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Le rapport de la forme inter-organisationnelle à son environnement

agencement inter-organisationnel

2.1 Les caractéristiques organisationnelles des pôles de compétitivité : examen de la litté-

2.1.2 Le rapport de la forme inter-organisationnelle à son environnement

Par environnement organisationnel, nous considérons un ensemble d’orga- nisations qui sont en situation d’interdépendance fonctionnelle avec la méta- organisation. Les théories néo-institutionnelles utilisent plutôt le terme de champ organisationnel, qui inclut des fournisseurs, consommateurs, agences de régulation et les autres organisations qui produisent des services ou pro- duits similaires.

4. Notre traduction de « the logic of influence consists of the constraints and oppor- tunities offered to associations by their institutional environments, and it is experienced by associations as a set of strategic imperatives, rules of political prudence and norms of reciprocal political exchange that collective actors in a given institutional context have to obey, and to internalise in their structural make up in order to be successful. »

Au sein de ce champ organisationnel, certaines de ces organisations ont un statut particulier, celui de « porteur d’enjeux » ou plus simplement de par- tie prenante, c’est à dire « tout groupe ou individu qui peut influencer ou être affecté par l’atteinte des objectifs de l’organisation » (Freeman, 1984)5.

Mais toutes les organisations du champ organisationnel n’entrent pas néces- sairement dans cette catégorie, c’est d’ailleurs l’objet de l’approche par les parties prenantes de savoir distinguer les niveaux d’influence des organisa- tions situées dans l’environnement. Ainsi Freeman (1984, p.124) préconise : « l’entreprise doit limiter la liste de ses stakeholders. Elle doit laisser de côté tous ceux qui sont trop petits et trop insignifiants pour que l’on s’occupe d’eux ». « L’entreprise doit se focaliser sur les enjeux stratégiques réels ».

Ce concept de partie prenante a été longuement discuté dans plusieurs courants de littérature. Il ne s’agit pas pour nous de proposer une revue de littérature complète sur cette question, mais de rappeler au lecteur les princi- pales définitions de la notion et ce qu’elle apporte dans l’analyse des réseaux inter-organisationnels et des méta-organisations.6

La philosophie initiale de l’approche par les parties prenantes était de re- penser l’organisation et sa stratégie avec une représentation relationnelle de l’organisation : au cours de ses activités, l’organisation entre en relation avec différentes parties prenantes, dont la participation est nécessaire au bon fonc- tionnement de l’organisation. Dans la perspective théorique du management des stakeholders, la direction de l’organisation a pour mission d’équilibrer et de hiérarchiser les demandes des différentes parties prenantes. Cette approche des parties prenantes offre une voie alternative à la vision actionnariale de l’entreprise selon laquelle l’objectif de la gouvernance de l’entreprise est de maximiser la valeur pour l’actionnaire7. C’est d’ailleurs l’origine que l’on

donne au mot « stakeholder », « la notion de stakeholder est un jeu de mots

5. Il faut cependant noter qu’il n’existe pas une théorie unifiée des stakeholders, mais plusieurs variations dans l’utilisation de ce concept.

6. Pour des revues de littérature sur la diversité des approches sur les parties prenantes, voir Damak Ayadi (2002); Bouglet (2005).

7. Nous reviendrons sur les distinctions faites entre les différentes approches de la gou- vernance d’entreprise en section 2.2.1.1.

par rapport à la notion de stockholder (les actionnaires) ».

L’analyse des parties prenantes présente plusieurs intérêts. Premièrement elle permet d’identifier les stakeholders de ces nouvelles organisations. Deuxiè- mement, elle cherche à connaître quelles sont leurs attentes, et enfin quels sont les modes de régulation des relations entre les parties prenantes et l’or- ganisation.

Typologie des parties prenantes

Les parties prenantes externes sont nombreuses et jouent un rôle variable sur le devenir des pôles. Ce constat rejoint une question centrale aux ré- flexions sur les parties prenantes : à partir de quel moment l’organisation doit-elle considérer une partie prenante comme légitime ? Plusieurs auteurs se sont consacrés à l’élaboration de modèles d’identification des parties pre- nantes. Ces modèles d’identification des parties prenantes s’inscrivent dans une vision dite instrumentale des parties prenantes.A savoir que dans ces approches, la gestion des parties prenantes par le dirigeant peut mener à une meilleure performance de l’entreprise (Bouglet, 2005). Il s’agit ainsi d’identi- fier les acteurs qui comptent réellement pour le développement d’un pôle de compétitivité.

Aussi, comment classer les parties prenantes ? Les auteurs spécialistes des parties prenantes proposent plusieurs formes de typologie8.

Friedman et al. (2002) proposent de classer les parties prenantes selon deux axes : un axe où se distinguent les situations où il y a compatibi- lité ou non des intérêts des parties prenantes et de l’organisation/ un axe où l’on considère les relations entre les parties prenantes soient comme né- cessaires (parce qu’internes à l’organisation) ou comme contingentes (parce

8. La typologie la plus largement discutée est celle de Mitchell et al. (1997) qui déve- loppent l’idée que l’organisation doit considérer trois attributs des parties prenantes : le pouvoir, la légitimité et l’urgence. Chacun de ces attributs est plutôt une variable qu’un état stable. Mitchell et al. considèrent que l’organisation doit surtout prendre en compte les parties prenantes dites « prégnantes » qui cumulent les trois attributs.

qu’externes à l’organisation). De là, ils identifient quatre types de parties pre- nantes pour lesquels, l’organisation dispose de différents modes de régulation. Ainsi, les relations avec les parties prenantes nécessaires et compatibles -les plus importantes- sont gouvernées par des contrats explicites, générant des obligations contraignantes pour l’organisation. Les moins légitimes (incompa- tibles et contingentes) sont soumis à des contrats dits implicites. Cependant, les formes de ‘contrat’ entre les parties prenantes et l’organisation ne sont pas déterminés a priori. Au contraire ils découlent d’un processus de construction et de légitimation de la place des parties prenantes. Friedman et al. (2002) soulignent ainsi que leur approche des parties prenantes permet bien de com- prendre le processus de « légitimation » d’une partie prenante.

Bouglet (2005) propose également de déplacer le focus de l’analyse vers une analyse des attentes des parties prenantes. En effet, Bouglet avance qu’en se focalisant sur les attentes des parties prenantes, les pilotes disposent d’un outil permettant d’identifier des priorités, en y intégrant les relations entre parties prenantes et une dimension dynamique. Ensuite, l’analyse des at- tentes permet également de comprendre un phénomène peu étudié par la littérature plus conventionnelle sur les parties prenantes le phénomène de coalition entre parties prenantes. Pourtant Bouglet (2005) estime que ces si- tuations de coalition représentent un risque majeur pour l’organisation, car les parties prenantes, se réunissant, combinent leurs attributs et développent un pouvoir de nuisance plus important que lorsqu’elles restent isolées.

Cette littérature sur les parties prenantes n’a pas été occultée par les chercheurs s’intéressant aux formes territoriales.De Langen & van der Lugt (2007) se démarquent par leur intérêt manifeste pour cette question. Dans le cas de la gouvernance des clusters portuaires qu’ils étudient, les auteurs montrent qu’une typologie des parties prenantes est un outil de lec- ture efficace pour qui souhaite comprendre la nature du système de gouvernance. Ainsi, ces auteurs s’inscrivent dans une démarche d’abord descriptive des parties prenantes, mais potentiellement instrumentale, si l’on

imagine que les managers des clusters maritimes peuvent se saisir d’une telle grille pour mieux piloter leurs relations avec les parties prenantes.

Chaque partie prenante peut être analysée selon les intérêts qu’elle défend, ses sources d’influences, au moyen d’une série d’indicateurs qu’ils veulent tangibles. Par exemple, les salariés du port ont pour intérêt d’obtenir des salaires élevés et une sécurité de l’emploi, intérêt qu’ils peuvent défendre en exerçant leur droit de grève et en jouant sur l’image du travail dans le port. Delangen propose d’évaluer leur influence par le niveau de salaire. S’il est élevé, on peut interpréter que ces salariés sont très influents. L’analyse des intérêts des parties prenantes peut faire émerger des zones de conflits, car les intérêts de certaines parties prenantes peuvent différer de l’objet majeur de l’organisation. Ce propos rejoint ainsi la typologie de Friedman et al. sur la compatibilité des intérêts, si les parties prenantes . Les acteurs des clusters feront appel à des formes d’arrangements, qui ne constituent pas des solutions durables aux conflits mais qui permettront localement de faire progresser le collectif. Pour Delangen (2007) il est aussi fondamental d’analyser ces micro-conventions que de s’interroger sur l’agencement global pour le cluster.

Delangen (2007) montre également que les situations sont très diffé- rentes selon les clusters, car pour chaque cluster étudié, il existe une configuration particulière des parties prenantes, de leur influence et des compromis possibles pour résoudre les conflits. Par exemple dans le port A, les industriels portuaires sont particulièrement influents, ce qui peut avoir pour conséquence que le type d’actions collectives dévelop- pées par ce port concernera l’amélioration de la qualité des infrastructures du port ou les investissement dans le manufacturing. Tandis que pour le port B, ce sont les entreprises logistiques qui sont les parties prenantes les plus influentes, dès lors, la priorité se situera sur l’investissement pour réduire la congestion.

Partie prenante et acquisition de ressources

Les approches par les parties prenantes sont largement inspirées de la ré- flexion sur la dépendance en ressources. L’autonomie des méta-organisations est limitée si elles dépendent de leurs parties prenantes pour acquérir des ressources et une certaine légitimité (Pfeffer & Salancik, 1978). Dans le cas des pôles, les ressources fournies par l’environnement institutionnel sont es- sentiellement liées à des ressources financières et à la légitimité.

Les choix du gouvernement évoqués au chapitre 1, de privilégier un fi- nancement sur projet et sur action collective plutôt qu’un mandat délégué aux pôles qui géreraient eux-même leurs ressources, accroit la capacité d’in- fluence des parties prenantes externes. En effet, le pôle n’est pas responsable de la gestion d’une enveloppe mais n’est qu’un relais vers les financeurs. Qui plus est, la provision des ressources est soumise aux contraintes des parties prenantes externes : délais, procédures différentes, cycle électoral.

Provan & Milward (1995) suggèrent que les réseaux inter-organisationnels disposant de financement publics sont soumis au contrôle et à l’influence des pouvoirs publics. Dans ce même article, Provan et Milward montrent à propos des réseaux de santé que lorsque le contrôle externe de l’Etat est di- rect et non fragmenté, les réseaux fonctionnent mieux. Ils concluent que « le contrôle direct par l’Etat des fonds locaux, ainsi que leur suivi est à la fois plus facile et plus simple que d’essayer de mettre en place un intermédiaire local qui devrait être lui même contrôlé et suivi».

Cependant l’alternative contraire est aussi envisageable, comme le sug- gère la théorie de la dépendance en ressources. La multiplicité des parties prenantes externes et des sources possibles de financement peut permettre de dégager une marge de liberté pour les organisations, puisqu’elles ne dé- pendent pas d’un seul canal et qu’elles peuvent négocier avec plusieurs gui- chets possibles.9.

9. Rappelons que pour Pfeffer et Salancik, le degré de dépendance d’une organisation vis-à-vis d’une ressource dépend de trois facteurs essentiels :

1) la vulnérabilité à l’égard de la ressource définie par le poids relatif de la ressource et son degré de criticité (qui est définit très succinctement par la capacité ou non de l’organisation à se passer de cette ressource) ;

Que nous apportent les théories des parties prenantes ?

Si l’on en revient au cas des pôles de compétitivité, nous pourrions nous interroger sur la manière de mobiliser ces théories des parties prenantes. Elles peuvent d’abord contribuer à la description du schéma d’acteurs autour et au sein des pôles de compétitivité, en identifiant des formes de régulations particulières. Elles pourraient ensuite être instrumentalisées par la gouver- nance du pôle, pour parvenir à comprendre quelles sont les parties prenantes dont la satisfaction est nécessaire à la survie du pôle, et réciproquement celles pour qui il n’est pas utile de consacrer du temps à leurs attentes.

Dans cette thèse, nous pensons adopter une approche descriptive visant à comprendre dans quelle mesure les managers agissent au sein de l’organisa- tion en tenant compte des intérêts et revendications des différents acteurs10.

Le choix d’une approche descriptive permet également de s’intéresser à l’évo- lution du pilotage des parties prenantes.

Mais, plus fondamentalement, la notion de partie prenante mérite d’être questionnée dans le cas des pôles. En effet, les typologies des parties pre- nantes concernées par les pôles de compétitivité entrent difficilement dans les attributs traditionnels des stakeholders. Par exemple, la distinction entre ceux qui sont à l’extérieur et ceux qui sont à l’intérieur est difficile alors pré- cisément que c’est un des critères importants dans les typologies de parties prenantes. Dans une certaine mesure, l’approche par les parties prenantes met le doigt sur la nécessité de penser le pôle comme une coalition à un mo- ment donné de différents acteurs, mais avec la contrainte supplémentaire de

2) la concentration du pouvoir sur le contrôle de la ressource ;

3) l’étendue du contrôle extra-organisationnel sur l’allocation et l’usage de la ressource. 10. Rappelons que différentes approches des parties prenantes existent (?). Donaldson et Preston (1995) proposent de distinguer trois manières de travailler sur les parties pre- nantes :

- La théorie normative des parties prenantes : elle spécifie les obligations morales de l’organisation, considère que les parties prenantes doivent être traitées comme des fins et que leurs intérêts ont une valeur en eux-mêmes.

- La théorie descriptive des parties prenantes : elle est utilisée pour décrire ou expliquer les caractéristiques des actions d’une organisation.

- La théorie instrumentale des parties prenantes : elle stipule que la gestion des parties prenantes par le dirigeant peut mener à une meilleure performance de l’entreprise.

la fluidité de la participation.

2.1.3 Le rapport de la forme méta-organisationnelle à