pour autrui ou pour la planète (Thiery-Seror, 1996). Inversement, les individus axés sur l’individualisme priorisent davantage l’accomplissement, les intérêts et la réussite personnelle (De Groot et Steg, 2008; Nordlund et Garvill, 2002; Schwartz, 1992; Stern et al., 1985). Les recherches précédentes soutiennent que les individus priorisant les intérêts collectifs ont tendance à développer des valeurs écologiques plus profondes et à s’engager dans différents types de comportements pro-environnementaux (De Groot et Steg, 2008; Gärling et al., 2003; Joireman et al., 2001; Nordlund et Garvill, 2002; Stern et Dietz, 1994; Stern et al., 1985; Zelezny et al., 2000).

Plusieurs théories ont été développées pour catégoriser les valeurs environnementales telles que le « mouvement écologique superficiel et le mouvement profond » (shallow versus deep ecology) (Naess et Rothenberg, 1989), les valeurs homocentriques, écocentriques et égocentriques (Merchant, 1992), les valeurs égoïstes, social-altruistes et biosphériques (Stern, Dietz, et Kalof, 1993) et l’approche écocentrique et anthropocentrique des valeurs (Eckersley, 1992; Thompson et Barton, 1994). Suggérée par Thompson et Barton (1994), cette vision écocentrique - anthropocentrique est étroitement liée à celle de Stern et ses collaborateurs (1993). En effet, les valeurs biosphériques présentées par Stern et al. (1993) se rattachent à l’approche écocentrique et les valeurs égoïstes et social-altruiste de Stern et al. (1993) peuvent être reliés davantage à l’approche anthropocentrique (Thompson et Barton, 1994). Conséquemment, basée sur cette assise, l’approche écocentrique-anthropocentrique est mobilisée dans le cadre de cette recherche, puisqu’elle semble plus complète et robuste que ses antagonistes. Ce constat s’avère d’autant plus vrai considérant que la théorie des

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valeurs de l’approche écocentrique et anthropocentrique semble la plus contribuée à l’explication des croyances environnementales (De Groot et Steg, 2008). Bien que les deux approches aient une attitude positive envers l’environnement, les motifs pour lesquels les individus participent à la préservation et la protection l’environnement ont une visée bien différente (Nordlund et Garvill, 2002; Thompson et Barton,1994). Elles prennent ainsi fondement dans deux approches distinctes qui se doivent d’être précisées.

En ce sens, la vision écocentrique est motivée par la croyance qu’il est essentiel de protéger l’écosystème et la biosphère, plus précisément, de préserver tous les organismes vivants (faune et flore), les ressources naturelles, les milieux naturels, etc. (De Groot et Steg, 2007; Eckersley, 1992; Thompson et Barton, 1994). Selon cette perspective, toute forme de vie est importante qu’elle soit utile à l’homme ou non. En effet, les individus favorisant cette approche considèrent l’environnement plus important que le développement économique du pays et parfois plus primordial que leur qualité de vie. Par exemple, la déforestation nuit aux écosystèmes y habitant en plus de menacer la vie de plusieurs espèces autant animales que végétales. Le bien-être de la biosphère est donc essentiel (De Groot et Steg, 2007; Thompson et Barton, 1994).

D’un autre côté, selon Thompson et Barton (1994), l’approche anthropocentrique se rattache à une vision où l’environnement est protégé puisqu’il est utile et bénéficie à l’homme pour son bien-être, sa qualité de vie, sa santé et sa sécurité. Dans cette approche, l’environnement n’est donc pas une abstraction, mais un milieu de vie où habitent les êtres humains desquels ils sont dépendants pour maintenir et améliorer le bien-être personnel et celui des générations futures (Maljean-Dubois, 2013; Thompson et Barton, 1994). En d’autres mots, cette orientation est axée sur l’altruisme et les intérêts portés envers les individus. Par exemple, l’état de la pollution de l’air en Chine affecte les individus en engendrant des problèmes respiratoires et d’autres problèmes de santé. Dans ce sens, il devient pertinent de protéger l’environnement pour assurer la qualité de l’air aux individus. Un autre exemple peut être relié à la déforestation de plusieurs hectares de forêts pour permettre le développement de l’agriculture. De ce fait, les individus peuvent maintenir une qualité de vie élevée au détriment de l’écosystème qui subit cette déforestation.

Que ce soit l’une ou l’autre des orientations, il n’en demeure pas moins que les individus ayant des valeurs écologiques ancrées en eux ont, en général, des croyances, des intentions et des

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conséquent, lorsque survient un scandale de nature écologique, les individus vont potentiellement adopter un comportement en concordance avec leurs valeurs écologiques au regard de la théorie de la cohérence cognitive. Ainsi, ils sont plus susceptibles de sanctionner l’entreprise fautive et d’adopter une réaction négative à l’inverse de la pardonnabilité.

2.3.2 Implication écologique

Dans la sphère environnementale, une implication écologique des individus est définie comme étant une action contribuant à la préservation et la conservation de l’environnement sous laquelle elle peut prendre différentes formes (Axelrod et Lehman, 1993). Par exemple, recycler, composter, favoriser le transport en commun, donner du temps et de l’argent à des organismes environnementaux et participer activement à une cause environnementale constituent tous des actes démontrant une implication écologique de la part d’un individu (Cervellon, 2012; Kaiser et Fuhrer, 2003; Weigel et Weigel, 1978; Zaiem, 2005). La littérature rapporte aussi que l’implication écologique peut revêtir une approche plus transactionnelle puisqu’elle semble être le déterminant principal à l’adoption d’un comportement d’achat écologique (Bamberg, 2003; Cervellon, 2012; Stanley, Lasonde, et Weiss, 1996). Conséquemment, un consommateur peut utiliser son pouvoir d’achat pour acquérir un produit/service qu’il perçoit comme étant écologique et ainsi exprimer son engagement envers l’environnement en fonction de ses achats (Thiery-Seror, 1996). Dans ce sens, cet acte transactionnel est davantage fait pour la symbolique que le produit lui procure (ex. : aspects biologiques, achats responsables, achats locaux) que pour la fonction utilitaire et économique que l’objet lui assure (Thiery-Seror, 1996). En somme, même si l’implication écologique prend diverses formes (ex. : militer pour une cause environnementale, utiliser son pouvoir d’achat, etc.), il n’en demeure pas moins qu’elles prennent toute la même tangente en apportant un intérêt plus prononcé pour l’environnement.

En analysant la théorie du comportement planifié (TCP) (Ajzen, 1985; 1991), la force des intentions des individus s’avère un des déterminants qui a le plus d’influence sur le comportement d’adoption réel des individus (Fransson et Gärling, 1999). Plus spécifiquement, il semble que l’implication écologique, faisant référence à une attitude spécifique, détermine directement les intentions des individus (Ajzen 1989; Fransson et Gärling, 1999). Par conséquent, certaines études ont démontré que les différentes formes d’implications influencent directement les réactions des individus (Cervellon, 2012; O’Cass, 2000, 2004; Zaichkowsky 1985). Ce postulat est également supporté dans la sphère écologique où les différentes formes d’implication semblent déterminer la réponse des consommateurs envers la

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réception d’informations écologiques (Cervellon, 2012; Kronrod, Grinstein, et Wathieu, 2012; O’Cass, 2000).

Dans ce sens, la littérature indique qu’un consommateur peu impliqué envers l’environnement est plus facilement influencé par les messages écologiques puisqu’il possède moins de connaissances sur le sujet et analyse moins les informations écologiques véhiculées par l’entreprise (Cervellon, 2012; Chan, 2000; Chan et al., 2006). Inversement, un consommateur fortement impliqué écologiquement est plus attentif et examine de façon plus approfondie les informations écologiques diffusées par une entreprise (Benoît-Moreau et al., 2010; Cervellon, 2012; Chan, 2000; Chan et al., 2006). En effet, possédant de meilleures connaissances sur l’écologie, ces individus peuvent ainsi mieux interpréter les messages écologiques et en dégager leur propre opinion (Benoît-Moreau et al., 2010; Cervellon, 2012; Chan, 2000; Chan et al., 2006). Dans ce sens, lorsque survient un scandale écologique, les individus fortement impliqués écologiquement devraient adopter une réponse différente de ceux peu impliqués. Soutenu par Cervellon (2012), les individus peuvent ainsi adopter un comportement plus négatif envers l’entreprise qui commet une faute. Certaines recherches suggèrent qu’ils peuvent initier davantage d’actions pour nuire à l’image de l’entreprise et sont plus propices à devenir des partisans actifs pour dénoncer les actes de l’entreprise (Cervellon, 2012; Cissé-Depardon et N’Goala, 2009; Klein et al., 2004). Dans ce sens, ils peuvent adopter un comportement antonyme au pardon en entretenant des tensions et émotions négatives envers l’entreprise impliquée dans le scandale.

À la suite de ces explications, il est possible de spéculer que l’implication écologique aura une influence sur la propension à pardonner l’entreprise impliquée dans le scandale. En effet, en fonction du postulat que l’implication détermine directement les intentions et la réaction adoptées par les individus, il s’avère que l’implication écologique a un effet potentiel sur la volonté à pardonner. Ce constat est encore plus robuste considérant que les individus fortement impliqués possèdent de meilleures connaissances sur l’environnement et peuvent donc mieux interpréter les discours des entreprises. Par conséquent, lorsque survient un scandale écologique, ils prennent davantage connaissance de l’ampleur des conséquences de la faute et des répercussions à long terme de celle-ci. Dans ce sens, leur réaction pourra être altérée et fortement influencée par cette implication. Plus spécifiquement, plus un individu est impliqué écologiquement, plus il va porter une attention particulière à la gravité du scandale écologique (ex. : les conséquences sur l’environnement) et par résultante, sa volonté à pardonner l’entreprise impliquée dans le scandale environnemental devrait être moindre.

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2.3.3 Croyance en l’authenticité de la responsabilité sociale d’entreprise

Avec les différents scandales écologiques qui ont lieu dans le passé (ex.: Volkswagen, Total, etc.), le niveau de scepticisme et de méfiance envers les entreprises ayant intégré le concept de responsabilité sociale d’entreprise (RSE) s’est fortement accru (Capron, 2010). L’authenticité de la RSE est une combinaison de crédibilité et de sincérité provenant de l’entreprise (Goffman, 1981; McDonald, 2016; Scannell, 2001). Pour que les consommateurs puissent faire confiance aux actions des entreprises en matière de RSE, la communication marketing doit transmettre les actions réalisées qui ont un impact véritable et positif sur l’environnement (Binninger et Robert, 2011; David et Lambotte, 2012; Karna, Juslin, Ahonen, et Hansen, 2001). Les entreprises doivent ainsi être en cohérence avec leur discours et leurs actions qu’elles ont déjà réalisés (Bonet et Avignon, 2006; David et Lambotte, 2012) d’autant plus que les consommateurs tendent à ne pas faire confiance, à prime à bord, aux entreprises qui publicisent leurs bonnes actions (Drumwright, 1994; Pomering et Dolnicar, 2009).

En jouant sur les mots tels que « 100% naturel » ou « produit vert », les entreprises créent un flou informationnel créant davantage de confusion chez les consommateurs (David et Lambotte, 2012; Orange, 2010). De ce flou, nait un sentiment de méfiance et de scepticisme des consommateurs envers les entreprises se disant écologiques (Jahdi et Acikdilli, 2009; Pomering et Dolnicar, 2009; Proulx-Oloko, 2014; Tsarenko et Tojib, 2015). Plusieurs consommateurs vont même à associer la RSE à une volonté de greenwashing ou en français de verdissement des entreprises (Libaert, 2006; Proulx-Oloko, 2014). Le terme greenwashing est utilisé lorsque les entreprises diffusent une image responsable envers l’environnement dans leurs discours sans pour autant respecter leurs promesses (Baumgartner et Ebner, 2010; Proulx-Oloko, 2014). Il est à noter que les consommateurs ne demandent pas aux entreprises qu’elles soient irréprochables, mais bien qu’elles soient honnêtes et transparentes dans leur discours (Perez et Lestang, 2005). Au Québec, près de 68% des Québécois affirment que les entreprises communiquant des discours de RSE le font uniquement pour l’image positive qui en découle et 66% croient que les entreprises sont prêtes à mentir si elles peuvent en tirer moindrement un profit (Boivin et Durif, 2013). De ces résultats, il est possible de constater qu’une perception négative est très ancrée dans la vision de la RSE de la part des individus. En effet, les consommateurs ne semblent pas avoir confiance en l’authenticité des discours de RSE. Conséquemment, leur perception des discours de durabilité des entreprises peut être teintée par ce pessimiste.

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En concordance avec la littérature, la croyance en l’authenticité de la RSE influence la perception et la réaction des consommateurs (Biehal et Sheinin, 2007; Tsarenko et Tojib, 2015; Van Heerde et al., 2007). Ce constat se révèle d’autant plus vrai lorsque les individus ont confiance en ce que l’entreprise affirme. En ce sens, les individus qui croient en l’authenticité de la RSE se sentiront davantage floués dans leur confiance que ceux ne faisant pas du tout confiance en la RSE (Gauché et al., 2005; Parguel et al., 2011; Mullet et al., 1998). Les recherches antérieures soutiennent que les individus se sentant ainsi lésés sont plus susceptibles d’adopter des réactions fortes et négatives à l’égard de l’entreprise (Gauché et al., 2005; Parguel et al., 2011; Mullet et al., 1998) entrainant ainsi un effet contre-productif à la volonté à pardonner. Inversement, les individus sceptiques et pessimistes, n’éprouvant peu ou aucune confiance en les discours de la RSE, devraient réagir moins fortement et négativement que ceux qui ont confiance, car ils n’éprouvent pas de sentiment de trahison. En conséquence, lorsque survient un scandale de nature écologique, les individus qui font entièrement confiance en l’authenticité de la RSE peuvent favoriser des réactions négatives en raison qu’ils se sentent trahis par l’entreprise impliquée dans le scandale.

2.4 Influence des variables modératrices

2.4.1 Attachement émotionnel à la marque

Dans un contexte de consommation, la littérature rapporte que les consommateurs peuvent être impliqués et attachés (faiblement ou fortement) envers des marques, des produits, des messages publicitaires, etc. (Celsion et Olson, 1988; Cervellon, 2012; O’Cass, 2004). Plus spécifiquement, l’attachement émotionnel à la marque est une sphère de recherche récente en comportement du consommateur et attire de plus en plus de chercheurs en raison de son caractère prédictif observé dans un contexte interpersonnel (Bui et Decaudin, 2012). La théorie de l’attachement (Bowlby, 1979, 1980) explique qu’un individu étant fortement attaché à une personne ou un objet est plus favorable à faire des sacrifices pour maintenir la relation qu’il entretient avec cette personne. Abordé sous l’angle de la consommation, c’est-à-dire le lien émotionnel entre le consommateur et la marque/entreprise (Fournier, 1998; Keller, 2003; Lacoeuille, 2000; Smaoui, 2008; Thomson, MacInnis, et Park, 2005), l’attachement émotionnel correspond à une réaction affective inaltérable et durable envers la marque et se traduit par une relation de proximité psychologique avec celle-ci (Fournier, 1998; Lacoeuille, 2000). En d’autres termes, la marque et le consommateur entretiennent un lien chargé d’émotions similaire à celui que peuvent entretenir deux individus (Lacoeuilhe, 2000; Smaoui, 2008; Thomson et

Figure

Figure 1. Modèle conceptuel de la pardonnabilité intégrant les hypothèses de recherche  Légende :
Tableau 1. Plan expérimental  Entreprises
Tableau 5. Liste des items dans le questionnaire qui mesurent la croyance en l’authenticité de la RSE
Tableau 9. Liste des items dans le questionnaire final qui mesurent la pardonnabilité
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