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Le pilotage chemin faisant : émergence des modes de gouvernance et de pilotage des pôles de compétitivité

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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UNIVERSITE PARIS-DAUPHINE

UFR des Sciences des Organisations

EDOGEST – MLAB DRM

Thèse pour obtenir le grade de DOCTEUR ES SCIENCES DE GESTION présentée et soutenue le 11 Décembre 2009

par

Stéphanie FEN CHONG

LE PILOTAGE CHEMIN FAISANT

EMERGENCE DES MODES DE GOUVERNANCE ET DE PILOTAGE

DES PÔLES DES COMPETITIVITE

Jury

Directeur de thèse Albert DAVID

Professeur à l’Université de Paris Dauphine

Rapporteurs Mathieu DETCHESSAHAR

Professeur à l’IAE de Nantes

Ariel MENDEZ

Professeur à Aix-Marseille

Suffragants Véronique PERRET

Professeur à l’université de Paris Dauphine

Frédérique PALLEZ

Professeur à Mines- ParisTech

Thierry WEIL

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L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses : ces opinions

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Ce travail de recherche a bénéficié de l’aide et du soutien de diverses ins-titutions, que je tiens ici à remercier chaleureusement. Grâce à l’aide de la Sofirem et de son directeur Claude Trink, et grâce aux contacts de Monsieur Patrick Esnou, Frédérique Pallez et moi même avons pu entamer le travail empirique mené sur le pôle nucléaire de Bourgogne. Grâce au soutien de Vincent Gollain, directeur de la prospective de l’Agence Régionale de Dé-veloppement d’Ile-de-France, j’ai pu obtenir des contacts privilégiés dans le pôle Cap Digital. Le Silicon Sentier, avec son président Stéphane Distinguin, sa déléguée générale Marie-Vorgan Le Barzic et Louis Montagne, directeur de la société Bearstech m’ont également fait bénéficier de leur aide précieuse et de leur réseau. Grâce enfin, aux chercheurs du centre des matériaux de l’Ecole des Mines, Jean-Pierre Trottier et Esteban Busso, j’ai pu découvrir le pôle AsTech. Je leur dois à tous une grande partie de la réussite de ma thèse.

Je remercie aussi l’ensemble de mes interlocuteurs pour le temps et la confiance qu’ils m’ont accordés. Je ne les cite pas tous ici mais je remercie plus particulièrement les personnes suivantes : Monsieur Kottman, président du pôle nucléaire de Bourgogne. Messieurs Henri Verdier, Stéphane Singier et Patrick Cocquet du pôle Cap Digital. Mmes Laurence Galaup et Françoise Delabaere du pôle Qualitropic. Et Mme Laurence Curti (ARD) et Monsieur Alain Coutrot du pôle AsTech. Ils ont contribué à la richesse et la diversité de mes terrains.

L’équipe de recherche qui m’a accueillie n’aurait pas pu exister sans les financements de la Ville de Paris, de l’Agence Nationale de la Recherche et l’Association des Régions de France. En outre, nous remercions l’école doc-torale EDOGEST de l’Université Paris Dauphine pour m’avoir accordé une bourse de thèse, élément préalable nécessaire à la poursuite d’un travail de recherche initié en DEA.

Comme me l’a toujours suggéré Thierry Weil, le qualificatif de ’thèse col-lective’ pourrait s’appliquer à cette thèse, tant j’ai pu bénéficier des échanges et du travail en commun avec d’autres chercheurs. Avec Emilie-Pauline Gallié, nous avons co-écrits plusieurs communications et rapports. Frédérique Pallez m’a encadrée dans l’apprentissage de l’enquête de terrain. J’ai apprécié aussi bien sa bonne humeur et sa convivialité que la rigueur et la pertinence de ses critiques. Je n’oublierais pas Philippe Lefebvre, qui a contribué à orienter mes travaux en valorisant l’originalité de mes choix. J’ai toujours pris plaisir et grand intérêt à participer à la construction de notre équipe de recherche,

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Tixier et Elodie Loubaresse m’ont été d’un grand soutien en partageant avec moi leur propre expérience de la thèse. Je remercie plus particulièrement Denis Chabault avec qui j’ai partagé non seulement des idées et des points de vue, mais aussi les doutes de la fin de thèse.

Merci enfin à Aurélien Acquier, professeur assistant à l’ESCP. Nos dis-cussions enrichissantes m’ont toujours permis de voir plus clairement les di-rections possibles de la thèse, je l’en remercie sincèrement.

Je remercie les équipes de mes deux laboratoires d’accueil, le Cerna de Mines ParisTech et le M-Lab de l’Université Paris Dauphine. Ils m’ont ap-porté les conditions nécessaires à la bonne conduite de cette thèse. Notam-ment, Mathieu Glachant, directeur du Cerna et Yann Ménière m’ont toujours apporté des critiques constructives lors des ateliers doctoraux. Je salue ici mes chers collègues doctorants du Cerna, dont certains -Jan, Timothée, Antoine et Benjamin- vivent comme moi l’aboutissement de leur thèse. Merci enfin à la responsable du secrétariat du Cerna, Sesaria Ferreira pour son efficacité dans les diverses démarches administratives.

Le M-Lab a constitué pour moi une bonne expérience de la vie d’un laboratoire de recherche en Gestion. Grâce à cette chaleureuse équipe -Albert David, Mathias Spirzglas, Doudja Kabèche, Sébastien Damard, Sébastien Tran- j’ai pu prendre part à un projet scientifique qui a stimulé ma réflexion et ma créativité. J’espère que leurs ambitions se concrétiseront et que nous pousuivrons nos échanges scientifiques et amicaux.

J’adresse ma profonde reconnaissance à mes deux directeurs de thèse, Albert David et Thierry Weil, qui m’ont fait bénéficier de manière très com-plémentaire de leurs critiques et leurs conseils tout au long de mon parcours de thèse. Leurs lectures patientes de mes travaux m’ont permis d’avancer puis d’aboutir. Qui plus est, j’ai apprécié leur générosité et leur empathie ces dernières années.

Je remercie enfin les membres de mon jury : Ariel Mendez, Véronique Perret, Mathieu Detchessahar et Frédérique Pallez pour leur lecture attentive de ma thèse et pour leurs remarques concernant le présent manuscrit.

Enfin, ceux qui m’ont accompagnée de leur amitié et de leur amour né-cessitent une attention particulière. Je pense à Krys, que j’encourage, malgré les années passées, à reprendre sa thèse, puisque lui a su si bien m’inspirer et me mettre sur la voie de la connaissance. Mes pensées vont aussi à ma

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(7)
(8)

Introduction

9

I Les pôles de compétitivité, un agencement

inter-organisationnel à gouverner

Problématiques et cadres d’analyse théorique

25

1 Une politique renouvelée des formes

d’organisa-tion territoriale

28

1.1 Revue des formes territoriales organisées .

31

1.2 Les « cluster policies », des applications de

plus en plus répandues . . . .

50

1.3 Le cas français des pôles de compétitivité

55

1.4 Synthèse du chapitre : les représentations

des acteurs publics sur une politique de pôles

76

2 Gouvernance et pilotage d’un agencement

inter-organisationnel

79

2.1 Les caractéristiques organisationnelles des

pôles de compétitivité : examen de la

lit-térature . . . .

82

2.2 Le système de gouvernance des pôles . . .

108

2.3 Les processus de pilotage d’agencements

(9)

2.4 Conclusion du chapitre . . . .

143

Synthèse de la partie I

146

II Méthodologie et présentation des études de cas 153

3 Stratégie et design de recherche

155

3.1 Statut de la recherche . . . .

156

3.2 La stratégie d’accès au terrain . . . .

160

3.3 Validité de la recherche . . . .

185

4 L’hétérogénéité des situations de pôles : études de

cas descriptives

189

4.1 Cap Digital, un réseau de réseaux . . . . .

191

4.2 Le pôle nucléaire de Bourgogne, le défi

d’une construction ex minima . . . .

243

4.3 Qualitropic, le défi de l’ultrapériphérie . .

273

4.4 AsTech, préfiguration des pôles nouvelle

génération ? . . . .

292

4.5 Comparaison inter-cas . . . .

304

III Analyse de l’émergence de la gouvernance et du

pilotage des pôles

315

5 Une co-construction des pôles et de la

gouver-nance

318

5.1 La construction de pôles de compétitivité

321

5.2 La gestion des parties prenantes externes

(PPE) . . . .

342

5.3 Retour critique sur les typologies de formes

(10)

5.4 L’architecture organisationnelle . . . .

359

5.5 Conclusion du chapitre . . . .

367

6 Des briques de pilotage des actions collectives

369

6.1 Des modèles de pilotage hétérogènes et

in-aboutis . . . .

374

6.2 Les objets du pilotage . . . .

385

6.3 L’influence de l’environnement

institution-nel sur les modes de pilotage . . . .

403

6.4 Conclusion du chapitre : l’apprentissage

organisationnel, une voie vers le pilotage ?

410

Synthèse de la partie III

412

7 Conclusion générale

417

7.1 L’originalité de la démarche de recherche .

418

7.2 Principaux résultats de la thèse . . . .

420

7.3 Les perspectives de recherche envisagées .

426

Glossaire

434

A Liste des entretiens

455

A.1 Le pôle Cap Digital . . . .

455

A.2 Le pôle Nucléaire de Bourgogne . . . .

459

A.3 Pôle Qualitropic . . . .

460

B Grille d’analyse et de caractérisation des Pôles de

compétitivité

462

(11)

Depuis le début des années 2000, le contexte politique, économique et social a conduit un grand nombre d’observateurs à dénoncer les faibles per-formances de l’industrie française et celles du système de recherche et d’inno-vation. L’industrie française serait ainsi insuffisamment spécialisée dans les secteurs à haute valeur technologique (vision du rapport Beffa, 2005) voire simplement pas spécialisée du tout (Le Blanc, 2007). La balance commerciale extérieure de la France est déficitaire, alors que ses voisins et partenaires, notamment allemands obtiennent des résultats remarquables à l’export. Le classement de Shanghai juge que les performances des universités françaises sont limitées par rapport à celles des autres établissements américains et européens (Harfi & Mathieu, 2006). La première, l’Université Paris VI ne serait classée qu’au 46ème rang mondial. Les PME à fort potentiel de crois-sance ne parviennent pas à croître, alors même que l’on s’accorde à penser qu’elles sont sources de renouveau de l’économie et créatrices d’emplois. En somme, la rhétorique du déclin français tend à dominer le débat général sur les politiques économiques. Pour pallier ces faiblesses, les acteurs publics ex-périmentent plusieurs alternatives. Certains tentent de réhabiliter le rôle de la politique industrielle, qui doit se structurer prioritairement autour de la recherche de compétitivité, elle-même obtenue grâce au renforcement de la capacité d’innovation. Certaines initiatives suggéraient un recours à un

col-bertisme high-tech1renouvelé : l’Agence de l’Innovation Industrielle était une 1. L’expression employée par (Cohen, 1992) renvoie aux formes d’intervention indus-trielle du gouvernement français qui, en mobilisant les financements par la commande publique ou la subvention de recherche, a su faciliter l’émergence de champions nationaux,

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concrétisation de cette idée selon laquelle il fallait sélectionner des consortia de recherche collaborative et soutenir les programmes les plus prometteurs portés essentiellement par des grands groupes. D’autres proposent de miser sur le potentiel des territoires en sélectionnant des projets territoriaux ayant une forte composante technologique. De nouveaux instruments d’action pu-blique ont été créés pour favoriser l’émergence de « pôles » territorialisés combinant des forces de recherche et de technologie autour d’axes théma-tiques scientifiques ou industriels. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les réseaux thématiques de recherche avancée et les pôles de com-pétitivité partagent l’ambition de fédérer les capacités existantes autour de projets, de partenariats publics-privés et d’une vision collective.

Parmi ces nouveaux arrangements territoriaux, la politique nationale des pôles de compétitivité se nourrit de deux approches. Elle repose d’une part sur la vision d’écosystèmes d’innovation et de croissance dont la performance dépend de la qualité des interactions d’acteurs divers. Conceptuellement cela se justifie par l’idée que l’innovation se produit aux interfaces entre dif-férents acteurs, les producteurs de connaissances, les utilisateurs de cette connaissance, les institutions facilitatrices du processus etc. (système natio-nal d’innovation). Cette politique accepte d’autre part que cet écosystème construise ses propres modalités d’actions adaptées aux spécificités locales et sectorielles. La Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régio-nale (DATAR), qui est aux origines de ce concept renouvelé des politiques de développement des territoires, définit le pôle de compétitivité comme :

« une combinaison, sur un espace géographique donné, d’en-treprises, de centres de formation et d’unités de recherche pu-bliques ou privées engagés dans une synergie autour de projets communs au caractère innovant. Ce partenariat s’organise autour d’un marché et d’un domaine technologique et scientifique qui lui est attaché, et doit rechercher une masse critique pour atteindre une compétitivité et une visibilité internationale».

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Cette définition peut se lire selon trois entrées. La première renvoie à la composition de la nouvelle entité qui doit comprendre au moins trois types d’acteurs : Recherche, Industrie et Formation. Outre ces acteurs, la présence des pouvoirs publics à l’initiative de cette politique, puis comme partenaires et financeurs, et même comme acteurs du pôle est aussi intrinsèque au mon-tage d’un pôle. La deuxième entrée apporte des précisions sur le périmètre, soit les frontières d’un pôle de compétitivité : il est organisé autour d’un mar-ché ou d’une technologie, sur un territoire. Enfin, la définition proposée ici exprime déjà une certaine vision des modalités d’actions collectives du pôle : élargissement du réseau pour atteindre une masse critique, le développement des projets innovants et le développement de synergies entre les acteurs.

Au regard de cette définition, il semble légitime de s’interroger sur les aspects novateurs de cette politique. L’idée de rassembler sur un même ter-ritoire des entreprises partageant les mêmes enjeux sectoriels ou technolo-giques est déjà ancienne, puisque plus d’un siècle s’est écoulé depuis que Marshall (1890) a mis en évidence que certains territoires concentrant di-verses ressources permettent aux industries localisées de bénéficier d’effets économiques externes. Depuis longtemps, de nombreuses analyses -théoriques et empiriques- suggèrent que, dans nos économies actuelles où la performance des entreprises dépend de l’accès aux connaissances et du développement de capacités d’innovation, la proximité géographique est susceptible de faciliter voire d’accélérer les processus de production, d’acquisition et de diffusion des connaissances. La plupart des pays industrialisés ont mis en œuvre des dispo-sitifs fondés sur une base territoriale, favorisant la rencontre et la coopération entre les différents acteurs d’une chaîne de valeur. Partout, des politiques de « cluster », « district », « technopôle » ont fleuri au cours des deux dernières décennies.

En France, on peut aussi repérer, dans l’histoire plus ou moins récente, des initiatives similaires d’organisation du territoire pour contribuer à amé-liorer les performances locales et par extension la compétitivité nationale.

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Par exemple, la Technopôle de Sophia-Antipolis, créée en 1966, constitue un des mythes fondateurs des politiques technopolitaines. La Délégation à l’Aménagement du Territoire a ensuite expérimenté une politique de soutien au développement de coopération territoriales avec les systèmes productifs locaux (Albertini, 2007). Ces réseaux d’entreprises, inspirés par le modèle des districts italiens, ont été labellisés par la Datar pour développer des coopéra-tions inter-entreprises sur des territoires délimités et sur une thématique ou un métier clairement identifiés. Les pôles de compétitivité combinent cette démarche de réseaux d’entreprises avec une dimension de recherche et d’in-novation beaucoup plus prégnante que dans les SPL.

En somme, les pôles pourraient ne constituer qu’une énième forme d’un vaste ensemble de concepts d’agencements territoriaux fondés sur des logiques de proximité. Pourtant, nous soulignons une évolution notable par rapport aux modèles précédents. Cette évolution s’observe dans l’affirmation du be-soin de pilotage de ce type de dispositif mis en œuvre selon une approche « bottom-up » et locale. L’Etat a encouragé les acteurs locaux à organiser une gouvernance et une stratégie du pôle. Le modèle des pôles de compétitivité modifierait ainsi le processus de mise en œuvre d’une politique industrielle étatique. Les choix stratégiques et technologiques pour le territoire ne sont pas décidés au niveau des autorités publiques centrales, mais font l’objet de processus de consultation, d’interaction et de négociations entre les pouvoirs publics à de multiples niveaux et des collectifs hybrides émergents.

1. Une question renouvelée : le pilotage des

sys-tèmes locaux

(15)

auto-cadres institutionnels propres, sans qu’existe pour autant une forme de co-ordination réfléchie de ces entités (Filippa, 2003). Storper & Harrison (1991) considèrent que la gouvernance de ces formes de systèmes locaux -définie comme une forme d’organisation caractérisant les relations de pouvoir- est fondée sur l’existence de relations inter-personnelles qui dépassent le strict comportement marchand. Il semble donc difficile de théoriser un modèle de pilotage du développement local. La performance découle de la présence d’ins-titutions informelles ancrées dans l’histoire du territoire et des individus. Et parfois un écosystème performant naît d’un concours de circonstances hasar-deuses, mal connues et très peu ’gouvernées’. La Silicon Valley, l’actuel mythe fondateur des pôles de hautes technologies, entre ainsi dans cette catégorie. Pour Weil (2009), l’histoire de la Valley est le résultat d’une « coévolution des technologies, des acteurs, des institutions et des marchés reposant sur des interactions multiples difficiles à modéliser ». Dans cet écosystème idéal-typique, les mécanismes de coopétition, la réputation et la confiance déve-loppées au cours des interactions font émerger un système en réseaux propice à développer une grande capacité d’apprentissage et d’adaptation(Saxenian, 1994).

Pourtant, progressivement, les chercheurs ouvrent cette boîte noire de la gouvernance locale pour montrer que la confiance et la coopération ne sont pas spontanées mais qu’au contraire, elles dépendent d’un effort conscient de la part d’instances de gouvernance telles que des organisations, associations professionnelles2. Par ailleurs, face aux défis de la globalisation et la

concur-rence entre territoires, le rôle des acteurs publics locaux a évolué. Aujour-d’hui, ceux-ci cherchent de nouvelles stratégies de développement territorial (Mendez & Ragazzi, 2007), voulant délibéremment se différencier, acquérir des avantages et des ressources spécifiques et créer ces fameuses institutions informelles favorables à une dynamique locales. Ces stratégies occasionnent la formulation de projets et visions d’ensemble pour le territoire, et la création

2. Notamment Carnevali Francesca, 2004, «Crooks, Thieves, and Receivers : Tran-saction Costs in Nineteenth-Century Industrial Birmingham», Economic History Review, 62(3), p.533-550.

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de structures en charge du pilotage de ces projets. Ainsi, les acteurs espèrent pouvoir infléchir, modifier, améliorer la trajectoire de développement d’un territoire, grâce à leurs modalités de gouvernance et à des mécanismes inten-tionnels (Charreaux, 1997).

Gertler & Wolfe (2004) suggèrent que cette nouvelle gouvernance d’une stra-tégie territoriale nécessite la combinaison d’acteurs publics et privés, dans laquelle l’Etat est un partenaire parmi d’autres. Cette gouvernance territo-riale suppose aussi la délégation des responsabilités et une autonomie de ces nouvelles organisations. Le pays basque espagnol constitue un des exemples de cette nouvelle vision du soutien aux écosystèmes locaux. La politique des clusters basques espagnols a donné lieu à la création de plusieurs associations d’industriels (cluster organization) animant ces clusters en partenariat avec les pouvoirs publics locaux.

Ce modèle, reposant sur la construction de mécanismes intentionnels de gouvernance du pôle est celui qu’a choisi le gouvernement français. Des col-lectifs comprenant industriels, acteurs de la formation, de la recherche et des territoires se sont rassemblés et ont construit leurs propres modalités d’organisation pour générer diverses formes d’actions collectives. Les efforts financiers et humains sont conséquents. Les enjeux sont capitaux : le déve-loppement de nouvelles capacités d’innovation, l’essor des coopérations et de dynamisme de tissus industriels locaux etc.

Aussi, la définition des objectifs collectifs et des manières d’atteindre ces ob-jectifs sont des questions déterminantes pour l’ensemble des parties prenantes qui investissent et croient en ce nouveau dispositif. La problématique du pi-lotage devient dès lors centrale aux recherches sur les pôles de compétitivité et autres organisations territoriales. Alberti (2001) évoquait, à propos du cas des districts italiens, que les modalités selon lesquelles les comités de pilotage s’organisent et pilotent de nouvelles formes d’actions collectives doivent faire l’objet d’analyses empiriques et conceptuelles. En outre, les managers de ces réseaux eux-mêmes expriment le besoin de mieux appréhender les processus en œuvre. Il devient dès lors nécessaire de produire des savoirs gestionnaires. Les chercheurs français multiplient les recherches en ce sens. Plusieurs communications et articles récents témoignent de l’importance de la

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ques-tion du pilotage et de la gouvernance (Mendez & Mercier, 2006 ; Josserand, 2007 ; Chabault, 2008 ; Loubaresse, 2008 ; Tixier et al., 2007 ; Bocquet & Mothe, 2009; Gomez, 2009 ). L’objet de notre recherche est de proposer une définition et un cadre d’analyse des systèmes de gouvernance et de pilotage d’un pôle de compétitivité puis de tracer l’émergence de modes de pilotage dans les pôles observés.

2. Problématique de recherche

Une première étape de cette recherche vise à mieux caractériser notre ob-jet. Pour analyser les systèmes territoriaux, la plupart des auteurs se réfèrent volontiers aux concepts issus de l’économie géographique, ou bien, dans une autre perspective, aux concepts de l’analyse socio-économique des réseaux. On observe cependant depuis quelques années un évolution des recherches qui se focalisent de plus en plus sur les processus de l’action collective orga-nisée (De Langen & Visser, 2005; De Langen, 2004; Ahedo, 2004; Mendez & Ragazzi, 2007; Chia et al., 2008).

Cette thèse défend l’idée que les pôles de compétitivité peuvent être rappro-chés des formes inter-organisationnelle de type associatif ou fédératif : une organisation composée d’autres organisations autonomes, avec une large dé-pendance en ressources externes. Cette forme particulière a pour conséquence de placer le pôle entre d’un côté les membres du pôle, ayant des besoins et des intérêts divers, et de l’autre côté les parties prenantes externes, qui sont pourvoyeurs de ressources indispensables à la vie du pôle, mais aussi porteurs de contraintes.

Ces spécificités institutionnelles et organisationnelles conditionnent for-tement les modalités et pratiques de gestion des pôles de compétitivité. Dans cette recherche, nous pouvons distinguer deux phases successives. Dans un premier temps, la thèse s’était donné pour objectif d’identifier les méca-nismes de gouvernance propres aux pôles de compétitivité et ainsi d’apporter des réponses à la question suivante :

(18)

Quelles sont les caractéristiques des systèmes de

gouvernance des pôles de compétitivité ?

C’est donc sur cette question initiale que nous avons positionné notre recherche.

Mais dans un deuxième temps, l’aller-retour entre le terrain et les théo-ries générales et la détection de certains problèmes de gestion qui restaient mal qualifiés, nous ont conduit au bout d’un certain temps à développer un aspect moins connu de la gouvernance :

Quelles modalités de pilotage de la performance sont

mises en oeuvre dans les pôles de compétitivité ?

2.1 Le système de gouvernance : un compromis

institu-tionnel entre les enjeux des membres et les prescriptions

des parties prenantes

Les pouvoirs publics ayant initié la politique des pôles ont exigé des fon-dateurs de ces projets de pôles, qu’ils constituent de nouvelles organisations formelles, désignées non seulement comme les instances pilotant la stratégie et les activités du pôle, mais aussi comme les instances de représentation du pôle vis-à-vis de ses parties prenantes.

Ainsi le cahier des charges de l’appel à projet stipulait qu’un des critères de sélection porterait sur la gouvernance qui « rassemble les structures for-melles ou inforfor-melles, qui permettent d’assurer la cohérence et la qualité du partenariat. » (Cahier des charges Appel à projet « Pôle de compétitivité » DIACT). Cette définition de la gouvernance pourtant relativement ouverte, a

(19)

paradoxalement amené les acteurs à ne prendre en compte qu’une définition juridique de la forme de la structure.3

La littérature sur la gouvernance révèle pourtant une grande richesse conceptuelle, même un foisonnement, qui oblige à préciser quelle définition de la gouvernance et dans quel contexte nous mobilisons cette notion. En particulier, nous suggérons l’intérêt de raccrocher la question de la gou-vernance des pôles de compétitivité aux théories de la corporate gogou-vernance. Nous montrerons en quoi celles-ci offrent certaines définitions et concepts susceptibles d’éclairer la compréhension sur les pôles. Cependant comme le souligne Gomez (2009) ces théories ne peuvent pas être directement appli-quées au cas des pôles. Elles supposent une réflexion préalable sur les spé-cificités et les propriétés de ce type d’organisation, à la lumière des théories existantes sur les formes inter-organisationnelles.

Nous montrerons en quoi sa position d’organisation intermédiaire oblige le pôle à prendre en compte dans son système et dans ses mécanismes de gou-vernance une double logique d’action (Schmitter & Streeck, 1999). D’une part, le pôle travaille pour ses membres (« logic of membership ») : le sys-tème de gouvernance a pour mission de créer de la valeur pour ses membres et chercher à limiter les conflits d’intérêts potentiels. D’autre part, le pôle travaille dans une relation d’échanges avec des partenaires extérieurs. En ef-fet, la politique des pôles a eu pour effet l’implication de plusieurs niveaux (local, régional, national et européen) et d’un grand nombre d’acteurs publics différents (financeurs, experts, agences de développement, comités consulta-tifs etc.). Chacun de ces acteurs porte ses propres objecconsulta-tifs de soutien public, sans forcément être conscient que les pôles sont face à cet ensemble de de-mandes très hétérogènes.

3.

Cette affirmation renvoie aux commentaires de certains acteurs des struc-tures de gouvernance qui nous confient que leur perception a été la suivante :« On nous demande de faire une association, donc (on se demande) c’est quoi les organes dans une association, puis on fait ça ; et après on se pose la question de l’adéquation à la vraie vie. »

(20)

Notre objectif est donc de discuter les caractéristiques spécifiques des systèmes de gouvernance des pôles de compétitivité, les problématiques ren-contrées et les divers mécanismes et stratégies développés par les acteurs dirigeant pour faire face à ces problématiques.

2.2 La construction de modèles de pilotage des pôles de

compétitivité

Au fur et à mesure de l’avancement de notre recherche, la question du pilotage a émergé naturellement des questions précédentes. En effet, le sys-tème de gouvernance défini largement comme un dispositif d’ensemble qui caractérise la répartition des pouvoirs, les processus de déci-sion collective et le pilotage de l’organisationintègre bien ces fonctions de pilotage (Richez-Battesti & Gianfaldoni, 2005).

Or la notion de pilotage est peu abordée par la littérature actuelle. Ni les recherches sur les réseaux inter-organisationnels, ni l’abondante recherche sur les formes d’organisation territoriale ne permettent de comprendre pré-cisément ce que font les pôles, comment ils le font et pourquoi ils le font. La réflexion spécifique sur le pilotage apporte un éclairage sur des dimen-sions (de la performance, des formes d’actions collectives et du contrôle de ces actions) intrinsèquement présentes dans l’analyse traditionnelle sur la gouvernance des organisations (fonctions de gestion et de contrôle de la déci-sion, choix d’allocation des ressources) mais pourtant largement absente des débats actuels sur la gouvernance des pôles.

Cette thèse proposera quelques résultats et plusieurs conjectures sur les modalités de pilotage des pôles de compétitivité en partant du modèle formel proposé par Acquier (2007) qui relie trois éléments : un modèle de perfor-mance, des objets d’actions et des dispositifs de gestion.

3. Déroulement de la recherche

Notre stratégie de recherche s’est appuyée sur une démarche abductive, sur la base d’allers-retours entre les terrains et les théories. La démarche

(21)

abductive était la plus adaptée à nos objets de recherche, dont le carac-tère émergent ne permet pas facilement une approche hypothético-déductive. Nous nous attacherons à décrire le parcours suivi et les types de données mo-bilisées dans un chapitré dédié à la méthodologie de recherche, .

La figure 1 résume le déroulement de cette recherche, démarrée à la suite d’un premier travail de recherche effectué en master. Ce premier travail nous avait permis d’ébaucher une revue de littérature des principaux modèles ter-ritoriaux évoqués dans des recherches en économie géographique. L’observa-tion du cadre général de la politique française des pôles de compétitivité, en comparaison avec les thèses existantes sur les modalités de soutien aux clusters, nous avait conduits à considérer que la problématique générale de la gouvernance -à ce moment de la recherche, définie dans un sens très large-constituait une clé d’entrée pertinente pour une recherche sur les pôles de compétitivité. Munis de cette idée préalable, nous avons entamé rapidement -dès janvier 2006- les études empiriques.

Ainsi, nous avons débuté nos analyses de pôles de compétitivité avec une compréhension préalable du contexte -cette compréhension étant elle-même enrichie par la lecture des travaux existants sur les modèles territoriaux-, mais sans réel cadre théorique préalable.

Elle a été aussi la plus adaptée aux opportunités d’accès au terrain, puisque grâce à l’aide de notre environnement de recherche, nous avons été en mesure d’accéder très rapidement à des premiers cas de pôles de compé-titivité, sans avoir précédemment posé un cadre d’analyse théorique initial. Cette première phase d’immersion dans le terrain a permis de recueillir assez rapidement une grande quantité de données, issues d’entretiens et d’observa-tions menés dans quatre pôles de compétitivité.

Par ailleurs, notre question de recherche pose le principe d’une analyse multi-niveaux des processus de gouvernance et de pilotage dans les pôles de compétitivité. Notre méthodologie qualitative, fondée sur des études de cas se conforme aux exigences de l’analyse d’un objet qu’on ne peut séparer de son contexte (Yin, 1994). Quatre études de cas ont été réalisées dans le cadre de cette thèse. Deux études sont centrales et ont nécessité plusieurs mois d’investigation. Deux autres études de cas, plus légères et qui complétent les

(22)

précédentes par certains aspects ont été réalisées à partir d’un nombre limité d’entretiens et d’observations.

De plus, nous avons cherché à appréhender la diversité des acteurs en présence, ce qui nous a conduit à mener des entretiens auprès d’une typologie très large d’acteurs : des acteurs de la gouvernance du pôle, des acteurs de l’animation, acteurs des agences étatiques, collectivités, membres participant à des projets, membres « dormants » dans les pôles.

4. Plan

La présente thèse s’articule en trois parties. Une première partie consa-crée à la revue de littérature et à l’analyse du contexte institutionnel, déve-loppe les concepts théoriques qui seront mobilisés par la suite. Une deuxième partie présente la méthodologie de recherche et les quatre études de cas qui constituent le principal matériau empirique de cette thèse. Enfin, la troisième partie articulera les principaux points de discussions sur la gouvernance et le pilotage, avec pour objectif de confronter les résultats observés aux propo-sitions de la littérature. Une conclusion générale évoquera différents points, certains, sur lesquels notre matériau et notre analyse de l’objet « pôle » nous permettre de tirer des enseignements, d’autres méritant des développements ultérieurs.

Le corps de la présente thèse est décliné en six chapitres.

Le premier chapitre de cette thèse abordera les concepts et les modèles territoriaux à la base de l’idée de pôle de compétitivité. Nous montrerons que les recherches académiques portant sur les formes territoriales se sont princi-palement concentrées sur l’analyse ensuite dans le cadre de cette analyse du contexte dans lequel s’inscrivent les pôles, comment se forme une doctrine des pôles au niveau des acteurs publics, et le positionnement de cette doctrine par rapport aux politiques antérieurs (technopôles, SPL, mais également autres dispositifs de politique industrielle. . . ), la question des modalités de mise en

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ristiques de ce système institutionnel où plusieurs acteurs, portant plusieurs objectifs cherchent à agir auprès des pôles. La complexité de ce système est susceptible de mettre en péril la capacité d’autonomie des gouvernances de pôles. Nous montrerons la diversité de ces approches au travers d’une étude généalogique de ces modèles.

C’est au coeur de l’analyse de la littérature sur les formes inter-organisationnelles que nous avons trouvé matière à repérer des problématiques gestionnaires aux pôles de compétitivité. Le deuxième chapitre de cette thèse déroulera notre réflexion théorique en partant des définitions et concepts mobilisés par les théoriciens des formes inter-organisationnelles (méta-organisation, réseaux inter-organisationnels, groupes d’intérêts) pour nous conduire à la question de la gouvernance. Pour traiter du système de gouvernance des pôles, nous partons d’approches plus générales de la gouvernance des organisations, pour ensuite revenir aux propositions théoriques existantes sur la gouvernance des systèmes territoriaux. Notre parcours intellectuel nous a amené à poser la question du pilotage. Alors que dans les théories de la corporate governance le système de gouvernance traite aussi des fonction de gestion et de contrôle de la décision, il reste un vide théorique sur ces ascpects dans le cas des formes d’organisations territoriales. Nous aborderons ainsi des modèles formels de pilotage qui pourront être mobilisés comme grille d’analyse du pilotage.

Le troisième chapitre présente la méthodologie suivie dans cette thèse. Nous justifierons la méthode qualitative réalisée par études de cas multiples, complétée par d’autres types de données. En particulier, nous ferons mention de l’apport original que constitue la construction de l’Observatoire des pôles de compétitivité, initiative lancée par l’Association des Régions de France et pilotée par une équipe de recherche de l’Ecole des Mines de Paris. Nous reviendrons sur notre statut dans cet observatoire et sur les bénéfices retirés de la construction de ce collectif hétérogène qui forme la communauté parti-cipant à l’Observatoire.

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montrent clairement des contextes et des formes d’organisation différentes. Pour comparer ces quatre pôles, nous nous appuierons sur la grille de caracté-risation que nous aurons présentée préalablement dans le chapitre précédent.

Dans le cinquième chapitre, nous nous pencherons sur la question des sys-tèmes de gouvernance des pôles de compétitivité. Notre revue de littérature du deuxième chapitre a permis de mettre à jour divers éléments de réflexion théorique sur ce qu’est la gouvernance. Cependant, dans ce chapitre de discus-sion, nous contesterons les propositions théoriques traditionnelles qui, selon nous, s’avèrent être des catégories trop générales pour appréhender la réalité de la gouvernance. D’autre part, au delà de la question des définitions et d’une description de la gouvernance, il nous paraît nécessaire de s’interroger sur le contenu de la gouvernance. Le chapitre a ainsi pour but de question-ner les actions de la gouvernance vis-à-vis de ses membres et vis-à-vis de ses parties prenantes.

Dans le sixième chapitre, une relecture des études de cas nous conduit à proposer des analyses de l’émergence et de la structuration des modali-tés de pilotage des pôles. Nous mettrons en exergue la diversité des diffé-rentes formes d’activités collective et les dispositifs encadrant la production de celles-ci. Nous serons également amenés à nous interroger sur l’influence de l’environnement institutionnel sur le choix des modalités de pilotage, en distinguant plusieurs cas de figures : certaines actions sont librement pilotées par les structures des pôles car l’environnement institutionnel reste peu pres-criptif ; pour d’autres activités, le pôle est contraint de se structurer selon certaines modalités pour répondre soit aux attentes, soit aux contraintes de l’environnement institutionnel

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Les pôles de compétitivité, un

agencement inter-organisationnel

à gouverner

Problématiques et cadres

d’analyse théorique

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jectif de répondre d’un point de vue théorique aux trois questions suivantes :

Qu’est-ce qu’un pôle de compétitivité ? Qu’est-ce que la gouvernance d’un pôle ? Qu’est-ce que le pilotage d’un pôle ?

Pour répondre à la première de ces trois questions, plusieurs images d’un pôle de compétitivité sont possibles. En effet, un pôle de compétitivité est à la fois un modèle théorique en construction, dont on peut retracer la fi-liation depuis les travaux de Marshall sur les facteurs de localisation d’une industrie, en passant par les multiples modèles de systèmes territoriaux : district, milieu innovateur, learning region, cluster etc.. C’est aussi une poli-tique publique qui met en oeuvre plusieurs figures du Nouveau Management Public : principes de gouvernance déléguée à des acteurs locaux, principes d’un partenariat public-privé, logique de comparaison des pratiques étran-gères (benchmarking), intervention par contrats de projet etc. C’est enfin une nouvelle entité inter-organisationnelle avec des contraintes spécifiques en matière « d’organising », liée notamment à sa fonction d’intermédiation.

Les deux autres questions -gouvernance et pilotage- offrent l’occasion d’un aller-retour entre les théories générales professées sur ces deux dimensions et le cas spécifique de cet agencement inter-organisationnel. Nous verrons notamment que le corpus sur la gouvernance apporte à la fois des théo-ries générales et des théothéo-ries contextualisées au cas des agencements inter-organisationnels et des systèmes territoriaux. Toutefois le corpus du pilotage ne propose pas de théories spécifiques à ces objets-là.

La partie I est découpée comme suit. Le premier chapitre abordera la re-vue des modèles territoriaux précurseurs du modèle « pôle de compétitivité » et les justifications qui appuient l’idée d’une politique de pôle de compéti-tivité. Nous décrirons également dans ce chapitre le contexte institutionnel de cette politique. Le deuxième chapitre permettra d’aborder les probléma-tiques organisationnelles auxquelles sont confrontés les décideurs des pôles et

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Une politique renouvelée des

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Synopsis du chapitre :

Ce premier chapitre a un objectif double. D’une part, nous cherchons à présenter le contexte institutionnel d’où provient la politique des les pôles de compétitivité. A la fois les théories de l’action des acteurs publics et les processus de construction de cette politique seront abordés pour bien comprendre le schéma institutionnel et administratif de l’environnement des pôles.

D’autre part, nous verrons comment se situe le concept de pôle par rapport à la variété d’autres concepts théoriques qui se sont succédés de-puis plus d’une trentaine d’années (voire une centaine si on considère que l’ensemble des variantes est reliée à une racine commune, celle de Mar-shall (1890) qui souligne le premier l’existence d’effets externes induits par les phénomènes de concentration géographique).

Ce chapitre donnera donc une vue d’ensemble des théories et des concepts autour de ces « formes d’organisations territoriales » : district, cluster, milieux innovateurs etc. Nous passerons en revue la grande diver-sité des concepts et soulignerons la variété des facteurs de performance identifiés. Après le succès académique de ces concepts est venu le succès de leur diffusion dans les cercles du pouvoir politique dans les années 90. Ceci donne lieu à la naissance d’un champ très particulier des « clusters policies », où le principe général veut que les pouvoirs publics mènent diverses actions pour accompagner la construction de la compétitivité à un niveau territorialisé. Les cluster policies regroupent un ensemble vaste d’initiatives en faveur du développement de formes territoriales organi-sées. Nous étudierons les principaux enseignements tirés par les institu-tions les plus investies sur la question (OCDE, Institute of Competitive-ness, Commission Européenne).

Ceci nous conduit ensuite à détailler le cas français de la politique des pôles. La politique des pôles est une nouvelle forme de structuration du territoire croisant la question territoriale, les questions industrielles et la recherche. En phase avec les évolutions actuelles du management public, la politique des pôles sera mise en oeuvre selon une philosophie de la gouvernance politique, qui peut s’appréhender à la fois par la délégation à des acteurs tiers de pouvoirs décisionnaires, et par des partenariats de diverses natures -public/privé, Etat-Région, Recherche/Industrie. Enfin nous décrirons le processus politique oeuvrant autour des pôles, pour souli-gner la forte présence de l’environnement institutionnel. Nous conclurons le chapitre en rappelant les critères constitutifs d’un pôle de compétitivité.

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En juillet 2005, le gouvernement français décidait de labelliser 67 pôles de compétitivité avec l’ambition que ces pôles constituent un outil majeur pour dynamiser la compétitivité et l’innovation de l’industrie française. La décision finale de lancer ce label est le résultat d’un processus enclenché en début d’année 2004, avec la publication de deux rapports, l’un rédigé par le député Blanc, sur les écosystèmes de croissance, l’autre publié par la DIACT, préconisant le renouveau d’une politique industrielle fondée sur les territoires. Ces deux rapports font référence aux réussites étrangères en ma-tière de développement local, comme le ‘cluster’ de la Silicon Valley ou les districts italiens de la région du Prato ou d’Emilie-Romagne. Essayant de tirer les leçons à la fois de modèles théoriques et d’expériences empiriques, ces deux rapports aboutissent à la conclusion qu’il devient nécessaire de ren-forcer le développement de réseaux localisés, incluant les différents acteurs des processus d’innovation. L’objet de ce premier chapitre est de prendre en compte l’état des connaissances, des questionnements et des référentiels existants pouvant constituer des briques de « théories de l’action » pour les acteurs concernés par la conception de cette nouvelle action publique1.

Pour comprendre l’origine et le contexte dans lesquels nait la politique de pôles de compétitivité, nous puisons dans des champs disciplinaires hé-térogènes : économie géographique, sciences politiques. Cette revue s’appuie aussi sur l’analyse d’une littérature « grise », celle des rapports institutionnels commandités par les décideurs publics.

Le chapitre est ainsi structuré. D’abord, nous procèderons à une revue des apports théoriques sur les formes d’organisation territoriale (section 1.1). Puis nous nous pencherons sur l’état des réflexions actuelles sur les politiques publiques en faveur du développement de ces formes de développement local

1. Selon Michaud et Thoenig (2001) le concept de théorie de l’action renvoie aux « cadres cognitifs ou mentaux qui énoncent comment agir dans des situations données, comment concevoir, faire et évaluer actes et non-actes. Ces cadres ou théories demeurent le plus souvent implicites.. Ils établissent des liens de causalité. Ils sont tacites, c’est-à-dire considérés comme allant de soi. Ils énoncent des affirmations sur soi, les autres et l’envi-ronnement. Leurs porteurs n’ont même pas conscience de les utiliser. L’appartenance des acteurs à une même organisation ou à un même segment d’un système les conduit à par-tager ainsi des langages communs de l’action, à construire des critères de choix similaires, à vivre des valeurs identiques . »

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(section 1.2). Enfin, dans une section (1.3), nous proposons une description du cas français de la politique des « pôles de compétitivité ».

1.1 Revue des formes territoriales organisées

Gomez (2009) rappelait que « les Pôles de compétitivité constituent une forme particulière d’organisation collaborative décentralisée dont la carac-téristique est leur ancrage physique dans un territoire ». Si la dimension territoriale est fondamentale pour un pôle de compétitivité, le chercheur fait face à sa complexité intrinsèque lorsqu’il cherche à l’intégrer dans le champ des sciences de gestion.

En effet, Lauriol et al. (2008b) constataient « une faiblesse relative, dans les travaux académiques, du recours à la dimension spatiale pour appréhender et analyser les objets et les problématiques propres aux sciences de gestion en général et au management stratégique en particulier ». Certes le territoire a été peu considéré en tant que tel comme objet de recherche en gestion. Néanmoins d’autres disciplines, en premier lieu naturellement, la géographie, puis l’économie géographique d’inspiration institutionnaliste et régulation-niste, ont considéré diverses formes d’organisation du territoire connus sous diverses appellations : « districts technologiques », « cluster » ou « systèmes productifs localisés ».

« Au total, en France, il y a de la place pour au minimum, 150

à 200 clusters - je préfère ce terme à la traduction française de pôles de compétitivité-. Nous avons déjà les soubassements que sont les quelque 200 à 300 systèmes productifs localisés. Car, j’insiste sur ce point, il ne s’agit pas de se limiter aux clusters technologiques. [...]Il existe donc un potentiel à foison mais c’est une organisation nouvelle des modes de production que nous devons gérer. » Interview de Christian Blanc, Les Echos, édition

du 19 Mai 2005

Ce détour par un extrait de l’interview de Christian Blanc pose la problé-matique générale de cette section. Blanc argumente qu’il existait déjà sur

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le territoire français des formes, les systèmes productifs locaux, qui peuvent constituer les soubassements du développement de pôles. Ensuite, selon lui, les pôles de compétitivité s’apparentent à des clusters. En bref, le discours reste confus. Même le choix des différents exemples étrangers qu’il cite dans son rapport de 2004 (Emilie-Romagne, Silicon Valley, Pays Basque espagnol, Stanford) contribue à brouiller la compréhension en supposant qu’implicite-ment ce sont les mêmes phénomènes qui sont évoqués.

L’objet de cette section est d’éclaircir le champ des formes territoriales organisées en proposant des définitions et classifications.

1.1.1 Profusion et confusion des modèles théoriques

Plusieurs travaux offrent déjà des panoramas très complets sur cette question, avec pour certains une lecture critique de l’évolution des idées ((Moulaert & Sekia, 2003; Asheim & Mariussen, 2003; Iammarino, 2005; Santos Cruz & Teixeira, 2007). Selon Martin & Sunley (2003), les différents observateurs de la nature et des formes d’agglomérations spatiales d’indus-tries ont su inventer une profusion de néologismes : ’district industriel’, ’nou-veaux espaces industriels’, ’complexes territoriaux de production’, ’noeuds neo-marshalliens’, ’milieu innovation’, ’régions apprenantes’. La diffusion des concepts dans la littérature connaît d’ailleurs une accélération depuis le début des années 2000, preuve que l’idée continue de susciter beaucoup d’intérêt dans les communautés académiques (Santos Cruz & Teixeira, 2007). La mul-tiplicité des modèles a d’ailleurs conduit beaucoup d’auteurs à critiquer la base du concept, son caractère flou et « attrape-tout » qui conduiraient à la perte de sa substance et de sa pertinence (Martin & Sunley, 2003). Maskell & Kebir (2005) soulignent avec ironie : « Nous courons le risque que le concept

de cluster rejoigne ces rares termes du discours public qui sont passés direc-tement de l’obscurité à l’absurdité, sans aucune période de cohérence »2

Ces différentes notions partagent trois grandes hypothèses communes

2. Notre traduction de « we run the risk that the cluster concept will join those rare terms of public discourse that have gone directly from obscurity to meaninglessness without

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(Santos Cruz & Teixeira, 2007). La première est relative à la proximité géo-graphique entre les composantes du cluster. Cette géographie permet de générer des économies d’agglomération, par la spécialisation in-terne et la division du travail. Beaucoup de ces travaux mettent à jour les liens entre proximité spatiale et avantage technologique (Gallaud & Torre, 2001). Deuxièmement, une autre dimension est celle des réseaux sociaux, qui mettent en œuvre divers types de liens au sein du cluster, avec pour effet la formation de différentes formes de proximité, et à la transmission de connaissances et d’apprentissages collectifs. Une troisième dimension reflète l’importance de la culture, des institutions informelles et du climat d’affaires (business climate) qui permettent le développement de nouvelles entreprises et ainsi l’évolution du cluster.

Cependant, nous pouvons distinguer au sein de la littérature deux dé-marches de recherche. La première considère de manière générique un mo-dèle d’agglomération territorial sans s’attarder sur les distinctions possibles. Porter et ses tenants considèrent ainsi que le cluster est un outil d’analyse glo-bal, qui peut être mobilisé de manière relativement indistincte. Cependant, le cluster fera ensuite l’objet d’investigations plus précises qui amèneront peut être à formuler diverses typologies de clusters. Le concept de district a égale-ment connu ce destin : le district a d’abord été pensé comme une stylisation des phénomènes observés en Italie du Nord, mais ensuite, le concept s’est voulu global jusqu’au moment où il est apparu que la portée explicative du concept était faible, en dehors du cas précis de l’Italie.

La deuxième démarche cherche à maintenir la diversité des notions et appelle à approfondir la diversité, en supposant qu’il y a dans chacune des notions proposées des enjeux différenciés à la fois théoriques mais aussi en termes d’action publique (Maskell & Kebir, 2005). Ainsi Maskell et Kebir (2005) soulignent ainsi qu’au moins trois notions (district de Marshall, le cluster et le milieu innovateur) renvoient à des visions de la performance différente.

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1.1.1.1 La généalogie des systèmes territoriaux

S’appuyant sur un travail bibliométrique approfondi (qui amène à distin-guer une généalogie de plusieurs écoles de pensée selon un schéma représenté dans la figure 1.1), Santos Cruz & Teixeira (2007) proposent une analyse à la fois qualitative et quantitative de la littérature sur les clusters.

Figure 1.1 – Revue des écoles de pensée sur les modèles territo-riaux(Santos Cruz & Teixeira, 2007)

Ces auteurs ont tracé la filiation des différents modèles territoriaux en distinguant trois grandes périodes.

La première période est caractérisée par une économie fondée sur les res-sources agricoles et des capacités industrielles. L’industrie est toujours au

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cœur de la deuxième période, mais le poids de la technologie comme source d’avantage concurrentiel devient de plus en plus central.

Une deuxième période historique est marquée par l’affluence de réflexions critiques sur le capitalisme moderne centré autour de la firme verticalement intégrée. L’essor des réflexions sur le capital social et les théories de l’en-castrement (Granovetter, 1985) offre une nouvelle perspective qui valorise le rôle des liens sociaux et de la solidarité dans les relations économiques. La troisième période voit émerger des grilles de lecture issues de l’économie évo-lutionniste et des théories institutionnelles. Ces nouvelles approches mettent l’accent sur les aspects interactionnistes des clusters, et travaillent sur des approches socio-historiques, pour montrer l’influence des trajectoires histo-riques et des institutions locales dans le développement de ces clusters.

D’autres manières de regrouper la littérature existent et se justifient (Be-lussi, 2004; Asheim, 2003; Moulaert & Sekia, 1999). Pour notre part, nous considérons qu’il y a surtout trois conceptions différentes du territoire qui s’expriment dans les différents modèles.

D’abord, il y a l’idée que le territoire est un ensemble de ressources disponibles dans une zone de « proximité géographique ». Les économistes industriels ont cherché à analyser les phénomènes de localisation géogra-phique par la présence d’externalités liés à la concentration de ressources3. 3. Il faut cependant noter à ce propos que différentes formes d’externalités existent. Nguyen & Vicente (2003) distinguent quatre formes d’effets externes ou externalités :

– les externalités pécuniaires proviennent du partage des coûts fixes d’infrastructure disponibles sur le territoire

– Les externalités technologiques résultent de la spécialisation des activités et de la division du travail. Ces externalités technologiques découlent de l’interaction entre producteurs et dépassent la seule logique de mutualisation d’infrastructures. Elles s’apparentent à des externalités de connaissances.

– Les externalités d’adoption résultent de ce que les économistes qualifient d’effet réseau. Plus les clients sont nombreux, plus les bénéfices de ceux qui ont déjà adopter le produit sont grands.

– Les externalités dynamiques aussi appellées externalités d’apprentissage meetent en valeur la proximité entre les entreprises et les clients, pour aider les premières à caractériser leurs produits lors de la définition du « dominant design »

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Mais ces ressources peuvent concerner aussi le capital social.

La deuxième version serait du « territoire stratégique ». Le territoire n’est pas seulement un contenant donné a priori, il est au contraire délibé-remment élaboré par les acteurs qui développent une identité et des stratégies spécifiques, « une construction sociale d’un groupe com-posite »(Leloup et al., 2005). En effet le territoire peut être analysé comme

un espace de projets collectifs, un espace de création d’avantages spécifiques (Lauriol et al., 2008a).

Enfin la dernière version serait celle du « territoire systémique ». Le terri-toire est pensé de manière élargie, comprenant à la fois un système d’acteurs productifs et un ensemble d’institutions (Gilly & Pecqueur, 2000). Se pose dès lors la question des mécanismes de régulation et de gouver-nance. Pour Filippa (2003), « tout territoire est caractérisé par une forme de

régulation des comportements des agents » mais « les mécanismes de gouver-nance ne sont pas forcément intégrés dans la représentation d’un territoire ».

Ainsi, il nous semble possible de regrouper les modèles théoriques dans ces trois catégories, en gardant cependant à l’esprit que ces conceptions du territoire peuvent co-exister au sein d’un modèle. Par exemple, le district italien est fondé à la fois sur l’idée de ressources idiosyncratiques locales (culture, mais aussi savoir-faire spécialisés), mais également sur l’idée des relations entre les acteurs (division du travail, liens communautaires et capital social) :

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Figure 1.2 – Les formes organisées classées selon leur conception du terri-toire

Cependant, plus que la manière de regrouper les différentes formes, notre point central est de mettre en évidence que ces différentes notions font ap-pel à des éléments constitutifs et des facteurs différents pour expliquer la dynamique et la performance des territoires.

1.1.1.2 Panorama des principaux modèles

Pour mieux comprendre les différences et les points communs entre ces formes, nous proposons un panorama des courants présentés dans le tableau précédent 1.2

Les théories de la localisation

De la fin du XIXème siècle jusqu’aux décennies 1950-1960, plusieurs cher-cheurs d’inspiration néo-classique se sont penchés sur la question du choix de la localisation industrielle et sur les phénomènes d’agglomération (parmi les

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références les plus citées, Weber, 1929; Hoover, 1948). Dans cette conception néo-classique, la localisation et l’agglomération sont les résultats de processus d’optimisation des coûts de transports et d’effets d’économies externes. Par exemple, Barloon (1965) démontre que les caractéristiques de l’industrie dé-terminent le mode de transport optimal et donc le choix de la localisation de cette industrie. Ainsi les industries de process, manufacturières ont moins de contraintes de localisation que les industries lourdes, ce qui conduit Barloon à penser que la probabilité de changement de localisation de ces industries manufacturières est plus grande. Leur analyse de la question de la localisa-tion conduit souvent les auteurs à proposer des stratégies de planificalocalisa-tion du territoire, fondés sur la création de parcs industriels offrant des services et des infrastructures de qualité4.

Le modèle marshallien

Parmi ces auteurs, Marshall (1890) est reconnu comme un des pères fon-dateurs de l’analyse des ‘districts industriels’, qu’il définit comme :

« un mode de développement territorial basé sur le fonction-nement d’ensembles industriels fondés sur la recherche par des entreprises locales, d’un avantage compétitif issu de leur mode de coopération dans le traitement intégré de leur production parti-culière, que ce soit un secteur ou un produit. »

Le district industriel marshallien comprend cinq éléments constitutifs : – l’existence d’une spécialisation industrielle autour d’une filière

produc-tive ou d’éléments d’une filière ;

– l’existence d’un potentiel entrepreneurial basé sur les PME ;

– l’existence d’une tradition entrepreneuriale liée au degré de confiance qui règne ;

– la recherche d’économies d’échelle et d’externalités de proximité ; – la mise en place d’une organisation territoriale de la production.

4. Il y a eu dans les années 60-70 une vague d’implantation de parcs industriels aux Etats-Unis, en Californie, à Chicago, dans le Michigan. L’exemple du Michigan est original car cet Etat est le premier à mettre en œuvre une certification de ses parcs industriels (Towse, 1985). Cette procédure avait pour objectif de parvenir à une définition homogène

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Les modèles fondés sur les coopérations locales

Le modèle du district a été re-découvert par les chercheurs italiens (Ba-gnasco, 1977; Becattini, 1981) pour mettre une étiquette sur des phénomènes stylisés. En effet, Becattini avait été frappé par les particularités de certaines régions italiennes, spécialisées dans des activités traditionnelles (par exemple la région du Prato et le textile) ou de moyenne technologie (petite méca-nique) où un ensemble de petites firmes spécialisées parvenaient à se répartir efficacement le travail, selon des étapes différentes du cycle de production et de distribution.

Le cadre d’analyse s’enracine dans le concept marshallien des effets ex-ternes localisés. Le modèle du district est communément défini comme un système productif géographiquement localisé où s’hybrident des relations de compétition, de complémentarité et liens communautaires - confiance et réciprocité- ancrés dans des institutions socio-culturelles.

Piore et Sabel (1984) ont vu dans ce concept un cas particulier d’un phéno-mène plus répandu, la spécialisation flexible, par opposition aux productions de masse. Beaucoup ont pensé alors que les districts préfiguraient d’un nou-veau modèle de développement économique basé sur des réseaux de petites entreprises géographiquement concentrées (Benko et al., 1996). Cependant le modèle a connu ses limites lorsque ses principaux défenseurs ont reconnu le caractère non transposable de cette forme à des territoires n’ayant pas les spécificités culturelles locale des régions italiennes. De plus, les districts ita-liens ont aussi connu des difficultés liées à leur incapacité à développer leur capacité d’innovation.

L’approche porterienne par la compétitivité

Michael Porter est à l’origine d’une réflexion globale sur les facteurs de la compétitivité au niveau d’une entreprise et au niveau des nations. Deux ou-vrages phares « the Competitive Advantage » et « the competitive advantage of Nations » présentent une vision commune de ce qu’est la compétitivité. Plus exactement, Porter transpose au niveau des Nations ce qu’il avait dé-duit à partir de simples cas d’entreprises dix ans plus tôt dans ses travaux

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sur la stratégie compétitive des firmes (Aktouf, 2003). Comme le rappellent Maskell & Kebir (2005), l’objectif initial de Porter n’était pas de développer une théorie des clusters mais bien de proposer une analyse des facteurs de compétitivité locale, régionale et nationale. Porter (1990) insiste sur le rôle des ’grappes industrielles’5dans la création d’un avantage concurrentiel des

Nations. Il écrit6 :

« L’unité d’analyse basique pour comprendre les avantages

na-tionaux est l’industrie. Les nations ne réussissent pas dans des industries isolées, cependant, mais dans des grappes d’industries connectées par des relations verticales et horizontales. L’économie d’une nation contient une combinaison de grappes, dont la confi-guration et les sources d’avantages (ou de désavantages) reflètent l’état de développement de l’économie. » (p.73)

La création de facteurs d’avantage concurrentiel est influencée par l’intensité des relations verticales et horizontales entre les firmes. Porter (1998) insiste sur le fait que ce sont les relations à la fois de collaboration et de compé-tition entre ces entreprises qui créeront les conditions de la croissance, de l’innovation et de la compétitivité. Cette émulation localisée aura des effets d’entraînement sur les relations avec les universités locales, les infrastructures techniques et de formation etc.

5. le terme ’cluster’ est généralement conservé y compris dans la littérature francophone 6. Notre traduction de « The basic unit of analysis for understanding national advan-tages is the industry. Nations succeed not in isolated industries, however, but in clusters of industries connected through vertical and horizontal relationships. A nation’s economy contains a mix of clusters, whose makeup and sources of competitive advantage (or disad-vantage) reflect the state of the economy’s development (p.73) »

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Figure1.3 – Le Diamant de Porter (1990)

L’existence de grappes industrielles stimulera la compétitivité des prises, des régions et des nations de trois manières. En premier lieu, les entre-prises localisées dans un cluster bénéficient de gains de productivité, car elles ont accès des moyens, à des ressources auxquelles elles ne pourraient avoir accès si elles étaient isolées. En deuxième lieu, ces firmes sont non seulement plus productives, mais elles ont également une plus forte capacité d’inno-vation. Enfin les clusters favorisent l’entrepreneuriat, dans la mesure où les barrières à l’entrée sont diminuées.

Le concept de cluster est parmi les modèles de systèmes territoriaux celui qui s’est le mieux diffusé. Motoyama (2008) explique sa popularité par trois facteurs : la simplicité de l’explication proposée par Porter, le fait qu’elle donne une direction claire, et raison majeure, le fait qu’elle apporte une justification à l’action politique. En effet, en ancrant son concept dans une théorie de la compétitivité mondiale, Porter apporte un argument pour que les décideurs publics mènent des actions à un niveau local, mais qui peuvent contribuer à la compétitivité à l’échelle internationale (Motoyama, 2008). Conséquence de cette popularité, rien que sur la période 2000-2003, plus de 300 articles abordant les clusters ont été publiés dans les revues académiques

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(Ketels, 2003). Porter a développé cette notion non seulement comme un concept analytique mais également comme un instrument de politique pu-blique. Dès le démarrage de ses travaux sur les clusters, il propose ses ser-vices d’expert et de consultant à plusieurs régions : le pays basque espagnol (Ahedo, 2004), la Thaïlande (Wonglimpiyarat, 2006), le Japon pour aider les décideurs publics à identifier les clusters potentiels et à mettre en place des actions de soutien au développement de ces clusters.

Pourtant, pas un concept n’aura été autant critiqué que celui proposé par Porter. Martin & Sunley (2003) offrent la critique la plus virulente. De leur point de vue, plusieurs éléments posent problème dans les développements théoriques de Porter.

Premièrement, le concept de cluster pose des problèmes de définition. Il n’y a d’abord aucune définition du périmètre géographique pertinent pour le cluster : cela peut être une ville, une région, un Etat. Ensuite, Porter fait de ce concept une théorie globale qui peut selon lui s’appliquer à tout un ensemble de localisations industrielles spécialisées avec des formes et de degrés divers. Enfin, la notion fondamentale de compétitivité est, selon ces auteurs, beaucoup trop simpliste et peu rigoureuse. En outre il est difficile de considérer que la compétitivité d’un territoire est de même nature que la compétitivité d’une entreprise, comme laisse à suggérer le travail de Porter. Le modèle de Porter repose sur l’idée que trois stratégies de compétitivité sont possibles pour une firme : la différenciation, la compétitivité par les prix et la stratégie de niche. Martin & Sunley (2003) s’interrogent cependant sur le caractère transposable de cette vision de la stratégie d’une firme à la stratégie d’un territoire. Ils critiquent par ailleurs le fait que Porter utilise de manière indifférenciée les termes de « compétition », « d’avantages com-pétitifs » et de « productivité ». Ce qui conduit selon eux à une tautologie « est-ce qu’une région est plus productive parce qu’elle est plus compétitive ou est-ce qu’elle est plus compétitive parce qu’elle est plus productive ? »

Figure

Figure 1 – Plan de la thèse
Figure 1.1 – Revue des écoles de pensée sur les modèles territo- territo-riaux(Santos Cruz & Teixeira, 2007)
Figure 1.2 – Les formes organisées classées selon leur conception du terri- terri-toire
Figure 1.3 – Le Diamant de Porter (1990)
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