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Un dispositif original : la construction d’un Ob servatoire des pôles de compétitivité

Stratégie et design de recherche

3.2 La stratégie d’accès au terrain

3.2.5 Un dispositif original : la construction d’un Ob servatoire des pôles de compétitivité

Cette thèse est composée de différents morceaux, différentes briques em- piriques et conceptuelles pour faire face à la double difficulté posée par l’objet « pôle de compétitivité » D’une part, son aspect émergent, flou et dynamique nécessite d’adopter une approche de recherche adaptée à ses contraintes. Se contenter d’aller à la rencontre des acteurs assurant la gouvernance et l’ani- mation du pôle ne peut constituer une stratégie de recherche efficace pour comprendre les réalités des pratiques de pilotage des pôles. Un objet de cette nature nécessite une combinaison de différentes approches pour appréhender la complexité du multi-niveaux, de l’inter-organisationnel et de la dimension dynamique des pôles, ce qui induit notamment de pouvoir enquêter auprès d’une pluralité d’acteurs adoptant des positionnements différenciés.

À l’instar de la sociologie de la traduction qui prétend que la production de connaissances et la performance de la recherche sont liées aux capacités du chercheur à mobiliser et à faire coopérer une variété d’acteurs, la construction de cette thèse est concomitante à la mobilisation d’un réseau social diffus et hétérogène où le chercheur occupe une position centrale de nœud de réseau. Nous considérons en effet que le statut du chercheur en sciences de gestion n’a jusqu’à présent pas acquis suffisamment de légitimité auprès des acteurs de pôles de compétitivité. Une condition sine qua non pour exister en tant que chercheur intervenant sur ce thème peut passer par le fait de devenir une sorte de « point de passage obligé » pour les acteurs. La construction d’un « Observatoire des pôles de compétitivité » a servi directement cette stratégie et contribué à faire exister notre programme de recherche sur les pôles.

À la suite des travaux d’observateurs répartis entre plusieurs institutions mais partageant un intérêt commun pour le thème des pôles de compétitivité, un réseau informel s’est construit au cours de l’année 2006. Il se compose en grande partie de plusieurs chercheurs et de doctorants travaillant ou s’in- téressant aux pôles de compétitivité. Ce réseau s’est étoffé progressivement en intégrant des acteurs opérationnels et se donne pour ambition de mener

plusieurs actions collectives en 2007.

Au cours de la période 2007-2008, une partie de notre activité a consisté à mettre en place un observatoire des pôles de compétitivité à partir de ce groupe de travail informel et de faire de cet observatoire une plateforme à la disposition des acteurs des pôles et notamment des collectivités régionales impliquées dans leur gouvernance. L’observatoire des pôles de compétitivité est né grâce au soutien de l’Association des Régions de France, structure qui a vocation à ce que les conseils régionaux travaillent ensemble sur différents chantiers des politiques régionales. La structure est actuellement présidée par Alain Rousset, président de la Région Aquitaine.

L’ambition initiale de cet observatoire était de répondre aux attentes de différents types d’acteurs et d’offrir un dispositif mêlant praticiens, parties prenantes et chercheurs pour favoriser la construction collective de questions, de savoirs et de représentations partagées. En effet, chaque type d’acteur se trouve en situation d’instabilité voire de lacunarité des connaissances, qui de plus ont un caractère extrêmement local. Par exemple, les pôles de compétiti- vité cherchent à se positionner les uns par rapport aux autres et à appréhen- der des ‘bonnes pratiques’ qui leur permettront d’être plus performants sur certains domaines. Ainsi nous avons remarqué que la formation est un thème qui suscite un vif intérêt pour les pôles car ce n’était pas souvent une de leurs préoccupations initiales. Ils n’avaient pas encore développé de systèmes de représentations et de pratiques sur cette question. La séance consacrée à la question de la formation et à la gestion des compétences, ajoutée à un travail d’investigation auprès des pôles a permis de mettre en lumière les savoir et savoir-faire que certains pôles ont mis en œuvre.

Pour aller plus loin, il semblerait que ce sujet puisse ouvrir des possibilités de recherche intervenante. Les pôles, prenant conscience de l’enjeu à venir d’accompagner les productions de connaissances nouvelles par la diffusion et l’intégration de celles-ci dans les trajectoires professionnelles, peuvent être intéressés par l’intervention de chercheurs qui leur permettent de construire des outils et des dispositifs pour piloter ces nouveaux objets4. Nous avons 4. A notre connaissance, plusieurs chercheurs ont déjà oeuvré en ce sens. Les recherches de Defélix et al. (2009) démontrent l’intérêt de construire au travers du pôle et avec le

d’ailleurs pu constater dans le cas du pôle nucléaire de Bourgogne, que notre rôle de chercheur pouvait être d’apporter un jugement externe utile aux déci- deurs. Le travail monographique a été révélateur de controverses, de non-dits, susceptibles de générer des éléments d’apprentissage organisationnel.

Enfin, les financeurs des pôles de compétitivité, mais aussi les promoteurs de cette politique, s’interrogent sur l’efficacité et la performance des fonction- nements de ces nouvelles structures. En 2006, les actions de ce réseau encore modeste avaient permis de créer un espace de discussion et d’échanges sur divers thèmes. Cependant, avec la création de l’Observatoire, nous avons consacré du temps et des ressources à la consolidation d’un réseau d’acteurs s’intéressant aux pôles. Les modalités d’action de l’Observatoire peuvent être décomposées en trois catégories : une animation scientifique, une diffusion des connaissances et des pratiques, des recherches commanditées sur les pôles.

L’animation scientifique d’un séminaire mensuel

L’équipe d’animation identifie des thèmes qui lui paraissent importants pour appréhender soit des problématiques concrètes du pilotage interne des pôles de compétitivité, soit des approches plus générales et moins centrées directement sur les pôles, mais qui permettent d’alimenter les débats et ré- flexion sur le pilotage institutionnel de ces pôles.

Dans la première catégorie, on citera par exemple, l’intervention de Gérard Kottman, président du pôle nucléaire de Bourgogne, qui a présenté le pôle et ses particularités ; la présentation d’Alain Bravo, directeur de Supelec et vice-président Recherche du pôle Systematic qui est intervenu sur l’expérience menée au sein de son pôle sur la gestion prévisionnelle des compétences en matière de systèmes complexes. Onze séminaires sur les vingt-quatre orga- nisés depuis avril 2007, ont été consacrés spécifiquement à des pratiques de pôles de compétitivité sur certains domaines.

Dans la deuxième catégorie, nous avons fait intervenir Alain Moulet, lorsqu’il

pôle des occasions de recherche intervenante sur la gestion des ressources humaines dans des entreprises fonctionnant en réseau. La thèse de Barbara Majumbar est fondée sur une recherche intervention visant la construction d’instruments du pilotage dans le cadre du comité de suivi et d’évaluation du pôle Images et Réseaux

était responsable du département partenariats et compétitivité de l’Agence Nationale de la Recherche, ou encore l’intervention des deux cabinets BCG et CMInternational en charge de l’évaluation nationale des pôles de compé- titivité. Les séminaires accueillent une grande proportion de chercheurs, en particulier des chercheurs en économie et sciences de gestion, mais les acteurs des pôles de compétitivité et des agences de financement sont régulièrement présents.

Figure3.5 – Répartition des participants aux séminaires de l’OPC

Cet observatoire a joué un rôle double. D’une part, le fait d’offrir une vitrine visible à nos recherches sur les pôles de compétitivité a accru la lé- gitimité de notre statut de chercheur et d’équipe de recherche. Les échanges avec d’autres chercheurs travaillant sur le même objet semblent avaliser un constat. Dans le meilleur des cas, il règne dans les structures de pôles, une forme d’économie de l’attention qui conduit les acteurs à privilégier des inter- actions utilitaristes, et dans le pire des cas, les acteurs du terrain perçoivent

mal l’apport de la recherche en sciences sociales sur un tel objet. En créant un lieu recueillant le soutien des parties prenantes directes du pilotage institu- tionnel des pôles et en menant une stratégie de communication régulière, les acteurs du terrain ont été amenés à considérer que cet observatoire pouvait constituer un centre de ressources et d’expertise sur ces nouveaux objets. A titre d’exemple, la directrice et le chargé de mission Europe du pôle Véhicule du Futur ont souhaité venir à notre rencontre pour explorer un échange voire des coopérations possibles (entretien réalisé le 10 septembre 2008). D’autre part, l’Observatoire a constitué un dispositif structurant une partie de la communauté des chercheurs. En effet, pour qu’émergent des questions de re- cherche transverses, les chercheurs ont besoin de mettre en commun leurs observations, de les soumettre à discussion et de confronter leurs hypothèses à d’autres terrains d’observation. Ainsi la difficulté liée à l’impossibilité de généraliser les connaissances produites parce que nos recherches ne peuvent porter que sur un nombre limité d’études de cas, peut être réduite par la possibilité d’échanger avec d’autres chercheurs adoptant des démarches simi- laires et observant d’autres cas.