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Gestion de l’asile en France : contrôle intermittent dans la production de l’action publique ? Analyse du rôle de la puissance publique dans la construction de la politique de l’asile

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01841312

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01841312

Submitted on 17 Jul 2018

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Gestion de l’asile en France : contrôle intermittent dans

la production de l’action publique ? Analyse du rôle de

la puissance publique dans la construction de la

politique de l’asile

Sylvain Gagliardi

To cite this version:

Sylvain Gagliardi. Gestion de l’asile en France : contrôle intermittent dans la production de l’action publique ? Analyse du rôle de la puissance publique dans la construction de la politique de l’asile. Sciences de l’ingénieur [physics]. 2016. �dumas-01841312�

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TRAVAIL DE FIN D’ETUDES

Gestion de l’asile en France : contrôle

intermittent dans la production de l’action

publique ?

Analyse du rôle de la puissance publique dans la

construction de la politique de l’asile

Sylvain GAGLIARDI

Promotion 61

VA Aménagement et Politiques Urbaines

Année 2015-2016

Jury :

Président de jury : François DUCHENE

Maître de TFE : Antoine GOLA

Experts : Géraldine GEOFFROY

Clément MATRAY

Nicolas VALANCE

29 juin 2016

École d'ingénieurs de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer École Nationale des Travaux Publics de l'État

rue Maurice Audin 69518 Vaulx-en-Velin Cedex téléphone : +33 (0)4 72 04 70 70 télécopie : +33 (0)4 72 04 62 54 http://www.entpe.fr

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N

OTICE ANALYTIQUE

NOM PRENOM

AUTEUR GAGLIARDI Sylvain

TITRE DU TFE Gestion de l’asile en France : contrôle intermittent dans la production de l’action publique ?

ORGANISME D'AFFILIATION ET LOCALISATION

NOM PRENOM

MAITRE DE TFE DDCSPP 41 Antoine GOLA

COLLATION 96 2

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MOTS CLES Droit d’asile, accueil, hébergement, logement, politique publique, puissance publique, maîtrise de l’action publique, gouvernement,

gouvernance, territorialisation, pilotage politique TERMES

GEOGRAPHIQUES

Loir-et-Cher, Centre - Val de Loire, France

RESUME La réforme du droit d’asile, le lancement du plan migrants et la participation française au programme européen de relocalisation des demandeurs d’asile en besoin manifeste de protection témoignent d’un important déploiement de l’action publique dans le champ de l’asile politique, sous l’impulsion de l’État. Le rôle central de ce dernier tend à privilégier une conception étatiste de la production de l’action publique dans ce domaine, à rebours des discours actuels sur l’affaiblissement des États et la substitution du concept de gouvernance à celui de gouvernement.

Par conséquent, cette étude vise à déterminer le degré de contrôle des pouvoirs publics dans la production de la politique de l’asile. Autrement dit, dans quelle mesure la puissance publique maîtrise-t-elle l’action engagée au travers des programmes susnommés ? Cette question se pose tant du point de vue de leur élaboration que de celui de leur mise en œuvre.

ABSTRACT The French reform of political asylum, the so-called “migrants plan”, as well as the participation of France in the European Union relocation program show that right of asylum has become a current object of public action in this country. The key role of the French authorities in this process speaks in favour of state-control conceptions of public action production in the field of asylum, what contrasts with contemporary discourses about states weakening and the substitution of

governance practices for government ones.

In that regard, this study aims at determining to what extent the authorities control the asylum policy production process. In other words, how far can it be said that the action undertaken through the above-mentioned programs is under state-control? This question is to be answered about both elaboration and implementation processes.

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5

REMERCIEMENTS

En premier lieu, je tiens à remercier Antoine Gola, chef du service Solidarité, Hébergement Logement de la DDCSPP du Loir-et-Cher, pour avoir accepté d’encadrer ce travail de fin d’études et m’avoir apporté son aide à de multiples occasions, tant dans la construction de mon sujet que dans l’orientation vers les acteurs de l’asile interrogés au cours de cette enquête. Outre les avis et pistes de réflexions qu’elles m’ont apportés, ses diverses relectures m’auront par ailleurs évité l’emploi de quelques « expressions brillantes », ce dont je lui suis particulièrement reconnaissant.

Je souhaite également remercier Julie Martin, Responsable Solidarité au sein du même service, pour avoir veillé à ce que je dispose de toute la documentation nécessaire en matière législative et m’avoir tenu informé des actions du service en lien avec mon sujet.

La production de ce travail a été rendue possible par les nombreuses personnes qui ont répondu favorablement à mes demandes d’entretien. Je les remercie donc chaleureusement pour le temps que chacune d’entre elles a consacré à mes questions.

Merci aussi à François Duchêne pour m’avoir apporté ses conseils à diverses reprises et pour avoir accepté d’évaluer ce travail comme président de jury.

De même, je remercie Géraldine Geoffroy, Clément Matray et Nicolas Valance, du Cerema, qui ont bien voulu être associés à ce jury de TFE en la qualité d’experts.

Enfin, merci à tous les agents de la DDCSPP 41 et plus particulièrement à ceux du service SolHeLo pour leur accueil et la gentillesse dont ils ont fait preuve tout au long des trois mois que j’ai passés en leur compagnie.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 9

Conditions d’accueil des demandeurs d’asile : des obligations légales non respectées ... 9

Une action basée sur divers supports réglementaires ... 10

Réforme de l’asile ... 10

Plan migrants ... 15

Programme européen de relocalisation ... 16

Problématisation du travail de recherche ... 17

Méthodologie ... 20

1. L’ÉLABORATION DE LA POLITIQUE DE L’ASILE : RÉACTION

SUR LE FOND, ANTICIPATION DANS LA FORME ... 23

1.1 Un système de l’asile défaillant confronté à une crise migratoire d’envergure ... 23

1.1.1 Une gestion de l’asile peu performante ... 23

1.1.1.1 Un système d’acteurs fragmenté ... 24

1.1.1.2 Des délais de procédure très critiquables ... 24

1.1.1.3 Un dispositif d’hébergement largement sous-doté au regard de la demande ... 25

1.1.2 Une forte recrudescence de la demande d’asile liée au contexte géopolitique international ... 31

1.2 « Garder le contrôle » : leitmotiv traditionnel de la politique d’accueil ... 33

1.2.1 La crainte d’un « appel d’air » : une inquiétude répandue ... 34

1.2.2 Lutter contre les bidonvilles : un objectif prioritaire sur le plan politique ... 35

1.2.3 Vers une position hégémonique du ministère de l’Intérieur dans la gestion de l’asile ... 38

1.2.4 La généralisation du modèle du CADA : entre réponse sociale et enjeu de surveillance .... 45

1.3 Une construction pragmatique de l’action publique ... 50

1.3.1 La concertation nationale : une volonté affichée de réformer dans le consensus ... 50

1.3.2 Les élus locaux : un public à ménager … dans la limite du raisonnable ... 52

1.3.3 Vers une meilleure répartition territoriale de l’accueil ... 57

1.4 Conclusion partielle ... 59

2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE D’ACCUEIL VUE DE

L’INTERIEUR : DES MARGES DE PROGRÈS INDÉPENDANTES DES

FACTEURS CONJONCTURELS ... 60

2.1 Le contexte de mise en œuvre : une influence notable sur le processus de territorialisation ... 60

2.1.1 Les conséquences d’une conjoncture nationale peu favorable ... 60

2.1.2 Le cas du Loir-et-Cher au sein de la région Centre - Val de Loire : illustration de la variabilité territoriale des conditions de mise en œuvre ... 63

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7

2.1.2.1 L’importance du contexte politique et socio-économique local ... 64

2.1.2.2 Faire évoluer les dispositifs d’accueil : un niveau d’investissement territorialement fluctuant ... 65

2.2 Une appropriation parfois difficile en dépit des capacités d’adaptation des acteurs locaux ... 68

2.2.1 De l’encadrement du processus de territorialisation : un équilibre encore à trouver ... 68

2.2.1.1 Une redistribution des compétences floue à certains égards... 69

2.2.1.2 Le fonctionnement par appels d’offres : exemple d’un manque de flexibilité dommageable à l’uniformisation territoriale des dispositifs de premier accueil ... 72

2.2.2 Une bonne adaptabilité des acteurs locaux face aux difficultés liées à la restructuration du système de l’asile ... 73

2.3 Mise en œuvre de l’action publique en Centre - Val de Loire : un rôle de coordonnateur non totalement assumé par l’échelon régional ... 77

2.3.1 Une collaboration satisfaisante au niveau départemental mais perfectible à l’échelle régionale ... 77

2.3.1.1 Un partenariat État-associations solide en Loir-et-Cher ... 77

2.3.1.2 Un pilotage régional trop peu inclusif ... 78

2.3.2 Des manques de communication nuisibles de la part de la Direction Territoriale de l’OFII 82 2.4 Conclusion partielle ... 84

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 86

BIBLIOGRAPHIE ... 89

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GLOSSAIRE

ADA Allocation pour Demandeur d'Asile

AFPA Association pour la Formation Professionnelle des Adultes

AMS Allocation Mensuelle de Subsistance

ATA Allocation Temporaire d'Attente

ASLD Association d'Accueil, de Soutien et de Lutte contre les Détresses AT-SA Accueil Temporaire - Service de l'Asile

BOP Budget Opérationnel de Programme

CADA Centre d'Accueil de Demandeurs d'Asile CAO Centre d'Accueil et d'Orientation

CHRS Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale

CNDA Cour Nationale du Droit d'Asile

CPH Centre Provisoire d'Hébergement

DDCSPP

Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations

DDDJSCS

Délégation Départementale Déléguée de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale

DGEF Direction Générale des Étrangers en France

DIHAL Délégation Interministérielle à l'Hébergement et à l'Accès au Logement

DNA Dispositif National d'Accueil

DRDJSCS

Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale

DREAL Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement FAPIL Fédération des Associations Pour l'Insertion par le Logement

FNARS Fédération Nationale des Associations d'Accueil et de Réinsertion Sociale

GUDA Guichet Unique d'Accueil

HUDA Hébergement d'Urgence de Demandeurs d'Asile

OFII Office Français de l'Immigration et de l'Intégration OFPRA Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides OQTF Obligation de Quitter le Territoire Français

RAEC Régime d'Asile Européen Commun

SONACOTRAL Société Nationale de Construction pour les Travailleurs Algériens SRADA Schéma Régional d'Accueil des Demandeurs d'Asile

(10)

9

INTRODUCTION

Conditions d’accueil des demandeurs d’asile : des obligations légales non

respectées

Le droit international établit clairement les obligations des États envers les demandeurs d’asile. En effet, la Convention de Genève de 1951 et le protocole de New York de 1967 garantissent à toute personne victime de persécutions et de menaces sérieuses1 de bénéficier de

la protection du pays auprès duquel sa demande est déposée et, jusqu’à ce que celle-ci soit examinée, lui reconnaissent le droit de séjourner sur le territoire dudit pays. En France, le Conseil d’État a jugé, par ordonnance du 23 mars 2009, que ce droit assurait aux requérants de se voir offrir des conditions de vie décentes, et notamment d’être hébergés, durant cette période d’attente.

Pourtant, plusieurs auteurs constatent qu’un grand nombre de demandeurs d’asile sollicitant la protection internationale de la France ne bénéficient pas de ces conditions minimales d’accueil garanties par le droit, notamment en matière d’hébergement (Sureau, 2012). Largement condamnables sur le plan éthique en ce qu’elles génèrent des situations contraires au respect de la dignité humaine, les lacunes du système d’accueil nuisent en réalité bien davantage aux publics qui en sont victimes. Il est notamment établi que l’impossibilité pour les requérants d’accéder à un hébergement adapté les prive d’une aide essentielle dans l’élaboration de leur dossier. En effet, la complexité des démarches administratives requises dans le cadre de la procédure d’asile appelle des compétences et des connaissances particulières qui sont souvent l’apanage des travailleurs sociaux employés en centre d’accueil de demandeurs d’asile2 (CADA) (Bourgeois et al., 2004 ; Van Erkelens, 2005). Qui plus est, seules les

structures dédiées à l’accueil des demandeurs d’asile garantissent une stabilité nécessaire à la mise en place d’un suivi administratif de qualité. Le fait, pour un demandeur, de ne pas être hébergé dans ce type d’établissement - a fortiori en CADA - et le manque d’accompagnement

1 Précisément, la Convention de Genève du 28 juillet 1951 stipule que « le terme de réfugié s’applique à toute

personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelles à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. ».

2 Il s’agit de structures dédiées à l’hébergement de ce public, généralement gérées par une association. Les

requérants y sont accueillis durant toute la durée de l’examen de leur demande d’asile. Ils y bénéficient notamment d’un suivi administratif et social.

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10

administratif qui en résulte réduisent donc sensiblement la probabilité que sa démarche aboutisse in fine.

Aussi les enjeux liés à l’accueil des demandeurs d’asile sont-ils plus importants encore qu’ils n’y paraissent de prime abord : c’est le droit d’asile lui-même qui est remis en question si des personnes en mesure de pouvoir y prétendre se le voient refuser du fait d’un manque d’accompagnement.

Néanmoins, il convient d’observer la manifestation d’une prise en compte, par la puissance publique, des besoins d’évolution des dispositifs d’accueil et d’accès à la procédure d’asile. En effet, le contexte actuel d’affluence croissante de demandeurs d’asile (+ 20 % de primo-demandes enregistrées en France entre 2014 et 20153), qui entre ainsi en confrontation avec un système d’accueil à bout de souffle, suscite depuis maintenant quelques années une mobilisation politique accrue. Celle-ci se traduit par l’élaboration de réponses pouvant aussi bien revêtir une forme structurelle - à travers la réforme du droit d’asile - que conjoncturelle - ce dont témoigne les mises en place respectives du plan migrants et du programme européen de relocalisation.

C’est à l’analyse de ce déploiement multiforme de l’action publique dans le domaine de l’asile, brièvement décrit ci-après, que ce travail de fin d’études est consacré.

Une action basée sur divers supports réglementaires

Réforme de l’asile

Cette première réponse est porteuse d’évolutions considérables dans la politique française de l’asile, notamment sur le plan procédural4.

Le projet de loi portant réforme du droit d’asile a été adopté en dernière lecture par l’Assemblée nationale le 15 juillet 2015, à l’issue de deux années de travail. La loi est promulguée le 29 juillet 2015, dans un contexte de hausse régulière de la demande d’asile et de saturation du parc d’hébergements dédiés à l’accueil des requérants. Elle répond en particulier à la nécessité de transposer en droit français plusieurs directives européennes.

3 Source : Commission européenne (2016)

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11

En effet, la politique de l’asile menée par chacun des États membres est subordonnée au régime d’asile européen commun (RAEC), mis en œuvre par l’Europe en application de l’article 67 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui stipule que cette dernière doit développer une politique commune en matière d’asile. Or, le « paquet asile », ensemble de directives initialement adopté en 2003-2004 en vue d’établir des normes minimales, a fait l’objet d’une révision entre 2011 et 2013. Celle-ci porte sur l’harmonisation des politiques nationales, via la définition de nouvelles normes et de nouveaux outils communs. En cela, cette révision est représentative du mode classique de mise en œuvre des politiques européennes. Trois directives en ont résulté :

La première, dite directive « Qualification », date de 2011 et porte sur les conditions d’octroi de la protection internationale. Elle impose à la France une mise en conformité sur deux points spécifiques, à savoir la durée du titre de séjour délivré dans le cadre de l’accès à la protection subsidiaire5 et la détermination des membres d’une même famille éligibles à la réunification familiale. Le non-respect de la date limite pour la transposition en droit interne, fixée au 21 décembre 2013, vaudra notamment à la France d’être mise en demeure par la Commission européenne le 27 janvier 2014, soit à peine plus d’un mois après l’échéance fixée. Cette forte réactivité suggère que la problématique de l’asile revêt une importance considérable aux yeux de l’Union européenne, qui n’hésite pas à sanctionner les États membres trop lents à moderniser leur procédure interne.

Les deux autres directives, dites respectivement « Accueil » et « Procédures » ont été adoptées en 2013. Elles sont à l’origine des dispositions visant à faire évoluer les différents aspects du parcours des personnes sollicitant la protection internationale. Ce sont principalement ces mesures qui seront abordées dans cette étude, à la fois sous l’angle de leur élaboration et sous celui de leur mise en œuvre. Comme son nom l’indique, la directive « Accueil » concerne les dispositions prises dans le champ de l’accueil des demandeurs d’asile, qu’elle prévoit d’harmoniser à l’échelle européenne. La directive « Procédures » vise, quant à elle, à renforcer les garanties du demandeur sur le plan procédural.

5 La protection subsidiaire est accordée aux personnes ne pouvant être considérées comme réfugiées au sens de la

définition légale de ce statut mais faisant néanmoins l’objet de menaces graves et sérieuses dans leur pays. Les bénéficiaires sont placés sous la protection juridique et administrative de l’office français de protection des réfugiés et apatrides. Il leur est délivré une carte de séjour temporaire d’une durée de un an renouvelable. Source : OFPRA. « La protection subsidiaire ». [en ligne]. Disponible sur : https://www.ofpra.gouv.fr/fr/asile/les-differents-types-de-protection/la-protection-subsidiaire. (Page consultée le 22/05/2016)

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12

Ce renouvellement du « paquet asile » a donc largement présidé à la réforme du droit d’asile en France, placée sous le signe de la recherche d’un « équilibre entre humanité et fermeté »6.

La date du 15 juillet 2013 marque le début d’une concertation nationale sur la réforme de l’asile, lancée par le ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls. Dans une volonté de s’affranchir des clivages politiques, elle est animée conjointement par le député Jean-Louis Touraine, membre du groupe socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale (SRC), et la sénatrice Valérie Létard, affiliée au groupe Union des démocrates et indépendants - Union centriste (UDI-UC). L’ensemble des acteurs de l’asile sont impliqués : des représentants des services de l’État et des établissements publics en charge de l’asile - Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - jusqu’aux acteurs du monde associatif, en passant par les élus locaux. Cette phase de concertation aboutit à la production d’un rapport parlementaire sur la réforme de l’asile, remis le 28 novembre 2013 au ministre de l’Intérieur. Les conclusions de ce document sont exploitées dans le cadre de la rédaction du projet de loi.

Conformément aux directives européennes mentionnées précédemment, la réforme du droit d’asile s’articule autour de deux grands axes : la réduction des délais de procédure et le renforcement des garanties des demandeurs d’asile.

L’objectif de raccourcissement des délais est au cœur de la réforme, qui entend réduire le temps d’accès à la procédure à trois jours, conformément aux délais imposés par la directive européennes « Procédures ». De même, elle se fixe comme but de limiter le délai moyen de traitement à neuf mois à l’horizon fin 2016, soit trois mois pour l’instruction de la demande par l’OFPRA - contre sept mois environ au préalable - et six mois pour l’examen du recours par la Cour nationale du droit d’asile7 (CNDA) - au lieu de huit. Pour ce faire, différentes mesures

sont mises en œuvre :

 L’obligation de domiciliation préalable, qui conditionnait le dépôt de la demande d’asile à la communication d’une adresse personnelle ou, à défaut, à la domiciliation de la personne par une association, et retardait ainsi le début de la procédure, est supprimée.

6 Source : Ministère de l’Intérieur (2015)

7 Il s’agit d’une juridiction administrative spécialisée, statuant sur les recours formés contre les décisions de

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13

 Le premier accueil des demandeurs d’asile est très fortement remanié, en vue de remédier à la dispersion des acteurs (associations, préfectures, OFII) du système préexistant et à l’hétérogénéité des pratiques à l’échelle des différents territoires. Cette restructuration implique en premier lieu la création de plateformes de pré-accueil, prestataires de l’OFII. Celles-ci sont chargées d’enregistrer un certain nombre d’informations concernant la situation administrative des demandeurs d’asile et d’assurer leur orientation dans un délai normal de 48h vers le « guichet unique » compétent. Ce second dispositif, appelé à être mis en place dans chaque région, se place au cœur de la réorganisation du premier accueil. C’est au cours du passage au guichet unique, au sein duquel seront missionnés des agents préfectoraux et des agents de l’OFII, qu’il est prévu qu’aient lieu l’enregistrement de la demande d’asile, l’évaluation de la vulnérabilité des personnes, la proposition d’une solution d’hébergement et l’ouverture des différents droits sociaux (allocation pour demandeurs d’asile, couverture maladie universelle, …). Ainsi mutualisées, les démarches administratives sont censées pouvoir être traitées de manière plus efficace, ce qui, là encore, vise à réaliser des économies de temps.

 La procédure prioritaire8, est remplacée par une procédure dite « accélérée », applicable

dans un plus grand nombre de cas. En contrepartie, la loi prévoit davantage de garanties concernant le recours à cette procédure spécifique. Ainsi, la décision n’est plus l’apanage du préfet, qui partage désormais cette compétence avec l’OFPRA, pleinement compétent lorsque le placement est motivé par des critères intrinsèques à la demande et habilité à prononcer le retour à une procédure normale (au même titre que la CNDA). Par ailleurs, les personnes placées sous procédure prioritaire ont dorénavant accès à l’hébergement en centre d’accueil de demandeurs d’asile.

Le renforcement des garanties dont bénéficient les requérants constitue l’autre ligne directrice de la réforme. Elle est sous-tendue par un nombre important de mesures, dont on s’astreindra ici à mentionner les principales.

En matière d’accueil :

8 Par opposition à la procédure normale. Procédure impliquant un examen plus rapide de la demande d’asile,

réservée aux demandeurs d’asile originaires d’un pays déclaré comme étant « d’origine sûre » par l’OFPRA ou dont la présence constitue une menace grave à l’ordre public ou dont la demande est considérée comme frauduleuse, notamment dans le cas d’une dissimulation d’informations portant sur l’identité du demandeur. Source : France Terre d’Asile (2012)

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14

 La loi définit les situations de vulnérabilité et impose qu’il en soit tenu compte dans l’accueil des demandeurs d’asile, notamment lors de leur orientation vers un lieu d’hébergement. L’OFII se voit confier un rôle déterminant en la matière, en ce qu’il est chargé d’identifier ces situations de vulnérabilité au cours d’un entretien individuel conduit à l’occasion du passage au guichet unique. Néanmoins, il est également demandé à l’ensemble des acteurs de l’hébergement et de l’accompagnement des demandeurs d’asile de communiquer à l’OFII et à l’OFPRA, pendant toute la durée de la procédure, les informations en leur possession pouvant justifier d’une adaptation des conditions d’accueil et de procédure à l’égard de personnes soumises à certaines vulnérabilités.

 La réforme soutient la généralisation du modèle du CADA, présenté comme garant d’un meilleur accompagnement des demandeurs d’asile dans leurs démarches, en comparaison des autres dispositifs d’hébergement9. Cette orientation se traduit par la définition

d’objectifs chiffrés en termes de création de places de CADA. Ceux-ci sont fixés, pour chaque région, par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile, qui prévoit l’ouverture d’un peu plus de 14 600 places de CADA à l’horizon du 31 décembre 2017. Ce plan se décline régionalement au travers de schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile (SRADA).

Sur le plan procédural :

 Dorénavant, le demandeur d’asile est en droit de se faire assister, lors de son entretien personnel auprès de l’OFPRA, d’un avocat ou du représentant de l’une des associations habilitées (dont la liste est fixée par décision du directeur général de l’office).

 Le recours auprès de la CNDA, en cas de rejet de la demande d’asile par l’OFPRA, devient systématiquement suspensif, en procédure normale comme en procédure accélérée. Cela implique le droit pour le demandeur de se maintenir sur le territoire dans l’attente du jugement de la CNDA. Le requérant se voit donc renouveler son attestation de demande d’asile jusqu’à la notification de la décision de la CNDA.

9 Outre le CADA, les requérants sont susceptibles de se voir orientés vers des structures d’hébergement d’urgence

dédiées à l’accueil des demandeurs d’asile - au sein desquelles l’accompagnement administratif est moins poussé - ou bien d’être hébergés à l’hôtel. En dernier recours, ils sont redirigés vers les dispositifs de mise à l’abri relevant du droit commun.

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15

Plan migrants

En parallèle de la réforme de l’asile et en réponse à l’accroissement de l’affluence migratoire en Europe, le gouvernement français adopte le plan "Répondre au défi des migrations : respecter les droits - faire respecter le droit", plus connu sous le nom de « plan migrants », dont le contenu est exposé aux services de l’État dans une circulaire interministérielle en date du 22 juillet 2015.

La première partie de ce plan concerne l’amélioration de l’accueil des demandeurs d’asile. Il y est d’abord fait état de la volonté du gouvernement de remédier à l’insuffisance des capacités d’hébergement de ce public via la création de 4 000 places d’hébergement d’urgence de type AT-SA10 avant la fin de l’année 2016, venant s’ajouter aux places d’hébergement déjà

prévues dans le cadre de la réforme de l’asile. En outre, partant du constat que les réfugiés statutaires peinent à accéder au marché du logement, ce qui occasionne un maintien prolongé de ces personnes dans les structures d’hébergement d’urgence et les CADA, le plan établit la création avant 2017 de 5 000 places « destinées à favoriser l’accès au logement autonome des personnes réfugiées ». De la même manière, il prévoit l’ouverture de 500 places supplémentaires en centre provisoire d’hébergement pour l’année 2015. Enfin, il annonce de nouveaux recrutements à l’OFII, à l’OFPRA et en préfecture, voués à accélérer le raccourcissement des délais de la procédure d’asile, élevé au rang de priorité par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.

La seconde partie du plan migrants se focalise sur la question des campements illégaux, plus particulièrement ceux établis à Paris et à Calais. Afin d’en favoriser la résorption, le gouvernement promet un renforcement des capacités d’hébergement d’urgence à destination des personnes installées au sein de ces camps. Cela se traduit par la planification de l’ouverture de 1 500 places de mise à l’abri11, proposées aux migrants le temps que des équipes mobiles spécialisées de l’OFII, créées spécialement dans ce contexte, procèdent à l’appréciation de leur situation. À l’issue de cette évaluation, les personnes sont orientées, suivant les cas, vers une procédure de demande d’asile ou vers un processus de retour ou d’éloignement.

10 L’AT-SA (Accueil temporaire service de l’asile) est un dispositif d’hébergement d’urgence à destination des

demandeurs d’asile, piloté au niveau national par les services centraux du ministère de l’Intérieur (service de l’asile) et par l’OFII. Source : Ministère de l’Intérieur (2015)

11 Par instruction datée de novembre 2015, ces places de mise à l’abri deviennent des places de centre d’accueil et

d’orientation (CAO). Ce dispositif vise à héberger les migrants et à leur apporter un accompagnement dans la définition de leur projet migratoire.

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16

Dans une troisième et dernière partie, le plan décline l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière en différents axes. Une grande attention est portée à la maîtrise des déplacements des individus, comme en témoignent le renforcement des contrôles policiers et le souhait d’augmenter le taux d’occupation des places en rétention administrative. Il en va de même du dispositif expérimental de préparation au retour des étrangers se maintenant de façon indue dans les centres d’hébergement d’urgence. Celui-ci est en effet caractérisé par une assignation à résidence des personnes. Par ailleurs, cette partie suggère également de recourir à des mesures non coercitives pour empêcher l’immigration irrégulière. À ce titre, elle évoque notamment la nécessité d’œuvrer à la réadmission par leur pays d’origine des migrants inéligibles au statut de réfugié ou à tout autre titre de séjour. De même, le plan appelle à la promotion des aides au retour à destination des étrangers en situation irrégulière.

Programme européen de relocalisation

Troisième aspect du déploiement de l’action publique dans le champ de l’asile, la France s’engage, fin 2015, à accueillir un peu plus de 30 700 demandeurs d’asile sur deux ans, dans le cadre de sa participation au programme européen de relocalisation. Défini par les décisions du Conseil de l’Union européenne en date des 14 et 22 septembre 2015, ce programme s’adresse aux demandeurs d’asile en besoin manifeste de protection (Syriens, Irakiens, Erythréens) qui bénéficient quasi systématiquement de la protection internationale. Il est établi que l’accueil de ce public doit être organisé depuis les « hot spots », des centres d’accueil et d’orientation mis en place en Italie et en Grèce, au sein desquels aura lieu l’identification et l’enregistrement des personnes. L’instruction du 9 novembre 2015 énonce les modalités d’accueil des individus relocalisées, entre le moment de leur entrée sur le territoire et celui de leur orientation vers un logement pérenne.

Ce public spécifique accède à une procédure d’asile partiellement dérogatoire. Le traitement des demandes des personnes relocalisées est en effet assuré dans un nombre restreint de guichets uniques bénéficiant d’effectifs renforcés (37 ETP supplémentaires dont 20 en préfectures et 17 à l’OFII). Il s’agit ainsi de limiter à 4 mois les délais de procédure dans ce cas précis, « afin de minimiser l’impact de la relocalisation sur le dispositif national d’asile »12. À cette fin, d’autres moyens humains sont affectés à la mise en œuvre du programme de

12 Source : Ministère de l’Intérieur (2015)

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relocalisation. L’OFPRA se voit ainsi pourvu de 80 ETP supplémentaires quand l’OFII en reçoit 69, hors moyens humains additionnels dans les guichets uniques.

Dans le but de faire coïncider cet effort d’accueil avec l’esprit de la réforme de l’asile, le gouvernement a souhaité que les individus relocalisés soient hébergés prioritairement en centre d’accueil de demandeurs d’asile.

Concernant l’orientation vers le logement des réfugiés statutaires hébergés en CADA ou en centre d’hébergement d’urgence, le dispositif « reprend et amplifie » celui adopté dans le cadre de la mise en œuvre du plan migrants. Autrement dit, il intensifie le rôle de la plateforme nationale pour le logement des réfugiés et bénéficiaires d’une protection internationale13,

pilotée par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL). Dans ce contexte, les préfectures de département et plus particulièrement les coordonnateurs départementaux du plan migrants, nommés par les préfets de départements, sont chargés de communiquer les profils des réfugiés ainsi que leurs besoins en logement. Il leur revient également de transmettre les offres d’habitations émises au niveau départemental.

Par ailleurs, un dispositif de soutien aux communes participant à l’accueil des personnes relocalisées est mis en place. Lesdites communes peuvent ainsi prétendre à une aide à la création de places d’hébergement à hauteur de 1000 euros pour toute place de CADA ou d’AT-SA ouverte entre le 1er septembre 2015 et le 31 décembre 2017. Une autre aide, d’un montant

identique, est conditionnée à l’accueil durable du bénéficiaire d’une protection dans un logement mobilisé au cours de cette même période.

L’entreprise de ces différentes actions, d’une ampleur considérable et menées simultanément, constitue une réelle opportunité d’analyser la manière dont se construit l’action publique dans le domaine de l’asile en France.

Problématisation du travail de recherche

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile fait évoluer les conditions d’accueil des requérants. Ce faisant, elle témoigne, au même titre que la participation de la France au programme de relocalisation européen de demandeurs d’asile, d’une meilleure prise

13 Cette plateforme assure une mission de centralisation des offres de logement émises dans tout le pays - par des

collectivités, des bailleurs sociaux ou même des particuliers - à destination des bénéficiaires d’un statut protecteur. Elle vise ainsi à faciliter l’accès au logement de ces personnes via leur relocalisation en zone détendue, à l’échelle du territoire nationale.

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en compte du besoin de protection de ces personnes. Pourtant, plusieurs auteurs dénonçaient encore récemment la volonté de la France, et plus globalement celle de l’Europe, d’accueillir moins de réfugiés, via la mise en place de dispositifs visant à compliquer l’accès à la procédure de demande d’asile et à en diminuer les aboutissements (Passegand, 2008 ; Guiraudon, 2013). Aussi, nous nous trouvons là face à un premier paradoxe. Pourquoi la puissance publique agit-elle de la sorte si cela est contraire aux objectifs que d’aucuns lui prêtent ? De ce fait, il convient en premier lieu de s’interroger sur la nature des facteurs à l’origine des présentes mesures entreprises dans le domaine de l’asile politique. Est-il davantage question d’évolutions à visée anticipatoires, vouées à prévenir d’éventuels dysfonctionnements du système d’accueil ou, du moins, à résoudre des difficultés émergentes ou bien s’agit-il, au contraire, de mesures d’urgence destinées à contenir voire à résoudre une situation de crise ?

Au-delà de la compréhension des raisons ayant conduit la puissance publique à intervenir, il semble essentiel de chercher à expliquer les formes de son action, c’est-à-dire de faire émerger, le cas échéant, le ou les cadres de pensée principaux dans lequel elle s’inscrit. Autrement dit, l’enjeu consiste à identifier le credo suivi par la puissance publique dans l’élaboration de solutions aux problèmes constatés. Il est en effet permis de douter, sans pour autant devoir être taxé de pragmatisme exagéré, que la définition des mesures à mettre en œuvre soit subordonnée au seul respect de valeurs humanistes. Les convictions qui orientent les politiques publiques dans le domaine de l’asile sont parfois moins louables, comme le rappellent plusieurs publications (Sureau, 2012 ; Wihtol de Wenden, 2015) soulignant la prégnance, au sein de l’Administration française, de ce qu’elles décrivent comme un fantasme, celui de « l’appel d’air ». Aussi, quelle(s) logique(s) préside(nt) à la nature de l’action menée actuellement en faveur du public des demandeurs d’asile ?

À la lumière des motifs de l’intervention publique et de la vision politique induite par les outils prévus, il apparaît important de s’interroger sur la façon dont les modalités de l’action publique sont censées en faciliter la mise en œuvre et ainsi favoriser le succès de la politique en question. Comment cette phase de mise en œuvre est-elle anticipée par la puissance publique ? Quelles dispositions sont prises à cette fin ? Autrement dit, quelle est la stratégie du changement engagée à travers les formes revêtues par l’action publique ?

Dans quelle mesure la puissance publique joue-t-elle un rôle moteur dans la définition des contours de l’action publique observable dans le champ de l’asile ?

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Cependant, l’analyse de l’action publique à destination des personnes en quête de protection internationale ne saurait se limiter à l’étude des décisions émanant de la puissance publique. En effet, la réalité d’une politique publique dépend in fine de sa mise en œuvre (Lascoumes et Le Galès, 2012) puisque c’est évidemment elle qui conditionne la concrétisation des solutions imaginées. Or, la réussite de ce processus semble pouvoir être remise en question par deux types de difficultés.

Premièrement, l’action publique s’inscrit dans un contexte donné, qui pourra potentiellement s’avérer défavorable à une bonne mise en œuvre. La notion de contexte est ici entendue à la fois comme une conjoncture globale, à l’échelle nationale, en particulier sur les plans économique et social, mais aussi comme l’ensemble des caractéristiques d’un territoire local. Si, par exemple, les objectifs de développement des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile sont spécifiques à chaque région, le reste des mesures engagées par la puissance publique sont indifférenciées. La question qui se pose est donc celle de l’applicabilité d’un modèle organisationnel général à des territoires très divers. Par conséquent, ce travail s’attachera, à partir d’une étude de cas consacrée au département du Loir-et-Cher - et étendue à la région Centre-Val de Loire de façon à tenir compte des changements opérés à l’échelon régional dans la gestion de l’accueil des demandeurs d’asile - , à déterminer comment les particularités territoriales influencent la mise en œuvre de l’action publique. Plus généralement, à quel point la réorganisation du système d’accueil des demandeurs d’asile dépend-elle d’éléments contextuels ?

En outre, il s’avère que les acteurs de terrain disposent bien souvent d’une grande liberté dans l’appropriation du projet politique réalisé au niveau national, ce qui d’ailleurs contribue parfois à faire de la mise en œuvre de l’action publique un espace de confrontation entre divers intérêts antagonistes (Lascoumes et Le Galès, 2012). Dans une optique rationaliste, il convient en effet de considérer que les acteurs ont des préférences, c’est-à-dire des intérêts matériels ou des convictions morales qui leur sont propres, ainsi qu’une certaine idée des conséquences à attendre d’un type de comportement donné, sur la base de quoi ils établissent une stratégie (Balme et Brouard, 2005). Aussi, les acteurs en charge de la mise en œuvre des politiques publiques jouent un rôle déterminant dans la construction de l’action publique, qui dépendra finalement en grande partie du système de préférences établi et des stratégies associées mais également de la capacité d’adaptation de ces acteurs. Comment ceux-ci réagissent-ils aux évolutions portées en matière d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile ? Jusqu’où

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acceptent-ils de modifier leurs modes de fonctionnement préalables pour s’y adapter et dans quelle mesure y parviennent-ils ? Dans les faits, comment se traduit l’appropriation des mesures ayant trait à la politique d’accueil des demandeurs d’asile par les différents partenaires ?

Finalement, quelles dynamiques influencent la territorialisation de l’action publique et quelles en sont les conséquences sur la mise en œuvre de la politique d’accueil des publics relevant de l’asile en France ?

Au vu des interrogations soulevées, la problématique générale de ce travail s’énonce de la façon suivante :

Dans quelle mesure la puissance publique est-elle détentrice de la maîtrise de son action à destination des publics relevant de l’asile ?

Méthodologie

La première étape de ce travail a été la mobilisation de ressources bibliographiques qu’il est possible de classer en deux grandes catégories. D’une part, la lecture de publications directement en lien avec la thématique de l’asile a servi à dresser un état des lieux portant à la fois sur l’actualité récente, caractérisée par une recrudescence de ces sujets, et sur les structures - matérielles et idéologiques - de la politique d’accueil des demandeurs d’asile, en France et plus généralement en Europe. Par ailleurs, la consultation d’articles et d’ouvrages ayant trait aux caractéristiques de l’action publique et au fonctionnement de l’Administration au sein de l’Hexagone a permis de mieux appréhender les cadres de définition et de mise en œuvre des politique publiques en France.

Dans un deuxième temps, il s’est avéré nécessaire d’étudier les supports réglementaires de l’action publique menée dans le champ de l’accueil des demandeurs d’asile, de façon à en identifier les objectifs et les enjeux. À ce titre, le texte de loi relatif à la réforme du droit d’asile, de même que les instructions et circulaires consacrées aux mises en œuvre respectives des différents plans ont fait l’objet d’une lecture approfondie. Il a ainsi été possible d’identifier les principales parties prenantes, concepteurs et/ou destinataires des évolutions projetées, et de cerner le rôle assigné à chacune d’entre elles dans la territorialisation de l’action publique.

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Ce travail de repérage des acteurs et de la manière dont ils sont amenés à intervenir dans ce contexte a constitué l’étape initiale de la préparation de l’enquête de terrain, basée sur la conduite d’entretiens semi-directifs. Il a abouti à la réalisation de questionnaires différenciés suivant les partenaires. L’objectif visé était de recueillir, dans des proportions relativement équivalentes, à la fois leur perception globale de l’action menée (ses motifs, sa logique, etc.) et leur expérience de la mise en œuvre de ces mesures. Cet exercice a été abordé selon une approche dynamique, certaines interrogations ayant été précisées et affinées à la faveur d’entretiens précédents, en vue, par exemple, de confronter différentes prises de positions.

Eu égard aux contraintes imposées en termes de délais de réalisation de cette étude, décision a été prise de chercher à rencontrer en premier lieu les acteurs locaux, potentiellement plus disponibles. De ce fait, le principal terrain d’enquête investigué dans le cadre de ce travail est le tissu à la fois administratif et associatif formé par les partenaires investis dans le domaine de l’asile à l’échelle départemental. Ce niveau constitue le plus petit territoire administratif auquel sont coordonnées les actions menées à l’endroit du public des demandeurs d’asile.

Le département retenu est celui du Loir-et-Cher, situé en région Centre - Val de Loire. La thématique de l’asile y est assez prégnante du fait de l’existence de plusieurs structures dédiées à l’hébergement des demandeurs d’asile. En effet, le département compte d’abord trois CADA, gérés par l’association France Terre d’Asile et implantés respectivement sur les trois grands pôles urbains du territoire : Blois (123 places), Vendôme (97 places) et Romorantin-Salbris (77 places). L’Association d’Accueil, de Soutien et de Lutte contre les Détresses (ASLD) gère, quant à elle, 55 places d’hébergement d’urgence de demandeurs d’asile14

(HUDA) à destination des personnes n’ayant pas pu être orientées en CADA, soit pour raison d’indisponibilité (saturation de la capacité d’accueil) soit à cause de la procédure dont elles relèvent (procédure prioritaire ou Dublin15). Enfin, un centre d’accueil et d’orientation (CAO), dont la gestion est assurée de manière conjointe par l’ASLD et l‘antenne blésoise de l’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) a vu le jour en fin d’année 2015, dans le but d’accueillir des migrants en provenance notamment de la « jungle » de Calais16.

14 En théorie, la prestation offerte au sein des structures HUDA « se limite à l’hébergement stricto sensu ». Source :

Ministère de l’Intérieur (2011). Dans la pratique, il est cependant possible d’observer la mise en œuvre d’actions d’accompagnement en faveur des demandeurs d’asile.

15 Pour de plus amples informations sur cette procédure spécifique, voir annexe B p.95

16 La « jungle » est un campement illicite situé dans la ville de Calais. Il regroupe principalement des personnes

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Toutefois, le terrain couvert par cette étude est sensiblement plus vaste que celui constitué par les acteurs départementaux du Loir-et-Cher. En effet, ce travail vise à considérer l’action publique à destination des demandeurs d’asile dans son ensemble, en se penchant aussi sur les étapes ayant abouti à sa définition. Or, quand bien même les acteurs locaux, grâce à leur expertise, sont effectivement en mesure d’identifier nombre de facteurs ayant présidé aux choix politiques effectués, il semblait pertinent de chercher à recueillir le témoignage d’acteurs ayant directement pris part au processus d’élaboration de l’action publique.

Par ailleurs, du fait des liens forts et inextricables unissant les différentes échelles de gouvernance, il était même techniquement impossible de se limiter à une étude purement départementale pour répondre à la problématique, y compris en ne considérant que l’aspect de la mise en œuvre et de l’adaptation des acteurs. Le simple fait qu’une part importante de l’action publique menée dans le cadre de la réforme du droit d’asile relève des compétences de l’échelon régional le montre bien. Par conséquent, le niveau régional, comme le niveau national, intervient nécessairement dans l’analyse.

démantèlements successifs au début de l’année 2014, la « jungle » se reconstitue et s’étend jusqu’à compter 6 000 occupants à l’automne 2015. Ce nombre retombe à 3 000 en février 2016, date à laquelle la préfecture de département du Pas-de-Calais ordonne l’évacuation de la partie sud. Source : Essia Lakhoua. « La « jungle » de Calais expliquée en 1 minute ». Le Point [en ligne]. Disponible sur : http://www.lepoint.fr/societe/la-jungle-de-calais-expliquee-en-1-minute-23-02-2016-2020524_23.php. (Dernière modification le 23/02/2016)

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1. L’ÉLABORATION DE LA POLITIQUE DE L’ASILE :

RÉACTION SUR LE FOND, ANTICIPATION DANS LA FORME

Dans cette première partie, nous allons tenter de caractériser la position de la puissance publique vis-à-vis de l’élaboration de la politique de l’asile. Autrement dit, il s’agit de déterminer dans quelle mesure l’État joue un rôle moteur dans cette première étape de la production de l’action publique. Pour ce faire, nous nous emploierons d’abord à identifier ce qui déclenche l’intervention des pouvoirs publics dans le domaine de l’asile. Ensuite, nous nous attacherons à évaluer l’influence de l’acteur étatique sur l’orientation de l’action ainsi engagée. Enfin, nous chercherons à mettre en évidence, le cas échéant, les dispositions stratégiques prises sur les plans technique et politique en vue de soutenir les mesures impulsées par la puissance publique.

1.1 Un système de l’asile défaillant confronté à une crise migratoire d’envergure

1.1.1 Une gestion de l’asile peu performante

Premier support de la politique mise en œuvre, la réforme du droit d’asile se veut ambitieuse. Pour cause, le système qu’elle entend faire évoluer est en crise, comme l’ont montré diverses études :

« On avait commandé toute une série de rapports qui laissaient entrevoir que le système dysfonctionnait de manière très profonde […] Donc tout cela, ça plaidait de manière assez forte pour une réforme d’ampleur. »

Haut fonctionnaire en poste à la DGEF17

La loi du 29 juillet 2015 vise donc à réformer en profondeur un modèle à bout de souffle, qui ne permet pas à la France de respecter ses obligations à l’égard des demandeurs d’asile. Trois dysfonctionnements majeurs sont ciblés.

17 Direction générale des étrangers en France. Rattachée au ministère de l’Intérieur, elle traite de l’ensemble des

questions relatives aux ressortissants étrangers. Elle inclut la direction de l’immigration, celle de l’asile et, enfin, la direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité. Source : Ministère de l’Intérieur.

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1.1.1.1 Un système d’acteurs fragmenté

Le premier relève de la fragmentation du système de l’asile, qui nuit fortement à son efficacité globale. Celle-ci résulte du partage des compétences entre un nombre important d’acteurs intervenant dans le parcours des demandeurs, combiné à une mauvaise coordination de l’action menée par chacun de ces partenaires. En particulier, le manque de communication et l’absence d’outils communs sont présentés comme les principales lacunes de cette organisation remise en question :

« [Q]uand vous avez une demande d’asile qui est enregistrée par la préfecture, un hébergement qui est géré par l’OFII, une demande qui est gérée par l’OFPRA et une allocation qui est versée par Pôle Emploi, qui ne discute avec aucune des trois institutions ou qui discute mal avec les institutions et que les institutions n’ont pas de système d’information commun, on voit bien que ça peut générer de multiples dysfonctionnements, avec des personnes qui sont demandeurs d’asile pour Pôle Emploi mais plus demandeurs d’asile dans la vraie vie ou des choses comme ça.»

Haut fonctionnaire en poste à la DGEF

1.1.1.2 Des délais de procédure très critiquables

La longueur des instructions, en partie imputable à ces difficultés d’ordre organisationnel mais aussi et surtout à un manque de moyens humains et financiers, constitue la seconde défaillance du système d’asile français. En effet, au moment où la loi entre en vigueur, la durée moyenne de traitement d’une demande d’asile est supérieure à deux ans en procédure normale. Ces délais sont particulièrement préjudiciables aux personnes qui verront leur demande d’asile rejetée, dans la mesure où la décision survient alors que le processus d’intégration a eu le temps de débuter :

« Or, ces gens-là arrivaient en ayant quand même vécu des choses difficiles. Ils avaient un logement. Ils percevaient quand même un petit peu des revenus. Les enfants allaient à l’école. Ils arrivaient à faire une certaine intégration. Donc ce qu’ils espéraient, en quelque sorte, se réalisait. Et, d’un seul coup, OFPRA : « Non, vous n’avez plus rien. Vous êtres déboutés. On ne vous connaît plus. Vous n’avez plus de papiers. Vous n’avez plus de logement. ». »

Adjointe au Maire de Blois

Cette situation est d’autant plus condamnable sur le plan éthique que ce début de lien social est le fruit d’efforts de la part des requérants. Plusieurs acteurs impliqués sur les questions d’intégration prennent notamment en exemple la réussite scolaire des enfants de demandeurs d’asile :

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25 « Par exemple, quand on voit les enfants, souvent, ils réussissent bien à l’école, les enfants de demandeurs d’asile. Ça passe beaucoup par la réussite sportive, scolaire, etc., parce que eux, ce qu’ils veulent, c’est le statut de réfugié, et c’est une catastrophe quand ils l’ont pas. »

Responsable service développement animation régionale et intégration DRDJSCS18 Centre - Val de Loire

« Les enfants […] sont intégrés à l’école. Alors, nous avions au niveau des enseignants : « Il réussit bien. », etc. »

Adjointe au Maire de Blois

1.1.1.3 Un dispositif d’hébergement largement sous-doté au regard de la demande

Enfin, l’insuffisance des capacités d’hébergement du public des demandeurs d’asile au sein de structures dédiées est à l’origine d’une très forte saturation du dispositif d’accueil, qui empêche nombre de requérants de se voir proposer un hébergement adapté. De ce fait, l’OFII se retrouve contraint de prioriser l’orientation des différents publics de demandeurs d’asile vers un hébergement :

« En fait, par rapport à l’hébergement, on est quand même sur la gestion de la pénurie. En gros, c’est ça, c’est-à-dire qu’on établit des priorités. Idéalement, la loi, maintenant, prévoit, effectivement, une mise à l’abri obligatoire pour tous mais on n’a pas les moyens de le faire donc on gère forcément une priorité. On gère une pénurie et on établit des priorités par rapport à ça. »

Directeur territorial de l’OFII en région Centre - Val de Loire

Aggravé par l’ampleur des délais de traitement des dossiers, le phénomène d’engorgement des structures d’hébergement pour demandeurs d’asile, notamment des CADA, est également alimenté par le maintien abusif de certaines personnes en ces lieux : les individus dits « en présence indue ».

« [D]ans les centres d’hébergement pour demandeurs d’asile, qu’ils soient temporaires ou qu’ils soient pérennes, on a énormément de présence indues, c’est-à-dire de demandeurs d’asile qui sont encore là, qui ne devraient plus y être. […] Parce que le problème, c’est que le maintien des présences indues, ça bloque des places. C’est qu’on ne sait plus quoi faire des demandeurs d’asile qui arrivent, c’est-à-dire qu’on n’a plus de solution d’hébergement parce qu’effectivement, si les gens restent … Pour que le dispositif fonctionne, il faut qu’il soit fluide, il faut qu’il y ait de l’entrée et de la sortie, enfin faut qu’il y ait de l’entrée, pour qu’il y ait de l’entrée, il faut de la sortie. Si les gens restent … ben voilà, le système est bloqué, est embolisé. »

Directeur territorial de l’OFII en région Centre - Val de Loire

18 Direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Il s’agit de l’organisme

chargé, au niveau régional, du portage des politiques publiques dans le domaine social et dans celui du sport, ainsi que de celles liées à la jeunesse, l’éducation populaire et la vie associative. Source : http://drdjscs.gouv.fr/ (Page consultée le 12/06/2016)

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Ces personnes en présence indue sont susceptibles d’appartenir à deux types de populations. Il peut en effet s’agir de requérants dont la demande a été rejetée - les déboutés du droit d’asile - comme d’individus s’étant vu accorder un statut protecteur - réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire. Le maintien de ces derniers dans les structure peut être soit délibéré soit engendré par des difficultés d’accès au logement.

Cette situation de « pénurie » des places d’hébergement destinées aux demandeurs d’asile provoque un report de ce public vers les dispositifs de droit commun19 (mis en œuvre

dans le cadre du programme 17720), d’où une mise en tension généralisée du secteur de l’hébergement :

« [C]’est souvent que le BOP21 177 permet de financer la prise en charge de … C’est plus que souvent,

même, c’est … Le BOP 177 permet de financer une bonne part de l’hébergement de la demande d’asile […] » Directrice adjointe DDCSPP22 du Loir et Cher

« [L’hébergement des demandeurs d’asile] c’est vraiment le problème numéro un du secteur de l’hébergement, en France, à l’heure actuelle, et qui pèse […] sur tout le dispositif en globalité. »

Directeur régional FNARS23 Centre - Val de Loire

19 Par opposition aux dispositifs d’hébergement réservés à un public spécifique tels que les centres d’accueil de

demandeurs d’asile

20 Le programme 177, intitulé «Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », est mis en œuvre

par le ministère des Affaires sociales. Il regroupe les crédits de la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Comme tout programme, il est assorti d’un budget opérationnel de programme (BOP).

21 Budget opérationnel de programme. Il s’agit de l’outil utilisé dans le cadre de la traduction opérationnelle des

programmes. Le BOP en décline les objectifs et les indicateurs de performance, de même qu’il fixe un budget prévisionnel de mise en œuvre. Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Guide pratique de

la déclinaison des programmes, janvier 2005.

22 Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations. Les DDCSPP sont

constituées d’un pôle « protection des personnes » et d’un pôle « cohésion sociale ». Le premier est voué à garantir la sécurité sanitaire (sécurité des aliments, des produits et des services, maîtrise des maladies animales, …) et économique (régulation des marchés, loyauté des transactions, …) de la population. Le second vise à favoriser la cohésion sociale via des actions ayant notamment trait à la prise en charge des personnes vulnérables, à l’insertion des publics en grande précarité ou encore à la construction d’un «bien vivre ensemble ». Source : Services de l’État dans les Landes. « La Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations ». [en ligne]. Disponible sur : http://www.landes.gouv.fr/la-direction-departementale-de-la-cohesion-sociale-r276.html. (Page consultée le 08/06/2016)

23 Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale. La FNARS regroupe 870 associations

à vocation sociale et solidaire au sein d’un réseau généraliste de lutte contre les exclusions. À cette fin, la fédération intervient à différents niveaux et, notamment, mène des actions de sensibilisation de l’opinion publique et des décideurs, promeut la coopération et les échanges inter-associatifs, assure une mission d’évaluation des dispositifs mis en place. Source : FNARS. « Les missions de la FNARS ». [en ligne]. Disponible sur : http://www.fnars.org/nous-connaitre-fnars/fnars-missions. (Page consultée le 08/06/2016)

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Ainsi, la saturation du dispositif d’accueil systématise la prise en charge de l’hébergement des demandeurs d’asile par les acteurs du BOP 177, phénomène déjà à l’œuvre en amont et, dans certains cas, en aval de la procédure d’asile. En effet, à leur arrivée sur le territoire national, les personnes ne se sont pas encore vu reconnaître le statut de demandeur d’asile. L’hébergement d’urgence de ce public est donc nécessairement assuré dans le cadre du programme 177, à défaut de s’opérer dans celui du programme 30324, dont relève en théorie la gestion de la demande d’asile :

« Parce que le 177, normalement, c’est le droit commun, sauf que, quand ils arrivent, les gens, ce n’est pas écrit « demandeurs d’asile ». Donc, tout de suite, il y a une mise à l’abri, ça va être le 177. »

Responsable service développement animation régionale et intégration DRDJSCS Centre - Val de Loire

Il en va de même, à l’issue de la procédure, des requérants déboutés du droit d’asile, qui demeurent en France à plus ou moins long terme et sont hébergés dans les structures de droit commun, du fait de l’inconditionnalité de l’accueil25 :

« [D]ès la fin de la procédure, quand ils ont eu leur réponse, vous ne pouvez pas les avoir en présence indue, c’est-à-dire que s’ils ont été déboutés, ils doivent sortir. S’ils sortent, l’accueil inconditionnel en France fait que : ils font quoi ? Ils appellent le 11526 donc ils se retrouvent sur des places d’urgence. »

Directeur régional FNARS Centre - Val de Loire

En bref, l’insuffisance des capacités d’accueil des demandeurs contribue à augmenter encore, et de façon considérable, la part des moyens humains et financiers amputés à la mise en œuvre du programme 177 dans le cadre de l’hébergement de ce public.

S’ensuivent deux types de difficultés. D’une part, on voit émerger une situation de concurrence entre les publics, une partie des demandeurs d’asile privés d’hébergement en CADA ou en HUDA se voyant réorientés vers des dispositifs de droit commun. Cet état de compétition transparait clairement au travers des inquiétudes, fondées ou non, exprimées par certains acteurs :

24 Le programme 303, intitulé «Immigration et asile », est mis en œuvre par le ministère de l’Intérieur. Il regroupe

les crédits alloués aux politiques publiques relatives à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile.

25 Le principe de l’accueil inconditionnel est consacré par le code de l’action sociale et des familles (article

L345-2-2), qui stipule que « [t]oute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».

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28 « [U]ne des problématiques qui a été posée par plusieurs associations et collectivités locales, c’est la crainte - et puis on l’entend, parfois, au niveau du débat national - que l’État ne s’occupe plus que des demandeurs d’asile, et ne s’occupe pas de ces sans-abris … que ça se fait au détriment des autres, ce qui est pas forcément exact, hein. »

Directrice adjointe DDCSPP du Loir-et-Cher

D’autre part, les demandeurs d’asile constituent un public très atypique, dont les besoins peuvent s’avérer fortement éloignés de ce que le programme 177 s’emploie, par nature, à apporter aux personnes qui en bénéficient. En effet, s’il vise notamment à fournir des solutions d’hébergement d’urgence aux sans-abri, sa finalité réside dans l’accès au logement des personnes27. Or, par définition, la précarité de la situation d’un demandeur d’asile, le caractère

incertain de son avenir en France, empêchent toute action d’accompagnement et d’insertion à son endroit :

« Ça ne peut pas être le cas avec les demandeurs d’asile, parce que je ne sais pas, je ne peux pas monter avec eux un projet d’insertion, puisque peut-être qu’ils devront repartir chez eux. »

Directrice régionale adjointe DRDJSCS Centre - Val de Loire

Le parcours des requérants s’inscrit dans une logique d’attente, bien plus que dans une logique d’insertion (Bourgeois et al., 2004). De plus, le travail d’intégration réalisé par les acteurs du BOP 177 et par les travailleurs sociaux en général est ordinairement mené auprès de personnes fragiles et en situation de grande détresse sociale, ce qui, de manière globale, n’est pas le cas des demandeurs d’asile :

« Et, nous, ça nous perturbe parce que le BOP 177, il a sa fonction d’accompagnement des gens cassés de la société vers quelque chose de plus sérieux, de plus sûr, de plus sécurisé pour eux […] »

Directrice régionale adjointe DRDJSCS Centre - Val de Loire

« Peut-être que le problème est là. Peut-être que, justement, on demande à des travailleurs sociaux de travailler avec des gens avec lesquels ils ne peuvent rien faire, parce que, par définition, leur difficulté n’est pas une difficulté sociale mais une difficulté administrative. Donc on nous renvoie cette difficulté, ce problème, et on a, dans nos structures, avec nos projets associatifs d’accompagnement des personnes vers un mieux-être social … Mais ils n’ont pas besoin d’un mieux-être social ! Ils ont besoin de papiers ! […] Ça a l’air complètement ubuesque ! Et on nous demande d’accompagner socialement des personnes qui n’en ont pas besoin, parce que c’est un accompagnement administratif dont ils ont besoin. »

Directeur régional FNARS Centre - Val de Loire

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