Chapitre 6. Contributions, limites et perspectives futures
6.3 Perspectives futures de recherche
Selon les résultats obtenus, la croyance en l’authenticité de la RSE semble être l’antécédent mobilisé le plus explicatif. De ce sens, il pourrait être intéressant d’explorer de façon plus approfondie les nuances de cette variable. Les résultats ont justement montré que les participants ont majoritairement peu confiance dans les discours de la RSE. De ce fait, le degré de scepticisme envers les discours écologiques des entreprises et son impact sur la réaction des consommateurs pourrait constituer une avenue de recherche pertinente. Également, certaines études démontrent que les individus ont une plus forte tendance à pardonner s’il n’y a pas de volonté de nuire provenant du transgresseur (McCullough et al., 2003; Mullet et al., 1998). En d’autres termes, lorsqu’il y a moins de responsabilité et d’intentionnalité, la volonté à pardonner augmente (McCullough et al., 2003). Considérant cette
assise, il serait pertinent de mesurer le degré d’intentionnalité du scandale écologique provenant de l’entreprise en fonction de son discours de RSE.
De plus, au regard des résultats obtenus, il semble que le lieu géographique où le scandale survient influence la volonté à pardonner. Le scénario 5 qui impacte l’ensemble du modèle tridimensionnel de la pardonnabilité corrobore cette explication. Par conséquent, l’intégration du concept de distance psychologique (Trope et al., 2007), plus spécifiquement de la distance spatiale, serait pertinente à incorporer dans les prochains travaux. La distance spatiale se définit, selon Trope et ses collègues (2007), comme l’écart entre le lieu géographique de l’individu et l’endroit où a lieu l’événement, en l’occurrence le scandale. En ce sens, le scénario se déroulant plus près des participants pourrait être plus représentatif du comportement effectif des individus. Les individus pourraient ainsi mieux situer l’événement fictif et par conséquent, les variables mobilisées dans ce modèle conceptuel s’avéreraient potentiellement plus révélatrices. Ainsi, il serait intéressant d’instrumentaliser des scénarii à proximité du lieu spatial comparativement à éloigner géographiquement des participants pour constater l’impact de cette distance psychologique sur le processus de pardon.
Afin d’approfondir les liens exposés dans cette recherche, il serait pertinent d’utiliser un scandale réel pour mesurer l’ensemble de ce modèle conceptuel. En effet, bien que certaines limites puissent être évoquées à utiliser une situation réelle (ex. : biais médiatique, biais temporel, etc.), il pourrait être tout de même intéressant d’explorer les variables pouvant influencer le processus de pardon dans une situation de scandale réel. Avec cette approche, le facteur temporel de la transgression pourrait être intégré pour mesurer la propension à pardonner. En effet, une comparaison de deux scandales, qui se sont produits dans le passé à des intervalles de temps différents, pourrait mettre en lumière le processus de pardon en fonction du temps qui s’écoule entre la transgression et la pardonnabilité effective. Selon Wohl et McGrath (2007), une transgression qui s’est produite il y a plusieurs années est toujours plus facile à pardonner qu’une transgression venant immédiatement de se produire. Puisque la pardonnabilité est un changement psychologique qui s’échelonne sur une période de temps (McCullough et al., 2003), l’aspect temporel revêt donc une importance dans le cheminement vers le pardon (Goulakos, 2009). Par conséquent, l’utilisation de plusieurs scandales réels permettrait, peut- être, de mieux comprendre le processus de pardon. Au même titre que la distance spatiale, celle temporelle pourrait être pertinente à inclure pour des scénarii réels afin de comprendre son importance
lorsque survient un scandale. Par exemple, le scandale dieselgate de Volkswagen de 2015 semble être déjà tombé dans l’oubli, puisque deux ans après le scandale, l’entreprise a enregistré un record de ventes annuelles (Agence-Presse, 2018). De cet exemple, une autre constatation soulève une réflexion intéressante : il serait pertinent d’observer des entreprises qui ont récidivé dans des scandales de la sorte et l’impact que cela pourrait avoir sur la réaction (ex. : si Volkswagen se trouvait à nouveau dans un scandale écologique).
Dans un autre ordre idée, il aurait été pertinent d’inclure une perspective économique dans le modèle conceptuel pour mesurer si la pardonnabilité a un prix. À titre illustratif, il serait intéressant de se questionner à savoir si les consommateurs sont prêts à débourser plus pour un produit substitut afin d’exprimer leur mécontentement envers l’entreprise impliquée dans le scandale. Inversement, ceux n’étant pas enclins à payer des sommes plus élevées pardonneront peut-être plus facilement l’entreprise impliquée. Or, il faut demeurer prudent avec l’utilisation du concept « pardonnabilité », puisque par définition, la volonté à pardonner est un processus survenant à la suite d’une perception d’une transgression. Par conséquent, le concept de pardon pourrait laisser place davantage à celui de vengeance ou de boycott. Nonobstant cette explication, le facteur financier est tout de même un élément pertinent à intégrer pour une recherche s’intéressant à un scandale écologique.
Conclusion générale
À la lumière de l’ensemble de ce projet de maîtrise, l’objectif principal de cette recherche a été atteint. Il convient de rappeler que cette étude expérimentale a comme but de tâtonner plusieurs avenues de recherche impliquant trois objets de recherche distincts (pardonnabilité en consommation, contexte de scandale et condition écologique) pour en amorcer une première réflexion scientifique. L’objectif est donc de comprendre la tendance des consommateurs à pardonner (ou non) une entreprise impliquée dans un scandale écologique. Cette étude revêt donc une approche innovante dans la communauté scientifique ce qui en justifie sa pertinence.
De plus, les résultats, découlant des analyses statistiques utilisées auprès d’un échantillon de convenance de 464 étudiants de l’Université Laval, ont permis d’éprouver ce modèle conceptuel. Au regard de ces résultats, la méthode des scénarios demeure un instrument très pertinent permettant d’objectiver et d’encadrer une situation bien précise dans un contexte tout autant défini. Aussi, se rapprochant le plus fidèlement à la réalité et en utilisant des entreprises familières aux participants, les scénarii, mettant en scène des scandales écologiques, deviennent plus palpables que des scénarii fictifs. Par conséquent, ils permettent de mieux capter la réaction immédiate post scandale. De même, constatant que les valeurs et l’implication écologiques semblent peu influencer la perception de la gravité du scandale et par résultante, le pardon, cette étude permet ainsi d’orienter les prochains travaux académiques vers une approche potentiellement différente que celle mobilisée dans ce travail. Par ailleurs, dans la sphère environnementale, le consommateur est reconnu pour adopter un comportement paradoxal (Belin et al., 2012; Carrigan et Attalla, 2001; Devinney et al., 2010; Lombardot et Mugel, 2015; Monnot et Reniou, 2013; Nordlund et Garvill, 2002). Cette recherche vient d’ailleurs appuyer cette assise avec des résultats concordants. De ce fait, il appert important que de plus amples recherches s’intéressent à la réaction des consommateurs dans le contexte écologique afin d’en approfondir les connaissances actuelles et d’en comprendre les mécanismes déployés par les individus pour justifier l’adoption de comportements incohérents avec leur prédisposition écologique. Ce constat s’avère primordial, d’autant que les consommateurs ont le droit de vie ou de mort sur les entreprises. Appréhender leur réaction devient vital pour celles impliquées dans des scandales. Les différentes réflexions découlant des tests d’hypothèses permettent ainsi d’affiner la réflexion scientifique et managériale sur la volonté à pardonner des consommateurs.
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