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Synthèse des modérateurs sur la pardonnabilité

Chapitre 5. Résultats et discussion

5.6 Discussion

5.6.2 Synthèse des modérateurs sur la pardonnabilité

Les résultats des analyses de régression effectuées ont permis de remarquer qu’aucune des deux variables modératrices utilisées n’a une influence significative sur la relation des antécédents et la gravité perçue : H4a,b,c et H5a,b,c sont infirmées. En effet, les résultats sont contraires aux prémisses de

départ qui stipulent que l’attachement émotionnel à la marque (H4) (Aaker et al., 2004; Cervellon, 2012;

Chung et Beverland, 2006; Ledin et al., 2016; Tax et al., 1998) et le genre des individus (H5) (Belin et

al., 2012; Cincera et Krajhanzl, 2013; Diamantopoulos et al., 2003; do Paço et al., 2009; Memery et al., 2005; Tikka et al., 2000; Zelezny et al., 2000) auraient un impact sur l’intensité de la relation entre les antécédents et la gravité perçue du scandale. Nonobstant ces résultats surprenants, ils permettent d’orienter certaines pistes de réflexion quant à l’absence d’impact modérateur de ces variables. Attachement émotionnel à la marque

Tout d’abord, les recherches antérieures montrent que la volonté à pardonner est fortement conditionnée par le contexte relationnel et le niveau d’attachement des individus (Aaker et al., 2004; Ledin et al. 2016). Or, les résultats obtenus ne présentent aucun impact significatif de l’attachement émotionnel à la marque. Dans un premier temps, la littérature rapporte que l’attachement envers les

marques est souvent illustré avec les notions de confiance et loyauté que les individus ont envers celles-ci (De Chernatony et Dall'Olmo Riley, 2000; Ledin et al., 2016). À cause de ce lien étroit de confiance et de loyauté envers l’entreprise, il est possible de croire que les individus acceptent une première erreur de la part de l’entreprise. Un effet d’absorption (tampon) peut alors se produire en diminuant l’impact des allégations reliées au scandale écologique. Cette observation s’avère d’autant plus exacte lorsque les entreprises/organisations instrumentalisées ont peu d’antécédents négatifs (ex. : gestion d’entreprise, image de la marque, etc.). En effet, même si, dans le passé, quelques marques de cellulaires ont eu certains démêlés avec des événements écologiques douteux, il n’en demeure pas moins qu’aucune des entreprises utilisées n’a été impliquée concrètement et publiquement dans un scandale écologique. Pour cette raison, la relation de confiance peut demeurer intacte, car les individus peuvent être prêts à accepter une première erreur émanant de l’entreprise (Ledin et al., 2016).

De plus, une autre possibilité pouvant potentiellement expliquer les résultats obtenus peut être reliée à la fonction utilitaire des produits des entreprises utilisées : des cellulaires et le transport en commun de la ville de Québec. Tel qu’expliqué précédemment, la fonction utilitaire du produit des marques/organisations choisies peut sembler être plus importante que de rompre la relation d’affaires avec l’entreprise instrumentalisée. Par exemple, il est possible de croire que les étudiants préfèrent la marque de cellulaire Apple pour sa commodité, ses plateformes connectées (ex. : iCloud, iTunes, etc.), son interface, etc. Il est donc probable que la fonction utilitaire du produit devient un facteur prédominant sur la réaction adoptée des individus. Pour ces raisons, peu importe le scandale dans lequel l'entreprise est impliquée, les individus peuvent considérer la fonction utilitaire du produit comme étant le critère de décision primordial. Ainsi, leur attachement émotionnel à la marque s’avère non significatif sur la gravité perçue du scandale.

Dans le même ordre d’idées, il existe une multitude de facteurs situationnels dans une relation entre un consommateur et une entreprise : influences sociales, densité des concurrents ou encore le coût de substitution d’un produit (Ledin et al., 2016; Tsarenko et Tojib, 2011). Il est probable que tous ces facteurs peuvent engendrer une réaction ou une inaction émanant des individus. Plus précisément, le coût de substitution d’un produit peut justifier une inaction de la part des individus. En effet, cette recherche ne prend pas en considération l’aspect monétaire (ex. : prix d’un produit, coût de

remplacement d’un produit, etc.). De ces explications, l’influence potentielle de l’attachement émotionnel à la marque peut être neutralisée par ces différents facteurs.

Genre des individus

Au regard des résultats obtenus, deux principaux constats peuvent expliquer l’impact non significatif de cette variable modératrice qu’est le genre des individus. Premièrement, il s’avère que l’influence du sexe est très ambivalente dans la littérature environnementale. En effet, dans la période allant de 1988 à 1998, il y a eu un intérêt grandissant quant à l’impact relatif du genre sur le comportement écologique. Mobilisant plusieurs recherches, quelques-unes d’entre elles ont souligné qu’il n’existe aucune conclusion définitive sur l’effet du genre sur l’intérêt et l’implication portés aux préoccupations environnementales (Arcury et Christianson, 1993; Arp et Howell, 1995; Blocker et Eckberg, 1997; Chen et Chai, 2010; Mohai, 1992; Suki, 2013; Wiidegren, 1988; Zelezny et al., 2000). De plus récentes études conduisent également aux mêmes conclusions (Chen et Chai, 2010; D’souza et al. 2007; Hadler et Haller, 2011; Suki, 2013). En effet, malgré la prémisse que les femmes auraient une attitude plus verte et un intérêt écologique plus grand que les hommes, il semble que, dans le cadre de cette étude, le genre (femme ou homme) n’ait aucun impact sur la gravité perçue et par conséquent, n’affecte pas la relation entre les antécédents et la gravité perçue du scandale.

De plus, l’étude de Mostafa (2007) soutient que l’éducation et les connaissances peuvent avoir un impact significatif sur l’attitude écologique des individus (D’souza et al., 2007; Gendall et Smith, 1995). Plus particulièrement, dans le contexte de cette présente recherche, les répondants étant tous des étudiants universitaires peuvent détenir des connaissances similaires sur l’environnement. De ce fait, il est possible d’extrapoler qu’il n’y ait aucune différence significative entre le sexe des individus considérant la forte probabilité que l’échantillon étudié présente des similitudes (connaissances et éducation) importantes.

Deuxièmement, dans un contexte de pardonnabilité, quelques recherches ont obtenu des résultats non significatifs entre le genre des individus et leur volonté à pardonner (Brown et Phillips, 2005; Fehr et al., 2010; Maltby, Macaskill, et Gillett, 2007; Mullet et al., 2003). En effet, corroboré par certains auteurs, il s’avère que la relation genre-pardon soit plus complexe qu’elle ne parait (Fehr et al., 2010; McCullough et al., 1998). En conséquence, il semblerait qu’il faut mobiliser plusieurs autres variables avec cette variable sociodémographique pour en approfondir la relation au pardon (Fehr et al., 2010).

Toujours selon ces auteurs, le genre pourrait impacter beaucoup plus la post-réaction face à une transgression. Plus spécifiquement, il pourrait influencer la façon dont le conflit se règle. En effet, le sexe des individus semble affecter davantage les stratégies d’adaptation du comportement à la suite de la transgression que sur la volonté à pardonner (Maltby et al., 2007). Il est donc possible de conclure que, par effet direct, la gravité perçue du scandale peut être difficilement explicable par le genre des répondants, puisqu’elle semble affecter davantage la réaction sous-jacente au pardon.

D’autre part, Fehr et al. (2010) soutiennent que dans la littérature sur la pardonnabilité, il est probable qu’il y ait eu une exagération quant à l’impact réel du genre sur le pardon basé sur l’assomption que les femmes pardonnent plus que les hommes. Considérant que le genre des individus est une question sociodémographique couramment répertoriée dans la plupart des recherches, cette variable est donc facilement accessible. Dans ce sens, un effet d’engouement démesuré peut avoir émané de ces recherches afin d’établir l’existence d’un lien potentiel entre la relation genre-pardon. Basé sur la méta- analyse de Fehr et al. (2010) sur la pardonnabilité et sur d’autres études, il est important de mentionner que les recherches démontrant un impact significatif du genre sur la volonté à pardonner sont parfois significatives avec un très faible taux de signification ou encore avec un échantillon disproportionné en nombre de femmes ou d’hommes (Exline et al., 2008; Fehr et al., 2010; Yagil et Luria, 2015; Ysseldyk, 2005). Pour l’ensemble de ces raisons, force est de constater que le rôle modérateur envisagé par cette variable s’avère donc peu probant.