• Aucun résultat trouvé

AUGMENTED ADRESSED MODEL DE CARAMAZZA, LAUDANNA, ROMANI (1988) Le modèle de Caramazza et col ne différencie pas les différents types de mots complexes.

Autrement dit, il rend compte des processus censés être impliqués dans la reconnaissance des mots complexes de façon globale. Ainsi, s'il a été principalement développé pour la modalité écrite, rien n'exclut selon les auteurs qu'il s'applique à la modalité auditive, tout comme le modèle de Taft & Forster. Il jette toutefois un nouveau regard sur le champ d'études s'intéressant à la reconnaissance des mots morphologiquement complexes. Il prévoit en effet deux voies d'analyse : une analytique et une globale (whole word). Il est donc moins extrême et permet ainsi de diminuer les désavantages des hypothèses privilégiant à l'extrême l'économie de stockage (Taft & Forster, 1975) ou de coût de traitement (nous le verrons plus

tard, Butterworth, 1983). C'est en ce sens qu'il est une source d'inspiration, explicite ou implicite, pour beaucoup de modèles actuels.

Plus précisément, selon Caramazza et al. (1988), les procédures de reconnaissance visuelle des mots complexes nécessitent l'intervention de deux niveaux de représentations (cf. Figure 2). Le premier niveau, celui des codes d'accès, contient deux types de représentations : celles codant la forme entière des mots complexes et celles se rapportant aux morphèmes qui les composent. Au deuxième niveau, celui des représentations du lexique proprement dit, les mots morphologiquement complexes ne sont représentés que sous un format décomposé (morphèmes + règles de combinaison).

forme phonologique unitaire

buffer phonologique de sortie racines affixes système sémantique PAROLE procédures de conversion graphèmes-phonèmes processus perceptifs accès

unitaire accèsmorphologique racines affixes procédures d'accès lexical lexique ortho- graphique d'entrée STIMULI VISUELS

Figure 2 : Modèle AAM de Caramazza et al. (extrait de Laudanna & Burani, 1985, p. 785).

Selon la structure du modèle, deux procédures d'accès distinctes, bien qu'opérant en parallèle, doivent être postulées - l'une s'appuyant sur les représentations unitaires des mots complexes, l'autre employant les représentations morphémiques (cf. Figure 2). Ainsi, chaque item lexical complexe active la représentation

codant sa forme entière et celles associées à chaque morphème qu'il renferme. Le code d'accès qui atteint le plus rapidement un seuil d'activation prédéfini est celui qui active les représentations du lexique proprement dit. Les auteurs considèrent que les procédures impliquant les représentations morphémiques sont plus lentes que celles se fondant sur les représentations unitaires ; ce serait donc ces dernières qui contribueraient, en général, à l'activation des représentations du lexique proprement dit. En d'autres termes, la procédure d'accès unitaire serait adaptée à toutes les formes connues de l'usager, tandis que la procédure d'accès morphémique permettrait de rendre compte de l'habileté du locuteur à interpréter des formes complexes jamais rencontrées.

1. EXPLICATION DES EFFETS

1.1. EFFET DE LA STRUCTURE MORPHOLOGIQUE DES NON-MOTS

Laudanna, Badecker & Caramazza (1989, 1992) proposent que les non-mots qui ne sont composés d'aucun segment similaire à un morphème (suivant l'exemple précédent, tésoisse) peuvent être rejetés très rapidement, aucune représentation lexicale n'étant activée. Lorsque les mots sont partiellement ou entièrement analysables morphologiquement, la décision ne peut être prononcée que plus tardivement. Plus précisément, lorsque les non-mots sont partiellement analysables (tésoif ou désoisse), seul le fragment morphémique qu'ils renferment (ici dé- ou soif) active, au niveau des codes d'accès, la forme qui lui correspond. La partie restante - non-morphémique (ici té- ou soisse) - ne peut bien évidemment pas activer de code d'entrée. Ces items seraient donc reconnus comme étant des non-mots lorsque les procédures d'accès opèrent. Lorsque les non-mots contiennent deux segments morphémiques (désoif), la décision ne peut être prise qu'à une étape encore plus tardive du traitement, c'est-à- dire, au niveau de lexique proprement dit. La combinaison des deux codes d'accès précédemment activés y est évaluée. Comme la combinaison de ces deux représentations morphémiques n'est pas attestée, l'item présenté est considéré comme un non-mot. Selon ce

point de vue, aucune différence significative entre les types de non-mots partiellement analysables (les non-mots contenant un préfixe et une non-racine ainsi que les non-mots contenant un non-préfixe et une racine) ne devrait apparaître.

1.2. EFFET DE FRÉQUENCE DE LA RACINE

Les auteurs postulent qu'une représentation est d'autant plus facilement activable que le fragment qu'elle code est fréquent. Comme les représentations du lexique proprement dit sont morphologiquement décomposées, la fréquence de chacune de ces entrées peut influencer la rapidité avec laquelle les mots morphologiquement complexes sont reconnus.

Contrairement à Taft & Forster en 1975, le modèle AAM prévoit implicitement que la fréquence des affixes peut influencer la rapidité avec laquelle les mots complexes sont reconnus, plus ils sont fréquents, plus la reconnaissance du mot devrait être rapide. Etrangement, dans une tâche de décision lexicale, Wurm (1997) obtient un effet de la fréquence des préfixes, mais il est inhibiteur. Plus les mots contiennent un préfixe fréquent, plus le temps nécessaire à leur reconnaissance est élevé. De futures recherches dans ce domaine sont donc nécessaires pour affiner les hypothèses relatives à l'influence de la fréquence des affixes.

1.3. EFFET DE L'AMORÇAGE MORPHOLOGIQUE

Caramazza et al. expliquent l'effet d'amorçage morphologique de la même façon que Taft & Forster. Ils proposent en effet que la présentation préalable de la racine (par exemple dire – prédire dans un design expérimental racine – mot préfixé) ou celle du préfixe (par exemple refaire – redire dans un design expérimental mot préfixé1 – mot préfixé2) augmente le degré

d'activation de la représentation lexicale qui leur est associée, facilitant en conséquence leur activation lors de la présentation du mot-cible. Par contre, ils ne postulent pas que l'effet

d'amorçage morphologique doit obligatoirement être d'ampleur similaire à l'effet d'amorçage identique, les mots morphologiquement complexes n'étant pas subsumés sous la représentation de leur racine. En outre, l'application des procédures morphologiques – même facilitée – peut nécessiter du temps.

1.4. EFFET DE PSEUDO-PRÉFIXATION

Les informations morphologiques n'intervenant pas avant que le mot ait été reconnu, l'effet de pseudo-préfixation ne peut être expliqué par le modèle de Caramazza et al.. En effet, comme les procédures impliquant les codes unitaires sont toujours plus rapides que celles associées aux codes morphémiques, les mots préfixés et pseudo-préfixés sont traités de manière identique jusqu'à l'accès lexical. Rappelons que la pertinence de cet effet dans les études des procédures usuelles régissant la reconnaissance des mots complexes (par opposition aux procédures d'ordre stratégique) a été remise en question (Rubin et al. , 1979 ; Henderson et

al., 1984, par exemple).

En résumé, le modèle de Caramazza et collaborateurs parvient à expliquer trois des effets classiques liés à la structure morphologique des mots (fréquence de la racine, amorçage morphologique) et des non-mots. Le quatrième effet, celui de la pseudo-préfixation, ne peut être expliqué. Toutefois, comme la discussion reste ouverte quant à la pertinence de cet effet, le modèle de Caramazza reste un candidat précieux dans le champ de la reconnaissance des mots morphologiquement complexes.

III. LES EFFETS DE LA TRANSPARENCE SÉMANTIQUE ET DU DEGRÉ D'AFFIXATION :