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Le concept de savoir recouvre une réalité relativement large qu’il nous faut regarder maintenant de manière un peu plus précise. Ce concept est à mettre en relation avec celui de connaissance qui nous avons mobilisé précédemment et qui renvoie aux conceptions du sujet.

Comme nous l’avons écrit dans le paragraphe précédent, Astolfi (1992, p.70) met en évidence le caractère objectivé du savoir. Celui-ci procède d’un processus de construction intellectuelle qui fonde le cadre théorique dans lequel il s’inscrit. Ce cadre a une dimension historique et sociale. Il donne un statut aux éléments empiriques prélevés dans le réel et permet leur compréhension. Les principales caractéristiques du savoir sont : sa construction par le sujet à travers « l’élaboration et l’usage d’une formalisation théorique », Il permet la transmission de la connaissance, qui a un caractère subjectif et ne se transmet que très partiellement, dans le

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cadre théorique qui a été construit. Il renouvelle la perception du monde et suscite de nouvelles questions tout en intégrant une dimension langagière.

La distinction qu’opère Chevallard (1998) entre savoir et savoir-faire est la première d’entre elles. Elle prend en compte l’aspect langagier de la question des savoirs avec la notion de praxéologie. La Théorie Anthropologique Didactique s’appuie sur l’idée que toute activité humaine met en œuvre une organisation qui sépare un bloc pratico-technique composé de types de tâche et de techniques (manières de réaliser les tâches) et un bloc théorico-technologique composé de technologie (discours rationnel sur la technique) et de théorie (niveau supra- technologie). Le premier se réfère au savoir-faire et le second au savoir. La dimension conceptualisation s’incarne dans le bloc théorico-technologique Elle n’est pas nécessairement explicite. Toutefois, ce qui génère la production d’une organisation praxéologique, savoir et savoir-faire, c’est un questionnement relatif à l’accomplissement d’une tâche ou d’un type de tâche.

Tous les savoirs ne poursuivent pas les mêmes visées ce qui nous conduit à mettre en avant une deuxième distinction qui concerne la nature des savoirs. Les savoirs scientifiques, qui ont une visée théorique, sont le premier type de savoirs. Ils se caractérisent par leur apodicticité. Ils prennent la forme d’une explication (Orange, 2005, 2007). Les savoirs techniques qui ont une eux une visée pratique sont le deuxième type de savoirs qui se caractérisent par une quête d’efficacité (Vérillon, 2004), de réussite (Orange, 2005). Nous formulons l’hypothèse que cette activité, dans le cadre des techniques, s’accompagne d’un discours de justification qui participe de leur formalisation. Les savoirs pragmatiques ou concepts pragmatiques sont le troisième type de savoirs. Mais, contrairement aux savoirs techniques, ils se caractérisent par leur absence de définition (Pastré, 2011, p174) et par une transmission qui associe le geste à la parole.

La dernière distinction que nous devons opérer dans notre approche didactique est celle du savoir savant et du savoir enseigné. Les contenus enseignés à l’école entretiennent des liens étroits avec des savoirs savants ou des savoirs experts. Chevallard (1985, 1991) à la suite de Verret, met en évidence des phénomènes de transposition didactique qui permettent de passer des seconds aux premiers. Elle se définit comme le passage de l’un à l’autre par différents processus. Le maintien d’un certain lexique apparaît comme l’un d’entre eux qui valide la ressemblance. Chevallard repère un premier phénomène de transposition externe du savoir savant vers un savoir à enseigner. Partant du principe qu’un savoir enseigné à l’école résulte toujours d’un « projet social » qui naît hors de l’école, c’est toujours un « savoir laïque » (savoir à enseigner) qui détermine le savoir enseigné, celui-ci n’ayant pas d’existence autonome. Ce savoir à enseigner détermine les prescriptions institutionnelles. Selon Paun (2006) « il

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représente une “scolarisation” du savoir savant, objectivé dans une programmation des expériences formatives significatives qui feront l’objet du processus d’enseignement et d’apprentissage à l’école ». Un second phénomène de transposition interne concerne la transformation de ce savoir à enseigner en savoir enseigné selon Chevallard. La prescription institutionnelle n’échappe pas à des modifications dans le réel des situations de classe où transite le savoir de l’enseignant à l’élève.

Martinand (1994) glisse de la notion de savoir savant à celle de pratiques sociales de référence et met en évidence trois dimensions sous-tendues et mises en relation. Ce glissement élargit le concept de transposition didactique. Léziart (1997) montre comment ce glissement permet d’envisager les processus transpositifs en prenant en compte la diversité des statuts des disciplines étant entendu que certaines d’entre elles, l’EPS par exemple, ont des structures complexes et sont largement associées à des pratiques.

La dimension de la « pratique » émerge du fait que les activités considérées visent objectivement à transformer un donné naturel ou humain. La dimension sociale résulte du nombre de sujets concernés : ces pratiques touchent l’ensemble d’un secteur social. Il ne peut s’agir uniquement du rapport d’un individu avec une pratique ou avec un savoir. La dimension « référence » enfin, apparaît dans la relation établie entre la pratique sociale et l’activité didactique : il ne s’agit pas d’identité, mais de comparaison. L’enjeu pour l’école n’est pas de reproduire une pratique, mais bien d’identifier sa cohérence pour la transposer et en faire un objet d’enseignement et ce, en prenant en compte toutes ses composantes à savoir : les objets de travail, les instruments matériels et intellectuels, les problèmes, les savoirs en jeu, les attitudes et les rôles sociaux (Martinand, 1989).

La notion de pratique sociale de référence vise au maintien du sens, non seulement du point de vue de sa signification, mais également du point de vue de sa manifestation en reliant ce qui s’enseigne à l’école à tous les aspects d’une pratique sociale. Pour autant se pose le double problème du choix de la pratique retenue et de la mise en cohérence des buts et moyens, une fois ce choix réalisé.

Dans cette perspective, l’enjeu pour l’enseignant consiste à maintenir, dans les situations qu’il propose, un équilibre entre une lecture anthropologique et épistémologique de la pratique sociale de référence et un apprentissage réel et spécifique du côté des élèves, sans tomber dans le travers qui consisterait à n’utiliser les situations que comme des prétextes pour viser un savoir ou, au contraire, à évacuer l’apprentissage au profit unique de la pratique.

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L’exploration du concept de savoir nous permet de clarifier ses diverses dimensions et nous outille pour penser la question des savoirs en sports collectifs qui s’enseignent à l’école maternelle sur laquelle nous reviendrons dans les paragraphes 3.2.3, 3.3, 3.4 et 3.5.

Un référent théorique pour penser le savoir et les apprentissages en sports