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agencement inter-organisationnel

2.3 Les processus de pilotage d’agencements inter organisationnels

2.3.1 Des modèles formels pour comprendre le pilotage

Quelques auteurs ont souligné l’importance de construire un modèle for- mel nécessaire à clarifier le concept du pilotage21.

Acquier (2007, p.21) définit ainsi la notion de modèle de pilotage comme : « une combinaison de trois éléments :

- Un modèle de performance, qui constitue un ensemble de principes normatifs qui structurent l’action managériale,

- Des objets d’action, c’est à dire un ensemble d’objets sur les- quels les acteurs se proposent d’agir afin de répondre aux enjeux soulevés par le modèle de performance.

- Des dispositifs que nous définirons(. . . ) comme un ensemble d’outils, d’expertises et de figures d’acteurs associés »

Ce modèle tryadique n’est pas sans rappeler le modèle de l’interprétation selon Pierce (cf. Lorino, 1995) qui considère que toute forme de connaissance ou d’action procède d’une interprétation mettant en jeu trois éléments :

– L’objet auquel s’applique l’interprétation

– Une « grille d’interprétation », que Lorino renomme le “schéma inter- prétatif de l’acteur”, qui correspond à une grille de lecture qui donne du sens à l’objet. Lorino (1995) emprunte également la notion de théories de l’action aux travaux d’Argyris et Schön sur l’apprentissage organi- sationnel

– des « signes » pour traduire l’objet dans le registre de signification dési- gné par la grille d’interprétation. Lorino indique que ces signes peuvent être de nature très hétérogènes, il peut s’agir d’actions, de discours mais

21. La difficulté est accentuée du fait de la spécificité du terme français, les traductions anglaises n’offrant pas beaucoup de possibilité. Il faudra se référer soit au terme steering qui renvoie au champ très spécifique de la corporate governance, soit au terme management, ce qui ne résout en rien le problème de sens.

aussi d’artefacts explicites (indicateurs) qui deviennent les instruments de l’interprétation par les acteurs.

Modèle de pilotage selon Acquier

(2007, p. 133-134) Modèle d’interprétation selon Lorino(1995), adapté de Pierce (1978)

Le modèle de performance : un ensemble de principes normatifs qui structurent l’action managériale

Cette dimension renvoie aux objectifs à l’action. « Un modèle de performance vise à répondre à la question du sens de l’action et du ’ pourquoi’. »

« Un modèle de performance fournit un étalon normatif général permettant d’évaluer le succès d’une action et sa contribution à un projet de rationalisation plus large. »

Le schéma interprétatif : « un répertoire de concepts et de référents, véritable grille de lecture qui donne sens aux objets sélectionnés pour l’interprétation » « le schéma interprétatif de l’acteur est souvent constitué de théories de l’action, c’est-à-dire de modèles qui répertorient des liens de causalité conditionnels entre des actions et des résultats »

Objets d’action :

«La dimension des objets d’action vise à identifier les objets et les espaces d’action sur lesquels les acteurs cherchent à intervenir.» Par rapport au modèle de performance, le niveau des objets d’action renvoie à la question du « quoi »

Objets d’action : n’importe quelle situation, sujette à interprétation raisonnée

Lorino ne définit pas mais donne des exemples divers « Un événement, une action passée et ses résultats, un objectif assigné, un discours managérial ou toute autre forme d’information sur le système d’action organisationnel »

Les dispositifs :

un ensemble d’outils, d’expertises et de figures d’acteurs associés

«les dispositifs d’évaluation concrets (c’est-à-dire les instruments et

processus) censés refléter les objectifs du modèle de performance, et

permettant d’évaluer de manière instrumentée l’action managériale»

les Signes:

Les signes sont émis pour « traduire » l’objet interprété dans le registre de signification sélectionné à travers le schéma interprétatif.

Table2.6 – Comparaison entre modèle de pilotage (Acquier, 2007) et modèle d’interprétation (Lorino, 1996)

Si ces deux modèles comportent une certaine similitude, la vision du pi- lotage que prônent ces deux auteurs est quelque peu différente. Le modèle d’Acquier veut s’inscrire dans une épistémologie de la gestion, conçue comme

l’étude des rationalisations de l’action organisée en entreprise. Tandis que le modèle de Lorino s’ancre dans une vision du pilotage comme projet de connaissance, d’apprentissage organisationnel, qui s’enracine profondément dans l’action. Par la suite, nous allons poursuivre en utilisant le modèle d’Ac- quier qui fait plus explicitement référence au contexte managérial, alors que Lorino propose des concepts s’appliquant universellement à tout type d’ap- prentissage.

Acquier (op. cit.) mobilise la notion de modèle de pilotage pour analyser les phénomènes de rationalisation dans le domaine du développement durable et précise que la notion peut « s’appliquer à des situations émergentes et des modèles en cours d’élaboration, dans lesquels modèles de performances, ob- jets d’action et dispositifs restent incomplètement spécifiés. »

Acquier souligne ainsi qu’il n’y a pas séquentialité : d’abord définition d’un modèle de performance, puis d’objets puis des dispositifs. Au contraire, dans le cas du taylorisme qu’il relit en mobilisant sa grille, on observe d’abord l’apparition d’outils de pilotage, puis après un certain temps, le modèle de performance est construit et explicité.

Ce triptyque du pilotage constitue donc une grille de lecture du pilotage, adaptée à des agencements émergents, où ces trois dimensions ne sont pas nécessairement stabilisées. Acquier souligne qu’il prend pour hypothèse que la formalisation et la mise en cohérence de ces trois dimensions constitue un des objectifs de l’action gestionnaire. Il ajoute cependant que « dans sa forme aboutie, un modèle de pilotage constitue un corps de connaissances et de pratiques qui peut être enseigné, transmis et mis en œuvre de manière systématique ».

Dans le cas de gestion qui nous intéresse, l’application de ce cadre formel présente donc plusieurs intérêts. D’abord, il permet de relier des actions ges- tionnaires à une certaine théorie de la performance, que celle-ci soit la théorie professée ou la théorie en usage, ce qui constitue un point original dans les recherches sur les réseaux et agencements inter-organisationnels. Ensuite, elle

permet d’interroger les artefacts concrets, l’instrumentation de gestion mais aussi les savoirs gestionnaires sur lesquels repose la démarche de pilotage. C’est là aussi un point peu exploré par la littérature, comme le soulignaient récemment Chia et al. (2008) en proposant un programme de recherche sur les instruments et dispositifs de gouvernance territoriale. De même, quelques travaux sur les pilotes de réseaux (Human & Provan, 2000; Loubaresse, 2008) soulignent l’intérêt de se pencher sur les savoirs et les pratiques des acteurs du pilotage des réseaux.

2.3.2 Initier une démarche de pilotage des réseaux in-