• Aucun résultat trouvé

2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE D’ACCUEIL VUE DE

2.3 Mise en œuvre de l’action publique en Centre Val de Loire : un rôle de coordonnateur non

2.3.1 Une collaboration satisfaisante au niveau départemental mais perfectible à l’échelle

2.3.1.1 Un partenariat État-associations solide en Loir-et-Cher

Comme suggéré ci-avant63, les associations gestionnaires de l’hébergement des

demandeurs d’asile en Loir-et-Cher collaborent de manière relativement étroite avec certains

78

services de l’État déconcentrés, notamment avec la DDCSPP 41, responsable du financement des structures sur le département. En particulier, l’engagement auprès des pouvoirs publics locaux est jugé naturel par les acteurs associatifs, dès lors qu’il est question d’apporter une réponse à une difficulté relevant de leur domaine de compétence :

« [S]i France Terre d’Asile, du jour au lendemain, décidait d’arrêter [l’accueil de demandeurs d’asile en CADA] dans ce département ou je ne sais quoi, effectivement, notre rôle [serait] d’accompagner les pouvoirs publics sur le sujet [...] Comme dans le cadre du CAO, là, c’est un très bon exemple. L’ASLD a répondu favorablement à la demande de l’État sur l’accueil des personnes délocalisées de Calais puisque c’est l’une des missions de l’ASLD que d’accueillir les personnes en situation de détresse. »

Directrice générale de l’ASLD 41

Ainsi, l’ASLD s’est portée volontaire pour accompagner les services de l’État dans la mise en place d’un CAO à l’échelle du département, alors qu’il s’agissait d’un dispositif nouveau donc, par nature, étranger au champ d’intervention de l’association. Cela tend à confirmer l’existence d’une coopération certaine entre acteurs associatifs et étatiques au niveau départemental.

2.3.1.2 Un pilotage régional trop peu inclusif

À l’échelle régionale, la quasi-totalité des acteurs locaux sont amenés à négocier dans le cadre du dialogue de gestion conduit autour des questions de financement. Il en résulte, entre autres, que les partenaires sont placés en position de décider conjointement de la meilleure façon de répartir les crédits alloués à l’HUDA, considérablement réduits des suites du choix de prioriser le développement de l’hébergement en CADA :

« Bien entendu, la répartition de l’enveloppe se fait après moult rapprochement et moult concertation, avec nos différents partenaires [...] Ça n’est pas, évidemment, une répartition autoritaire de l’enveloppe. Il y a des propositions de critères de répartition, qui sont validés ou qui ne le sont pas, par les autres préfets et les autres secrétaires généraux … Voilà, tout ça, c’est une négociation et c’est une négociation aussi avec les opérateurs [...]. »

Chef du service de l’Immigration et de l’Intégration Préfecture du Loiret

De ce point de vue, la territorialisation des mesures gouvernementales engagées est donc également gérée de façon collaborative.

Toutefois, la coopération entre les acteurs locaux peut aussi se révéler insuffisante de l’avis de certains partenaires. De fait, tous ne sont pas associés comme ils le souhaiteraient, à l’instar de la DRDJSCS, auparavant en charge de la gestion du BOP 303 :

79 « Mais c’est vrai que, le fait qu’on gère plus le [BOP] 303, on est complètement … écarté, je ne sais pas, mais ça nous échappe, quoi. Moi, je ne savais pas qu’il y avait un schéma64 en cours. [...] Je crois que ça fait un

an, un an et demi [que la gestion du BOP 303 est assurée par la préfecture de région]. Mais c’était à notre demande, aussi. Mais on pensait qu’on allait continuer à être un peu associé. Ils ont pris les choses en main, bon, c’est très bien, ils le font bien, mais … »

Responsable service développement animation régionale et intégration DRDJSCS Centre - Val de Loire

Pourtant, force est d’admettre que les liens importants entre les dispositifs relevant des programmes 303 et 17765, portés respectivement par la préfecture de région et la DRDJSCS à l’échelle du Centre - Val de Loire, plaident en faveur d’une coopération étroite entre ces deux acteurs. Ainsi, l’application de la politique de l’asile gagnerait à être davantage concertée à certains égards.

À ce sujet, l’élaboration du schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile est assez représentative du fait que la coopération entre les partenaires, au demeurant bien réelle, pourrait être poussée plus-avant. En effet, si le comité de pilotage constitué dans ce contexte a rassemblé de nombreux acteurs administratifs (à savoir : le service de l’immigration et de l’intégration de la préfecture de la région Centre - Val de Loire, la direction territoriale de l’OFII, la délégation départementale déléguée de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale du Loiret (DDDJSCS), ainsi que les préfectures et les DDCS(PP) des cinq autres départements de la région), d’autres acteurs fortement concernés par les dispositions de ce schéma ont simplement été sollicités pour avis. Ceux-là ont donc été consultés, à défaut d’être concertés.

C’est le cas de la DRDJSCS, qui espérait pourtant pouvoir prendre part plus activement à la rédaction de ce SRADA, pour les raisons explicitées précédemment :

« Une consultation ? Très bien ... Non parce que c’est vrai que, nous, on attendait d’être associé. Je sais pas dans quelle phase vous êtes mais, sur la phase état des lieux, il me semble qu’à minima, le schéma régional, comme dans l’ensemble des autres régions de France […], il n’est pas aberrant d’associer les personnes qui gèrent le BOP 177, qui est généraliste et qui est contigu. Il y a toujours eu des liens et il y en aura toujours entre les deux. »

Directrice régionale adjointe DRDJSCS Centre - Val de Loire

64 Il est ici question du schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile, en cours d’élaboration au moment où

l’entretien a été réalisé.

80

De même, la participation des opérateurs d’hébergement des demandeurs d’asile n’a pas non plus dépassé le stade de la consultation. Cela est d’autant plus surprenant que ces partenaires sont directement concernés par l’ensemble des cinq volets appelés à figurer obligatoirement dans le SRADA66 et que trois d’entre eux67 visent, qui plus est, à caractériser les évolutions futures du parc régional d’hébergement. En outre, il convient de souligner que, dans le cas du Loir-et-Cher, la consultation effectivement menée auprès des organismes hébergeurs l’a été a posteriori. Autrement dit, le projet de schéma ne s’est pas construit en considération des avis recueillis, ce qui diminue d’autant l’implication réelle des associations à travers ce processus et contredit en partie les vertus attribuées à la démarche adoptée :

« [C]’est plus sur la partie évolution [du parc d’hébergement des demandeurs d’asile]. Pouvoir, effectivement, échanger avec [les opérateurs] sur la manière dont ils voient l’évolution de leur parc et les possibilités, effectivement, d’évolution de leur parc. Qu’est-ce qui est possible ? Est-ce qu’on peut transformer des places famille en places isolés ? [...] Qu’est-ce qu’on peut faire évoluer, pour mieux répondre à la demande ? »

Chef du service de l’Immigration et de l’Intégration Préfecture du Loiret

Quels qu’en aient été les motifs, force est de reconnaître que la problématique de la modularité, par exemple, n’a pas véritablement pu être abordée de la manière suggérée ici, c’est-à-dire comme une question ouverte à traiter avec les opérateurs, au vu de leurs marges de manœuvre. En effet, France Terre d’Asile, l’association gestionnaire des trois CADA du département « remarque une demande de modularité sur les différentes places » en commentaire de la version du SRADA datée du 17 mai 2016. Or, le schéma devant être transmis à la DGEF avant la fin du même mois, il apparait peu probable qu’une discussion plus poussée ait eu lieu sur ces sujets dans un délai aussi court. On peut supposer que ce manque d’inclusion des partenaires ait pu nuire à la pertinence du paragraphe consacré à la question de la modularité, celui-ci ne contenant aucune disposition concrète visant à permettre davantage de flexibilité à ce niveau- là.

66 L’instruction du 25 janvier 2016 relative aux schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile prévoit que

ceux-ci contiennent a minima les cinq volets suivants :

1. La description du dispositif régional prévu pour l’enregistrement, le suivi et l’accompagnement des demandeurs d’asile par les structures de premier accueil.

2. La présentation de l’état actuel du parc d’hébergement et des modalités d’orientation des demandeurs d’asile vers ce dispositif.

3. Les perspectives d’évolution des capacités d’hébergement pour atteindre les objectifs fixés au niveau national. 4. Le détail des spécificités des places d’hébergement existantes et, en particulier, l’identification de celles destinées à être gérées au niveau national, dans le cadre du dispositif national d’orientation directive.

5. Les modalités d’amélioration de la fluidité du parc d’hébergement (gestion des sorties des personnes en présence indue).

81

De la même manière, c’est à la lecture de cette première version du SRADA que l’ASLD, seul association gestionnaire d’HUDA sur le département, découvre l’intention des pouvoirs publics de transformer au moins neuf places de ce type en places CADA sur l’année 2016. En d’autres termes, l’association apprend que son parc connaitra nécessairement des mutations, sans qu’elle ait pu participer aux discussions ayant abouti à cette décision. Là encore, cette anecdote témoigne d’un certain décalage entre le mode d’élaboration du SRADA effectivement embrassé et celui envisagé a priori :

« [L’élaboration du SRADA] se fera évidemment avec l’ensemble des opérateurs qui peuvent apporter une contribution à ce schéma et qui ont leur mot à dire sur ce schéma, l’objectif n’étant évidemment pas d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. »

Chef du service de l’Immigration et de l’Intégration Préfecture du Loiret

Comme l’a fait remarquer l’ASLD, les évolutions de ce type « ne peuvent se faire du jour au lendemain », en ce qu’elles impliquent des mesures de réorganisation non négligeables. Il est donc préférable qu’elles soient abordées conjointement par les partenaires, dans un souci d’efficacité.

Ainsi, ces quelques exemples liés à l’élaboration du SRADA font état de marges de progrès en matière de collaboration entre les différents acteurs locaux. Plus précisément, on observe ici que le pilotage régional de la réorganisation locale des dispositifs d’accueil, assuré par la préfecture de région, est somme toute peu inclusif, notamment à l’égard des acteurs associatifs. Il convient de remarquer que ce choix, qui répond probablement à un objectif de contrôle du processus par la préfecture dans la perspective d’une plus grande effectivité, peut vraisemblablement s’avérer contreproductif. En effet, force est d’admettre que le fait de ne pas associer les opérateurs en charge de l’hébergement des demandeurs d’asile est susceptible de nuire à la concrétisation des évolutions décidées unilatéralement, ce qui, au final, desservirait la territorialisation du programme d’action gouvernemental.

Toutefois, il semblerait qu’avant même de s’interroger sur les moyens de renforcer la participation active des acteurs associatifs à la restructuration du système de l’asile, il puisse être intéressant de chercher à améliorer la communication au sein du réseau des partenaires. De fait, celle-ci n’est pas toujours de nature à favoriser les mutations territoriales de la gestion de l’asile.

82

2.3.2 Des manques de communication nuisibles de la part de la Direction Territoriale de l’OFII