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PARTIE I – L’OBTENTION D’UNE PROTECTION NATIONALE

1.1 Le retour des acquittés dans leur pays d’origine

1.1.4 La problématique du principe non bis in idem

Le 25 février 2004, Emmanuel Bagambiki et André Ntagerura sont acquittés en première instance par le TPIR189. Quelques jours plus tard, le procureur général rwandais « invite » Emmanuel Bagambiki à se rendre au Rwanda pour faire face à des accusations sur des crimes reliés à ceux pour lesquels il a été acquitté par le TPIR190. Malgré son refus de retourner au Rwanda, la justice rwandaise l’a jugé in absentia et l’a condamné à la prison à vie, pour des crimes associés à ceux pour lesquels il a été acquitté, mais fondés sur une

185 La situation diffère d’autant plus que le TSSL est basé en Sierra Leone, et que seul le procès de Charles

Taylor a eu lieu à l’extérieur du pays, le Conseil de sécurité des Nations Unies considérant que la présence de celui-ci dans la région était « un obstacle à la stabilité et une menace pour la paix au Libéria et en Sierra Leone, et la paix et la sécurité internationales dans la région » (Doc. off. CS NU, 60e année, 5467e sess., Doc.

NU S/RES/1688 (2006) [S/RES/1688]).

186 « Fifth Suspect is Indicted in 2005 Killing of Ex-Lebanese Premier », New-York Times (10 octobre 2013),

en ligne : NYTimes <http://www.nytimes.com/2013/10/11/world/middleeast/fifth-suspect-is-indicted-in- 2005-killing-of-ex-lebanese-premier.html?_r=0> [Fifth Suspect is Indicted in 2005 Killing of Ex-Lebanese

Premier].

187 ONU, Département de l’information, « Le Tribunal spécial pour le Liban ordonne la libération de quatre

généraux » (29 avril 2009), en ligne : <UN http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=19035&Cr=hariri&Cr1=#.UwKEvfl5Ov8> [Le Tribunal

spécial pour le Liban ordonne la libération de quatre généraux].

188 Voir notamment Joe Freeman, « Ieng Thirith walks free », The Phnom Penh Post (16 septembre 2012) en

ligne : Phnom Penh Post <http://www.phnompenhpost.com/national/ieng-thirith-walks-free> et Associated Press, « Cambodia’s war crimes tribunal releases former Khmer Rouge leader » The Guardian (16 septembre 2012), en ligne : The Guardian <http://www.theguardian.com/world/2012/sep/16/khmer-roughe-leader- released>.

189 Ntagerura, Jugement, supra note 34, confirmé en appel : Le Procureur c Ntagerura, ICTR-99-46-A, Arrêt

(7 juillet 2006) (TPIR, Chambre d’appel) au para 445 [Ntagerura, Arrêt].

accusation formulée de manière différente191. Il est tout à fait contraire à toute règle internationale de poursuivre une deuxième fois un individu pour des actes pour lesquels il a déjà été acquitté, que ce soit par cette juridiction ou par une autre juridiction. Il s’agit du principe non bis in idem192, le droit de ne pas être poursuivi deux fois pour les mêmes actes, reconnu comme principe fondamental du droit international193. L’honorable juge Fausto Pocar a identifié, parmi certaines fonctions résiduelles qui devraient être attribuées au MTPI, la prévention face à la violation du principe non bis in idem et les risques de poursuite, devant les juridictions nationales, des mêmes actes pour lesquels des individus ont été poursuivis devant le TPIR ou le TPIY194. Cette protection offerte aux accusés, et donc aux acquittés, est fondamentale, car : « The defendant should be able to get on with the rest of his life, secure from further prosecution »195.

La règle non bis in idem, en sus de son caractère coutumier196, est prévue par les statuts du TPIR et du TPIY, et par le Statut de Rome, entre autres :

191 Heller, supra note 29 à la p 667.

192 On parlera ici de non bis in idem et par le biais, de double jeopardy, de par l’application du principe de la

poursuite par de multiples souverains :

The principle of non bis in idem is similar to, but different from, the prohibition on ‘double jeopardy’ in common law countries. Non bis in idem addresses the possibility of repeated prosecutions for the same conduct in different legal systems, whereas double jeopardy generally refers to repeated prosecutions for the same conduct in the same legal system. (Gordon, supra note 16 à la p 687; voir

aussi Sean D. Murphy, « Progress and Jurisprudence of the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia » (1999) 93 AM. J. INT'L L. 57 à la p 79.)

193 Emmanuel Decaux, Adama Dieng et Malick Sow, From Human Rights to International Criminal Law.

Studies in Honour of an African Jurist, the Late Judge Laïti Kama, Leiden, Martinus Nijhoff Publishers, 2007

à la p 509 [Decaux et al., From Human Rights to International Criminal Law]. Ce principe sert autant à protéger les droits des personnes déjà poursuivies pour certains actes, mais sert aussi de guide dans l’attribution des compétences de différentes juridictions dans leur capacité de poursuivre. Voir à ce sujet : Diane Bernard, « Ne bis in idem – Protector of Defendant’s Rights or Jurisdictional Pointsman? » (2011) 9 J Int Criminal Justice 863 aux pp 864 et suivantes.

194 Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. Les enjeux de la fermeture des Tribunaux

pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR), FIDH n° 521f, avril 2009, en

ligne : FIDH <http://www.fidh.org/IMG/pdf/note_tpifr.pdf> à la p 5.

195 Decaux et al., From Human Rights to International Criminal Law, supra note 193 à la p 486. Malgré tout,

la situation est ambiguë, car déjà au Tribunal de Nuremberg, la poursuite et condamnation des trois acquittés, Hans Fritzsche, Franz von Papen et Hjalmar Schacht, devant les tribunaux de dénazification, remettaient en cause ce principe : Nuremberg Defendants, supra note 24. Voir aussi Johannes Fuchs et Flavia Lattanzi, « International Military Tribunals » (2012) Max Plank Institute of for Comparative Public Law and International Law.

196 Gerhard Kemp, « The Application of the Principe Ne Bis in Idem in Respect of Judgements Rendered by

Nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du présent Statut s’il a déjà été jugé [pour ces mêmes faits]197.

Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’article 5 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la Cour198.

On retrouve également ce droit fondamental dans des textes généraux sur les droits de l’homme :

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État199.

Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays200.

Les deux textes internationaux précités traitent « d’infraction » et non pas de « faits »201, comme on peut retrouver dans les textes notamment du TPIR et du TPIY202. Toutefois, concernant le PIDCP, bien que certains auteurs semblent favoriser une interprétation d’application multijuridictionnelle de ce principe, c’est-à-dire que le principe non bis in idem touche les poursuites dans différents États et différentes juridictions, il est généralement reconnu que le principe émis par le PIDCP ne s’applique qu’aux procédures dans les mêmes juridictions203.

197 Statut pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Annexe à la Rés. CS 827, Doc. off. CS

NU, Doc NU S/RES/827 (1993), art 9(1) [Statut TPIY]; Statut du Tribunal pénal international pour le

Rwanda, Annexe à la Rés. CS 955, Doc. off. CS NU, Doc. NU S/RES/955 (1994), art 10(1) [Statut TPIR].

198 Statut de Rome, supra note 10, art 20(2).

199 Protocole 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

Strasbourg, 22.XI.1984, art 4.

200 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, supra note 92, art 14(7). Toutefois, cet article du

PIDCP a été interprété dans A.P. c Italie, UN HRC CCPR/C/31/D/204/1986, 2 novembre 1986 au para 7.3, comme ne couvrant que les nouvelles poursuites dans le même État où la première poursuite a eu lieu : « The

Committee observes that this provision prohibits double jeopardy only with regard to an offence adjudicated in a given State ». Pour une nomenclature complète des traités et conventions internationales traitants de non bis in idem, voir Robin Geiβ, « Ne bis in idem » (2012) Max Plank Institute of for Comparative Public Law

and International Law aux paras 5-12 [Geiβ].

201 Christine Van den Wyngaert et Guy Stessens, « The International Non Bis In Idem Principle : Resolving

Some of the Unanswered Questions » (1999) 48:4 I.C.L.Q. 779 à la p 791 [Van den Wyngaert et Stessens].

202 Statut TPIR, supra note 197, art 9(1); Statut TPIY, supra note 197, art 10(1).

203 Stefan Trechsel, « The Protection Against Double Jeopardy », dans Stefan Trechsel et Sarah Summers,

Malgré tout, le Procureur général rwandais, en poursuivant Emmanuel Bagambiki pour certains actes qu’il lui reproche204, a tenté de contourner le principe non bis in idem. Effectivement, les crimes qui lui sont reprochés par le Procureur général rwandais sont des crimes différents que ceux pour lesquels il a été acquitté par le TPIR205. On peut donc se questionner sur la portée même du principe non bis in idem dans le cas d’accusations qui, sans être spécifiquement les mêmes dans les actes d’accusation, sont néanmoins issues et découlent des mêmes événements et de la même trame factuelle globale. Or, cette question est débattue par les auteurs et n’a pas encore de solution. L’auteur Robin Geiβ résume bien la situation en indiquant : « Generally speaking, ‘idem’ can refer to the same act, conduct, set of facts (idem factum), or to the same crime, same legal qualification of the act, the conduct, the set of facts (idem crimen), or both »206. Au Canada, ce principe est inclus principalement à l’article 11(h) de la Charte canadienne des droits et libertés, où le législateur utilise le terme « infraction »207. De plus, la High Court sud-africaine a interprété de manière assez large le principe du plaidoyer d’autrefois convict ou d’autrefois acquit, en se fondant sur l’article 106(1) (c) et (d) du Criminal Procedure Act 51 of 1977208. Dans McIntyre v Pietersen209, la cour interprète l’expression « in respect of an act or omission » comme mettant l’accent sur la conduite même de l’accusé, et non la manière par laquelle le crime est décrit210. Du côté des États-Unis, le principe non bis in idem est sous- jacent au principe de « double jeopardy », prévu au 5e amendement de la Constitution américaine : « [...] nor shall any person be subject for the same offense to be twice put in jeopardy of life or limb [...] »211. L’interprétation diffère toutefois de ce qu’on retrouve en Afrique du Sud, en ce que, selon l’interprétation de la Cour suprême des États-Unis :

204 Heller, supra note 29 à la p 666. 205 Ibid.

206 Geiβ, supra note 200 au para 3. Voir aussi l’analyse complète dans Decaux et al., From Human Rights to

International Criminal Law, supra note 193 aux pp 96-98, 509 et suivantes.

207 Canada, Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant

l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 11 (h).

208 Afrique du Sud, Criminal Procedure Act 51 of 1977. Le principe non bis in idem est également prévu à la

Constitution de 1996, à la section 35(3)(m) qui indique : « […] Every accused person has a right to a fair

trial, which includes the right – [...] (m) not to be tried for an offence in respect of an act or omission for which that person has previously been either acquitted or convicted; [...]».

209 McIntyre v Pietersen, 25 juin 2012, 1998 1 BCLR 18 (T), Afrique du Sud, Kwazulu-Natal High Court. 210 Kemp, supra note 196 à la p 148.

A state may charge and either convict or acquit a defendant for murder. Later the federal government may prosecute the same defendant for the same acts but contend that the defendant violated the civil rights of the homicide victim. There were two crimes murder and violation of civil rights, and two sovereigns the state and the federal government. Thus, in such a situation, the Double Jeopardy Clause is not implicated212.

Ainsi, au même titre que cette situation, on pourrait en déduire que le Rwanda pourrait poursuivre, selon ses propres lois, un individu pour meurtre ou pour viol, alors que celui-ci a été pourtant acquitté par le TPIR pour viol constituant un crime contre l’humanité, ou meurtre comme crime constituant génocide ou crime contre l’humanité. La loi pénale rwandaise, à cet effet, indique que « Nul ne peut être puni deux fois du chef de la même infraction »213, ce qui semble laisser la possibilité de simplement varier l’identification de l’infraction. Il a d’ailleurs été déterminé que l’autre pan du principe non bis in idem, selon lequel les juridictions internationales ne peuvent pas juger quelqu’un qui a déjà été jugé par des juridictions nationales, sauf dans certains cas, s’applique aux crimes dits « ordinary crimes », c’est-à-dire aux crimes qui n’ont pas le caractère international214. Du côté de l’Europe communautaire, la Cour européenne de justice a indiqué que : « […] the same person cannot be sanctioned more than once for a single unlawful course of conduct designed to protect the same legal asset »215. La Cour européenne des droits de l’homme, de son côté, n’a pas rendu de jurisprudence très constante en la matière et identifie autant le idem du côté des crimes que du côté des faits216. Dans les décisions les plus importantes, on retrouve toutefois Gradinger c Autriche, où la cour applique globalement le principe de « même comportement »217, alors que dans Oliveira c Suisse218, elle utilise la comparaison basée sur l’infraction et non pas sur les faits, et que dans Fischer c Autriche219, elle prend la voie du idem factum220, soit des faits similaires. Ce dernier jugement a été généralement

212 Kemp, supra note 196 à la p 149.

213 Rwanda, Loi Organique portant code pénal, N° 01/2012/OL, 2 mai 2012, art 6. 214 Kemp, supra note 196 à la p 151.

215 Aalborg Portland and others v Commission of the European Communities, [2004] ECR I-123 au para 338,

cité dans Geiβ, supra note 200 au para 15.

216 Geiβ, supra note 200 au para 18.

217 Gradinger c Autriche, Requête no 15963/90, C.E.D.H., Chambre, Jugement (23 octobre 1995) au para 55. 218 Oliveira c. Suisse, Requête no 25711/94, C.E.D.H., Chambre, Jugement (30 juillet 1998) au para 26. 219 Franz Fischer c Autriche, Requête no 37950/97, C.E.D.H., Chambre, Jugement (29 mai 2001) au para 23

et suivants et 31.

suivi depuis son prononcé221. En droit interne français, le Code de procédure pénale indique clairement : « Aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente »222. De manière générale : « the common law tradition has been to apply the principle of ne bis in idem in abstracto [idem crimen], whereas the civil tradition has generally favoured the more expansive in concreto [idem factum] application »223.

Dans le cas du principe downward non bis in idem des juridictions pénales internationales, bien qu’il n’y ait pas de jurisprudence en la matière, certains auteurs soulèvent que selon la formulation utilisée, on serait en présence d’un idem crimen, où les crimes sous-jacents de crimes internationaux déjà jugés par une juridiction internationale seraient susceptibles de faire l’objet de nouvelles poursuites, mais au niveau national224. C’est donc dire que les individus acquittés par les juridictions internationales pourraient, en raison des incertitudes en la matière et selon la volonté politique dans leurs États d’origine, se retrouver encore pris dans des procédures criminelles, dès lors que cet État a la volonté d’engager sa compétence. Donc, suivant cette logique, le Rwanda était en droit de poursuivre l’acquitté Bagambiki pour des crimes découlant des mêmes faits, tant que ceux-ci ne sont pas définis en tant que crime contre l’humanité, crime de guerre ou crime de génocide. Concernant spécifiquement la CPI, le principe downward non bis in idem requiert un jugement final sur le fond, ce qui exclut notamment les cas de non-confirmation des charges, et couvre uniquement le idem crimen, car quelqu’un qui a été acquitté d’un crime de génocide, par

221 Voir notamment W.F. c Autriche, Requête no 38275/97, C.E.D.H., Troisième section, Décision (11

septembre 2001) au para 23; Sailer c Autriche, Requête no 38237/97, C.E.D.H., Première section, Jugement (6

juin 2002) aux paras 25-28; Zolotukhin c Russie, Requête no 14939/03, C.E.D.H., Chambre, Jugement (10

février 2009) au para 78; Maresti c Croatie, Requête no 55759/07, C.E.D.H., Première section, Jugement (25

juin 2009) au para 62.

222 France, Code de procédure pénale, 2 mars 1959, art 368.

223 Gerard Conway, « Ne Bis in Idem in International Law » (2003) 3 Int’l Crim. L. Rev. 217 à la p 228

[Conway].

224 Geiβ, supra note 200 au para 21. Cet auteur distingue également la portée du idem à idem crimen dans le

cadre d’un acquittement et de idem factum dans le cadre d’une condamnation, ce qui laisse présager qu’il pourrait éventuellement être plus difficile pour une juridiction nationale de poursuivre quelqu’un qui a déjà été condamné pour un crime tel que le génocide pour un meurtre ayant été utilisé pour le condamner de génocide.

exemple, sur la base d’absence de preuve de l’intention génocidaire, pourrait toujours être accusé de meurtre selon les lois nationales de son État225.

L’applicabilité du principe idem crimen est d’ailleurs perceptible en interprétant la clause non bis in idem prévue à l’Accord entre le Gouvernement de la République du Rwanda et l’Organisation des Nations Unies relatif à l’exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda226, qui prévoit que : « La personne condamnée ne peut être traduite devant une juridiction du Rwanda à raison de faits constitutifs de violations graves du droit international humanitaire poursuivis par le Statut du Tribunal, si elle a déjà été jugée pour les mêmes faits par le Tribunal. »227. Ainsi, malgré l’absence de cas d’application, aucun détenu jugé et condamné n’ayant été envoyé purger sa peine au Rwanda par le TPIR, on pourrait interpréter cette clause comme permettant au Rwanda, même dans le cas d’une condamnation, de poursuivre ces individus pour des crimes qui ne constituent pas des violations graves du droit international humanitaire, même si ceux-ci découlent des mêmes faits que ce qui a déjà été jugé par le tribunal.

Globalement, on peut résumer la question en disant que : « It is true that the operation of the non bis in idem principle would thus depend on the state of domestic legislation, but there is no international obligation in this respect as the scope of the relevant human rights provisions is limited to procedures for the same offense »228. Ce faisant, à moins que la volonté politique et judiciaire n’y soit pas du tout, ce qui est notamment le cas dans les États de l’ex-Yougoslavie et les États ayant participé, de près ou de loin, aux conflits dans les Balkans229, et qui aurait pu être le cas, par exemple, si le TPIR avait réussi à poursuivre des membres du FPR pour des crimes commis par ce groupe230, avec un gouvernement et une société favorisant leur réinsertion, les acquittés et les condamnés ayant terminé de purger leur peine courront toujours un risque à retourner dans leur État d’origine, soit celui

225 Ibid au para 27.

226 Accord entre le Gouvernement de la République du Rwanda et l’Organisation des Nations unies relatif à

l’exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, 4 mars 2008 [Entente Rwanda-TPIR] (nos soulignés).

227 Entente Rwanda-TPIR, supra note 226, art 5.

228 Van den Wyngaert et Stessens, supra note 201 à la p 794. 229 Voir ci-dessus, section 1.1.2, à partir de la p 32.

de se retrouver poursuivi pour des crimes qui n’entrent pas dans le cadre du principe non bis in idem ou du principe de double jeopardy. Non seulement est-ce une crainte envisageable, mais elle constitue également une peine secondaire : « from the perspective of the individual, knowledge that a judgment is final removes the constant threat and anxiety of a renewed prosecution [...] In effect, the anxiety and disruption associated with repeated prosecutions could become a second form of punishment of an accused [...] »231.

Afin de contrecarrer le risque d’être poursuivi dès leur retour sur le territoire de l’État où