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Reconnaissance des mots parlés dérivés suffixés - RERO DOC

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Academic year: 2021

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(1)

Faculté de psychologie et des Sciences de l'Education

R

ECONNAISSANCE DES MOTS PARLES

DERIVES SUFFIXES

INFLUENCE DES INFORMATIONS MORPHOLOGIQUES A

DIFFERENTS NIVEAUX DE TRAITEMENT

,

PRELEXICAL ET POSTLEXICAL

?

Directeur de thèse : Prof. Ulrich H. Frauenfelder

Jury de thèse

Prof. Pierre Bovet Prof. Jonathan Grainger Prof. Anik de Ribaupierre Prof. Juan Segui

Carole Greber Châtelard 18

2052 Fontainemelon avril 2002

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R

ÉSUMÉ

Les recherches que nous avons conduites ici s'intéressent à la reconnaissance des mots parlés suffixés dérivés. Plus précisément, elles poursuivent deux buts principaux : (1) préciser les dimensions influençant l'organisation des représentations morphologiques lexicales sous-tendant la reconnaissance des mots parlés et (2) déterminer le parcours temporel des procédures permettant de reconnaître on-line un mot morphologiquement complexe.

Depuis les années 70, les psycholinguistes ont cherché à répondre à ces deux questions. Ils ont proposé plusieurs explications pouvant être placées le long d'un continuum allant de l'hypothèse de décomposition prélexicale de Taft & Forster (1975) au Full Listing Hypothesis de Butterworth (1983). Actuellement, les propositions théoriques sont plus nuancées (Frauenfelder & Schreuder, 1992 ; Marslen-Wilson, Tyler, Waksler, & Older, 1994 ; Meunier, 1997 ; Schreuder & Baayen, 1995 ; Wurm, 1997). Elles ne considèrent plus les mots morphologiquement complexes, et donc les mots suffixés, comme un tout homogène. Ces mots sont par exemple considérés comme plus ou moins fréquents, plus ou moins transparents sur le plan morphologique, plus ou moins suffixés.

Les résultats que nous avons obtenus suggèrent, d'une part, que les degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine peuvent influencer les procédures impliquées durant la reconnaissance de mots complexes et rendre compte de l'effet de pseudo-suffixation. Nous avons conclu que ces dimensions sont représentées d'une manière ou d'une autre au sein du lexique mental et qu'elles interviennent durant la reconnaissance des mots parlés dérivés suffixés.

D'autre part, nos résultats suggèrent que les informations morphologiques peuvent être utilisées à différents niveaux de traitement. Premièrement, les locuteurs peuvent juger les mots de leur langue sur des dimensions morphologiques fines, telles que les degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine (connaissances métalinguistiques). Deuxièmement, le profil des résultats obtenu dans les expériences de détection de séquences est compatible avec une influence post-lexicale des informations morphologiques. Finalement, le profil des résultats observé dans les expériences de création de mots illusoires suggère qu'une influence morphologique prélexicale est possible, mais qu'elle est facilement masquée par une influence plus tardive (post-lexicale) des informations morphologiques.

L'ensemble de cette thèse nous a permis d'apporter certains précisions relatives à la reconnaissance des mots parlés suffixés dérivés, en particulier concernant les informations présentes dans le lexique mental et les niveaux de traitements durant lesquelles elles sont susceptibles d'être utilisées.

Ce travail a été réalisé grâce à une bourse doctorale octroyée par la Faculté de Psychologie de l'Université de Genève

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R

EMERCIEMENTS

Je tiens tout d'abord à exprimer ma reconnaissance au Professeur Ulrich Hans Fauenfelder, qui a accepté de diriger ma thèse et qui m'a permis de conduire mes recherches dans son laboratoire. Ses conseils et sa compréhension m'ont été du plus grand secours.

Je remercie également les Professeurs Anik de Ribaupierre, Pierre Bovet, Juan Segui et Jonathan Grainger pour avoir accepté de se plonger dans le monde de la morphologie dérivationnelle et ainsi de constituer mon jury de thèse.

Je tiens aussi à remercier Mme Régine Kolinski et Mireille Cluytens, de l'Université Libre de Bruxelles, pour toute l'aide qu'elles m'ont apportée tant dans la mise en place des expériences de création de mots illusoires par migrations de morphèmes que pour l'analyse des résultats obtenus.

Je tiens à montrer ma gratitude à tous les membres du laboratoire de psycholinguistique de l'Université de Genève qui m'ont plus qu'acceptée durant ces années de thèse, en particulier à Christine, Yasmin et Cécile pour leur aide technique, à Zabeth, Geneviève, Hervine, Ioanna, Marina, Mary, Nathalie pour leur soutien moral… Que les personnes que j'aurais malheureusement oubliées me pardonnent…

Merci également à Saskia pour ses relectures, le monde de la morphologie dérivationnelle n'a bientôt plus de secrets pour elle. Merci à Daniel pour son soutien.

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…"c'est bien mais il faudrait rajouter de l'aujourd'huité", tu sais ce que je lui ai répondu ? "Et la demainitude aussi ?… - Moi j'ai un chef de groupe qui me parle tout le temps de la gustativité !" Il ne connaît pas le mot "goût" !

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TABLE DES MATIERES

PREAMBULE_________________________________________________ 1

I. Phénomènes à expliquer: la création et la compréhension de mots nouveaux sur la base de morphèmes existants ____________________________________________________________ 1 II. Reconnaissance et production de mots complexes attestés: quelles représentations pour quels types de procédures ? ____________________________________________________________ 3 III. Influence des informations morphologiques: un domaine vaste et complexe _____________ 4 1. Restreindre le champ d'études à la reconnaissance des mots parlés morphologiquement complexes_ 4 2. L'influence des informations morphologiques: une question de niveaux _____________________ 5 3. L'organisation de la thèse_______________________________________________________ 7

CHAPITRE I _____________ : LINGUISTIQUE: NOTIONS LIEES A LA

MORPHOLOGIE______________________________________________ 9

I. Principe de base de la linguistique: trouver le système de règles le plus économique possible pour un ensemble de systèmes langagiers definis______________________________________ 9 II. Champ d'études de la morphologie: la structure interne des mots _____________________ 10 III. Définition du morphème_____________________________________________________ 10 IV. Racines et affixes – préfixes et suffixes __________________________________________ 11 1. Les racines ________________________________________________________________ 11 2. Les affixes_________________________________________________________________ 11 3. Les allomorphes ____________________________________________________________ 12 V. Différence entre mots monomorphémiques et mots complexes _______________________ 13 VI. Mots fléchis et mots dérivés___________________________________________________ 13 1. Les mots fléchis ____________________________________________________________ 13 2. Les mots dérivés ____________________________________________________________ 14 VII. Mots pseudo-affixés ________________________________________________________ 14 VIII. Règles de formation des mots________________________________________________ 17 IX. Transparence sémantique ____________________________________________________ 18 1. Les mots complexes transparents sur le plan sémantique _______________________________ 19 2. Les mots complexes opaques sur le plan sémantique __________________________________ 19 X. Transparence formelle________________________________________________________ 19 1. Les mots complexes transparents sur le plan formel __________________________________ 20 2. Les mots opaques sur le plan formel______________________________________________ 20

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XI. Différence entre langues _____________________________________________________ 20 XII. Une analyse linguistique suffit-elle pour décrire les comportements linguistiques humains?

____________________________________________________________________________ 21

CHAPITRE II____ : PSYCHOLINGUISTIQUE: MODELES ET EFFETS

EXPLIQUES _________________________________________________ 25

I. Taft était au commencement ___________________________________________________ 26 1. Le modèle de 1975 __________________________________________________________ 26 2. Prédictions ________________________________________________________________ 28 2.1. Effet de la structure des non-mots____________________________________________ 28 2.2. Effet de la fréquence de la racine _____________________________________________ 29 2.3. Effet de la pseudo-préfixation _______________________________________________ 29 2.4. Effet de l'amorçage morphologique ___________________________________________ 30 3. Effets liés à la structure interne des mots et des non-mots: données psycholinguistiques ________ 30 3.1. Effet de la structure morphologique des non-mots ________________________________ 30

3.1.1. Faits expérimentaux du domaine visuel 30

3.1.2. Faits expérimentaux du domaine auditif 31

3.1.3. Qu'en disent Taft & Forster? 32

3.2. Effet de la fréquence de la racine _____________________________________________ 32 3.2.1. Description de l'effet de la fréquence de surface 33 3.2.2. Description de l'effet de la fréquence cumulée des racines 34

3.2.3. Faits expérimentaux du domaine visuel 34

3.2.4. Faits expérimentaux du domaine auditif 34

3.2.5. Qu'en disent Taft & Forster? 34

3.3. Effet de pseudo-affixation__________________________________________________ 35

3.3.1. Faits expérimentaux du domaine visuel 35

a. L'effet de pseudo-préfixation _____________________________________________ 35 b. L'effet de pseudo-préfixation: un effet stratégique? _____________________________ 35 c. L'effet de pseudo-préfixation: un effet du nombre de morphèmes et/ou de la fréquence de la racine? _______________________________________________________________ 36 d. L'effet de préfixation: comparaison monomorphémiques non analysables – pseudo-préfixés? ______________________________________________________________ 37 e. Y a-t-il toujours un effet de pseudo-préfixation? _______________________________ 38 f. L'effet de pseudo-suffixation______________________________________________ 38

3.3.2. Faits expérimentaux du domaine auditif 38

(7)

3.4. Effet de l'amorçage morphologique ___________________________________________ 40

3.4.1. Principe de la technique 40

3.4.2. Hypothèses sous-jacente 40

3.4.3. Faits expérimentaux du domaine visuel 41

a. Effet stratégique ______________________________________________________ 41 b. Effet de la mémoire épisodique ___________________________________________ 42 c. Effet d'amorçage morphologique n'est pas un cas particulier d'amorçage sémantique ou formel________________________________________________________________ 43

3.4.4. Faits expérimentaux du domaine auditif 43

3.4.5. Qu'en disent Taft & Forster? 45

II. Modèle de Augmented Adressed Model de Caramazza, Laudanna, Romani (1988) ________ 45 1. Explication des effets ________________________________________________________ 47 1.1. Effet de la structure morphologique des non-mots ________________________________ 47 1.2. Effet de fréquence de la racine_______________________________________________ 48 1.3. Effet de l'amorçage morphologique ___________________________________________ 48 1.4. Effet de pseudo-préfixation_________________________________________________ 49 III. Les effets de la transparence sémantique et du degré d'affixation: Deux effets ne pouvant être expliqués ni par le modèle de Taft, ni par le modèle AAM ______________________________ 49 1. Effet de la transparence sémantique ______________________________________________ 50 1.1. Définition______________________________________________________________ 50 1.2. Faits expérimentaux du domaine visuel ________________________________________ 50 1.3. Faits expérimentaux du domaine auditif ________________________________________ 51 2. Effet du degré de préfixation ___________________________________________________ 52 2.1. Définition______________________________________________________________ 52

2.1.1. Les statistiques de la langue 52

2.1.2. Les jugement des sujets 52

2.2. Hypothèses et résultats ____________________________________________________ 53 2.2.1. Sur la base des données statistiques de la langue 53

2.2.2. Sur la base des jugements des sujets 54

3. Discussion ________________________________________________________________ 55 IV. Modèles de la reconnaissance des mots complexes rendant compte des effets de la

transparence sémantique et du degré d'affixation_____________________________________ 55 1. Modèles pour le domaine visuel _________________________________________________ 55 1.1. Modèle d'activation interactive de Taft (1994)____________________________________ 55

1.1.1. Explication des effets 58

a. L'effet de la structure morphémique des non-mots______________________________ 58 b. L'effet de la fréquence de la racine _________________________________________ 59 c. L'effet de l'amorçage morphologique________________________________________ 59 d. L'effet de pseudo-préfixation _____________________________________________ 59 e. L'effet de la transparence sémantique _______________________________________ 60 f. L'effet du degré de préfixation_____________________________________________ 60 1.2. Morphological Race Model Frauenfelder & Schreuder (1992) ________________________ 61

1.2.1. La voie directe 61

1.2.2. La voie analytique 61

1.2.3. Comprendre un néologisme 62

1.2.4. Explication des effets 62

a. L'effet de la structure morphologique des non-mots_____________________________ 62 b. L'effet de fréquence de la racine ___________________________________________ 63 c. L'effet de pseudo-préfixation _____________________________________________ 63 d. L'effet de l'amorçage morphologique _______________________________________ 63 e. L'effet de la transparence sémantique _______________________________________ 63 f. L'effet du degré de préfixation_____________________________________________ 64

(8)

1.3. Modèle de Schreuder & Baayen 1995__________________________________________ 64

1.3.1. Les 3 niveaux de représentations 65

a. Les représentations d'accès _______________________________________________ 65 b. Les concept nodes _____________________________________________________ 65 c. Les représentations sémantiques et syntaxiques ________________________________ 66

1.3.2. Les 4 étapes de traitement 66

a. L'étape de segmentation _________________________________________________ 66 b. L'étape du licensing ____________________________________________________ 67 c. L'étape de combinaison _________________________________________________ 67 d. La rétro-alimentation ___________________________________________________ 67

1.3.3. Explication des effets 68

a. L'effet de la structure morphologique des non-mots_____________________________ 68 b. L'effet de fréquence de la racine ___________________________________________ 68 c. L'effet de l'amorçage morphologique________________________________________ 68 d. L'effet de pseudo-préfixation _____________________________________________ 68 e. L'effet de la transparence sémantique _______________________________________ 69 f. L'effet du degré de préfixation_____________________________________________ 69 1.4. Conclusion_____________________________________________________________ 69 3. Modèles pour le domaine auditif ________________________________________________ 72 3.1. Les caractéristiques de la parole ______________________________________________ 72

3.1.1. La variabilité du signal sonore 72

3.1.2. Le caractère continu de la parole 72

3.1.3. Le caractère ambigu de la parole 73

3.1.4. La séquentialité de la parole 73

3.2. Les modèles de la reconnaissance des mots parlés_________________________________ 73 3.2.1. La reconnaissance des mots parlés: un point de vue général 73 3.2.2. Les principaux modèles de la reconnaissance des mots parlés 75

a. Le modèle COHORT I _________________________________________________ 75 b. Le modèle COHORT II ________________________________________________ 76

3.2.3. Conclusion 78

3.3. Les modèles de la reconnaissances des mots parlés complexes________________________ 78

3.3.1. Le modèle de Meunier (1997) 79

a. Comparaison du modèle de Meunier avec les modèles de reconnaissance des mots écrits morphologiquement complexes _____________________________________________ 81 3.3.2. La proposition théorique de Wurm: l'importance du CRUP 81

a. Comparaison du modèle de Wurm avec les modèles de reconnaissance des mots écrits morphologiquement complexes _____________________________________________ 82 3.3.3. La proposition de Marslen-Wilson et collaborateurs (1994): liens inhibiteurs entre les

membres transparents sur le plan sémantique d'une famille morphologique. 83 a. Comparaison de la proposition de Marslen-Wilson et al. (1994) avec les modèles de

reconnaissance des mots écrits morphologiquement complexes ______________________ 85

3.3.4. En résumé 85

3.3.5. Comparaison entre les propositions pour la modalité auditive et les modèles de reconnaissance des mots écrits morphologiquement complexes: quel rôle attribuer aux

informations morphologiques? 86

3.3.6. Modification de deux modèles de la reconnaissance des mots parlés afin de préciser les niveaux possibles d'influence des informations morphologiques 88

a. Explication en termes de feedback _________________________________________ 88 b. Explication selon les principes proposés par le modèle "MERGE"__________________ 90

(9)

3.4. Données expérimentales issues directement de la réflexion en modalité auditive___________ 93

3.4.1. Les méthodes expérimentales 93

a. La tâche de dévoilement progressif (gating) ___________________________________ 93 b. La tâche de détection de phonèmes ________________________________________ 93

3.4.2. Les résultats 94

a. Pas d'effet de la structure interne des mots complexes ___________________________ 94 b. Effet de la structure interne des mots complexes_______________________________ 95 c. En résumé___________________________________________________________ 97 4. Les effets morphologiques peuvent-ils être expliqués sans faire appel à la notion de morphème? __ 98 4.1. L'hypothèse du listage exhaustif (Full listing hypothesis) ______________________________ 99 4.2. Les modèles connexionnistes________________________________________________ 99 4.3. Les données en défaveur d'une réduction de l'influence morphologique à une influence

orthographique. ___________________________________________________________ 100 II. Nos objectifs ______________________________________________________________ 102

PARTIE EXPERIMENTALE __________________________________ 105

PREAMBULE_______________________________________________ 106

CHAPITRE III ___: QUESTIONNAIRES EVALUANT LES DEGRES DE

TRANSPARENCE SEMANTIQUE ET DE SAILLANCE DE LA RACINE

D'UN ENSEMBLE DE MOTS CHOISIS ________________________ 108

I. Introduction _______________________________________________________________ 108 1. Degré de saillance de la racine _________________________________________________ 109 1.1. Définition_____________________________________________________________ 109 1.2. Hypothèses liées au degre de saillance de la racine _______________________________ 111

1.2.1. D'un point de vue général 111

1.2.2. Petit rappel théorique 112

2. Degré de transparence sémantique ______________________________________________ 112 2.1. Définition_____________________________________________________________ 112 2.2. Hypothèse théorique liée au degré de transparence sémantique ______________________ 113

2.2.1. D'un point de vue général 113

2.3. Relation transparence sémantique et transparence formelle _________________________ 114 II. Hypothèses opérationalisées _________________________________________________ 115

1. Une distinction hiérarchique entre les mots suffixés, pseudo-suffixés et non-anaylables sur le plan morphologique. _____________________________________________________________ 115 2. Différence entre modalités – visuelle et auditive ____________________________________ 118 III. Matériel _________________________________________________________________ 118 1. Echelles _________________________________________________________________ 118 2. Stimuli __________________________________________________________________ 118 3. Ordre des stimuli___________________________________________________________ 119 IV. Procédure ________________________________________________________________ 119 1. Modalité auditive___________________________________________________________ 119 2. Modalité visuelle ___________________________________________________________ 120

(10)

V. Consignes ________________________________________________________________ 121 1. Pour les questionnaires auditifs ________________________________________________ 121 2. Pour les questionnaires écrits __________________________________________________ 122 VI. Participants ______________________________________________________________ 122 VII. Résultats ________________________________________________________________ 123

1. Degré de saillance de la racine: Différence entre mots non-analysables morphologiquement –

pseudo-suffixés – suffixés ______________________________________________________ 123 1.1. Avec le questionnaire auditif _______________________________________________ 123 1.2. Avec le questionnaire écrit_________________________________________________ 123 1.3. Différence entre le questionnaire auditif et le questionnaire écrit _____________________ 124 1.4. Discussion ____________________________________________________________ 124 2. Degré de transparence sémantique: Différence entre mots non analysables– pseudo-suffixés – suffixés____________________________________________________________________ 125

2.1. Avec le questionnaire auditif _______________________________________________ 125 2.2. Avec le questionnaire écrit_________________________________________________ 126 2.3. Différence entre le questionnaire auditif et le questionnaire visuel ____________________ 126 2.4. Discussion ____________________________________________________________ 126 3. Corrélation entre les degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine___________ 127 3.1. Pour les questionnaires auditifs _____________________________________________ 127 3.2. Pour les questionnaires écrits_______________________________________________ 127 VIII. Discussion Générale ______________________________________________________ 127

CHAPITRE IV: EXPERIENCE I __ , DECISION LEXICALE: EFFET DE

PSEUDO-SUFFIXATION _____________________________________ 129

I. Introduction _______________________________________________________________ 129 1. L'effet de pseudo-préfixation/suffixation en quelques mots____________________________ 131 II. Hypothèses _______________________________________________________________ 133 III. Méthode_________________________________________________________________ 133 1. Tâche ___________________________________________________________________ 133 2. Matériel _________________________________________________________________ 134 3. Procédure________________________________________________________________ 134 3.1. Déroulement d’un essai___________________________________________________ 134 3.2. Ordre des stimuli _______________________________________________________ 135 3.3. Enregistrement des stimuli ________________________________________________ 136 4. Consignes ________________________________________________________________ 136 5. Participants_______________________________________________________________ 137 IV. Résultats_________________________________________________________________ 137 1. Mesure des temps de détection_________________________________________________ 137 2. Deux façons de calculer l'effet de pseudo-suffixation_________________________________ 137 3. Effet de pseudo-suffixation ___________________________________________________ 138

(11)

V. DIscussion intermédiaire ____________________________________________________ 139 1. Effet de fréquence de surface__________________________________________________ 139 2. Effet de longueur __________________________________________________________ 140 3. Effet des degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine ___________________ 140 3.1. Effet du degré de saillance de la racine________________________________________ 141 3.2. Effet de la transparence sémantique__________________________________________ 141 VI. Discussion _______________________________________________________________ 141

CHAPITRE V: EXPERIENCES II, III, IV _________ , DETECTION DE

FRAGMENTS - SYLLABES OU RACINES - EN DEBUT DE MOTS

PSEUDO-SUFFIXES ET SUFFIXES ____________________________ 143

I. Introduction _______________________________________________________________ 143 1. Faire varier la fenêtre d'analyse_________________________________________________ 144 2. Interprétation des résultats____________________________________________________ 145 II. Les effets observés grâce au paradigme de détection de séquences ___________________ 145 1. Unité de segmentation: syllabes ou phonèmes? _____________________________________ 146 2. La clarté des frontières syllabiques ______________________________________________ 147 3. Le degré de réduction des voyelles ______________________________________________ 147 4. Mise en évidence d'un effet pré-lexical ou post-lexical? _______________________________ 149 5. Un effet de la structure morphologique des mots?___________________________________ 150 6. En résumé _______________________________________________________________ 151 III. Méthode_________________________________________________________________ 152 1. Tâche ___________________________________________________________________ 152 2. Stimuli __________________________________________________________________ 152 3. Hypothèses_______________________________________________________________ 154

3.1. Hypothèse 1 (figure 10): Pas d'influence des informations morphologiques ou hypothèse

phonologique-syllabique _____________________________________________________ 155 3.2. Hypothèse 2 (figure 11): Influence "pré-lexicale" des informations morphologiques _______ 155 3.3. Hypothèse 3 (figure 12): Influence "post-lexicale" des informations morphologiques ______ 156 3.4. Distinguer une influence morphologique pré-lexicale d'une influence post-lexicale: manipulation de la vitesse de réponse des sujets ______________________________________________ 157

3.4.1. Les caractéristiques des items de remplissage: foils et distracteurs 159 4. Procédure________________________________________________________________ 160 5. Consignes ________________________________________________________________ 161 IV. Résultats_________________________________________________________________ 161 1. Résultats Effet de la structure morphologique des mots_______________________________ 161 2. Expérience II: expérience de détection de séquence avec 0% foil. _______________________ 162 2.1. Sujets ________________________________________________________________ 162

2.1.1. Temps de réaction 185

a. Nombre d'erreurs_____________________________________________________ 164 3. Expérience III: expérience de détection de séquence avec 1/3 de foils.____________________ 164 3.1. Sujets ________________________________________________________________ 164 3.2. Résultats______________________________________________________________ 164

3.2.1. Temps de réaction 164

(12)

4. Expérience IV: expérience de détection de séquence avec uniquement des foils _____________ 166 4.1. Sujets ________________________________________________________________ 166 4.2. Résultats______________________________________________________________ 166

4.2.1. Temps de réaction 166

4.2.2. Nombre d'erreurs 168

5. Différence entre sujets rapides et sujets lents_______________________________________ 169 5.1. Hypothèses opérationnelles________________________________________________ 170 5.2. Résultats______________________________________________________________ 172 V. Discussion ________________________________________________________________ 174 1. Un effet post-lexical de la morphologie __________________________________________ 174 2. Un seul un effet de la morphologie: post-lexical?____________________________________ 176 2.1. Explication selon TRACE_________________________________________________ 176 2.2. Explication selon MERGE ________________________________________________ 177 3. Une différence dans les propriétés physiques des mots peut-elle rendre compte du profil de résultats observé?___________________________________________________________________ 179

3.1. Quelles caractéristiques acoustico-phonétiques? _________________________________ 179 3.2. Méthode______________________________________________________________ 180

3.2.1. Digitalisation 180

3.2.2. Définition indices acoustico-phonétiques 180

3.3. Résultats______________________________________________________________ 181 3.3.1. Durée de la racine et de la pseudo-racine 181

3.3.2. Durée de la voyelle 182

3.4. Conclusion____________________________________________________________ 183

CHAPITRE VI: EXPERIENCE V & VI________ , CREATION DE MOTS

ILLUSOIRES PAR MIGRATIONS DE MORPHEMES EN SITUATION

D'ECOUTE DICHOTIQUE ___________________________________ 184

I. Préambule____________________________________________________________ 184 II. Paradigme de création de conjonctions ou de mots illusoires ___________________ 185 1. Hypothèse principale___________________________________________________ 185 2. En modalité visuelle: recherche d'objets _____________________________________ 186 2.1. tâche ___________________________________________________________ 186 2.2. Interprétation de l'effet ______________________________________________ 187 2.3. Données expérimentales _____________________________________________ 188 2.4. En résumé _______________________________________________________ 188 3. En modalité visuelle: reconnaissance des mots écrits ____________________________ 188 3.1. Migrations de traits perceptifs au sein d’un même mot _______________________ 188

3.1.1. Tâche 188

3.1.2. Interprétation de l'effet 189

3.1.3. Questions étudiées 189

3.1.4. Données expérimentales 190

3.1.5. En résumé 191

3.2. Migrations de lettres entre deux mots____________________________________ 192

3.2.1. Tâche 192

3.2.2. Questions étudiées 192

3.2.3. Données expérimentales 193

(13)

4. En modalité auditive: reconnaissance des mots parlés ___________________________ 195 4.1. Tâche___________________________________________________________ 195 4.2. Stimuli __________________________________________________________ 196 4.3. Migration de segments – trait distinctifs, phonèmes, syllabes___________________ 196 4.4. Un effet lexical? ___________________________________________________ 197 4.5. Des migrations de morphèmes?________________________________________ 198 III. Expérience V: création de mots illusoires par migration de morphèmes avec présentation préalable du mot-cible ____________________________________________________ 201

1. Méthode____________________________________________________________ 201 1.1. Tâche___________________________________________________________ 201 1.2. Matériel _________________________________________________________ 201

1.2.1. Utilité des deux types de paires contrôle230

1.3. Digitalisation et synchronisation des stimuli _______________________________ 230 1.4. Procédure________________________________________________________ 232 1.5. Consignes________________________________________________________ 234 1.6. Prédictions _______________________________________________________ 234 1.6.1. Postulat de base ________________________________________________ 234 1.6.2. Un avantage pour les paires contrôle négatives__________________________ 235 1.6.3. Hypothèse de l'influence précoce des informations morphologiques avant l'identification lexicale ___________________________________________________________ 235 1.6.4. Influence tardive des information morphologiques contenues dans le signal, après identification lexicale_________________________________________________ 236 1.6.5. Pas d'influence des information morphologique_________________________ 236 1.7. Sujets ___________________________________________________________ 236 1.8. Résultats_________________________________________________________ 237 1.8.1. Critères d'analyse: le d' ___________________________________________ 237 a. Remarques_____________________________________________________ 238 1.8.2. Différence du pourcentage de migrations dans les conditions expérimentale et condition contrôle négative____________________________________________________ 238 1.8.3. Effet de la structure morphologique des mots sur le profil des migrations ______ 239 1.9. discussion________________________________________________________ 239 IV. Expérience VI: expérience de migration de segment, raines et/ou suffixes, sans présentation préalable de cible ________________________________________________________ 240 1. Introduction _________________________________________________________ 240 2. Hypothèses__________________________________________________________ 241 3. Méthode____________________________________________________________ 241 3.1. Tâche___________________________________________________________ 241 3.2. Stimuli __________________________________________________________ 241 3.3. Procédure________________________________________________________ 242 3.4. Consignes________________________________________________________ 242 3.5. Sujets ___________________________________________________________ 243 3.6. Résultats_________________________________________________________ 243

3.6.1. Différence du pourcentage de migrations dans les conditions expérimentale et

condition contrôle négative______________________________________________ 243 3.6.2. Effet de la structure morphologique des mots sur le profil des migrations 244 3.7. Discussion générale_________________________________________________ 244

(14)

CHAPITRE VII: DISCUSSION ET CONCLUSION _______________ 221

I. Discussion ________________________________________________________________ 221 1. Résumé des données théoriques et empiriques _____________________________________ 221

1.1. Les dimensions influençant l'organisation des représentations codant les mots

morphologiquement complexes ________________________________________________ 222 1.2. Le décours temporel des procédures de traitement associées à la reconnaissance des mots morphologiquement complexes ________________________________________________ 225 2. Des modèles explicatifs ______________________________________________________ 228 2.1. Une ou plusieurs explications plausibles? ______________________________________ 229 2.2. Explication en termes de feedback___________________________________________ 229 2.3. Explication selon les principes proposés par le modèle "MERGE" ___________________ 232 2.4. Relation entre les deux types d'explications et les modèles de reconnaissance des mots

morphologiquement complexes ________________________________________________ 235 II. Conclusion _______________________________________________________________ 236

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P

ARTIE THÉORIQUE

P

RÉAMBULE

I. PHENOMENES A EXPLIQUER : LA CREATION ET LA COMPREHENSION DE MOTS NOUVEAUX SUR LA BASE DE MORPHEMES EXISTANTS

Pour comprendre l'intérêt que portent les psycholinguistes au domaine de la morphologie, il est utile de se souvenir que les locuteurs natifs d'une langue parviennent sans trop de difficultés à créer et à comprendre des mots nouveaux formés par concaténation de morphèmes, qu'ils soient crées de façon délibérée (par exemple multinationalisation) ou non (par exemple reproduisible). Dans le premier cas, ces inventions peuvent avoir un esprit ludique, suppléer un mot temporairement inaccessible ou exprimer plus précisément l'intention communicative du locuteur. Dans le deuxième cas, ce sont des lapsus, témoin d'un dysfonctionnement temporaire du système langagier.

Que ces productions soient créées de façon volontaire ou involontaire, leurs caractéristiques ne sont pas dues au hasard, puisqu'elles sont généralement comprises par les interlocuteurs. De ce fait, certains principes doivent guider leur formation et doivent être communs aux natifs d'une langue. Les psycholinguistes cherchent à en déterminer la nature. Ils se posent ainsi des questions telles que "quels sont les principes qu'un locuteur doit respecter lorsqu'il crée un

mot nouveau afin que ses interlocuteurs puissent le comprendre ?" "Quels sont les principes nécessaires pour qu'un interlocuteur puisse comprendre ce type de mots, alors qu'il ne les a encore jamais rencontrés ?"

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Les linguistes répondraient que pour être compréhensibles, ces inventions doivent respecter les règles de formation de mots auxquelles sont soumises les unités de sens de la langue (ou morphèmes). Ils postulent en effet que deux morphèmes – une racine et un affixe - ne peuvent se combiner et former un mot avec un sens particulier que si certaines conditions sont remplies. En particulier, un affixe porte un sens spécifique que s'il s'adjoint à un type de racines défini. Le suffixe -erie apporte le sens "qualité, fait d'être Adj." lorsqu'il s'adjoint à une racine adjectivale, tel que fourbe pour former fourberie. Par contre, lorsqu'il se combine avec une racine nominale, la signification qu'il apporte est "lieu où l'on (fabrique + vend) N", "lieu où l'on exerce N" (poissonnerie). Ainsi, outre les contraintes sémantiques, la combinaison de morphèmes doit respecter des contraintes formelles définissant quels affixes peuvent s'associer à quels types de racines (Adj., N., …).

Si d'un point de vue linguistique, la notion de règles de formation de mots permet de comprendre comment le sens des mots complexes réguliers peut être déduit, la réponse se complexifie toutefois lorsque l'on entreprend de modéliser ce qui se passe dans la tête des locuteurs. En effet, si en apparence les comportements observables semblent régis par des règles, cela ne suppose en aucun cas que ce soit effectivement le cas. Ainsi, la création de mots nouveaux par concaténation de morphèmes n'implique pas obligatoirement que les unités utilisées – les morphèmes - soient stockées telles quelles dans la mémoire des sujets, ni que les procédures sous-tendant leur création soient "écrites" sous forme de règles. Comme nous le verrons plus tard, d'autres explications – en termes de qualités émergentes du système par exemple– pourraient rendre compte de ces comportements. Par ailleurs, même si l'hypothèse selon laquelle le lexique mental renferme les représentations des morphèmes connus du locuteur est correcte, il est possible que ce dernier ne les utilise que dans certaines

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situations bien précises : lorsque les morphèmes composent des mots peu fréquents, transparents sur le plan sémantique…

II. RECONNAISSANCE ET PRODUCTION DE MOTS COMPLEXES ATTESTES : QUELLES REPRESENTATIONS POUR QUELS TYPES DE PROCEDURES ?

Si l'étude de la production ou de la compréhension de mots nouveaux morphologiquement complexes (par exemple multinationalisation, reproduisible) est intéressante en soi, elle gagne en intérêt lorsqu'il s'agit d'analyser les procédures et les représentations impliquées dans la production ou la compréhension de mots morphologiquement complexes connus des locuteurs (par exemple défaire, reprendre). En effet, en étudiant l'influence des informations morphologiques durant la reconnaissance ou la production des mots complexes, les psycholinguistes peuvent décrire plus précisément les caractéristiques de certaines étapes de traitement nécessaires à la reconnaissance et/ou à la production des mots parlés ou écrits.

Dans ce cadre, ils se demandent :

"Que se passe-t-il lorsqu'un locuteur produit ou entend un mot complexe connu de la langue (douceur, défaire…) ?"

"Utilise-t-il les mêmes procédures de production et/ou de compréhension que celles employées lorsque le mot est un néologisme ?" (analyse en termes morphologiques) "Quelles en sont les caractéristiques ?" (hypothèse s'intéressant à la nature des

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"Sous quelle(s) forme(s) les mots complexes attestés de la langue sont-ils représentés dans le lexique mental1 ? De la même manière que les mots monomorphémiques (i.e.

mots entiers, campement) ou sous une forme décomposée (i.e. suite de morphèmes, camp- + -ment et la règle de formation qui les relie) ?" (hypothèse s'intéressant à la

structure interne du lexique mental).

Notons toutefois que si la question de la nature des procédures sous-jacentes au traitement des mots, parlés ou écrits, peut idéalement être dissociée de celle étudiant la structure interne du lexique mental, ces deux questions sont, dans la réalité, intimement liées. Les caractéristiques des procédures de traitement dépendent en effet de l'organisation du lexique mental et inversement (Klatt, 1980 ; Lahiri & Marslen-Wilson, 1991 ; Pisoni & Luce, 1987). Ceci est d'ailleurs d’autant plus manifeste lorsque l’on s’intéresse à la dimension morphologique du lexique mental. En effet, si le lexique ne renferme que les morphèmes de la langue, alors une procédure d’analyse morphologique doit obligatoirement être postulée. Inversement, l’absence d’un tel mode organisationnel diminue la nécessité d’une procédure d'analyse morphologique.

III. INFLUENCE DES INFORMATIONS MORPHOLOGIQUES : UN DOMAINE VASTE ET COMPLEXE

Nous l'avons vu grâce à ce qui précède, les locuteurs font preuve de compétences morphologiques : ils créent des mots par concaténation de morphèmes et ils les comprennent lorsqu'un autre locuteur les a créés. Ils pourraient par ailleurs utiliser ces informations et ces procédures lorsqu'ils entendent et/ou produisent des mots complexes attestés du lexique. L'influence des informations morphologiques peut donc potentiellement apparaître dans de multiples situations. Lorsque le locuteur

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• produit un mot nouveau sur la base de morphèmes existants ;

• comprend un mot nouveau formé de morphèmes connus ;

• produit un mot complexe connu ;

• comprend un mot complexe attesté du lexique,

• perçoit des liens entre des mots d'une même famille morphologique (intuitions d'apparentement morphologique), ainsi que leur structure interne (autres connaissances métalinguistiques).

et ce, à l'écrit et/ou à l'oral.

1. RESTREINDRE LE CHAMP D'ETUDES A LA RECONNAISSANCE DES MOTS PARLES MORPHOLOGIQUEMENT COMPLEXES

Les caractéristiques des représentations et des procédures sous-tendant le traitement des mots complexes dépendent à la fois de la modalité dans laquelle les mots sont traités et de l'action du locuteur (compréhension ou production). Vouloir à la fois étudier la compréhension et la production des mots complexes – oraux et/ou écrits – est donc une utopie. Notre objectif se restreindra en conséquence à la caractérisation des représentations et des procédures de traitement sous-tendant la reconnaissance des mots parlés morphologiquement complexes qui sont attestés dans le lexique.

2. L'INFLUENCE DES INFORMATIONS MORPHOLOGIQUES : UNE QUESTION DE NIVEAUX

Lorsque les psycholinguistes modélisent les processus et les représentations sous-tendant la compréhension des mots du lexique, ils définissent au moins deux phases : celle de l'identification lexicale et celle de l'accès lexical. La phase d'identification regroupe les opérations permettant la localisation de la représentation lexicale correspondant à la forme sensorielle perçue. Pendant la phase d'accès lexical, les informations sémantiques et syntaxiques associées au mot identifié deviennent disponibles. L'influence des

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informations morphologiques pourrait s'observer, du moins théoriquement, à ces différentes phases de la reconnaissance des mots complexes :

• Avant que ne soit identifiée l'entrée lexicale (voir ci-après le modèle de décomposition prélexicale de Taft & Forster, 1975) ;

• Après que l'entrée lexicale correspondante a été identifiée (voir par exemple le modèle AAM de Caramazza, Laudanna & Romani, 1988) ;

• Pendant la phase d'accès lexical (voir Schreuder & Baayen, 1995).

Il est par ailleurs souvent suggéré que la phase durant laquelle les informations morphologiques interviennent dépend des caractéristiques structurelles (morphologie flexionnelle ou dérivationnelle, processus de préfixation, infixation ou suffixation propre à chaque langue)2 et distributionnelles3 des mots complexes traités (voir par exemple

Frauenfelder & Schreuder, 1992 ; Schreuder & Baayen, 1995). Il nous a donc paru illusoire et risqué d'étudier les différents types de mots complexes comme s'ils étaient uniformes. Nos expériences s'intéresseront par conséquent au domaine de la reconnaissance auditive des mots

dérivés suffixés.

Deux principales raisons ont guidé notre choix. L'étude de ce type de mots n'a pas encore conduit à un consensus relatif à la part jouée par les informations morphologiques et elle permet potentiellement de mettre en évidence différents niveaux d'influence morphologique. Nous le verrons plus précisément dans le chapitre II, certains psycholinguistes, dont les plus connus sont Taft & Forster (1975), suggèrent que les informations morphologiques

2 Pour une définition plus précise des caractéristiques structurelles, voir le chapitre I consacré à la linguistique. 3 Les caractéristiques distributionnelles sont liées à l'usage des mots eux-mêmes, telles que la fréquence de surface, la fréquence des morphèmes… Pour une description plus précise de ces caractéristiques, voir le chapitre II dévolu à la

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interviennent à un niveau prélexical, tandis que d'autres auteurs (voir par exemple Schreuder & Baayen, 1995) proposent une influence post-lexicale des informations morphologiques.

Plus précisément, nous n'avons pas choisi les mots fléchis (verbes conjugués, noms et adjectifs au pluriel…) car les résultats de la plupart des études qui s'y intéressent suggèrent que les processus morphologiques interviennent de façon importante. Ceci n'a rien de surprenant si l'on se rappelle que les processus flexionnels ne souffrent que peu d'exceptions. Le but principal des modèles est alors de décrire le plus précisément possible les mécanismes sous-jacents. La question est par contre plus controversée lorsque les mots étudiés sont dérivés, préfixés ou suffixés. Certains auteurs (par exemple, Caramazza, Laudanna & Romani, 1988 ; Frauenfelder & Schreuder, 1992 ; Schreuder & Baayen, 1995 ; Taft & Forster, 1975) proposent que les mots morphologiquement complexes soient, tôt ou tard, traités sous un format morphologique, tandis que d'autres (par exemple Butterworth, 1983) suggèrent le contraire.

Parmi les mots dérivés (défaire, campeur par exemple), ce sont les mots dérivés préfixés qui ont été les plus souvent étudiés, en raison de l'élan créé par le précurseur de l'étude psycholinguistique des mots morphologiquement complexes, Marcus Taft. Afin de montrer la correction de son modèle proposant l'influence prélexicale des informations morphologiques, cet auteur a en effet proposé plusieurs paradigmes expérimentaux impliquant des mots préfixés (voir description des données psycholinguistiques dans le chapitre II). Les réponses d'autres auteurs ne se sont d'ailleurs pas fait attendre (voir par exemple Caramazza, Laudanna, & Romani, 1988 ; Stanners, Neiser, Hernon, & Hall, 1979 ; Stanners, Neiser, & Painton, 1979). L'étude des mots dérivés suffixés n'est par contre pas le centre d'intérêt de la plupart des chercheurs.

Outre cette dernière particularité, nous avons choisi d'analyser la reconnaissance des mots parlés dérivés suffixés car leur étude permettra de mieux approcher le but que nous

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poursuivons. D'une part, nous souhaitons étudier l'influence de certaines caractéristiques des représentations impliquées durant la reconnaissance des mots parlés morphologiquement complexes (i.e. les degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine). D'autre part, nous cherchons à préciser les processus sous-tendant la reconnaissance des mots parlés morphologiquement complexes. En particulier, nous nous emploierons à mettre en évidence les différentes étapes de traitement durant lesquelles les informations morphologiques peuvent intervenir.

3. L'ORGANISATION DE LA THESE

Cette thèse est organisée en deux grandes partie, une théorique et une expérimentale. Dans la partie théorique, après une brève description des notions linguistiques nécessaires à la bonne compréhension de notre problématique (chapitre I), nous présenterons les recherches psycholinguistiques s'intéressant au domaine de la reconnaissance des mots complexes dérivés – écrits et parlés - ainsi que les modèles qui en découlent (chapitre II). Dans la partie expérimentale, nous présenterons plusieurs recherches que nous avons réalisées dans le domaine de la reconnaissance auditive des mots morphologiquement complexes. Dans un premier temps, nous étudierons deux variables susceptibles d'influencer la reconnaissance des mots morphologiquement complexes, à savoir les degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine. Nous pourrons ainsi déterminer si ces dimensions appartiennent aux informations morphologiques contenues dans le lexique (nature des représentations lexicales). Dans un deuxième temps, nous mettrons en évidence des mécanismes d'analyse morphologique de plus en plus automatiques et donc précoces, passant de post-lexicaux à pré-lexicaux (nature des procédures de traitement).

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• à des questionnaires relatifs au degré de transparence sémantique et de saillance de la racine d'une sélection de mots complexes et monomorphémiques (chapitre III),

• à des paradigmes psycholinguistiques, à savoir - le paradigme de décision lexicale (chapitre IV), - le paradigme de détection de séquences (chapitre V),

- le paradigme de création de mots illusoires par migration de segments (chapitre VI),

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C

HAPITRE

I

L

INGUISTIQUE

:

NOTIONS LIÉES À LA MORPHOLOGIE

L'objectif de cette thèse n'est pas de décrire de façon exhaustive la polémique suscitée par la définition de la morphologie et de son champ d'études. Nous nous proposons plutôt de brosser un cadre opérationnel afin d'introduire les diverses notions qui seront mentionnées tout au long de ce travail.

I. PRINCIPE DE BASE DE LA LINGUISTIQUE : TROUVER LE SYSTEME DE REGLES LE PLUS ECONOMIQUE POSSIBLE POUR UN ENSEMBLE DE SYSTEMES LANGAGIERS DEFINIS

Les linguistes supposent que les faits linguistiques sont régis par des règles. Fort d'un principe de simplicité, ils cherchent à en caractériser les régularités en minimisant le nombre de règles utilisées. Selon eux en effet, une théorie linguistique adéquate explique un grand nombre de phénomènes au moyen d'un nombre limité d'hypothèses.

Ce principe de simplicité implique que les règles linguistiques ne s'appliquent pas à des unités isolées, idiosyncrasiques mais à des ensembles d’unités - ou classes - bien définies tels que les phonèmes, les morphèmes, les mots, les syntagmes, les phrases (cf. exemple 1)… Ces classes sont de surcroît intimement liées, articulées les unes aux autres. Une phrase est composée de syntagmes, les syntagmes de mots, les mots de morphèmes, les morphèmes de phonèmes…

Exemple 1 :

Le petit chaton noir boit du lait = phrase Le petit chaton noir = syntagme nominal

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chat + on = morphèmes /S/, /a/ = phonèmes

Dans le but de déterminer le degré de généralisabilité de leur théorie, les linguistes comparent les règles découvertes pour une langue particulière à celles régissant d’autres langues. Différents types de langues peuvent ainsi être définis (langues indo-européennes, germaniques…). Notons que dans ce but, l'analyse d'une langue peut se référer à la structure actuelle de la langue (point de vue synchronique) mais également s'intéresser à son évolution (point de vue diachronique).

II. CHAMP D'ETUDES DE LA MORPHOLOGIE : LA STRUCTURE INTERNE DES MOTS La morphologie peut être définie comme l'étude de la structure interne des mots, attestés ou nouveaux. Il s'agit donc pour un morphologue de comprendre les principes qui contraignent et spécifient la structure interne des mots et de les décrire le plus économiquement possible.

III. DEFINITION DU MORPHEME

Les morphèmes sont les plus petites séquences de phonèmes (ou graphèmes) récurrentes qui apportent un sens spécifique aux entrées lexicales qui les contiennent. Ce sont autrement dit les plus petites unités linguistiques dotées de sens. Aronoff (1976) est plus modéré et affirme que certains morphèmes peuvent ne pas avoir de signification constante, comme par exemple le mot straw en anglais ("paille") qui se trouve dans le mot strawhat ("chapeau de paille") mais aussi le mot strawberry ("fraise"). Finalement, certains auteurs, tel que Robins (1973), estiment que le morphème doit plutôt être défini comme l'unité grammaticale minimale.

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IV. RACINES ET AFFIXES – PREFIXES ET SUFFIXES

Deux catégories principales de morphèmes peuvent être citées, les racines et les affixes, selon les relations catégorielles et positionnelles qu'elles entretiennent avec les autres morphèmes auxquels elles se lient.

1. LES RACINES

Une racine est un segment qui appartient à une catégorie majeure (nom, adjectif, verbe … etc.) et qui possède donc des propriétés syntaxiques spécifiques. Elle est sémantiquement interprétable et participe à la construction d'au moins deux mots morphologiquement complexes.

Parmi les racines peuvent être distinguées les racines libres ([1], [2], [3] [4] et [5]) et les racines liées ([6] et [7]). Les racines libres sont des mots à part entière, alors que les racines liées ne le sont pas.

2. LES AFFIXES

Un affixe est un segment ajouté en début (préfixe) (in- [4] et [5] et para- [3]) et/ou en fin d'item lexical (suffixe) (-ation [1], -ité [2], -al [3], -able [4] et [5], -eur [6] et -aire [7]). Il permet la construction d'au moins deux mots complexes qui entretiennent avec leur base des relations catégorielles ([4] et[5] : in-: Adj. --> Adj. ; -able : V --> Adj.) et sémantiques particulières ([4] et[5] : in-: "contraire de Adj."; -able : "peut être V"). A l'instar des racines liées, un affixe n'apparaît jamais à l'état isolé dans la langue.

[1] attestation : attest (racine verbale)+ -ation (suffixe)

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[3] paranormal : para (préfixe)+ [norm (racine nominale)+ al (suffixe)] [4] insupportable : in (préfixe) + [support (racine verbale) + able (suffixe)] [5] inacceptable : in (préfixe) + [accept (racine verbale) + able (suffixe)] [6] splendeur : splend (racine adjectivale) + eur (suffixe)

[7] oculaire : ocul (racine nominale) + aire (suffixe)

On notera que dans certaines langues (telles que le cambodgien et le sondéen), il existe une troisième catégorie d'affixes, les infixes. Ce sont des affixes qui apparaissent à l'intérieur des racines et qui y occupent des places prédéfinies. En sondéen par exemple, /de:k/ signifie "dormir" et /domne:k/ "le sommeil". Par ailleurs, l'arabe a de nombreux "radicaux trilittères", c'est à dire des racines représentées par une séquence de trois consonnes. Les différents paradigmes morphologiques sont obtenus en adjoignant des préfixes, des infixes et des suffixes. Par exemple, /k-t.b/ signifie écrire, /yiktib/ "il écrit" et /Katabit/ "elle écrivit".

3. LES ALLOMORPHES

La forme sous laquelle apparaît un morphème n'est pas nécessairement unique. Dans certains cas en effet, la forme de l'un et/ou l'autre constituant morphémique se modifie en fonction du contexte phonologique/orthographique dans lequel il apparaît. Ces morphèmes sont dits

allomorphes, si le passage d'une forme à l'autre peut être exprimé sous la forme d'une règle

([8] et [9]). Dans le cas contraire, ce sont des formes dites synonymes ou supplétives (même sens mais formes différentes). Par exemple, paganisme et païen ne peuvent être dérivés l'un de l'autre à l'aide d'une règle, ni cécité d'aveugle.

[8] durable et lisible : le même suffixe se présente sous deux formes : -able et -ible (règle /a/ --> /i/). Le choix de la forme allomorphique -ible serait par exemple

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déclenché par la présence du suffixe -esc(er)- (fermentescible, putrescible) ou lorsque la base est allomorphique (admissible, appréhensible) ou supplétive (éligible, extinguible).

[9] opaque et opacité : la même racine se présente sous deux formes: opaque et opac (règle /k/ --> /s/). Cette règle est appliquée lorsqu'un suffixe dérivationnel est adjoint à la base.

V. DIFFERENCE ENTRE MOTS MONOMORPHEMIQUES ET MOTS COMPLEXES

La définition des morphèmes, racines et affixes, permet de distinguer deux types de formes lexicales : les mots monomorphémiques et les mots (morphologiquement) complexes. Les mots monomorphémiques ne peuvent être segmentés en racines et affixes (par exemple langouste, soupe), contrairement aux mots complexes ou polymorphémiques ([1], [2], [3], [4], [5] [6], [7], [8], [10], [13, [16]] et [19]).

Dans certains cas, les mots morphologiquement complexes ne sont pas composés d'une racine et d'affixes, mais contiennent deux racines (rouge-gorge, tableau noir). Bien que dans la plupart des cas, chacune de ces racines puisse apparaître dans la langue à l'état isolé (dans les exemples rouge, gorge, tableau et noir), ces formations – appelées mots composés – sont considérées comme des mots à part entière car elles possèdent un sens et une catégorie grammaticale particuliers. Elles forment donc un tout insécable et autonome.

VI. MOTS FLECHIS ET MOTS DERIVES

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1. LES MOTS FLECHIS

Les mots fléchis sont composés d'une racine et d'au moins un affixe flexionnel. Les affixes flexionnels ou marqueurs grammaticaux déterminent le temps, l'aspect, la personne, le nombre, le genre et le cas des racines auxquelles ils s'adjoignent. A titre d'exemples peuvent être cités les suffixes –s du pluriel et -ent de la 3ème personne du pluriel du présent. Leur rôle principal se situe principalement au niveau de la syntaxe, c'est-à-dire permettre la concordance des temps et du nombre.

Les processus flexionnels constituent des paradigmes, dans le sens où une série de formes fléchies forme un modèle de conjugaison, tel qu'en anglais le paradigme sigh, sighs, sighed, (has) sighed, sighing et en français, chante, chantes, chante, chantons, chantez, chantent.

Finalement, étant paradigmatiques et strictement grammaticaux, ces processus ne permettent ni la création de formes nouvelles, ni le changement de sens ou de catégorie syntaxique des racines auxquelles ils se combinent.

2. LES MOTS DERIVES

Les affixes dérivationnels permettent de par leur association avec des racines des changements de sens et, généralement, de catégorie syntaxique. Par exemple, l'adjonction du suffixe –ment à la racine verbale camp(er), donne le nom campement (V->N). Par contre, l'association de la racine nominale fourche et du suffixe –ette, donne également un nom, fourchette (N->N). Finalement, de nouvelles formes peuvent être créées (par exemple multinationalisation, produisible).

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VII. MOTS PSEUDO-AFFIXES

Dans certains cas, un mot peut renfermer un ou deux fragments formellement similaires à des morphèmes. Le(s) sens qui leur est/sont associé(s) n'intervien(en)t pas dans la signification de l'entrée lexicale qu'ils forment. Ce mot ne peut en conséquence pas être considéré comme un mot morphologiquement complexe. Il est défini comme un mot pseudo-affixé ou, plus précisément, comme un pseudo-préfixé ([11], [12], [14] et [15]) ou pseudo-suffixé ([17], [18], [20] et [21]) selon que le pseudo-affixe est formellement similaire à un préfixe (dé- et in-)ou un suffixe (-ette et -ule).

[10] Déboucher signifie "débarrasser de ce qui bouche" (PR95). La signification de cette entrée lexicale peut donc être entièrement déduite du sens du préfixe dé- ("contraire de V") et du verbe boucher.

[11] Détester signifie "maudire", "avoir de l'aversion pour" (PR95). La signification de ce mot ne peut en aucun cas être déduite du sens du préfixe dé- et du verbe tester. Détester ne signifie effectivement pas "faire le contraire de tester".

[12] Détaler signifie "s'en aller au plus vite" (PR95). Sa signification ne peut être déduite des segments dé- et taler, ce dernier segment n'ayant d'ailleurs pas de signification propre.

[13] Inégalité signifie entre autre "défaut d'égalité" (PR95), sens pouvant être entièrement déduit des morphèmes le composant [in- ("contraire de N, Adj.") et égalité].

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[14] Influence signifie habituellement "action qu'exerce une chose, un phénomène, une situation sur quelqu'un, quelque chose" (PR95). On ne peut considérer que le sens de ce mot équivaut à "contraire de fluence", sens pouvant être déduit de "in-" ("contraire de N, Adj.") et de fluence.

[15] Indemne signifie "qui n'a pas éprouvé de perte, qui est dédommagé" (PR95). En aucun cas, sa signification ne peut être déduite des deux segments qui le composent in- et demne. Ce dernier segment ne porte en effet aucune signification.

[16] Fillette signifie "petite fille" (PR95). Sa signification est entièrement déductible des morphèmes fille et -ette ("petit de N").

[17] Vignette signifie "motif ornemental d'un livre, à la première page ou à la fin des chapitres" (PR95). Il ne s'agit donc pas de "petites vignes", sens déductible des composants formellement identiques aux morphèmes vigne et -ette.

[18] Mouffette signifie "petit mammifère carnivore qui peut projeter, comme moyen de défense, un liquide d'odeur infecte sécrété par ses glandes anales" (PR95). Le nom de cet animal ne peut être déduit des segments qui le compose, mouff n'ayant pas de signification à part entière.

[19] Veinule signifie "petit vaisseau veineux qui, convergeant avec d'autres, forme les veines". Le sens de ce mot correspond donc à la combinaison du sens de veine et de -ule ("petit de N").

[20] Pilule signifie "médicament façonné en petite boule et destiné à être avalé" et non pas "petite pile", comme le laisserait penser la combinaison du sens de pile et de -ule.

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[21] Pustule signifie "petit soulèvement de l'épiderme ou du derme à contenu purulent" (PR95). La signification de ce mot est donc difficilement déductible des segments qui le composent. Pust n'ayant pas de signification intrinsèque.

En se souvenant de la définition des mots complexes et des mots monomorphémiques ainsi qu'en regardant de plus près la liste présentée ci-dessus, nous pouvons définir au moins quatre types de mots4 :

Les mots monomorphémiques non analysables sur le plan morphologique (mouche). Ces mots ne peuvent pas être segmentés en plusieurs segments dont au moins un serait similaire à un morphème sur le plan morphologique.

Les mots pseudo-affixés dont seul un segment est analysable sur le plan

morphologique. Dans les cas présentés, ces segments sont soit des pseudo-préfixes

([12], [15]), soit des pseudo-suffixes ([18] et [21]) (voir mots pseudo-préfixés de type I de Schreuder & Baayen, 1994, ci-dessous). D'autres cas de figure sont toutefois possibles. En effet, dans des mots tels que patente, paradis et lavabo, le segment formellement similaire à un morphème est la pseudo-racine, respectivement tente, radis et lav.

Les mots pseudo-affixés dont les deux segments sont analysables sur le plan

morphologique. Tous deux ont une signification, mais leur concaténation induit un

sens erroné au mot qu'ils forment ([11], [14], [17] et [20]) (voir mots pseudo-préfixés de type II de Schreuder & Baayen, 1994, ci-dessous).

• Les mots complexes dont la signification peut être, aux particularités d'usage près, déduite de la signification des deux segments qui les composent ([10], [13], [16] et [19]).

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Cette classification rejoint en partie celle de Schreuder et Baayen (1994), lorsqu'ils décrivent deux types de mots pseudo-préfixés.

We need to distinguish between two types of pseudo-prefixed words, namely, type I where there is no existing stem (decorum) and type II where a semantically unrelated stem leads to erroneous searches in the central system (begin).

(Schreuder & Baayen, 1994, p. 366).

Ajoutons que le critère sémantique, s'il est facilement applicable pour l'analyse des mots polymorphémiques composés d'une racine libre, est plus difficilement utilisable lorsqu'ils renferment une racine liée. Schreuder & Baayen proposent deux critères pour distinguer les pseudo-racines des racines liées.

Une racine liée apparaît dans au moins une combinaison totalement transparente sur le plan sémantique.

• Une racine liée peut être utilisée lors de la création de mots nouveaux.

VIII. REGLES DE FORMATION DES MOTS

Le raisonnement que nous avons exposé lors de la définition de la notion de pseudo-affixation sous-tend que pour pouvoir considérer un mot comme entièrement analysable sur le plan morphologique, le lien formel et sémantique unissant les morphèmes entre eux doit être

régulier. Il doit pouvoir être défini sous la forme d'une ou plusieurs règles spécifiant les

conditions d'association des morphèmes entre eux. D'une part, ces règles spécifient le type de racines sur lequel peut s'appliquer chaque affixe (rapport catégoriel). D'autre part, elles précisent le sens prédictible de chaque mot complexe (opération sémantique) ([10], [13], [16] et [19]).

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Chaque règle n'est associée qu'à une seule opération sémantique et qu'à un seul rapport catégoriel. Par exemple, les mots gâterie, poissonnerie et fourberie, qui semblent à première vue être composés du suffixe -erie, contiennent en réalité trois suffixes homonymes associés chacun à une règle spécifique. La première règle lie -erie(1) à une racine verbale pour

construire un nom dont la signification est approximativement "action de V" (gâterie). La deuxième règle associe -erie(2) à une racine nominale pour conférer au nom construit, soit le sens "lieu où l'on (fabrique + vend) N", soit la signification "lieu où l'on exerce N" (poissonnerie). La troisième règle lie -erie(3) à une racine adjectivale pour construire un nom signifiant "qualité, fait d'être Adj." (fourberie).

Une règle peut avoir à sa disposition un ou plusieurs affixes. Par exemple, la règle qui attribue le sens "action de V" (opération sémantique) à une racine verbale, peut utiliser différents suffixes : -age (balayage), -ment (gouvernement), -ation (administration), -ure (cassure), -erie (tromperie) ou -ade (ambassade). La règle qui permet la construction d'adverbes à partir d'adjectifs ne peut par contre le faire qu'à l'aide du suffixe -ment (grandement, agréablement). On notera donc que l'affixe en lui-même n'influence pas directement la signification du mot complexe, n'ayant pas de sens intrinsèque indépendamment de la règle de composition à laquelle il est attaché. Le segment -ade peut, par exemple, être associé à la règle de formation des mots "action de V" (glissade), mais également à la règle "ensemble de N" (colonnade). -Ment peut à la fois être employé par la règle "action de V" et par la règle "est l'adverbe de Adj.". Ces différents segments peuvent donc être considérés comme des affixes homonymes.

(35)

IX. TRANSPARENCE SEMANTIQUE

Selon la définition des règles de formation de mots présentée ci-dessus, deux catégories de mots complexes peuvent être distingués : les mots transparents sur le plan sémantique et les mots opaques.

1. LES MOTS COMPLEXES TRANSPARENTS SUR LE PLAN SEMANTIQUE

Le sens des mots transparents peut être déduit du sens de leur racine et des règles qui les associent aux affixes. La signification d'un mot tel que défaire peut être obtenue en combinant la signification du verbe faire à celle de la règle liée au préfixe dé- qui est "le contraire de".

2. LES MOTS COMPLEXES OPAQUES SUR LE PLAN SEMANTIQUE

Le sens des mots opaques ne peut être déduit du sens de leur racine et des règles de formation associées à chaque affixe qui les composent. Ils sont assimilables à l'extrême aux mots pseudo-affixés. Par exemple, le verbe désaltérer est considéré par le Robert méthodique comme lié sur le plan morphologique au verbe altérer. A notre avis, le lien entre ces deux verbes est toutefois fort éloigné. Par contre, chiffonner et trappeur peuvent être considérés comme relativement transparents (voir résultats des questionnaires, chapitre III). Ils peuvent toutefois être considérés comme moins transparents que le mot défaire par exemple.

La notion de transparence/opacité sur le plan sémantique n'est donc pas une notion de tout ou rien. Les mots peuvent être jugés le long d'un continuum dont les extrémités correspondent aux mots entièrement transparents sur le plan sémantique (par exemple lavage) et aux mots entièrement opaques sur le plan sémantique (clarinette).

Figure

Figure 1 : Modèle de Taft & Forster (1975) (extrait de Taft & Forster, 1975, p
Figure 2 : Modèle AAM de Caramazza et al. (extrait de Laudanna & Burani, 1985, p. 785)
Figure 4 : Modèle de Taft (extrait de Taft, 1994, p. 286) pour un mot complexe contenant une  racine liée
Figure 5 : Architecture générale du modèle de Schreuder & Baayen (1995, p. 134)
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