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Chapitre 2. Recension des écrits

2.4 Influence des variables modératrices

2.4.1 Attachement émotionnel à la marque

Dans un contexte de consommation, la littérature rapporte que les consommateurs peuvent être impliqués et attachés (faiblement ou fortement) envers des marques, des produits, des messages publicitaires, etc. (Celsion et Olson, 1988; Cervellon, 2012; O’Cass, 2004). Plus spécifiquement, l’attachement émotionnel à la marque est une sphère de recherche récente en comportement du consommateur et attire de plus en plus de chercheurs en raison de son caractère prédictif observé dans un contexte interpersonnel (Bui et Decaudin, 2012). La théorie de l’attachement (Bowlby, 1979, 1980) explique qu’un individu étant fortement attaché à une personne ou un objet est plus favorable à faire des sacrifices pour maintenir la relation qu’il entretient avec cette personne. Abordé sous l’angle de la consommation, c’est-à-dire le lien émotionnel entre le consommateur et la marque/entreprise (Fournier, 1998; Keller, 2003; Lacoeuille, 2000; Smaoui, 2008; Thomson, MacInnis, et Park, 2005), l’attachement émotionnel correspond à une réaction affective inaltérable et durable envers la marque et se traduit par une relation de proximité psychologique avec celle-ci (Fournier, 1998; Lacoeuille, 2000). En d’autres termes, la marque et le consommateur entretiennent un lien chargé d’émotions similaire à celui que peuvent entretenir deux individus (Lacoeuilhe, 2000; Smaoui, 2008; Thomson et

al., 2005). Même si l’attachement à la marque s’apparente à plusieurs notions telles que la confiance envers la marque (Chaudhuri et Holbrook, 2001; Fournier, 1994, 1998) et la fidélité à la marque (Bougatta, 2011; Frisou, 2005), il n’en demeure pas moins que l’attachement à la marque est un concept bien défini dans la littérature qui exerce une influence sur l’attitude des consommateurs ainsi que sur la réaction et le comportement de ceux-ci (Hallegatte, 2013; Park et al. 2010).

Une transgression commise par la marque pose un dilemme considérable pour les consommateurs fidèles et associés à celle-ci (Bhattacharjee et al., 2013; Thomson et al., 2005). En outre, ils peuvent choisir de garder la relation qu’ils ont avec l’entreprise fautive et maintenir un point de vue positif sur celle-ci (Bhattacharjee et al., 2013). Selon Mattila (2001), les consommateurs entretenant une relation de proximité avec l’entreprise peuvent être plus favorables à vouloir pardonner la marque impliquée dans le scandale. D’ailleurs, la récente étude qualitative de Ledin et ses collègues (2016) révèle que si un consommateur est personnellement attaché à une marque, cet attachement peut avoir un effet positif considérable sur sa volonté à pardonner contrairement à une marque disposant d’un faible capital de sympathie avec sa clientèle. La littérature indique aussi que la relation qu’entretient le consommateur avec la marque a un effet « d’absorption » par rapport au scandale (Chung et Beverland, 2006; Tax, Brown, et Chandrashekaran, 1998). En ce sens, considérant ce lien émotionnel très fort entre la marque et l’individu, l’attachement permet d’atténuer les séquelles négatives d’une transgression (Fournier, 1998; Mittal, Huppertz, et Khare, 2008). Plus spécifiquement, les consommateurs peuvent considérer davantage leurs expériences positives antérieures lorsqu’ils évaluent l’importance et la gravité de la transgression (Chung et Beverland, 2006; Tax et al., 1998). Concrètement, lorsqu’une faute est commise de la part d’une entreprise, les consommateurs fortement attachés à une marque peuvent percevoir le scandale comme étant incohérent à leurs croyances de départ à l’égard de celle-ci (O’Cass, 2004). Par conséquent, ils peuvent décider de rejeter l’idée que la marque ait commis une transgression, adoptant ainsi une réaction plus positive que de sanctionner l’entreprise fautive (Cervellon, 2012; Chan, 2000).

À la suite de ces explications, il est intéressant de mobiliser le concept de dissonance cognitive pour illustrer cette réaction (Cissé-Depardon et N’Goala, 2009). En effet, certaines circonstances peuvent amener une personne à agir en désaccord avec ses valeurs, croyances, attitudes, etc. Dans ce contexte, l’individu éprouve une tension inconfortable appelée dissonance. Par conséquent, la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957; 1962) explique qu’un sentiment d’incohérence provoque

chez l’individu un inconfort duquel l’individu tente de rétablir de la cohérence. De ce postulat, pour réduire cette incohérence qui est créée par leur attachement émotionnel à une marque et l’implication de celle-ci dans un scandale, les individus peuvent décider de rejeter les informations incohérentes avec la perception qu’ils ont de la marque pour retrouver l’état de consonance initiale.

En contradiction, d’autres études ont montré que les scandales de marques peuvent avoir un impact négatif sur la relation à la marque et les intentions d’achats des consommateurs (Aaker et al., 2004; Cervellon, 2012; Goodman, Fichman, Lerch, et Snyder, 1995; Grégoire, Tripp, et Legoux, 2009). En effet, les consommateurs hautement impliqués par rapport à un produit/service, spécifique à une entreprise, se sentent davantage blessés par rapport à un message contradictoire à leurs croyances (Cervellon, 2012; O’Cass, 2004). Dans ce sens, plus la relation est forte avec la marque, plus le consommateur va se sentir trahi et blessé. Bien que ces études aient démontré que la force de la relation peut générer un sentiment de trahison auprès des consommateurs, cette présente recherche prend fondement sur la théorie de la dissonance cognitive appuyée par plusieurs auteurs (Cissé- Depardon et N’Goala, 2009; Chung et Beverland, 2006; Festinger, 1957; Tax et al., 1998). De ce fait, si un individu est attaché à une marque, il est fort probable qu’il désire maintenir cette relation d’attachement en adoptant un comportement plus clément envers celle-ci en favorisant une réaction plus propice au processus de pardon.

Au regard de ces explications, l’attachement émotionnel à la marque est une variable modératrice dans le cadre de cette étude. En fonction de son rôle prédictif sur la réaction, l’attachement émotionnel peut faire varier l’intensité de la relation entre les antécédents propres à chaque individu et le comportement effectif, au même titre qu’une relation interpersonnelle (Depardon et al., 2015). Cet attachement peut ainsi altérer la direction ou l’intensité des effets directs des variables personnelles sur la réaction qui est adoptée à la suite d’un scandale écologique causé par une entreprise.

2.4.2 Genre du répondant

Sur la base des études précédentes traitant de la pardonnabilité, les résultats concernant le genre des répondants tendent à être peu consensuels. Dans un contexte interpersonnel, quelques études ont montré que l’influence du genre n’est pas significative sur la propension à pardonner (Fehr et al., 2010; McCullough et al., 1998). En contradiction, d’autres recherches ont révélé que le genre peut s’avérer significatif et explicatif de la propension à pardonner. Selon Miller, Worthington et McDaniel (2008), les

femmes seraient plus favorables à pardonner que les hommes. Cette propension féminine à pardonner s’explique par le fait que les femmes véhiculent des qualités telles que l’amabilité, l’empathie et l’altruisme souvent reliés au concept de pardon (Eisenberg et Lennon, 1983; Miller et al., 2008). Pour leur part, les hommes, soutenant davantage des principes de justice et de moralité, sont plus prédisposés à adopter des réactions contre-productives au pardon comme la vengeance (Miller et al., 2008). Ces différentes qualités peuvent expliquer pourquoi les femmes pardonneraient plus que le sexe opposé. Or, les recherches sur l’empathie, en fonction du genre, sont controversées et souvent remises en question par la communauté scientifique (Fehr et al., 2010). À l’opposé, les résultats de l’étude d’Ysseldyk (2005) ont montré que les hommes tendent à être plus disposés à pardonner que les femmes.

En outre, dans la sphère environnementale, plusieurs recherches affirment que les femmes ont davantage de valeurs écologiques et sont plus impliquées écologiquement que les hommes (Belin et al., 2012; Cincera et Krajhanzl, 2013; Diamantopoulos et al., 2003; do Paço, Raposo, et Filho, 2009; Memery, Megicks, et Williams, 2005; Tikka, Kuitunen, et Tynys, 2000; Zelezny et al., 2000). Très peu de recherches ont postulé qu’il n’y avait pas de différence significative pour le genre dans un contexte écologique (Chen et Chai, 2010; Hadler et Haller, 2011; Suki, 2013). Plusieurs théories tentent d’expliquer la différence du genre en contexte écologique. Une théorie couramment utilisée est la théorie de la socialisation, plus précisément, la socialisation du genre (Eagly, 1987; Hechavarría, 2016; Howard et Hollander, 1996; Unger et Crawford, 1996; Wilkinson et Kitzinger, 1996). Selon cette approche, les attentes normatives en fonction du genre influencent les comportements des individus (Hollander et Howard, 2000; Wilkinson et Kitzinger, 1996). Spécifiquement, selon les auteurs, les femmes sont encouragées, dès leur jeune âge, à développer des traits de personnalité se rattachant à des traits comme l’altruisme, la coopération, la compassion et l’éthique (Beutel et Marini, 1995; Chodorow, 1974; Zelezny et al., 2000). D’autre part, les hommes sont socialisés pour véhiculer des traits de personnalité plus individualistes favorisant ainsi des comportements plus compétitifs et plus rationnels (Blocker et Eckberg, 1997; Chodorow, 1971; Mohai, 1992, 1997). La littérature académique soutient que la théorie de la socialisation du genre encourage la différenciation par les sexes, puisque les jeunes garçons et les jeunes filles sont traités de manière différente et sont encouragés à poursuivre des activités spécifiques à leur sexe (Block, 1983; Williams et Best, 1990). Cette socialisation engendre donc une influence sur le choix de carrière, le rôle de la famille, l’adoption de certains comportements aidants comme l’altruisme (Dietz, Kalof, et Stern, 2002; Hochschild et Machung, 2012). Par externalité,

un comportement aidant favorisant l’altruisme et l’empathie peut se référer à un comportement écologique (Blocker et Eckberg, 1997; Hechavarría, 2016).

En lien avec la littérature sur l’écologie, ce sont les individus ayant ces valeurs (altruisme, compassion, bienveillance, etc.) ancrées en eux qui sont plus susceptibles d’adopter un comportement écologique (De Groot et Steg, 2008; Nordlund et Garvill, 2002; Schwartz’s, 1992; Stern et al., 1985). En d’autres termes, en se basant sur la théorie de la socialisation, les femmes favorisant davantage des valeurs collectives que les hommes ont davantage tendance à développer des comportements écologiques. Plus spécifiquement, suivant la ligne directrice des explications précédente, plus les individus ont des prédispositions écologiques, plus ils vont réagir négativement à l'égard de l’entreprise impliquée dans un scandale environnemental. Par conséquent, le sexe des répondants est mobilisé en tant que variable modératrice pouvant influencer l’intensité de la relation entre les variables individuelles et la réaction potentielle adoptée à la suite d’un scandale de nature écologique.