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Les « cluster policies », des applications de plus en plus répandues

formes d’organisation territoriale

1.2 Les « cluster policies », des applications de plus en plus répandues

Le concept de cluster a pris une grande importance dans les politiques contemporaines de développement économique. Actuellement, la Commis- sion européenne recense plus de 130 initiatives politiques pour encourager le développement de clusters dans 31 pays européens. Un tableau liste les principaux rapports institutionnels traitant des clusters. Il montre l’étendue de réflexions parfois théoriques mais surtout normatives sur ces politiques de développement de clusters, regroupées sous l’appellation « cluster policies ».

L’analyse des principales conclusions de chacun de ces rapports met en évidence plusieurs points récurrents. Premièrement, chacun reconnait l’am-

biguité du terme « cluster » et s’évertue à proposer une définition. Les princi- paux éléments constitutifs d’un cluster considéré concernent ; la co-localisation géographique des activités, le caractère spécialisé des activités de production et la nature systémique de ces clusters où plusieurs types d’acteurs sont en interaction. Néanmoins, peu de rapports s’attardent à relever les critiques à l’encontre du concept de cluster, pourtant souvent évo- quées dans la littérature académique (Martin & Sunley, 2003; Favoreu et al., 2008; Hospers, 2005; Maskell & Kebir, 2005; Motoyama, 2008; Benne- worth & Henry, 2004).

Deuxièmement, en terme méthodologique, les études sur les politiques de clusters posent la question de la transférabilité des leçons tirées des expériences locales. De fait, les rapports existants se fondent en gé- néral sur des analyses comparées qui peuvent prendre au moins deux formes. L’approche inspirée des travaux de Porter conduit à la construction d’obser- vatoires collectant des données sur les clusters existants.

L’approche par études de cas pays est notamment celle privilégiée par l’OCDE (1999, 2001, 2007). Cette méthode qualitative cherche à appréhender la com- plexité d’un système territorial dans son ensemble et notamment la prise en compte des spécificités institutionnelles (histoire du pays, traditions d’inter- vention publique etc.).

1.2.1 Une question de définition : « cluster policy »,

« cluster initiative » et « cluster organisation »

Sölvell et al. (2003) proposent de distinguer plus précisément la notion de « cluster policy » de celle de « cluster initiative ». La première se réfère aux efforts spécifiques des pouvoirs publics pour soutenir le développement des clusters. Les politiques de cluster se donnent pour ambition de formuler une stratégie précise, d’identifier des priorités politiques, d’allouer des fonds en conséquence pour promouvoir l’innovation, le développement régional, ou

d’autres objectifs politiques8. Nauwelaers (2001) souligne cependant le fait

que les politiques de clusters ne constituent pas un champ politique nouveau. Il s’agit en revanche de développer une nouvelle combinaison d’instruments politiques existants avec pour objectif d’accompagner de manière plus inter- active le processus d’innovation des firmes. La plupart des analyses montrent cependant que les politiques de soutien aux clusters peuvent prendre des formes très variées. Cette diversité crée parfois des freins à la comparaison internationale comme en témoigne par exemple l’innobarometer, dans lequel on peut remarquer que par sappellation cluster, certains entendent l’utilisa- tion d’instruments de types incubateur, pépinière, d’autre font référence aux politiques de soutiens au développement de pôles d’activités.

Les initiatives de clusters (« cluster initiative ») désignent les actions déli- bérées pour accroitre la croissance et le développement de clusters dans une région donnée. Les initiatives sont nécessairement le fait d’une coopération entre les acteurs publics et les acteurs privés.

Pour la Commission Européenne (2008), ces initiatives de clusters induisent souvent la création d’organisation de clusters (« cluster organisation »). Celles- ci désignent les entités légales en charge de l’ingénierie, du pilotage de ces clusters. Ces nouvelles organisations contribuent à la dynamique du cluster en offrant une variété de services à leurs membres : accès à des ressources et des connaissances spécialisées, formation, networking, conseil spécialisé etc. La Commission Européenne (2008) estime à plus de 500 le nombre d’organi- sations de clusters existant en Europe.

1.2.2 Principales problématiques

1.2.2.1 Quel rôle de l’action publique dans le soutien au dévelop- pement de clusters ?

Une question centrale se retrouve dans la majorité des rapports, celle de la place et du rôle de l’action publique. En effet la littérature sur les

8. Notre traduction de « Cluster policy is about expressing a focused strategy, set- ting political priorities and allocating funding in order to promote innovation, regional development or other policy goals »

cluster policies a montré l’ambiguïté de la distinction conceptuelle entre les initiatives dites « top-down », qualifiées également d’initiatives organisées ou planifiées, et celles dites « bottom-up » que l’on désigne aussi sous le terme d’émergentes (Fromhold-Eisebith & Eisebith, 2005).

La Commission Européenne (2008, p.32) propose de distinguer trois ca- tégories différentes de politiques de clusters :

– des politiques de « facilitation » visent à créer des conditions et un environnement favorables à la croissance et à l’innovation. Ce type de politique accompagne de manière indirecte le développement de cluster. D’inspiration libérale, il s’agirait de limiter le rôle de l’action publique. – les politiques visant le renforcement de « conditions cadres » se rap- portent aux politiques de développement des PME ou de l’industrie, ou aux politiques traditionnelles de soutien à l’innovation, ou encore aux politiques de développement régional.

– les politiques de développement spécifique d’un cluster cherchent à créer et à stimuler une catégorie particulière de cluster.

En fait, cette distinction rejoint le propos déjà mentionné de Nauwelaers (2001) pour qui le développement de clusters n’implique pas nécessairement le déploiement d’instruments spécifiques.

1.2.2.2 Quels instruments ?

Les études comparatives menées par l’OCDE (2007) révèlent qu’en gé- néral trois types d’instruments sont mobilisés dans le cadre de politiques favorisant des pôles régionaux : (1) implication des acteurs, (2) des services collectifs, (3) la recherche collaborative.

Ces instruments sont à adapter en fonction de la maturité du cluster. Un cluster mature n’a pas les mêmes besoins qu’un cluster naissant.

L’implication des acteurs

L’OCDE (2007) souligne que l’engagement des acteurs est un élément préa- lable aux deux autres instruments. Les politiques de clusters mettent souvent en oeuvre plusieurs actions pour l’établissement de liens entre les acteurs et pour leur permettre de s’organiser autour d’un agenda commun. Les outils

sont différenciés selon que l’on ait à faire à un cluster déjà clairement iden- tifié ou que le réseau soit naissant. Dans le second cas, l’accent est mis sur l’identification des pôles d’activités et des acteurs. L’utilisation de dispositifs de type « cartographie d’acteurs » se révèle être une modalité efficace pour identifier des acteurs non connus. Mais le rapport insiste particulièrement sur le rôle d’intermédiaire, un animateur ou un facilitateur qui est un levier connu de la mise en réseaux des acteurs.

Une fois le réseau identifié et les acteurs connus, d’autres instruments plus formels peuvent prendre le relais. La constitution d’associations de cluster, la définition de programmes et d’objectifs communs, peuvent permettre d’aug- menter la visibilité du cluster et surtout la cohésion entre les acteurs.

Des services collectifs

Le rapport OCDE 2007 suppose qu’à partir du moment où les acteurs se connaissent, leurs intérêts communs vont dicter la nature des services collec- tifs que le cluster développera.

Ces services sont donc fonction des objectifs de la politique et des acteurs locaux. Le rapport fait mention d’un certain nombre d’actions de mutualisa- tion (procédure d’achats groupés, veille collective et diffusion d’information) mais aussi d’actions spécifiquement liées à l’export et à l’internationalisation des entreprises. Enfin, la gestion mutualisée de l’emploi et des compétences est, selon le rapport, sûrement un instrument fondamental, dans la mesure où le marché de l’emploi qualifié et spécialisé est souvent un facteur indis- pensable à la réussite des clusters. Cependant, la plupart des programmes de clusters étudiés par les auteurs du rapport se sont focalisés ssur la fomation initiale, en collaboration avec des établissements de formation, au détriment de la formation continue des salariés en entreprise.

La recherche collaborative

Une politique de cluster peut chercher grâce à des financements dédiés à la recherche collaborative, à développer l’innovation et la coopération de manière simultanée.

1.2.2.3 Quelles méthodes pour une politique de cluster ?

Le problème de la détection des clusters pertinents a constitué un point central à la critique sur les clusters. Comme nous l’évoquions à propos de Martin & Sunley (2003) la référence systématique aux travaux de Porter sur les clusters comporte une ambiguité sur le périmètre territorial de ces clusters : s’agit-il de régions ? De villes ? Un cluster peut-il être identifié au niveau d’un pays entier ?

L’évaluation occupe aussi une place importante dans les réflexions des acteurs publics. La Commission Européenne (2008) souligne qu’il est difficile de mesurer l’impact des politiques de clusters, car la majorité des effets sont indirects et résultent aussi d’autres facteurs. Ils concluent « ceci crée une difficulté pour établir une relation causale claire entre les programmes et les politiques de clusters et leur impact potentiel ».