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PARTIE I – L’OBTENTION D’UNE PROTECTION NATIONALE

1.1 Le retour des acquittés dans leur pays d’origine

1.1.1 Le Rwanda

Faisant éclater des tensions ethniques qui duraient depuis des décennies, l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, ouvrit la porte à trois des mois les plus sanglants du vingtième siècle. D’avril à juillet 1994, près de 800 000 Rwandais perdirent la vie dans des massacres à grande et petite échelle à travers le pays, dans ce qui est internationalement reconnu comme étant le génocide rwandais. Durant ces trois mois,

108 Déclaration universelle des droits de l’homme, supra note 92, art 13 (nos soulignés).

109 Voir notamment les règles relatives au principe de non-refoulement, ci-dessous section 2.2.3, à partir de la

un groupe rebelle tutsi alors positionné à la frontière ougandaise, au nord, avança tout d’abord vers la capitale, Kigali, et parvint à prendre le contrôle militaire et politique de l’ensemble du pays. Ce groupe, le Front patriotique rwandais (FPR), qui avait à sa tête le général Kagame, prit le pouvoir et c’est le désormais président Kagame qui gère le pays, certains diront d’une main de fer110, encore à ce jour111. Malgré des accusations et allégations d’atrocités commises par le FPR112, autant avant, pendant qu’après la période du génocide, et de son implication alléguée dans l’assassinat du président Habyarimana, aucune accusation ne fut portée devant le TPIR contre quiconque faisant partie de la ligne politique du FPR. Politiquement et socialement parlant, les ennemis d’hier de la diaspora politique du gouvernement intérimaire d’avril 1994 sont maintenant les dirigeants d’aujourd’hui au Rwanda. La situation rwandaise est d’autant plus exacerbée du fait que le TPIR n’a pu intenter quelconque poursuite à l’endroit de dirigeants du FPR pour des crimes qui auraient été commis pendant la même période, ce qui a mené à un renforcement d’un sentiment d’injustice et de justice de vainqueurs seulement113. Cette situation est intenable,

110 Cooke, supra note 5 à la p 1.

111 Pour une analyse plus complète sur ce qui a précédé l’assassinat du président Habyarimana, l’implication

du FPR dans des événements précédant le génocide et le contexte sociopolitique régnant au Rwanda avant cette fatidique date, voir notamment : Luc Reydams. Let’s be Friends : The United States, Post-Genocide

Rwanda, and Victor’s Justice in Arusha, Institute of Development Policy and Management (IOB) of the

University of Antwerp, 1 janvier 2013, en ligne : SSRN ˂http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2197823˃ aux pp 10 et suivantes [Reydams]; Yaovi

Dégli, supra note 62 aux pp 987 et suivantes.

112 Il est notamment reconnu que : « RPF forces themselves engaged in massive violations of international

humanitarian and human rights law, with systematic killings and widespread massacres of unarmed noncombatants, including women and children » (Cooke, supra note 5 à la p 8). Voir aussi : « Rwanda : Repression across borders. Attacks and Threats Against Rwandan Opponents and Critics Abroad », Human

Rights Watch (28 janvier 2014), en ligne : HRW <https://www.hrw.org/news/2014/01/28/rwanda-repression-

across-borders> [Rwanda : Repression across borders. Attacks and Threats Against Rwandan Opponents and

Critics Abroad]. Voir aussi : Kristen MF Keith, « Justice at the International Criminal Tribunal for Rwanda :

Are Criticism Just? » (2009) 27:1 Law in Context 78 à partir de la p 80, et Victor Peskin, « Beyond Victor’s Justice? The Challenge of Prosecuting the Winners at the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia and Rwanda » (2005) 4 Journal of Human Rights 213 à partir de la p 215.

113 Au sujet de l’absence de poursuites contre les éléments du FPR, et ce, malgré les crimes qu’ils auraient

commis, voir notamment : Reydams, supra note 111; Filip Reyntjens, « Rwanda, ten years on: From genocide to dictatorship » (2004) 103 Afr. Affairs 177 [Reyntjens] et Peter Erlinder, « The UN Security Council Ad

Hoc Rwanda Tribunal : International Justice or Juridically-Constructed Victor’s Impunity? » (2010) 4 DePaul

J. Soc. Just. 131 [Erlinder]. Le sentiment de justice des vainqueurs est beaucoup moins fort du côté du TPIY, en raison des poursuites contre tous les belligérants (à l’exception notable des forces de l’OTAN, voir à ce sujet Beigbeder, supra note 9 aux pp 71-73), et quasi totalement absent au SCSL, qui semble l’exemple parfait d’une juridiction ayant pu faire une balance parfaite dans les poursuites intentées contre toutes les parties au conflit. Voir à ce sujet : Leslie Haskell et Lars Waldorf, « The Impunity Gap of the International

considérant que : « […] real and durable peace cannot be based on anything other than international and profound social justice. Otherwise the seed for new bloodshed will be sown »114. Considérant l’ensemble de cette situation, un individu acquitté qui retournerait au Rwanda serait susceptible de voir sa sécurité en péril, considérant le comportement du gouvernement rwandais, ce que nous verrons à l’instant.

Tout d’abord, les acquittés du TPIR ont souvent vu leur acquittement condamné avec fermeté par des membres éminents du gouvernement rwandais (incluant le Procureur général), le tout suivi par des manifestations dans les rues visant à démontrer le désaccord de la population rwandaise, ou d’associations diverses, à l’acquittement de gens perçus par ceux-ci comme étant des génocidaires. Ce fut notamment le cas pour André Ntagerura115, Protais Zigiranyirazo116, Prosper Mugiraneza et Justin Mugenzi117, et tout récemment pour Augustin Ndindiliyimana et François-Xavier Nzuwonemeye118. Le Procureur général rwandais a émis des commentaires laissant croire que malgré un acquittement au TPIR, de nouvelles accusations pourraient être déposées à l’encontre de ces acquittés advenant leur retour au Rwanda (certains ont d’ailleurs été condamnés par contumace suivant leur Criminal Tribunal for Rwanda : Causes and Consequences » (2011) 34 Hastings Int’l & Comp. L. Rev. 49 à la p 75 [Haskell et Waldorf].

114 Weiß, supra note 74 à la p 94. Bien entendu : « The link between healing, justice, and reconciliation is as

complex as the identity-based conflicts in divided societies like that of Rwanda » (Gallimore, supra note 14 à la p 251), donc il est impossible d’associer directement une justice unilatérale telle que celle du TPIR avec l’établissement d’une paix à long terme, considérant les ressentiments pouvant subvenir de ce type de justice.

115 « Rwanda Furious Over Acquittal of Two Suspects », Asia Africa Intelligence Wire (1 mars 2004), en

ligne : All Africa News <http://www.accessmylibrary.com/coms2/summary_0286-20546295_ITM> [Rwanda

Furious Over Acquittal of Two Suspects]; « Acquittal of Former Government Officials Raises Mixed

Reactions », Hirondelle News Agency (26 février 2004), en ligne : <http://www.hirondellenews.org/fr/ictr- rwanda/376-trials-ended/cyangugu-trial/19993-en-en-acquittal-of-former-government-officials-raises-mixed- reactions90449044> [Acquittal of Former Government Officials Raises Mixed Reactions].

116 « Ibuka Protests ICTR Acquittals », Hirondelle News Agency (21 novembre 2009), en ligne : Hirondelle

News <http://www.hirondellenews.org/ictr-rwanda/407-collaboration-with-states/collaboration-with-states- rwanda/23787-en-en-211109-ictribuka-ibuka-protests-ictr-acquittals1283812838> [Ibuka Protests ICTR

Acquittals].

117 « Ibuka organises protest march over ICTR acquittals », Rwanda News Agency (12 février 2013), en ligne :

Rwanda News Agency <http://www.rnanews.com/politics/6955-ibuka-organizes-protest-march-over-ictr- acquittals> [Ibuka organises protest march over ICTR acquittals]; Diogene Bideri, « Justin Mugenzi and Prosper Mugiraneza, two master planner of genocide acquitted : the ICTR Appeals Chamber denying genocide and promoting impunity » National Commission for the Fight against Genocide (8 février 2013), en ligne : CNLG <http://www.cnlg.gov.rw/news/13/02/08/justin-mugenzi-and-prosper-mugiraneza-two-master- planner-genocide-acquitted-ictr-appea> [Bideri].

118 « Rwanda genocide survivors call ICTR acquittals ‘outrageous’ », The East African (12 février 2014), en

ligne : The East African <http://www.theeastafrican.co.ke/news/Rwanda-genocide-survivors-call-ICTR- acquittals-outrageous/-/2558/2203694/-/jypx1iz/-/index.html>.

acquittement au TPIR)119. De même, lorsque l’acte d’accusation contre Jean Bosco Barayagwiza fut déclaré nul par la Chambre d’appel du TPIR, le Rwanda réagit en coupant toute coopération avec le tribunal, empêchant tout avancement des travaux, et ce jusqu’à renversement de cette décision120. En tout état de cause : « Sustainable peace restoration demands impartiality and moderation which are realised by including neutral third parties in the process of peace restoration both as regards decision making and implementation »121. Bien entendu, la situation du TPIR est très embêtante, car le tribunal se trouve à devoir garder son indépendance envers le gouvernement rwandais, tout en gardant son appui et ne pas être vu comme étant le simple bras onusien de la justice des vainqueurs du FPR, alors que certains disent que le FPR a utilisé le TPIR pour confirmer et sceller sa victoire militaire122.

Le rapport de Human Rights Watch de janvier 2013 sur le Rwanda dénote l’existence de risques majeurs de persécution et d’intimidation étatique face à quiconque représente une menace face à l’homogénéité politique et sociale du régime Kagame :

Les partis d’opposition sont dans l’incapacité de fonctionner. Deux dirigeants de l’opposition sont toujours en prison, et d’autres membres de leurs partis ont été menacés. Deux journalistes arrêtées en 2010 demeurent également en prison, et plusieurs autres ont été arrêtés123.

119 Voir le cas de Jean-Bosco Barayagwiza : Benoît Henry, « Des Acquittés embarrassants » (2010) 2010

Revue Québécoise de Droit International 287 à la p 289 [Henry, Des Acquittés embarrassants].

120 De Bertodano, supra note 11 à la p 415; Henry, Des Acquittés embarrassants, supra note 119 à la p 289.

Pour les décisions, voir : Barayagwiza, Décision du 3 novembre 1999, supra note 96, et Barayagwiza c Le

Procureur, ICTR-97-19, Decision (Prosecutor’s Request for Review or Reconsideration) (31 mars 2000)

(TPIR, Chambre d’appel).

121 Weiß, supra note 74 à la p 101.

122 Kaley Nash, « A comparative analysis of justice in post-genocidal Rwanda : Fostering a sense of peace and

reconciliation? » (2007) 1:1 Africana 59 à la p 75 [Nash].

123 Human Rights Watch. Rwanda, World Report – Résumé Pays, janvier 2013, en ligne : Human Rights

Watch <http://www.hrw.org/world-report/2013/country-chapters/rwanda> à la p 1 [HRW Rwanda Report]. Ce rapport est troublant en ce qu’on voit qu’il n’y a aucune sécurité pour toute personne qui semble avoir toute forme d’opposition au gouvernement en place, ce qui serait le cas pour les acquittés d’Arusha s’ils retournaient au Rwanda. À ce sujet, voir notamment les procédures intentées contre la chef d’un des partis d’opposition, Victoire Ingabire, dans un procès factice où elle fut condamnée à plusieurs années d’emprisonnement, sur des bases purement politiques considérant son intention de se présenter aux élections contre Kagame. Décrite comme une femme de paix, celle-ci est toujours en prison au moment d’écrire ces lignes. Voir : Ann Garrison. Madame President? No, Madame Prisoner : Rwanda’s Victoire Ingabire, Black Agenda Report, 7 janvier 2014, en ligne : Black Agenda Report <http://www.blackagendareport.com/content/madame-president-no-madame-prisoner-rwanda%E2%80%99s- victoire-ingabire> [Garrison]. D’autres membres du parti de Mme Ingabire auraient été arrêtés et battus en détention par les forces gouvernementales : « Rwanda : des proches de Victoire Ingabire arrêtés à l’ouverture

[...] les journalistes continuent d’être pris pour cible en raison d’articles perçus comme critiques envers le gouvernement124.

[...] Les organisations indépendantes de la société civile sont restées faibles en raison d’années d’intimidation de la part de l’État. Peu d’organisations rwandaises ont dénoncé publiquement les violations de droits humains. Le gouvernement rwandais et les médias progouvernementaux ont réagi de manière hostile à l’égard des organisations internationales de défense des droits humains et ont tenté de discréditer leur travail125.

Ce rapport corrobore un autre rapport de 2011 du Center for Strategic and International Studies, qui indique que :

[…] the country’s apparent stability masks deep-rooted tensions, unresolved resentments, and

an authoritarian government that is unwilling to countenance criticism or open political debate126.

[…]

In the coming decade, the greatest vulnerability that Rwanda will confront is the unyielding nature of the ruling Rwandan Patriotic Front (RPF) and its inability—or unwillingness—to allow and manage genuine political competition and debate127.

[…]

The issue of RPF war crimes is highlighted in this report not to obscure or draw parallels to the scope or extreme horror of the 1994 genocide. But the RPF’s refusal to acknowledge the extent of those crimes—and its suppression of independent investigations and reporting—is a source of deep and enduring resentment among many Rwandans. Among Hutu who played no part in the genocide, it fuels a sense that the government and justice system accord less value to innocent Hutu lives lost than those of Tutsi128.

[…]

Despite their overwhelming electoral victory and claims of near universal popular support, Kagame and the RPF have continued to stifle any possibility of genuine political opposition129.

[…]

The government’s absolute suppression of dissent ultimately adds to its own fragility and thus makes even a gradual opening of political space increasingly difficult130.

du procès en appel de l’opposante », Radio France Internationale (26 mars 2013), en ligne : RFI <http://www.rfi.fr/afrique/20130326-rwanda-proches-victoire-ingabire-arretes-ouverture-proces-opposante/>.

124 HRW Rwanda Report, supra note 123 à la p 3. 125 Ibid à la p 4.

126 Cooke, supra note 5 à la p 2. 127 Ibid à la p 3.

128 Ibid à la p 9. 129 Ibid à la p 10. 130 Ibid à la p 14.

Des personnes influentes du milieu de la diaspora rwandaise en exil ont également pris la parole dans le but de dénoncer les abus du régime de Kigali. C’est notamment le cas du bien connu Paul Rusesabagina131. On peut aussi penser au triste événement de l’arrestation du conseil de la défense américain Peter Erlinder, qui fut détenu au Rwanda pour des motifs purement politiques132, et à la constante création, ou maintien, d’instabilité régionale par le gouvernement rwandais, comme autant d’incitatifs démontrant les risques inhérents à tout retour des acquittés en territoire rwandais133.

Plus récemment, suivant une vague d’assassinats d’opposants au régime Kagame et de militants anticorruption134, autant au Rwanda qu’ailleurs dans le monde, le porte-parole du Département d’État américain a indiqué que : « […] we are troubled by the succession of what appear to be politically motivated murders of prominent Rwandan exiles. President Kagame’s recent statements about ‘consequences’ for those who betray Rwanda are of deep concern to us »135. Human Rights Watch a également appuyé cette déclaration du

131 Éditions Sources du Nil, « Paul Rusesabagina sort enfin du silence : l’héritage sanglant du FPR » (15

décembre 2012), en ligne : Éditions Sources du Nil <http://www.editions-sources-du-nil.com/article-paul- rusesabagina-sort-enfin-du-silence-l-heritage-sanglant-du-fpr-113570246.html>. La situation des acquittés est abordée sans détour par le protagoniste de l’histoire de l’Hotel des Milles Collines :

Nous condamnons sans réserve la politique de diabolisation et d’ingérence du FPR dans la justice internationale, qui est à l’origine de la quarantaine ayant transformé en apatrides les acquittés du Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Arusha. Nous considérons qu’il est absolument injuste de la part de la communauté internationale de refuser de rétablir dans leurs pleins droits et d’accorder asile à nos compatriotes qui ont été blanchis des accusations du crime de génocide. Refuser à nos concitoyens reconnus innocents par le tribunal le droit de ré- intégration dans la société, sans une quelconque compensation contre des années d’incarcération à tort, revient à porter l’insulte à son comble et à conforter le sentiment erroné de super-puissance et de gain de cause du régime de Kigali. Ces acquittés, qui n’ont d’autre péché que d’avoir été accusés, ont besoin de refaire leurs vies et celles de leurs familles.

132 À ce sujet, voir notamment Erlinder, supra note 113 aux pp 133-135. Voir aussi : Guido Acquaviva, « The

Perils of Teaching and Practising International Law » (2010) 8 J Int Criminal Justice 1001 à partir de la p 1005.

133 Pour une analyse complète et fort pertinente de la question de l’ingérence du FPR dans la justice du TPIR,

de leur implication dans l’instabilité régionale, des crimes commis par ce gouvernement et pour une vision d’ensemble de la question sécuritaire au Rwanda, voir : Erlinder, supra note 113, spécialement à la p 146, citant Reyntjens, supra note 113. Pour un exposé des problèmes de coopération et des menaces du gouvernement rwandais contre le TPIR au fil des ans, voir : Haskell et Waldorf, supra note 113.

134 Voir notamment : « Rwanda : Investigate Anti-Corruption Campaigner’s Murder. Stalling, Silence on

Activist’s Death », Human Rights Watch (22 janvier 2014), en ligne : HRW <http://www.hrw.org/print/news/2014/01/22/rwanda-investigate-anti-corruption-campaigner-s-murder>.

135 Jen Psaki. Daily press briefing – January 16, 2014, US Department of State, 16 janvier 2014, en ligne: US

représentant américain en documentant des dizaines d’actes attribués au gouvernement rwandais, en indiquant que :

The government dominated by the Rwandan Patriotic Front (RPF) […] does not tolerate opposition, challenge, or criticism. In the 19 years since the RPF took power, Human Rights Watch has documented numerous cases of arbitrary arrests, detentions, prosecutions, killings, torture, enforced disappearances, threats, harassment, and intimidation against government opponents and critics. These abuses emerged in the immediate post-genocide period in the mid- 1990s and have continued to this day136.

Ce qui est encore plus troublant est l’absence de déni du gouvernement rwandais, et l’apologie de tels actes. Le premier ministre rwandais a indiqué, sur le réseau social Twitter, concernant l’assassinat au début janvier 2014 d’un opposant rwandais en Afrique du Sud, que : « Betraying citizens and their country that made you a man shall always bear consequences to you ». La ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a quant à elle été encore plus claire, en indiquant, toujours sur Twitter : « It’s not about how u start, it’s how u finish. This man was a self-declared enemy of my Gov & my country, U expect pity? », et même le Président Kagame a indiqué que : « […] Those who criticize #Rwanda know how far they go to protect their own nation »137. Le périodique canadien Globe and Mail a d’ailleurs fait un reportage détaillé sur cet assassinat, et sur d’autres tentatives d’assassinat d’opposants, et a pu relier celles-ci au gouvernement Kagame138.

Encore plus récemment, le gouvernement Kagame fut accusé, notamment par le Département d’État des États-Unis et Human Rights Watch, d’être responsable de la disparition forcée de dizaines de citoyens rwandais139. Loin d’apaiser les tensions et de

136 Rwanda : Repression across borders. Attacks and Threats Against Rwandan Opponents and Critics

Abroad, supra note 113.

137 Voir les extraits des comptes Twitter des principaux concernés, repris dans : Rwanda : Repression across

borders. Attacks and Threats Against Rwandan Opponents and Critics Abroad, supra note 113. Il est

troublant également de voir que le régime de Kagame s’est opposé, en 1994, à la norme qui limitait les peines du TPIR à la prison à vie, voulant plutôt que la peine de mort puisse être appliquée aux condamnés du TPIR. Voir à ce sujet : William A Schabas, « Justice, Democracy and Impunity in Post-Genocide Rwanda : Searching for Solutions to Impossible Problems » (1996) 7:3 Criminal Law Forum 523 à la p 553.

138 Geoffrey York et Judi Rever, « Assassination in Africa: Inside the plots to kill Rwanda’s dissidents », The

Globe and Mail (2 mai 2014), en ligne : The Globe and Mail

<http://www.theglobeandmail.com/news/world/secret-recording-says-former-rwandan-army-major-proves- government-hires-assassins-to-kill-critics-abroad/article18396349/>.

139 « Kagame : We will arrest or shoot anyone posing a security threat », The East African (5 juin 2014), en

ligne : The East African <http://www.theeastafrican.co.ke/news/Rwanda-to-arrest-or-shoot-anyone-posing-a- security-threat/-/2558/2338314/-/10rvvxnz/-/index.html>.

conforter ceux-ci, le Président Kagame a dit que : « Nous allons continuer à arrêter plus de suspects et si possible tuer en plein jour ceux qui tentent de déstabiliser le pays »140.

Malgré tout ce que nous venons de démontrer, certains pourraient être tentés de dire que l’existence de plusieurs renvois de dossiers du TPIR au Rwanda, et d’extraditions et de renvois en provenance d’États occidentaux vers le Rwanda, démontre la stabilité judiciaire et politique de l’État rwandais. Comme nous le verrons, l’existence de tels renvois ne peut raisonnablement démontrer que les acquittés, s’ils retournaient au Rwanda, seraient en sécurité et verraient leurs droits et libertés respectés. En guise d’exemple, citons deux des dossiers les plus connus, soit le transfert, en vertu de la règle 11bis des RPP TPIR141, de Jean Uwinkindi au Rwanda à partir du TPIR142, et le renvoi du Canada de Leon Mugesera