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E FFET DU DEGRÉ DE PRÉFIXATION

III. LES EFFETS DE LA TRANSPARENCE SÉMANTIQUE ET DU DEGRÉ D'AFFIXATION : DEUX EFFETS NE POUVANT ÊTRE EXPLIQUÉS NI PAR LE MODÈLE DE TAFT &

2. E FFET DU DEGRÉ DE PRÉFIXATION

DÉFINITION

Le degré de préfixation correspond au degré de ressemblance d'un mot-cible avec un mot préfixé vs. un mot non-préfixé. Cette notion a été opérationnalisée par deux approches, l'une s'appuyant sur les statistiques de la langue, l'autre sur la base de jugements de locuteurs.

Les statistiques de la langue

Laudanna & Burani (1995) ont calculé deux indices évaluant un degré de confusionnabilité. Le premier indice correspond au rapport entre le nombre de lemmas (word-types) contenant un préfixe-cible et le nombre de lemmas composés par le même segment lorsqu'il ne joue pas de rôle morphologique (pseudo-préfixe). Le deuxième pourcentage correspond au rapport entre le nombre d'occurrences de mots préfixés (word-tokens) et le nombre d'occurrences de mots pseudo-préfixés pour un segment-cible donné. Selon ces indices, plus un préfixe peut être confondu avec un pseudo-préfixe, plus le degré de confusionnabilité sera élevé. Suivant le même type de raisonnement, Schreuder & Baayen (1995) ont calculé pour chaque préfixe retenu le rapport entre le nombre de mots pseudo-préfixés et le nombre de mots préfixés, le tout pondéré par la fréquence d'occurrence de chacune des entrées lexicales retenues.

Les jugement des sujets

Pour Wurm (1997), la notion linguistique de "préfixé"-"non-préfixé" n'est, d'une part, pas consensuelle et, d'autre part, ne rend peut-être pas compte de la perception des locuteurs par rapport aux mots préfixés/non-préfixés. Il préfère donc demander aux locuteurs de juger le degré de préfixation des mots qu'il va employer dans ses expériences. Afin d'obtenir ces données, il propose un questionnaire à plusieurs sujets (échelle de Lickert en 8 points) en posant la question "which words are prefixed ?".

HYPOTHÈSES ET RÉSULTATS

Sur la base des données statistiques de la langue

L'utilisation des données statistiques de la langue (Laudanna & Burani, 1995 ; Schreuder & Baayen, 1995) a pour but d'évaluer la fréquence à laquelle les procédures de décomposition morphologique (hypothèse taftienne) conduisent à un échec. Partant de l'hypothèse selon laquelle le traitement d'un mot pseudo- préfixé implique l'échec des procédures de décomposition morphologique, plusieurs auteurs postulent que

plus le rapport entre le nombre de mots non-affixés et le nombre de mots affixés contenant un affixe-cible est élevé, plus la probabilité que les procédures de décomposition morphologique conduisant à un résultat erroné seront élevée. Si cette probabilité d'échecs est élevée, alors une procédure décompositionnelle ne devrait pas exister. Suivant ce raisonnement, Schreuder & Baayen (1995) ont sélectionné les préfixes les plus fréquents de l'anglais (re-, un-, …) et du hollandais (ver-, be-, …) et, en se basant sur les valeurs de la base de données CELEX (Baayen, Piepenbrock, &VanRijn, 1993), ils ont observé que le pourcentage de mots pseudo-préfixés pondéré par la fréquence d'usage des mots retenus est élevé, plus de 80% pour l'anglais, environ 30% pour le hollandais. Ils en conclurent que, du moins pour l'anglais et pour le hollandais, une procédure de décomposition morphologique au sein d'un modèle sériel induirait un nombre trop important d'erreurs. Un tel modèle n'est donc pas compatible avec les caractéristiques des deux langues étudiées.

Laudanna et al. (1995) ont également évalué la probabilité de succès de la procédure de décomposition morphologique en déterminant cette fois-ci le degré de confusionnabilité pour les préfixes de 2-3 lettres de l'italien. Ils ont observé que 49% des lemmas contenant un segment formellement similaire à un préfixe sont véritablement préfixés. Parmi toutes les occurrences de mots italiens potentiellement préfixés, 33% étaient réellement préfixés. Selon les auteurs, le taux d'échec de l'analyse décompositionnelle serait également trop élevé. Les données obtenues par les équipes de Laudanna et de Schreuder sont donc comparables.

Deux facteurs co-varient toutefois avec le degré de confusionnabilité dans la recherche de Laudanna, à savoir la longueur des préfixes et leur fréquence d'occurrence dans la langue. Globalement, plus un préfixe est long, plus il est rare et plus son degré de confusionnabilité est faible. De nouvelles recherches seraient donc nécessaires pour distinguer les effets de ces différents variables (degré de confusionnabilité, indice de Schreuder & Baayen (1995), longueur).

Dans le but de mettre à l'épreuve l'hypothèse selon laquelle plus le degré de confusionnabilité est élevé, plus la probabilité de réussite de l'analyse décompositionnelle est bas et donc plus les effets morphologiques devraient avoir une faible probabilité d'apparition, Laudanna et al. (1995) ont conduit une tâche de décision lexicale et ont comparé les temps de réponse obtenus d'une part pour des non-mots composés d'un préfixe et d'un mot de l'italien (ri + viale) et, d'autre part, pour des non-mots composés d'une séquence non-préfixée et du même mot (pa + viale). Le préfixe et le segment associé sont appariés en termes de fréquence et de longueur. Les résultats mettent en évidence une corrélation positive entre le désavantage pour les non- mots préfixés (différence négative entre les TR pour les non-mots préfixés et les TR pour leur homologue non-préfixés) et le degré de confusionnabilité. Plus le degré de confusionnabilité est haut (plus l'indice s'approche de 100%), plus la différence entre les TR pour les non-mots préfixés et les TR pour leur homologue non-préfixés diminue. Ce profil de résultats est observé, que le degré de confusionnabilité soit calculé sur la base des lemmas ou pondéré selon le nombre d'occurrence des mots dans la langue.

Sur la base des jugements des sujets

Dans une tâche de dévoilement progressif (gating) et dans une tâche de décision lexicale, Wurm (1997) a montré que le degré de préfixation des mots complexes influence la rapidité à laquelle ces mots sont reconnus. Plus un mot est jugé "préfixé", plus sa reconnaissance est rapide. Dans cette expérience par contre, le degré de préfixation, lorsqu'il est calculé à la manière de Schreuder & Baayen, n'a pas d'effet en soi.

3. DISCUSSION

L'influence vraisemblable des degrés de transparence sémantique et de préfixation dans la reconnaissance des mots complexes a poussé les psycholinguistes à modifier leurs modèles afin qu'ils puissent rendre compte de ces deux nouveaux effets. Nous verrons dans les paragraphes suivants comment les modèles actuels de reconnaissance des mots morphologiquement complexes s'accommodent de ces effets.

IV. MODÈLES DE LA RECONNAISSANCE DES MOTS COMPLEXES RENDANT COMPTE