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Les enjeux de la relocalisation des acquittés des juridictions pénales internationales : analyse juridique d'une liberté qui ne rime pas avec facilité

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LES ENJEUX DE LA RELOCALISATION DES ACQUITTÉS DES

JURIDICTIONS PÉNALES INTERNATIONALES : ANALYSE

JURIDIQUE D’UNE LIBERTÉ QUI NE RIME PAS AVEC FACILITÉ

Mémoire

Philippe Plourde

Maîtrise en droit

Maître en droit (LL. M.)

Québec, Canada

© Philippe Plourde, 2015

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RÉSUMÉ

Cette recherche analyse la situation juridique dans laquelle se trouvent les acquittés des juridictions pénales internationales, principalement de la Cour pénale internationale, du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour comprendre ce qui suit un acquittement par une juridiction pénale internationale et évaluer les solutions pour favoriser la réinstallation des acquittés, tout particulièrement du point de vue de leur relocalisation physique. La première partie évalue les possibilités de relocalisation dans leur pays d’origine, dans l’État hôte de la juridiction internationale qui a rendu leur jugement ou dans des États tiers, à la lumière des obligations juridiques des États et des institutions internationales. La seconde partie analyse la possibilité d’obtention d’une protection internationale par l’entremise de la reconnaissance du statut de réfugié des acquittés qui peuvent s’en prévaloir, particulièrement sur la question des clauses d’exclusion.

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ABSTRACT

This research analyses the legal situation in which are held the acquitted of international criminal jurisdictions, mainly of the International Criminal Court, the International Criminal Tribunal for Rwanda, as well as the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia. This analysis focuses on what follows an acquittal by an international criminal jurisdiction and evaluates the solutions available to the acquitted as to where to relocate after their newly acquired freedom. The first section assesses the possibilities of relocation in the state of nationality of the acquitted, in the host state of the international jurisdiction that rendered the judgement, as well as in third states, according to the legal obligations of states and relevant international organizations. The second section assesses the possibility of obtaining an international protection through determination of the refugee status of the acquitted that are in such situation; particularly in relation to the applicability of exclusion clauses.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... v

TABLE DES MATIÈRES ... vii

ÉPIGRAPHE ... ix

REMERCIEMENTS ... xi

INTRODUCTION ... 1

PARTIE I – L’OBTENTION D’UNE PROTECTION NATIONALE ... 17

1.1 Le retour des acquittés dans leur pays d’origine ... 20

1.1.1 Le Rwanda ... 22

1.1.2 L’ex-Yougoslavie ... 32

1.1.3 La CPI et les juridictions hybrides ... 33

1.1.4 La problématique du principe non bis in idem ... 36

1.2 L’installation dans l’État hôte ... 46

1.2.1 À la CPI ... 47

1.2.2 Le TPIR et le TPIY ... 49

1.2.3 Tribunal spécial pour le Liban ... 51

1.2.4 La question particulière du service des peines dans les États tiers ... 53

1.2.5 La question de la libération provisoire ... 57

1.3 La réinstallation régulière dans un autre État ... 61

1.3.1 L’acceptation volontaire des États tiers ... 63

1.3.2 Les obligations des juridictions internationales et la coopération des États .... 64

1.3.3 Le rôle et les obligations du Conseil de sécurité des Nations Unies ... 75

1.3.3.1 La prise de conscience de la problématique par le Conseil de sécurité ... 76

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PARTIE II – L’OBTENTION D’UNE PROTECTION INTERNATIONALE ... 91

2.1 L’obtention du statut de réfugié ... 92

2.1.1 L’inclusion statutaire ... 95

2.1.1.1 Crainte fondée de persécution ... 96

2.1.1.2 Nature de la persécution/actes de persécution ... 98

2.1.1.3 Motifs de persécution ... 99

2.1.1.4 Personne hors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle ... 102

2.1.1.5 Conclusion sur l’inclusion ... 105

2.1.2 Les motifs d’exclusion ... 105

2.1.2.1 Les « raisons sérieuses de penser » ... 108

2.1.2.1.1 La preuve fondée sur l’acte d’accusation ... 112

2.1.2.1.2 La contre-preuve fondée sur le jugement d’acquittement ... 116

2.1.2.2 La responsabilité pénale ... 119

2.1.2.3 Le principe de proportionnalité ... 123

2.1.2.4 L’expiation des crimes ... 125

2.1.3 Conclusion sur la protection statutaire ... 126

2.2 Les autres formes de protection ... 127

2.2.1 Les normes régionales de protection et la protection complémentaire ... 128

2.2.2 La protection subsidiaire ... 129

2.2.3 Le principe de non-refoulement ... 130

2.2.4 L’apatridie de certains acquittés ... 136

CONCLUSION ... 139

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ÉPIGRAPHE

For an innocent suspect charged with a crime, there are only two possible outcomes: bad and really bad.

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je n’ai pas de mots assez forts pour remercier adéquatement celle sans qui aucune ligne, aucun mot, de ce texte n’aurait eu de sens : ma directrice de recherche, Madame Fannie Lafontaine. Ce fut pour moi un honneur et un privilège incroyable de pouvoir faire ce travail en vous ayant à mes côtés, au début dans la recherche d’idées, dans l’élaboration des mille et un plans, dans tous vos conseils et vos encouragements, et votre continuel soutien. Je serai pour toujours reconnaissant du temps et des efforts que vous avez inlassablement mis pour m’aider dans un projet qui s’est fréquemment métamorphosé. Un grand merci à tous ceux que j’ai côtoyés depuis les dernières années, autant au niveau universitaire que professionnel. Un merci particulier à Mylène Dimitri, qui m’a permis de mettre les pieds dans le domaine de la défense des accusés des juridictions pénales internationales, particulièrement du TPIR. J’ai tellement appris avec et grâce à toi, je t’en serai éternellement redevable. Un gros merci aussi à Anaëlle André, qui a été la première à me parler de la situation des acquittés, et qui a su me mettre sur la piste de ce qui allait éventuellement remplir mes journées pendant plusieurs mois. Une pensée toute particulière à Augustin Ngirabatware et Elie Ndayambaje, avec qui j’ai passé de nombreuses heures à l’UNDF, et qui m’ont tant appris. J’espère de tout cœur que la justice triomphera.

Une belle pensée à mes amis. Merci, Julie, pour ces heures de tennis qui me permettaient de sortir du sombre monde des acquittés. Merci, Katia, pour les nombreux soupers et les matchs du Canadien. Merci, Fredéric, pour ces soirées dans le Bas du Fleuve à parler de tout et de rien. Mme Roberte, merci pour ces mots inconnus et ces expressions si savoureuses que vous m’apprenez depuis tant d’années. À mes sœurs, Marie-Hélène et Isabelle, et mes neveux et nièces Samuel, Emma et Naomie, je vous aime fort.

Finalement, mais pas les moindres, un immense merci à mes parents, Suzanne et Yvon, pour tout le soutien qu’ils m’ont toujours donné depuis toutes ces années. Vous m’avez continuellement encouragé et soutenu, et je ne serais assurément pas rendu ici sans vous. Vous méritez vos noms tout autant que le mien sur la première page de ce Mémoire.

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INTRODUCTION

La justice pénale internationale fait de plus en plus partie du quotidien des États qui sont aux prises avec des situations de conflits internes ou de conflits internationaux ou internationalisés sur leurs territoires, ou dans lesquels ils sont impliqués. Suivant de loin les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo1, et faisant suite à des conflits où de graves crimes ont été commis2, la communauté internationale, par l’intermédiaire de l’Organisation des Nations Unies (ONU), a instauré, en 1993 et en 1994, des tribunaux pénaux internationaux ad hoc devant juger de crimes ayant été commis lors, premièrement, des conflits en ex-Yougoslavie (TPIY)3, et deuxièmement, lors du conflit ayant mené au génocide rwandais (TPIR)4, qui a suivi l’assassinat du président de l’époque, Juvénal Habyarimana, et lors duquel près d’un million de Tutsis et de Hutus seront tués5. Il s’en est suivi l’émergence de différents autres tribunaux de type purement internationaux ou utilisant un format hybride avec les juridictions internes, notamment pour les conflits ou événements au Liban (TSL)6, en Sierra Leone (TSSL)7, et au Cambodge (CETC)8. Ces institutions ont toutes, par leurs actions, leurs jugements et décisions, le travail de leurs officiers et de chaque partie aux

1 José Doria, Hans Gasser et Cherif Bassiouni, The Legal Regime of the International Criminal Court: Essays

in Honour of Professor Igor Blishchenko, Leiden, Martinus Nijhoff Publishers, 2009 aux pp 23 et suivantes

[Doria et al.].

2 Pour un historique complet du concept de justice pénale internationale dans le contexte suivant la Deuxième

Guerre mondiale et le cadre onusien, voir : ONU, Bureau des affaires juridiques, Division de la codification, « Establishment of an International Criminal Court - overview », en ligne : UNTreaty ˂http://untreaty.un.org/cod/icc/general/overview.htm˃ [Establishment ICC].

3 Doc. off. CS NU, 47e année, 3217e sess., Doc. NU S/RES/827 (1993) [Résolution TPIY]. 4 Doc. off. CS NU, 48e année, 3453e sess., Doc. NU S/RES/955 (1994) [Résolution TPIR].

5 Jennifer G. Cooke. Rwanda : Assessing risks to stability, Report of the CSIS Africa Program, Center for

Strategic & International Studies, juin 2011, en ligne : CSIS <http://csis.org/files/publication/110623_Cooke_Rwanda_Web.pdf> aux pp 7-8 [Cooke]

6 Doc. off. CS NU, 61e année, 5685e sess., Doc. NU S/RES/1757 (2007).

7 Accord entre l’Organisation des Nations unies et le gouvernement de Sierra Leone relatif à la création d’un

Tribunal spécial pour la Sierra Leone, 12 avril 2002, 2178 R.T.N.U. 154, en ligne : UNTreaty

˂http://untreaty.un.org/cod/avl/pdf/ha/icty/legalinstruments.pdf˃.

8 Accord entre l’Organisation des Nations unies et le Gouvernement royal cambodgien concernant la

poursuite, conformément au droit cambodgien, des auteurs des crimes commis pendant la période du Kampuchea démocratique, 1 août 2005, 2329 R.T.N.U. 13, en ligne : UNTreaty ˂http://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%202329/Part/volume-2329-I-41723.pdf˃.

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procédures, permis de faire évoluer le concept de droit international pénal à un niveau tel que la justice en découlant est devenue incontournable sur la scène internationale. En sus de ces différentes juridictions spécialisées et restreintes du point de vue de leurs compétences ratione materiae, ratione loci et ratione temporae, et découlant d’une évolution des pensées, notamment considérant la nécessité d’instaurer une justice internationale pénale plus permanente pour « remedy the deficiencies of ad hoc tribunals », « take over when national criminal justice institutions are unwilling or unable to act » et « achieve justice for all »9, des États se sont rassemblés pour créer et adopter une convention internationale instituant une juridiction pénale internationale permanente. Naîtra ainsi, en 1998, le Statut de Rome, établissant à la nouvelle entité pénale internationale permanente : la Cour pénale internationale (CPI)10. C’est cette juridiction qui a maintenant le rôle de juridiction pénale internationale universelle, théoriquement indépendante des pouvoirs politiques et des Nations Unies11, et qui deviendra, à l’échéance des présents tribunaux ad hoc, la seule juridiction pénale véritablement internationale à être compétente pour juger des crimes les plus graves réprimés par le droit international.

Comme on vient de le voir, la CPI a été créée notamment pour remédier aux déficiences des tribunaux ad hoc12. Cette juridiction, en plus de pouvoir se baser sur les réussites et échecs des précédentes juridictions pénales internationales, incarne la fine pointe de l’innovation en matière de coopération internationale et de lutte contre l’impunité pour les auteurs de graves crimes internationaux. C’est bien là un des aspects favorisant l’établissement de la CPI en tant que juridiction permanente, soit qu’elle puisse, en se fondant sur les observations de ce qui a fonctionné et de ce qui n’a pas fonctionné dans les tribunaux ad hoc, trouver son identité propre en tentant d’arriver à une juridiction pouvant servir à la fois les intérêts de la justice, les intérêts de la paix, les intérêts des victimes et également servir à protéger les droits des individus qui se retrouvent accusés devant elle13.

9 Establishment ICC, supra note 2. Voir également notamment : Yves Beigbeder, International Criminal

Tribunals, Houndmills Palgrave Macmillan, 2011 aux pp 187 et suivantes [Beigbeder].

10 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 R.T.N.U. 159 [Statut de Rome]. 11 À quelques exceptions près. Voir notamment : Sylvia De Bertodano, « Judicial Independence in the

International Criminal Court » (2002) 15:02 Leiden Journal of International Law 409 [De Bertodano].

12 Establishment ICC, supra note 2.

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Toutefois, ce dernier aspect a bien trop souvent été négligé ou mis de côté par les juridictions ad hoc, tout particulièrement en ce qui a trait au respect de certains droits fondamentaux des accusés14. Les droits d’un accusé devant la CPI15 se rapprochent, à quelques variantes près, de ce qui était et est encore en fonction au sein des tribunaux ad hoc16. Le caractère quasi identique des règles a malheureusement comme conséquence que certaines problématiques dont étaient affligés les tribunaux ad hoc n’ont pas été réglées, ouvrant la porte à ce que ces mêmes problèmes affligent à leur tour la CPI. Une de ces problématiques majeures affecte la majorité des acquittés du TPIR, et consiste en la quasi-impossibilité d’être relocalisés suivant leur acquittement et leur éventuelle libération, considérant la situation juridique et factuelle suivant leur acquittement. Effectivement, aucune règle particulière régissant l’acquittement ne fut incluse dans les Statuts du TPIR ou du TPIY, les individus acquittés se retrouvent alors dans une situation extrêmement complexe, due en grande partie à la nature fragmentée des sources du droit international pénal17. Ce n’est que dans les règles de preuve et de procédure qu’on retrouve la très

14 Voir notamment Daniel J. Rearick, « Innocent Until Alleged Guilty : Provisional Release at the ICTR »

(2003) 44 Harv. Int'l L.J. 577 [Rearick]; Wolfgang Schomburg, « The Role of International Criminal Tribunals in Promoting Respect for Fair Trial Rights » (2009) 8:1 Northwestern Journal of International Human Rights 1 [Schomburg, The Role of International Criminal Tribunals in Promoting Respect for Fair

Trial Rights]; Mirjan Damaška, « Reflections on Fairness in International Criminal Justice » (2012) 10

Journal of International Criminal Justice 611 [Damaška]. Il est intéressant, quoique troublant, de voir l’opinion de certains auteurs sur la question de la nécessité d’une défense dans de tels dossiers, qui vise à tenter de faire respecter les droits fondamentaux des accusés :

The ICTR convicts' continued denial of responsibility, insistence on their innocence, appeals against convictions and sentences, requests for early release after guilty pleas, and resulting reduced sentences do not comport well with the criteria for reconciliation. The perpetrators are supposed to demonstrate acknowledgment, remorse, and reform. Each instance of a convict's denial represents a new victimization for the genocide survivors. (Timothy Gallimore, « The

Legacy of the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) and its Contributions to Reconciliation in Rwanda » (2007-2008) 14 New Eng. J. Int’l & Comp. L. 239 à la p 253. [Gallimore])

15 Qui sont prévus autant par le Statut de Rome que par le Règlement de procédure et de preuve : Règlement

de procédure et de preuve, Documents officiels de l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome de la

Cour pénale internationale, première session, New York, 3-10 septembre 2002 (ICC-ASP/1/3 et Corr.1), deuxième partie. A, en ligne : ICC-CPI ˂http://www.icc-cpi.int/en_menus/icc/legal%20texts%20and%20tools/official%20journal/Documents/RulesProcedureEvidenc eFra.pdf˃ [RPP CPI].

16 Voir notamment : Gregory S. Gordon, « Toward an International Criminal Procedure : Due Process

Aspirations and Limitations » (2007) 45 Colum. J. Transnat’l L. 635 [Gordon].

17 Masha Fedorova, Sten Verhoeven et Jan Wouters. Safeguarding the Rights of Suspects and Accused

Persons in International Criminal Proceedings, Leuven Center for Global Governance Studies, Working

Paper No. 27 – June 2009, en ligne : Katholieke Universiteit Leuven <http://www.law.kuleuven.be/iir/nl/onderzoek/wp/wp137e.pdf> à la p 20 [Fedorova et al.].

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élémentaire règle suivante : « En cas d’acquittement, l’accusé est immédiatement remis en liberté »18. Même son de cloche du côté du TPIY : « Sous réserve des dispositions du paragraphe B) ci-dessous, l’accusé est, en cas d’acquittement ou s’il est fait droit à une exception d’incompétence, remis en liberté immédiatement »19. Du côté de la CPI, l’article 185 du Règlement de procédure et de preuve désigne un schéma plus net, mais laisse entrevoir toute la complexité des questions afférentes à la libération dans le cas de procédures en droit international pénal :

[…] la cour prend, aussitôt que possible, les dispositions qu’elle juge appropriées pour le transfèrement de l’intéressé, en tenant compte de son avis, dans un État qui est tenu de le recevoir, ou dans un autre État qui accepte de le recevoir, ou dans un État qui a demandé son extradition avec l’assentiment de l’État qui l’a remis initialement. En l’espèce, l’État hôte facilite le transfèrement conformément à l’accord visé au paragraphe 2 de l’article 3 et aux arrangements y relatifs20.

De plus, bien que la problématique ait été encore plus d’actualité au moment de préparer la transition entre le TPIR, le TPIY et le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), à la fermeture des tribunaux ad hoc, aucune disposition particulière à cet effet ne se retrouve dans le Statut du MTPI ni dans la résolution elle-même21. L’avènement d’acquittements dans le cadre de procédures devant de telles juridictions n’est pourtant pas une situation nouvelle. Le Tribunal militaire international de Nuremberg, qui commença ses procédures officielles le 20 novembre 1945, près de six mois après la fin de la guerre sur le front européen, a vu son banc rendre jugement les 30 septembre et 1er octobre 194622. Sur les 24 personnes physiques accusées, 3 furent acquittées, en les personnes de Hans Fritzsche, Franz von Papen et Hjalmar Schacht, et sur les 6 organisations accusées, trois d’entre elles furent acquittées23. Dès leur libération, les trois individus acquittés furent aussitôt arrêtés de nouveau, et ont éventuellement subi de

18 Tribunal pénal international pour le Rwanda, Règlement de Procédure et de Preuve, Doc off. TPIR, 10 avril

2013 [RPP TPIR]. Cette disposition est toutefois limitée par l’application de l’alinéa B de l’article 99, qui permet au Procureur de demander que l’acquitté demeure en détention s’il entend faire appel du verdict, et que la Chambre y consent. Le libellé de cet article est très similaire en forme et identique en fond à l’article 123(A) des règles du MTPI : Règlement de procédure et de preuve, Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), 8 juin 2012, MICT/1.

19 Règlement de procédure et de preuve, Doc. off. TPIY, 2013, Doc. NU IT/32/Rev. 49 (2013), art 99(A)

[RPP TPIY].

20 RPP CPI, supra note 15, deuxième partie. A, art 185(1) (nos soulignés).

21 Doc. off. CS NU, 64e année, 6463e sess., Doc. NU S/RES/1966 (2010) [Résolution MTPI]. 22 Voir Beigbeder, supra note 9 à la p 23.

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nouveaux procès devant les tribunaux de dénazification, où ils furent tous les trois condamnés24. Du côté du Tribunal de Tokyo, à l’exception d’un unique verdict d’inhabilité à subir son procès pour cause de troubles mentaux, tous les accusés furent condamnés à de lourdes peines, plusieurs à mort25. Du côté des acquittés du TPIR, à Arusha, on dénote 14 acquittements depuis l’ouverture du tribunal, en 199526. De ceux-ci, 5 ont été capables d’obtenir le soutien d’un État voulant les accueillir27. Il s’agit de Ignace Bagilishema, acquitté le 7 juin 2001 et qui s’installa en France quelques mois plus tard28, de Jean Mpambara, acquitté le 12 septembre 2006, et qui s’installa en territoire français d’outre-mer en décembre de la même année29, d’André Rwamakuba, acquitté le 20 septembre 2006 et qui s’installa en Suisse avec sa famille en 200830, d’Emmanuel Bagambiki, acquitté le 25 février 2004, qui s’installa en Belgique près de 18 mois après son acquittement31, et finalement du père Hormisdas Nsengimana, acquitté le 17 novembre 2009, qui réussit à

24 La situation est toutefois différente, considérant l’objectif des Tribunaux de dénazification, qui diffère

d’une juridiction purement criminelle. Voir à ce sujet : Holocaust Encyclopedia, « Nuremberg Defendants » United States Holocaust Memorial museum, en ligne : <http://www.ushmm.org/wlc/en/article.php?ModuleId=10007654> [Nuremberg Defendants].

25 Doria et al., supra note 1 à la p 30. Voir aussi Uwe Ewald, « ‘Predictably Irrational’ – International

Sentencing and its Discourse against the Backdrop of Preliminary Empirical Findings on ICTY Sentencing Practices » 10 Int’l Crim. L. Rev 365 à la p 373.

26 TPIR, « Status of cases », en ligne : UNICTR

<http://www.unictr.org/Cases/StatusofCases/tabid/204/Default.aspx>.

27 Joris Van Wijk, « When International Criminal Justice Collides with Principles of International Protection :

Assessing the Consequences of ICC Witnesses Seeking Asylum, Defendants Being Acquitted, and Convicted Being Released » (2013) 26:1 Leiden J. Int’l L. 173 à la p 191 [Van Wijk]. Voir aussi : « ICTR seeks host countries for acquitted persons », Hirondelle News Agency (27 juin 2012), en ligne : Hirondelle News <http://www.hirondellenews.com/ictr-rwanda/404-ictr-institutional-news/33404-270612-ictr-acquittals-ictr-seeks-host-countries-for-acquitted-persons>.

28 Seydou Doumbia. Situation des Acquittés du TPIR, novembre 2009, en ligne : Héritage TPIR Défense

<http://www.heritagetpirdefense.org/papers/Seydou_Doumbia_Situation_des_acquittes_du_TPIR%20.pdf >. [Doumbia].

29 Kevin Jon Heller, « What Happens to the Acquitted » (2008) 21 Leiden Journal of International Law 663 à

la p 669 [Heller]. Voir aussi : Mandiaye Niangand et Chiara Biagioni, « The Challenge in Relocating Persons Acquitted by the ICTR » dans Protecting Humanity : Essays in International Law and Policy in Honour of

Navanethem Pillay, Leiden Martinus Nijhoff Publishers, 2010 à la p 551 [Niangand et Biagioni].

30 Doumbia, supra note 28.

31 Roland Amoussouga. The ICTR’s Challenges in the Relocation of Acquitted Persons, Released Prisoners

and Protected Witnesses, The Forum Between Offices of the Prosecutors of UN AD HOC Criminal Tribunals

and National Prosecuting Authorities Persons, 26-28 Novembre 2008, en ligne : ICTR <http://www.unictr.org/Portals/0/English/News/events/Nov2008/EN/challenges -in-relocation-of-acquitted-persons.pdf > au para 12 [Amoussouga]. Voir aussi Heller, supra note 29 à la p 664.

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s’installer en Italie en mars 2010, avec le concours des autorités cléricales32. Ainsi, même en cas de relocalisation, on peut déjà observer que les délais pour l’obtention des autorisations nécessaires sont souvent très longs. Les 9 autres acquittés du TPIR33 se retrouvent toujours à Arusha, dans un « safe-house » fourni par le Tribunal, avec des perspectives d’avenir plutôt sombres. Entre autres, André Ntagerura y est notamment bloqué depuis plus de 12 années34, Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza sont arrivés au début de 201335 et Augustin Ndindiliyimana et François-Xavier Nzuwonemeye au début de 201436. André Ntagerura, qui se trouve dans une situation précaire37, a notamment dû essuyer le refus de la France et du Canada concernant sa relocalisation38, le menant à exprimer son désespoir relativement à sa situation : « I believe that I can find a place where I can live legally and safely. It is one of my fundamental rights. The international community which... provided the mandate to arrest me, detain me and prosecute me also has the responsibility to solve my case »39. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que deux acquittés ont lancé, dès 2005, un cri du cœur pour obtenir la coopération du TPIR pour favoriser leur relocalisation40, appel demeuré sans réponse à ce jour, et ce, bien que :

32 Pour une vue d’ensemble de la situation factuelle des acquittés, voir : TPIR, « Liste et situation des détenus

du TPIR », en ligne : UNICTR <http://www.unictr.org/Cases/StatusofDetainees/tabid/202/Default.aspx> [Liste et situation des détenus du TPIR]. Voir aussi : Van Wijk, supra note 27, à la n 52.

33 Augustin Ndindiliyimana, François-Xavier Nzuwonemeye, Protais Zigiranyirazo, Gratien Kabiligi, Casimir

Bizimungu, Jérôme-Clément Bicamumpaka, Justin Mugenzi, Prosper Mugiraneza et André Ntagerura. Voir Van Wijk, supra note 27 à la p 185 et Niangand et Biagioni, supra note 29 à la p 560.

34 Le Procureur c Ntagerura, ICTR-99-46-T, Jugement (25 février 2004) (TPIR, Chambre de première

instance III) [Ntagerura, Jugement]. Celui-ci a « fêté » le dixième anniversaire de son acquittement toujours bloqué à Arusha, n’ayant pu obtenir qu’un statut d’asile temporaire de la part du gouvernement tanzanien, sur demande du TPIR, en attente de sa relocalisation : Amoussouga, supra note 31 au para 21.

35 Mugenzi c le Procureur, ICTR-99-50-A, Arrêt (4 février 2013) (TPIR, Chambre d’appel) [Mugenzi, Arrêt]. 36 Ndindiliyimana c Le Procureur, ICTR-00-56-A, Summary of the Judgement (11 février 2014) (TPIR,

Chambre d’appel) [Ndindiliyimana, Arrêt].

37 La requête d’André Ntagerura du 18 septembre 2008, dans lequel les droits touchés par sa situation bien

particulière sont bien exposés, démontre toute l’ampleur de la problématique : Ntagerura c Le Procureur, ICTR-99-46-A28, Requête d’André Ntagerura tendant à interjeter appel d’une Décision du Président du

TPIR du 31 mars 2008 et d’une Décision de la Chambre de première instance III du 15 mai 2008 (18

septembre 2008) (TPIR, Chambre d’appel) [Ntagerura, Requête du 18 septembre 2008]. On peut citer notamment la problématique de l’impossibilité de gagner sa vie en travaillant, l’impossibilité d’entretenir des relations familiales, les limitations à sa liberté de circulation, etc.

38 Heller, supra note 29 à la p 668. 39 Van Wijk, supra note 27 à la p 181.

40 André Ntagerura et Emmanuel Bagambiki. Le calvaire et la détresse de deux acquittés oubliés du TPIR!, 5

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« The situation of acquitted persons before the Tribunal is one of the most critical challenges that ought to be absolutely addressed »41.

Cette problématique est fondée sur le fait qu’une des conséquences primaires de l’acquittement doit être la remise en liberté de la personne détenue préventivement par les autorités42. En droit interne, l’accusé est alors libre, c’est-à-dire qu’il ne sera plus détenu et qu’il pourra retourner à la vie « civile »43. Il sortira de prison, pourra retourner chez lui ou chez une connaissance ou sa famille, et tenter tant bien que mal de reprendre une vie normale44. Un individu accusé au Canada d’un crime commis au Canada subira son procès en territoire canadien, dans la juridiction qui est la plus appropriée45. Ainsi, si la personne est détenue en attente ou lors de son procès, mais qu’elle est éventuellement acquittée, elle pourra être libérée et réintégrer une société qu’elle connaît, où elle a des références, ses ressources, son cercle de contact et sa famille, notamment. Elle n’aura pas de frontières à traverser, de visas à obtenir pour retourner chez elle, ni d’autorisations gouvernementales pour rester sur le territoire du pays où elle est, n’ayant jamais quitté celui-ci. Elle se retrouvera donc dans la même situation juridique que celle qui avait cours avant son arrestation et sa détention. La situation est totalement différente dans le cas des acquittés des juridictions pénales internationales, qui, pour l’exemple du TPIR, sont arrêtés dans différents États à travers le monde (Belgique, Kenya, Allemagne, États-Unis, Bénin et Afrique du Sud, entre autres46), et transférés pour être jugés par une juridiction pénale internationale basée dans un État où ils n’ont, pour la plupart, aucun lien social, familial, ou économique : la Tanzanie. Il n’est donc pas étonnant qu’une fois libérées, ces personnes se

41 Amoussouga, supra note 31 au para 12.

42 Jean-Marie Twagirayezu. Les conséquences juridiques de l’acquittement devant le Tribunal pénal

international pour le Rwanda, Mémoire en droit, Université Nationale du Rwanda, 2007 à la p 7

[Twagirayezu].

43 Voir notamment, au Canada, le Code criminel : Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 570(2) [Canada,

Code criminel].

44 Benoît Henry, « The Acquitted Accused, a Forgotten Party of the ICTR » (2005) 12:1 New Eng. J. of Int’L

& Comp. L. 81 à la p 82 [Henry, The Acquitted Accused, a Forgotten Party of the ICTR].

45 En tant que juridiction créée par entente entre le Liban et les Nations Unies, le siège aurait dû être au Liban.

Toutefois, considérant les risques de sécurité majeurs, notamment suivant des menaces persistantes sur l’équipe d’enquête présente au Liban, et la présence de forces politiques régionales influentes, dont la Syrie, le siège du Tribunal fut installé dans des installations sécurisées en banlieue de La Haye, aux Pays-Bas. Voir à ce sujet : Beigbeder, supra note 9 aux pp. 170-183.

46 Pour une énumération complète des lieux d’arrestation des détenus et ex-détenus du TPIR, voir : Liste et

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retrouvent dans une situation difficile47. C’est là l’élément critique qui cause la situation des acquittés, une conséquence collatérale de la décision de ne pas installer les sièges des juridictions dans les États où les événements ayant mené aux crimes allégués en question ont été commis48. En effet, rappelons que le siège du TPIR est situé à Arusha, dans la République-Unie de Tanzanie, et non pas au Rwanda, pays limitrophe49. Similairement, le siège du TPIY est situé à La Haye, aux Pays-Bas, et non pas dans un des États où les événements du conflit en ex-Yougoslavie ont eu lieu50. De même, la CPI a un siège fixe51 situé à La Haye, alors que les situations dont elle est présentement saisie sont originaires de pays du continent africain52. On peut noter les exceptions particulières du TSSL53 et des CETC54, qui sont des juridictions de nature hybride qui se distinguent en raison de la proximité géographique des procédures. Concernant le TSL, malgré son caractère mixte, son siège est actuellement à La Haye, au lieu du Liban, pour des questions de sécurité, notamment55.

47 Voir notamment le cas d’André Ntagerura, acquitté par le TPIR, à qui la Tanzanie a refusé de donner un

statut permanent qui aurait pu stabiliser et régulariser son statut légal en Tanzanie : Amoussouga, supra note 31 au para 21.

48 Cet éloignement est toutefois justifiable. Voir : Geoff Gilbert, « Current issues in the application of the

exclusion clauses » dans Erika Feller, Volker Türk et Frances Nicholson. Refugee Protection in International

Law : UNHCR's Global Consultations on International Protection, Cambridge, Cambridge University Press,

2003 à la p 430 [Gilbert].

49 Rapport du Tribunal criminel international chargé de juger les personnes présumées responsables d’actes

de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, Doc. off. CS NU, 51e année, 51e session,

A/51/399-S/1996/778 (1996) au para 3.

50 Accord conclu entre l’Organisation des Nations unies et le Royaume des Pays-Bas concernant le siège du

Tribunal international charge de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, New York, 29

juillet 1994 [Accord de siège, TPIY].

51 La CPI a toutefois la possibilité de délocaliser ses fonctions et de tenir un procès à l’extérieur du Siège de la

Cour. Voir Statut de Rome, supra note 10, arts 3(3) et 62.

52 Au moment d’écrire ces lignes, la CPI est saisie de situations qui visent les pays suivants : l’Ouganda, la

République démocratique du Congo (RDC), le Soudan (pour le Darfour), la République centrafricaine, la République du Kenya, la Libye, la Côte d’Ivoire et le Mali. Voir : CPI, « Situations et Affaires – Situations »,

en ligne : ICC-CPI

<http://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/situations%20and%20cases/situations/Pages/situations%20index.aspx> [Situations et

Affaires, CPI].

53 SC-SL, « About », en ligne : SC-SL <http://www.sc-sl.org/ABOUT/tabid/70/Default.aspx>. À la notable

exception du procès de Charles Taylor, qui a eu lieu aux Pays-Bas.

54 CETC, « À propos des ECCC », en ligne : <http://www.eccc.gov.kh/fr/%C3%A0-propos-des-eccc>. 55 TSL, « À propos du TSL », en ligne : STL-TSL <http://www.stl-tsl.org/fr/about-the-stl>.

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De plus, alors que les juridictions internes ont bien souvent des règles très strictes, limitées dans le temps, concernant les cas spécifiques et déterminés où les accusés doivent être gardés en détention préventive avant et pendant procès56, les juridictions pénales internationales, tout spécialement les tribunaux ad hoc, appliquent unilatéralement, et contrairement aux standards internationaux57, les règles régissant de telles détentions : tous les accusés, ou presque, demeurent indéfiniment en détention58. Ainsi, certains des accusés ont été détenus préventivement avant jugement, et encore à ce jour, pour une période de plus de 15 ans (Elie Ndayambaje, Joseph Kanyabashi, entre autres), de plus de 10 ans (Augustin Bizimungu, Innocent Sagahutu, entre autres), et plus de cinq ans pour la grande majorité59, certains étant par la suite acquittés60. Cela va sans dire, et nous en discuterons en détail dans ce mémoire, que de longs séjours en prison sont loin de favoriser un retour sans heurts des acquittés dans la vie civile61.

Considérant la gravité des crimes reprochés, il était pourtant prévisible que des difficultés reliées à la réhabilitation et la réinsertion des acquittés subviendraient, considérant que :

A person who is accused of genocide, portrayed as a « genocide perpetrator », and held for years for that, is socialy stigmatyzed. The social stigmatization attached to the guilt or the accusation is on that person. This person needs a special act of rehabilitation that will not and

56 En droit canadien, voir notamment Code criminel, supra note 43, arts 515 et suivants.

57 Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de

Tokyo), Doc. off. AG NU, 44e année, 64e séance plénière, Doc. NU A/RES/45/110 (1990), annexe, art 6.1. :

« La détention provisoire ne peut être qu’une mesure de dernier ressort dans les procédures pénales, compte dûment tenu de l’enquête sur le délit présumé et de la protection de la société et de la victime ».

58 Andrew Trotter, « Pre-Conviction Detention in International Criminal Trials » (2013) 11 J Int Criminal

Justice 351 aux pp 354 et 359 [Trotter, Pre-Conviction Detention in International Criminal Trials].

59 Pour une énumération complète des dates d’arrestation, dates de transfert des accusés au UNDF et statut

des procédures, voir : Liste et situation des détenus du TPIR, supra note 32. Voir aussi Twagirayezu, supra note 42 à la p 16.

60 On peut notamment citer le cas de Gratien Kabiligi, arrêté en 1997 et détenu jusqu’à son acquittement en

2008 (11 ans), de même que Jérôme-Clément Bicamumpaka et Casimir Bizimungu, arrêtés en 1999 et détenus jusqu’à leur acquittement en 2011 (12 ans), et finalement Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza, arrêtés en 1999 et détenus jusqu’à leur acquittement en 2013 (14 ans). Liste et situation des détenus du TPIR, supra note 32.

61 Craig Haney, « The Psychological Impact of Incarceration: Implications for Post-Prison Adjustment »

(2001) dans From Prison to Home: The Effect of Incarceration and Reentry on Children, Families and

Communities, Santa Cruz, U.S. Department of Health and Human Services, National Policy Conference, 2002

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cannot come from him/her alone. He/she needs some hands from the authorities, namely the international community in the case of the international justice62.

Ce quasi-abandon des acquittés par les juridictions pénales internationales constitut-il un dommage collatéral inéluctable liée au principe de la lutte contre l’impunité? Cette lutte contre l’impunité à tout prix est-elle un prétexte pour oublier le rôle premier de toute juridiction, qu’elle soit internationale, régionale ou nationale, qui est la recherche de la vérité? Lorsque cette vérité n’est pas en accord avec la thèse de la poursuite, les conséquences ne doivent pas aller à l’encontre des droits de l’accusé ou de l’acquitté, d’autant plus qu’il ne faut pas oublier que l’un des objectifs principaux des Nations Unives est de s’assurer du respect universel des droits de l’homme et des libertés fondamentales des individus, et ce partout dans le monde63. Cette question fut même soulignée par l’Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui a exprimé son inquiétude au sujet de celle-ci, en indiquant que :

[...] the question of the relocation of acquitted persons who are unable to return to their country

of origin due to threats of death, torture or other serious harm is a real one. The problem of such relocation of persons is not easy to resolve and this problem is expected to persist beyond the existence of the ICTR and to arise in the future for other international criminal institutions and, in particular, the ICC. Durable solutions need to be found for those acquitted by an international criminal tribunal or court and who are unable to return to their country of origin.

[...] Concern was accordingly expressed about the consequences of failing to find such

solutions64.

Certains auteurs vont même jusqu’à dire que : « It is unacceptable that an individual who has been in custody for many years, and who is subsequently acquitted, will nonetheless be unable to find a place where he will be accepted, let alone be reunited with his family »65. La situation actuelle a mené certains à être très durs envers les juridictions pénales internationales, en se demandant pourquoi les instances judiciaires des Nations Unies sont aussi « egregiously disrepectful » des droits de l’homme, tout en indiquant que cette

62 Jean Yaovi Dégli, The Challenges Facing the International Criminal Justice System Regarding Fair Trial

Standards : the Exemple of the ICTR, Washington, American University Library, 2010 à la p 988 [Yaovi Dégli].

63 Establishment ICC, supra note 2 à la p 2.

64 UNHCR. Expert meeting on Complementarities between international refugee law, International criminal

law and International human rights law: Summary conclusions, 11-13 avril 2011, en ligne : UNHCR

˂www.unhcr.org/4e16d0a59.pdf˃ au para 44 [UNHCR Arusha summary conclusions].

65 Jarinde Temminck Tuinstra, Defence Counsel in International Criminal Law, La Haye, Asser Press, 2009 à

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situation prive ce système judiciaire de sa légitimité66. Car ce n’est pas l’unique but de la justice pénale internationale que de punir et de servir d’objet de dissuasion à la commission d’autres crimes, certains alléguant même que : « the most important mission of international criminal courts should be the spreading of human rights culture, or, to phrase the idea differently, exercising a socio-pedagogic function »67. En effet, la réconciliation et la construction d’une paix durable nécessitent des approches holistiques visant la transformation de l’attitude, des structures et des comportements des sociétés affectées68. Dès que les détenus d’Arusha s’identifient par : « Nous, Prisonniers [p]olitiques de l’ONU […] », dans une lettre adressée à de multiples acteurs du droit international pénal et des droits de l’homme69, on peut se questionner sur l’effet du TPIR sur la réconciliation. La situation est à ce point grave que certains auteurs croient que l’échec de la relocalisation des acquittés pourrait mettre en péril la capacité du TPIR de compléter avec succès son mandat et pourrait endommager la crédibilité des Nations Unies dans son ensemble70. La problématique sous-jacente à ce mémoire concerne donc non seulement les droits individuels des acquittées, mais également, de façon plus indirecte, la mission et les objectifs des juridictions internationales pénales.

La protection temporaire qu’offre le TPIR à ces acquittés ne pourra durer indéfiniment71, et ce problème a notamment été décrit par le Greffier du TPIR comme étant : « One of the most daunting challenges facing the ICTR […] »72, mais est également considéré par certains, non sans juste titre, comme étant « la honte de la justice pourtant dite

66 Yaovi Dégli, supra note 62 à la p 450. 67 Damaška, supra note 14 à la p 614.

68 Evelyne Andrew Batamuliza. The Role of the International Criminal Tribunal for Rwanda in Building

Sustainable Peace, Thesis in Home Security and Peacebuilding, Royal Roads University, 2009 à la p 58.

[Batamuliza].

69 Les détenus du TPIR, « Mémorandum sur la persistance de l’arbitraire et des pratiques discriminatoires au

TPIR », Annexe à la Lettre du 14 février 2008, Protestation contre la persistance de l’arbitraire et des

pratiques discriminatoires au TPIR, 14 février 2008 à la p 3.

70 Niangand et Biagioni, supra note 29 à la p 568. 71 Twagirayezu, supra note 42 à la p 25.

72 ICTR, News Detail, « Registrar’s speech at the Town hall meeting » (25 septembre 2013), en ligne :

UNICTR <www.unictr.org/tabid/155/Default.aspx?id=1363> au para 25 [Registrar’s speech at the Town hall

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internationale »73. De plus, trouver des solutions à ce problème est dans l’intérêt de la justice, car : « Justice requires the reintegration of both perpetrator and victim into the international community. Any contempt for the offender does not work for sustainable peace »74. Malgré cela, le président actuel du MTPI, l’honorable juge Meron, n’a pas jugé utile de traiter de cette question dans ses deux récents rapports présentés au Conseil de sécurité concernant les progrès du MTPI depuis son entrée en fonction75. On a vu toutefois des démarches pour tenter de légiférer en la matière aussi tôt qu’en 1998 pour essayer d’amender les règles de preuve et de procédures du TPIR76, mais qui furent ignorées par les juges lors des séances plénières77. Au cours des dernières années, on a pu observer quelques mentions de cette problématique dans des communications faites par de successifs présidents du TPIR lors de leurs rapports annuels au Conseil de sécurité, sans résultat78. Considérant les multiples aspects légaux qu’impliquent la problématique, la recherche qui suit ne visera spécifiquement que la question de la libération et de la relocalisation physique des acquittés, et des obligations des États ou des institutions par rapport à l’accueil de ces personnes. La base de la recherche traitera plus spécifiquement de la

73 « TPIR : Acquittés sans terre d’asile : le cas Kabiligi », France Rwanda Tribune (30 décembre 2012), en

ligne : France Rwanda Tribune <www.france-rwanda.info/article-tpir-acquittes-sans-terre-d-asile-le-cas-kabiligi-113899784.html> [TPIR : Acquittés sans terre d’asile : le cas Kabiligi]

74 Wolfgang Weiß, « Security Council Powers and the Exigencies of Justice after War » (2008) 12 Max Plank

Y.B. U.N. L. 45 à la p 102 [Weiß].

75 Letter dated 18 November 2013 from the President of the International Residual Mechanism for Criminal

Tribunals addressed to the President of the Security Council, Doc. off. CS NU, S/2013/679, 18 novembre

2013 et Letter dated 16 May 2014 from the President of the International Residual Mechanism for Criminal

Tribunals addressed to the President of the Security Council, Doc. off. CS NU, S/2014/350, 16 mai 2014.

76 RPP TPIR, supra note 18.

77 Yaovi Dégli, supra note 62 aux pp 981 et suivantes.

78 Voir : ICTR, News Detail, « Address to the United Nations Security Council : Six-monthly Report on the

Completion Strategy of the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) by Judge Vagn Joensen, President » (5 juin 2014), en ligne : UNICTR <http://www.unictr.org/tabid/155/Default.aspx?id=1411>; ONU, Département de l’information, « Conseil de sécurité : pas d’achèvement des travaux sans jugement des 17 grands criminels encore en fuite, insistent les magistrats du TPIY et du TPIR » Conseil de sécurité CS/9347, 5904e séance – matin (4 juin 2008), en ligne : UN

<www.un.org/News/fr-press/docs/2008/CS9347.doc.htm> à la p 3 [CS/9347], et ONU, Département de l’information, « Funding shortfalls, lack of state cooperation, personnel retention threaten timely completion of International tribunal’s tasks, security council told: Members hear briefings by Presidents, Prosecutors of Courts trying war crimes in Former Yugoslavia, Rwanda » Security Council, SC/10476, 6678th meeting (PM) (7 décembre 2011), en

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question des acquittés du TPIR79, considérant qu’il s’agit de la juridiction qui a présentement le plus grand défi à relever. Toutefois, l’étude s’applique de façon similaire à des dossiers d’autres juridictions pénales internationales puisque, comme on le verra plus tard, la CPI est sujette à être concernée par des situations semblables, comme c’est le cas avec le dossier Ngudjolo80, et ce qui pourrait être le cas de tout éventuel acquittement. Le sujet central de notre étude, soit les personnes acquittées, c’est-à-dire trouvées non coupables à la suite d’un jugement81, a toutefois des ramifications qui dépassent le simple acquittement. Effectivement, la remise en liberté peut être une conséquence directe ou indirecte d’un autre événement que l’acquittement traditionnel par jugement82. On peut notamment penser à la libération à la suite d’une non-confirmation des charges à la CPI, qui ne constitue pas un acquittement au sens propre du terme. C’est le cas de Callixte Mbarushimana, arrêté en France en 2010 et transféré à la CPI en 201183. Les charges contre Mbarushimana ne furent pas retenues et celui-ci fut par la suite remis en liberté84. Toutefois, des restrictions de voyage, notamment le fait qu’il était inscrit sur la liste de personnes interdites de voyage des Nations Unies, retardèrent le retour de M. Mbarushimana en France85. On peut penser également à l’épineuse question des

79 Tout au long de cette recherche, la référence au TPIR et au TPIY comprend l’analyse du Méchanisme pour

les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), qui utilise des règles semblables à celles du TPIR et du TPIY. Voir Brigitte Benoit Landale et Llewellyn Huw, « The International Residual Mechanism for Criminal Tribunals : The Beginning of the End for the ICTY and ICTR » (2011) 8 International Organization Law Review 349 à la p 352 : « The Residual Mechanism will continue the jurisdiction, rights, obligations and essential functions of the Tribunals, as well as all the contracts and international agreements concluded by the United Nations in relation to them ». Voir aussi Résolution MTPI, supra note 21 au para 4.

80 Voir notamment : Raymond Ouigou Savadogo, « Mathieu Ngudjolo Chui : un autre “Ntagerura” » (20

décembre 2012), Blogue de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, en ligne : CDPIH ˂www.cdiph.ulaval.ca/blogue/mathieu-ngudjolo-chui-un-autre-ntagerura˃ [Ouigou Savadogo].

81 Antidote RX, v.8, Druide Informatique, 2008, sub verbo « acquittement » [Antidote].

82 Voir : RPP CPI, supra note 15, deuxième partie. A, art 185 (nos soulignés). On retrouve également une

norme similaire dans l’entente d’État hôte entre les Pays-Bas et la CPI : Accord de siège entre la Cour pénale

internationale et l’État hôte, ICC-BD/04-01-08, 1er mars 2008, art 48(1) [Accord de siège, CPI].

83 « Le Rwandais Callixte Mbarushimana transféré à la CPI », Le Monde (25 janvier 2011), en ligne : Le

Monde <http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/01/25/le-rwandais-callixte-mbarushimana-transfere-a-la-cpi_1470207_3212.html> [Le Monde, Le Rwandais Callixte Mbarushimana transféré à la CPI].

84 Le Procureur c Mbarushimana, ICC-01/04-01/10, Décision relative à la confirmation des charges (16

décembre 2011) (CPI, Chambre préliminaire I) [Mbarushimana, Décision relative à la confirmation des

charges].

85 Lauren Comiteau, « Callixte Mbarushimana: A free man in Paris », Radio Netherlands Online (22

décembre 2011), en ligne : Radio Netherlands Online <http://www.rnw.nl/international-justice/article/callixte-mbarushimana-a-free-man-paris>. À ce sujet, il est intéressant de noter que

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individus condamnés par les juridictions pénales internationales et qui ont terminé de purger leur peine dans leur État pénitentiaire d’accueil, et qui se retrouvent bien souvent dans la même situation que les acquittés86, notamment les condamnés du TPIR détenus au Bénin87. De plus, certaines des normes qui seront analysées dans les prochaines pages peuvent trouver application dans le cadre de la libération provisoire ou temporaire d’un individu qui se retrouve en attente de procès, ou pendant son procès. Finalement, on pourra voir que certaines de ces règles pourront s’appliquer dans le cadre de témoins qui, une fois sur le territoire de l’État hôte de la juridiction pénale internationale, refusent de retourner dans leur État. Une situation de ce genre est survenue à la CPI avec des témoins invoquant des raisons de sécurité pour ne pas retourner dans leur État d’origine88. Ces précédents Mbarushimana, au même titre que l’acquitté Ngudjolo, sont tous les deux, en date du 30 juin 2014, toujours inscrits sur cette liste. Voir : Comité des sanctions du Conseil de sécurité mis en place par la résolution 1533 concernant la République démocratique du Congo, Liste des personnes et entités visées par les mesures

imposées aux paragraphes 13 et 15 de la résolution 1596 (2005) et reconduites au paragraphe 3 de la résolution 2078 (2012) du Conseil de sécurité, 14-56535 (F), 30 juin 2014, en ligne : Nations Unies

<http://www.un.org/french/sc/committees/1533/pdf/list_french_new.pdf>.

86 Cecile Aptel, « Closing the U.N. International Criminal Tribunal for Rwanda : Completion Strategy and

Residual Issues » (2008) 14:2 New Eng. J. of Int’L & Comp. L. 169 à la p 184. Practice Direction on the

Procedure for the Determination of Applications for Pardon, Commutation of Sentence, and Early Release of Person Convicted by the ICTR, the ICTY or the Mechanism, Mechanism for International Criminal Tribunals,

5 juillet 2012, MICT/3; Practice Direction on the Procedure for Designation of the State in which a

Convicted Person is to Serve his or her Sentence of Imprisonment, Mechanism for International Criminal

Tribunals, 5 Juillet 2012, MICT/2.

87 Alao Sadikou. Quelques considérations des Prisonniers du TPIR au Bénin sur le bilan du Tribunal Pénal

International pour le Rwanda (TPIR), Conférence internationale de la défense sur le droit pénal international,

14-16 novembre 2009, en ligne : ICTR Heritage Defence <http://www.heritagetpirdefense.org/papers/Alao_Sadikou_Quelques_considerations_des_Prisonniers_du_TP IR_au_Benin.pdf> aux pp 8-9.

88 À ce sujet, voir les péripéties des 3 témoins de la CPI qui ont refusé de retourner en RDC et ont demandé

l’asile aux Pays-Bas. Leur demande fut éventuellement rejetée le 31 octobre 2012 (Fabrice Bousquet, « Des témoins détenus transférés à La Haye pour déposer devant la Cour pénale internationale et du droit d’asile : une question épineuse inattendue, une protection des droits de l’Homme acceptable » (3 novembre 2013),

Blogue de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, en ligne : CDPIH ˂

http://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/des-temoins-detenus-transferes-la-haye-pour-deposer-devant-la-cour-penale-internationale-et˃ au para 12.). Ces témoins ont par la suite été remis entre les mains des autorités néerlandaises (CPI, Communiqué de presse, « La CPI transfère la garde de trois témoins détenus aux autorités néerlandaises » ICC-CPI-20140604-PR1010 (04 juin 2014), en ligne : ICC-CPI <http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pages/pr1010.aspx>), avant de voir leur demande de nouveau rejetée en appel (International Justice Monitor, « Dutch Court Upholds Rejection of Witnesses’ Asylum Claims » Open Society Justice Initiative, en ligne : IJMonitor <http://www.ijmonitor.org/2014/07/dutch-court-upholds-rejection-of-witnesses-asylum-claims/> [IJMonitor,

Dutch Court Upholds Rejection of Witnesses’ Asylum Claims]), et d’être finalement expulsés vers la RDC le 6

juillet 2014 (International Justice Monitor, « Witnesses returned to RDC » Open Society Justice Initiative, en ligne : IJMonitor <http://www.ijmonitor.org/2014/07/witnesses-returned-to-drc/>). Voir également à ce sujet :

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sujets, qui sont subsidiaires à la question des acquittés, seront analysés plus en profondeur, lorsque la situation s’y prêtera, dans les prochaines sections.

Les deux interrogations principales de notre étude seront, premièrement, de savoir si les juridictions elles-mêmes (ou leurs organes parents ou subsidiaires) ont des obligations juridiques d’assistance et de coopération concernant la relocalisation des acquittés. La suite logique dans cette section sera de séparer chaque partie de l’argumentation selon les possibilités offertes aux acquittés : retourner dans leur pays d’origine, s’installer sur place, ou se réinstaller dans un pays tiers. Deuxièmement, il importera de déterminer si les acquittés peuvent obtenir un autre type de protection en raison de leur situation particulière. Cette analyse comprendra une section particulière sur la détermination du statut de réfugié pour les individus acquittés, prenant en compte les différents facteurs d’inclusion, de même que les critères d’exclusion. Il y aura, entre autres, une analyse de la portée de la clause d’exclusion de l’article 1F de la Convention relative au statut de réfugié (ci-après « CSR »)89.

entendus à la Cour pénale internationale : saisine inédite établissant la primauté des droits de l’Homme internationalement reconnus lors de l’application du Statut de Rome » (2012) 24:2 Rev. québécoise de droit Int’l 53 [Fortin].

89 Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 R.T.N.U. 137, en ligne : UNTreaty

˂http://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20189/v189.pdf˃ [Convention relative au statut des

réfugiés]. Voir également : Principes directeurs sur la protection internationale : Application des clauses d’exclusion : article 1(F) de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, UNHCR, HCR/GIP/03/05,

4 septembre 2003, en ligne : UNHCR ˂http://www.unhcr.fr/4ad2f7f8e.html˃ [UNHCR, Principes

directeurs 1(F)]; UNHCR Protection Policy and Legal Advice Section, Department of International

Protection, « Background Note on the Application of the Exclusion Clauses : Article 1(F) of the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees » (2003) 15:3 Int’l J. Refugee L. 502 [UNHCR, Background

Note 1(F)]; Matthew Zagor, « Persecutor or Persecuted : Exclusion under Article 1(F)(A) and (B) of the

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PARTIE I – L’OBTENTION D’UNE PROTECTION NATIONALE

L’individu, peu importe son statut juridique, détient des droits et des libertés90. Certains auteurs avancent d’ailleurs qu’une fois devant une juridiction pénale internationale, tout individu est reconnu comme étant un sujet de droit pénal international91. De ce fait, étant donné que ces juridictions sont inéluctablement soumises aux règles reconnues concernant les droits des accusés92, ces individus gagnent de nouveaux droits spécifiques aux procédures, peu importe le stade de celles-ci93. Par exemple, le TPIR a reconnu être lié par le PIDCP, notamment dans une décision phare du dossier Kajelijeli94. Les normes édictées

90 Geert-Jan Alexander Knoops, Defenses in contemporary international law, 2e éd., Leiden Martinus Nijhoff

Publishers, 2008 à la p 251 [Knoops]

91 Ibid aux pp 259 et suivantes et Schomburg, The Role of International Criminal Tribunals in Promoting

Respect for Fair Trial Rights, supra note 14 au para 13. Voir aussi Emmanuel Decaux, Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : Commentaire article par article, Paris, Economica, 2011 à la p 124

[Decaux, Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques].

92 Alors que la Déclaration universelle des droits de l’homme (Déclaration universelle des droits de l’homme,

AG Rés 217 A (III), UN Doc A/RES/217(III), 12 décembre 1948, art 11 [Déclaration universelle des droits

de l’homme]) est un texte déclaratif pour lequel aucun régime concret d’application n’existe, le PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 187 [Pacte international relatif aux droits civils et politiques]), au contraire, est une convention internationale engageant la

responsabilité des États signataires et des entités y étant soumises. Voir Henry Steiner, Philip Alston et Ryan Goodman, International Human Rights in Context, New-York, Oxford University Press, 2008 à la p 153 [Steiner et al.]; Guido Acquaviva, « Human Rights Violations before International Tribunals : Reflections on Responsibility of International Organizations » (2007) 20:3 Leiden J. Int’l L. 613 aux pp 614-615 [Acquaviva]; Ewa Butkiewicz, « The Premises of International Responsability of Inter-Governmental Organizations » (1981-1982) 11 Polish Y.B. Int’l L. 117 à la p 118; Arnaud Lebreton, « Les enjeux du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » (2010) 8 Droits fondamentaux à la p 43 et à la n 269.

93 Report of the Secretary-General Pursuant to Paragraph 2 of Security Council Resolution 808 (1993),

Conseil de sécurité des Nations Unies, 3 mai 1993, S/25704, en ligne : ˂Refworld http://www.refworld.org/docid/3ae6af0110.html˃ au para 106. Voir aussi Acquaviva, supra note 92 aux pp 617-618 et Gordon, supra note 16 à la p 655.

94 Kajelijeli c Le Procureur, ICTR-98-44A-A, Arrêt (23 mai 2005) (TPIR, Chambre d’appel), voir

spécialement les paras. 217-227; Acquaviva, supra note 92 à la p 629. Il faut toutefois faire attention de distinguer l’applicabilité des normes prévues au PIDCP, qui peut être vue comme une intégration volontaire, et l’applicabilité de tous les mécanismes du PIDCP. Effectivement, bien que le TPIR applique les normes du PIDCP et se sente lié par celles-ci, il n’est pas question de faire une plainte individuelle, au sens du premier Protocole facultatif (Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et

politiques, 23 mars 1976, 999 R.T.N.U. 171), à l’endroit du TPIR, ou de toute autre organisation

internationale. Les communications doivent effectivement viser « a violation ‘by a state party to the Protocol’ of any of the rights set forth in the Covenant » (Steiner et al., supra note 92 à la p 891). Voir également à ce sujet, les plaintes individuelles faites par l’accusé Kabiligi, qui furent rejetées, car :

[…] complaints should be directed against each of the member States of the United Nations

(30)

sont contraignantes autant pour les États que pour les tribunaux ad hoc et la CPI95. Comme on le verra au fur et à mesure de l’analyse qui vient, consiste en une violation de leurs droits le fait que certains96 acquittés :

[...] were acquitted as long ago as 2004 but in spite of the efforts of the ICTR, they still remain

in Tanzania, without means of their own, without identity documents, lacking the right to be employed in this country, unable to be reunited and therefore to live with their families and with their freedom remaining severely curtailed by the fact that they have nowhere to go [...]97.

Dans le même ordre d’idée, l’auteur et ancien conseil de la défense au TPIR, Jean Yaovi-Dégli, a indiqué que :

[...] the U.N. criminal justice system can at least try to resettle those who were unlawfully

detained for years and who are not requesting anything from the international community but the simple respect of their human dignity. This includes the right to have a place they can live a normal life with their families, other next of keens, and friends around them98.

cannot be complained against according to the mandatory requirement of the Additional Protocols that only State parties which accepted the jurisdiction of the Committes can be complained against before the Committes. (Yaovi Dégli, supra note 62 à la p 964, ou, plus

généralement aux pp 950 et suivantes).

95 La CPI est d’ailleurs soumise aux « internationally accepted human rights », ce qui inclut notamment le

PIDCP et une interprétation libérale des différentes conventions internationales ou régionales ayant trait aux droits de l’homme. Statut de Rome, supra note 10, art 21 (3). Voir à ce sujet : Denis Abels, Prisoners of the

International Community, La Haye, Asser Press, 2012 aux pp 138-139, 145 et 149-150 [Abels]. Voir aussi Barayagwiza c Le Procureur, ICTR-97-19, Decision (3 novembre 1999) (TPIR, Chambre d’appel) au para 40

[Barayagwiza, Décision du 3 novembre 1999] et Le Procureur c Kupreškić, IT-95-16-T, Jugement (14 janvier 2000) (TPIY, Chambre de 1re instance) au para 540. Voir finalement Gordon, supra note 16 à la p 663; Susan

Marks et Andrew Chapham, International Human Rights Lexicon, New-York Oxford University Press, 2005 à la p 403.

96 Ce n’est pas le cas de tous les acquittés du TPIR, mais bien de la majorité, et selon ce qu’on peut

comprendre de la tangente que prend la coopération des États, une question devenue récurrente. Dans les faits, quelques acquittés ont réussi à trouver refuge dans certains États. On parle ici de la France pour Ignace Bagilishema et Jean Mpambara, de la Belgique pour Emmanuel Bagambiki, de la Suisse pour André Rwamakuba et de l’Italie pour Hormisdas Nsengimana. Voir à ce sujet : « TPIR : Le mécanisme résiduel héritera de la question des Acquittés sans pays d’accueil », France Rwanda Tribune (4 novembre 2011), en ligne : France Rwanda Tribune <http://www.france-rwanda.info/article-le-mecanisme-residuel-heritera-de-la-question-des-acquittes-sans-pays-d-accueil-87973220.html> [TPIR : Le mécanisme résiduel héritera de la

question des Acquittés sans pays d’accueil]. Dans le cas de Bagilishema, il trouva refuge en France en 2001,

et ce avant même le jugement d’appel suivant l’appel du Procureur. Les autorités françaises avaient alors donné leur accord au TPIR pour accueillir Bagilishema sur leur territoire pour que celui-ci y réside : ICTR, News Detail, « Bagilishema leaves for France » (9 octobre 2001), en ligne : UNICTR

<http://www.unictr.org/Default.aspx?TabId=155&ID=324&language=en-US&mid=560&SkinSrc=%5BG%5DSkins/UNICTR/PrintSkin&ContainerSrc=%5BG%5DContainers/UNIC TR/PrintContainer&dnnprintmode=true>.

97 Registrar’s speech at the Town hall meeting, supra note 72 au para 25. 98 Yaovi Dégli, supra note 62 à la p 982.

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