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E FFET DES DEGRES DE TRANSPARENCE SEMANTIQUE ET DE SAILLANCE DE LA RACINE

MOTS CHOISIS

V. DISCUSSION INTERMEDIAIRE

2. E FFET DES DEGRES DE TRANSPARENCE SEMANTIQUE ET DE SAILLANCE DE LA RACINE

L'action du degré de transparence sémantique et du degré de saillance de la racine pourrait par contre rendre compte de l'effet de pseudo-suffixation. Rappelons qu'un mot suffixé est formé de deux composants morphémiques qui, par leur association, confère une signification au mot entier correspondant – aux particularités d'usage près – à leur signification combinée (finesse = "fin" + caractère d'être Adj." apporté par –esse). Un mot pseudo-suffixé contient un ou deux segments formellement similaires à un morphème, mais ils ne partagent aucune signification en commun avec le mot entier qu'ils constituent (par exemple finance n'a pas de lien sémantique avec le mot fin). L'effet de pseudo-suffixation pourrait donc être la conséquence de l'influence du degré de transparence sémantique et du degré de saillance de la racine sur les procédures de reconnaissance des mots complexes. Plus le mot est transparent sur le plan sémantique et plus la racine est jugée saillante, plus les procédures de reconnaissance morphologiques seront facilitées.

• plus un mot complexe est jugé transparent sur le plan sémantique, plus le temps nécessaire à sa reconnaissance sera court.

• plus la racine qu'il contient est saillante (implicitement, plus le mot est jugé suffixé), plus sa reconnaissance sera rapide.

Autrement dit, plus un mot est transparent sur le plan sémantique et plus la racine qui le compose est saillante, plus la probabilité que les procédures d'analyse morphologique soient enclenchées et aboutissent à un résultat correct est élevé.

Avant de présenter les résultats, nous souhaitons encore préciser un point. Bien que les jugements obtenus aux questionnaires auditif et écrit puissent être considérés comme globalement similaires, nous avons vu dans le chapitre précédent que les données pour les mots pseudo-suffixés ne sont pas identiques. Aussi, pour évaluer l'effet de la saillance de la racine, mais également l'effet de la transparence sémantique sur les TR observés dans l'expérience de décision lexicale, nous nous sommes basés sur les données du questionnaire auditif (car les mots proposés aux sujets sont produits oralement).

2.1. EFFET DU DEGRE DE SAILLANCE DE LA RACINE

La corrélation entre le degré de saillance de la racine et les temps de réponses est significative (r=-0.348, dl.=54, p<0.02) (cf. Tableau 8). L'analyse de régression montre que la variance des TR est expliquée significativement par le degré de saillance de la racine [F(1,52)=6.78, p=0.01].

2.2. EFFET DE LA TRANSPARENCE SEMANTIQUE

La corrélation entre le degré de transparence sémantique et les temps de réponses est significative (r=- 0.318, dl.=55, p<0.02) (cf. Tableau 8). L'analyse de régression montre que la variance des TR est expliquée significativement par le degré de saillance de la racine [F(1,52)=5.84, p=0.02].

Tableau 8 : Résumé des résultats de la décision lexicale

Analyses statistiques

Effet de pseudo-suffixation

- différence pseudo-suffixés - suffixés

- différence pseudo-suffixés - mono

F1(1,25)= 63.047, p<0.001 F2(1,18)=2.943, p=0.09 F1(1,25)=4.265, p=0.05 F2(1,18)<1

Effet de la fréquence de surface r=-0.163, dl.1, p> 0.1

Effet du degré de saillance de la racine

Sur la base des résultats aux questionnaires auditif

r=-0.342, dl.=1, p<0.02

Effet du degré de transparence sémantique

Sur la base des résultats aux questionnaires auditif

r=-0.318, dl.=1, p<0.02

VI. DISCUSSION

Etudier les effets de la structure morphologique sur les procédures appliquées durant la reconnaissance des mots morphologiquement complexes ne signifie pas uniquement déterminer si oui ou non ce type d'informations intervient durant le traitement (ici existence ou non d'un effet de pseudo-suffixation). Il s'agit également de définir plus spécifiquement les dimensions des mots qui favorisent l'intervention des procédures morphologiques, question sur laquelle nous nous sommes également penchés ici. Les résultats que nous avons obtenus suggèrent que la présence d'un effet de pseudo-suffixation puisse être expliquée plus finement, grâce à l'intervention des degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine. Ainsi, plus les mots sont jugés "suffixés" (degré de saillance de la racine) et transparents sur le plan sémantique, plus leur reconnaissance est rapide. Autrement dit, les sujets se comportent comme si plus les mots qu'ils perçoivent sont jugés morphologiquement complexes, plus l'influence morphologique est importante.

Si une explication en termes de tout ou rien ne semble donc plus satisfaisante pour l'effet de pseudo-suffixation, il est probable que ce soit le cas pour les autres effets généraux, c'est-à- dire l'effet de la structure morphologique des non-mots, l'effet de la fréquence de la racine et l'effet d'amorçage morphologique. Ces effets pourraient être modulés voire être expliqués par l'intervention de facteurs tels que les degrés de transparence sémantique et de saillance de la racine. Sans aucun doute, de nouvelles recherches permettront d'évaluer la pertinence de cette hypothèse.

Sur la base des résultats de notre expérience de décision lexicale, il est toutefois difficile de déterminer exactement par quelles procédures de traitement et à quel niveau du traitement les informations interviennent. Est-ce à un niveau conscient d'analyse ? Ou est-ce à un niveau plus précoce ? Avant même que les sujets aient reconnu le mot perçu ? Nous reviendrons sur ces questions dans les prochains chapitres, dans lesquels nous aborderons l'étude de la morphologie par un autre angle, celui du décours temporel des procédures impliquées. Nous l'avons vu dans l'introduction théorique, plusieurs modèles préconisent l'intervention des informations morphologiques à plusieurs niveaux : pendant l'identification lexicale (Caramazza et al., 1988 ; Frauenfelder & Schreuder, 1991 ; Taft & Forster, 1975), après l'accès au lexique (Schreuder & Baayen, 1995). Nous chercherons à mettre en évidence l'effet de la morphologie à chacun de ces niveaux à l'aide de paradigmes expérimentaux appropriés.

C

HAPITRE

V

E

XPÉRIENCES

II, III, IV

DÉTECTION DE FRAGMENTS

-

SYLLABES OU RACINES

-

EN DÉBUT

DE MOTS PSEUDO

-

SUFFIXÉS ET SUFFIXÉS

I. INTRODUCTION

Deux axes d'études peuvent être empruntés lorsque l'on cherche à rendre compte des mécanismes sous-tendant la reconnaissance des mots parlés morphologiquement complexes. D'une part, les psycholinguistes peuvent caractériser les dimensions influençant l'organisation des représentations lexicales impliquées durant le traitement, d'autre part ils peuvent déterminer le parcours temporel des procédures d'analyse sous-jacentes. Le premier axe a guidé les réflexions conduites dans le chapitre précédent. En effet, lorsque nous avons étudié l'effet de pseudo-suffixation, nous avons noté que cet effet pourrait être le résultat de l'influence de deux autres facteurs, le degré de saillance de la racine et le degré de transparence sémantique. Dans les deux prochains chapitres, nous procéderons à l'étude des procédures impliquées durant la reconnaissance des mots morphologiquement complexes. Nos réflexions ont suivi deux directions. Premièrement, nous avons cherché un paradigme permettant de varier la fenêtre d'analyse, d'un niveau tardif ("post-lexical") à un effet précoce (pré-lexical) : le paradigme de détection de séquences avec manipulation des caractéristiques des mots de remplissage (voir ce chapitre). Deuxièmement, nous avons cherché un paradigme

originairement utilisé pour étudier les processus automatiques de reconnaissance auditive, le paradigme de création illusoire de mots par migration de segments (voir chapitre VI).