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Synthèse de la gravité perçue sur les dimensions de la pardonnabilité

Chapitre 5. Résultats et discussion

5.6 Discussion

5.6.3 Synthèse de la gravité perçue sur les dimensions de la pardonnabilité

Pour cette deuxième partie du modèle, qui concerne les tests d’hypothèses portant sur l’influence négative de la gravité perçue du scandale sur la pardonnabilité affective, cognitive et comportementale des individus, les résultats obtenus ont permis de valider partiellement les hypothèses H6a,b,c. En effet,

seul le scénario 6 (gravité perçue élevée, RTC, approche anthropocentrique) n’obtient pas de résultats significatifs, et ce pour l’ensemble des dimensions de la pardonnabilité. Les résultats s’avèrent étroitement liés entre les dimensions affective et cognitive qui sont significatives dans six scénarii sur les sept testés. Quant à elle, la dimension comportementale se comporte autrement des deux autres dimensions. Uniquement pour le scénario 5, les résultats indiquent une relation significative pour la dimension comportementale. Ces résultats permettent d’orienter certaines pistes de réflexion.

Pardonnabilité affective et cognitive

D’abord, les dimensions affective et cognitive semblent être, au regard de ces résultats, significatives conjointement. Afin d’éviter de la redondance, il a été jugé pertinent de les traiter simultanément en fonction de ce parallélisme entre ces deux dimensions lors du processus d’interprétation du scandale (Pluzinski et Qualls, 1986). Tel qu’il a été anticipé (H6a,b), plus la transgression est perçue grave, moins

la volonté à pardonner affective et cognitive est grande. Ces résultats vont de pair avec les résultats obtenus dans plusieurs études (Boon et Sulsky, 1997; Depardon et al., 2015; Fincham, et al., 2005; Gauché et al., 2005; Girard et Mullet, 1997; Goulakos, 2009; McCullough et al., 2003; Tsarenko et Tojib, 2015). En ce sens, les résultats montrent que ce soit dans un scénario où le niveau de gravité est élevé comparativement à faible, il n’en demeure pas moins que cette perception de gravité a un effet direct sur la volonté à pardonner affective et cognitive. Ainsi, plus le scandale est positionné élevé sur un continuum de gravité, plus les individus ressentent des émotions négatives et perçoivent l’acte scandaleux. Ceci engendre une moins grande volonté à pardonner affective et cognitive. Il appert donc primordial pour les entreprises de se situer le plus bas possible sur cette échelle de gravité du scandale pour ainsi favoriser le processus du pardon affectif et cognitif.

De plus, les résultats révèlent que la gravité perçue impacte davantage la volonté à pardonner dans le cadre de scandale instrumentalisant l’approche écocentrique (la faune et la flore) que ceux ayant des répercussions sur l’approche anthropocentrique (le bien-être des humains). Concrètement, la gravité perçue dans les quatre scénarii mettant en scène l’approche écocentrique s’est avérée significative, et ce pour les deux dimensions du pardon. Malgré le fait que la variable valeurs écologiques ne semble pas être significative, il devient tout de même pertinent de mettre en lumière que la perception de la gravité des scandales mobilisant l’approche écocentrique affecte plus statistiquement la volonté à pardonner affective et cognitive que ceux instrumentalisant l’approche anthropocentrique. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’échantillon (n= 464) est composé en majorité par des individus favorisant cette approche écocentrique (x̄ = 4,34 et σ= 0,71) comparativement à l’approche anthropocentrique (x̄ = 1,90 et σ= 0,75).

Sommes toute, il est possible de spéculer que d’un côté affectif, les individus peuvent avoir été touchés émotivement par les différentes mises en scène ayant des répercussions sur la faune et flore. Concrètement, en moyenne, les répondants affirment être en accord à totalement d’accord avec les

énoncés endossant cette approche. Ainsi, eu égard cet attachement émotionnel pour la faune et la flore, il est probable que le scandale soit perçu plus grave induisant de ce fait une volonté à pardonner affective moins prompte. Pour sa part, l’aspect cognitif peut se justifier par le fait que les répondants, étant des étudiants universitaires, possèdent davantage de connaissances sur les différentes problématiques environnementales comparativement au reste de la population québécoise (Jacques, 2009). Par conséquent, ils saisissent potentiellement mieux les conséquences et les répercussions à long terme sur la faune et la flore de ces événements scandaleux. Tout ceci pourrait donc les amener à moins pardonner cognitivement, puisque le pardon cognitif, tel qu’expliqué par Bies et ses collègues (2015), se rapporte à un jugement que porte un individu vis-à-vis les événements de la transgression et de la personne fautive. Par exemple, dans leur processus d’achat, ils utilisent leurs connaissances pour s’assurer qu’un produit n’est pas testé sur des animaux (Suki, 2013). Certains vont d’ailleurs favoriser un achat local pour ses propriétés écologiques, c’est-à-dire moins de transport et par conséquent, moins d’émissions de gaz à effet de serre (approche écocentrique) que pour les propriétés santé que peut leur procurer le biologique (approche plus anthropocentrique) (Quéniart, Jacques, et Jauzion- Graverolle, 2007). Au regard de ces constats, il s’avère que la gravité perçue des scandales écocentriques impacte statistiquement plus la volonté à pardonner affective et cognitive que ceux étant anthropocentriques.

Pardonnabilité comportementale

Les résultats obtenus aux différents tests statistiques mis en évidence précédemment ont montré qu’ils se révèlent bien différents pour la dimension comportementale de la pardonnabilité (H6c). Tous les

scénarii testés, hormis un, ont obtenu une relation non significative de la gravité perçue et du pardon comportemental ne concordant ainsi pas avec l’hypothèse initiale. Bien que surprenant, il semblerait que nonobstant la façon de percevoir la gravité du scandale, le pardon comportemental ne soit pas impacté. Ces résultats laissent place à quelques questionnements d’autant plus que plusieurs études antérieures font état du fait que le niveau de gravité perçu constitue un excellent prédicteur à la volonté à pardonner, et ce aux trois dimensions confondues (Boon et Sulsky, 1997; Depardon et al., 2015; Fincham et al., 2005; Gauché et al., 2005; Girard et Mullet, 1997; Goulakos, 2009; McCullough et al., 2003; Tsarenko et Tojib, 2015). En outre, certains éléments peuvent être soulevés.

Dans un contexte interpersonnel, certaines recherches ont montré que les individus peuvent avoir peur de perdre la relation qu’ils entretiennent avec le transgresseur ou que cela interagisse sur la proximité de cette relation (Downey, Bonica, et Rincon, 1999; Finchman et al., 2005). Cette peur de perte peut donc entrainer une volonté à pardonner plus grande. Transposé dans une situation de consommation, les individus peuvent préférer entretenir une relation d’affaires avec l’entreprise impliquée dans la transgression au détriment de la boycotter et d’ainsi rompre potentiellement la relation qu’ils entretiennent avec elle (Tsarenko et Strizhakova 2009; Wieseke, Geigenmüller, et Kraus, 2012; Zourrig et al. 2009). En effet, quelques recherches ont démontré que si les consommateurs ont une relation d’affaires positive et de longue date, ils peuvent préférer garder cette relation intacte (Mittal et al., 2008; Tax et al., 1998). Par conséquent, il est possible d’extrapoler que les consommateurs n’adopteront pas une réaction différente dépendamment de la gravité du scandale, puisque dans la plupart des cas, ils préféreront préserver cette relation d’affaires avec l’entreprise sans considération pour le niveau de sévérité de l’événement scandaleux. Somme toute, bien que la dimension affective ou cognitive puisse être impactée, la proximité et la qualité de la relation d’affaires peuvent venir neutraliser concrètement l’influence de la gravité perçue sur le comportement adopté à la suite d’un scandale.

De plus, basé sur le modèle tripartite des attitudes (Rosenberg et de Hovland, 1960), il faut préciser que cette dimension comportementale de la pardonnabilité sollicite une plus grande implication pour l’individu et nécessite concrètement un passage à l’action. Conséquemment, si l’individu ne pardonne pas l’entreprise impliquée, il ne consommera plus leur produit/service offert. Dans ce sens, la dimension comportementale demande ainsi un sacrifice de la part de l’individu qui devra rompre sa relation d’affaires avec l’entreprise impliquée dans le scandale. Dans la même logique que la variable implication écologique présentée précédemment, le sacrifice demandé peut être perçu trop grand pour que l’individu change réellement son comportement (Peattie, 2010). De ce fait, sans importance où le scandale se place sur le continuum de gravité, les individus n’adoptent potentiellement pas un comportement en concordance avec les deux autres dimensions du pardon. Par conséquent, aucun effet direct entre l’influence potentielle de la gravité perçue ne semble avoir un impact sur le processus du pardon comportemental considérant que les individus peuvent percevoir le passage à l’action trop contraignant et nécessitant un sacrifice trop important de leur part.

Nonobstant les explications précédentes, un seul scénario s’avère statistiquement significatif pour cette dimension de la pardonnabilité : le scénario 5 (gravité perçue élevée, RTC, approche écocentrique). Ainsi, l’hypothèse H6c se trouve partiellement confirmée, puisque ce résultat s’avère

être statistiquement significatif exclusivement pour ce scénario. Il s’explique en partie par le fait que le niveau de gravité perçu est un des meilleurs prédicteurs à la pardonnabilité (Fincham et al., 2005) et a un effet direct sur la volonté à pardonner. En conséquence, plus un scandale est perçu grave, moins les individus vont être enclins à pardonner la dimension comportementale. Concrètement, si le scandale est considéré comme élevé sur un continuum de gravité, les individus vont davantage adopter des réactions contraires au pardon comme la vengeance (ex. : mauvais commentaires, bouche-à- oreille négatif, etc.) ou le boycott de l’entreprise. Quelle que soit la réaction négative adoptée, la gravité perçue du scandale contribue directement à l’intensité de cette réaction. Bref, dans ce cas précis, le niveau de gravité perçu s’avère un prédicteur intéressant pouvant influencer le pardon comportemental.

5.6.4 Particularités à souligner