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Notre recherche s’inscrit dans une démarche collaborative qui associe les enseignants dans l’élaboration d’une communauté autour d’une énigme comme nous l’avons souligné précédemment. Délimitons les conditions de la collaboration entre enseignantes et chercheur et levons quelques ambiguïtés entre ce qui relève de la recherche et ce qui relève de la formation. Nous considérons que la pratique d’un pair peut générer un travail d’explicitation de sa propre pratique, la production de normes explicites prises en charge par des nécessités dans le cadre d’une collaboration enseignant/chercheur. Desgagné (1997) indique le caractère co-construit du savoir professionnel produit dans ce type de dispositif avec la perspective de “réconcilier recherche sur les pratiques enseignantes et formation continue des enseignants”. Il s’agit d’installer un rapport de complémentarité (Morissette, Desgagné, 2009) entre deux logiques et non d’opposer le “penser” au “faire”. Les mises en langage constituent l’objet commun entre les praticiens et le chercheur dans la mesure où elles n’ont pas encore été explorées. Pour autant tout enseignant a à gérer une tension entre le langage pour apprendre et l’apprentissage moteur qui plus est, dans un contexte de forte injonction institutionnelle comme nous l’avons montré dès l’introduction de nos travaux. La collaboration entre enseignants et chercheur a pour but de cerner les contours du problème, de construire l’énigme commune, pour qu’elle apparaisse comme telle aux yeux de tous et que le problème soit pris en charge. Le travail d’explicitation qui lie les protagonistes se noue autour de la construction et l’articulation de données et de nécessités que la controverse apportée par la pratique de pairs va préciser, spécifier, faire évoluer.

Par ailleurs, que ce soit du point de vue des enseignants ou du point de vue du chercheur, c’est bien l’apprentissage des élèves qui organise l’activité des uns et des autres et qui les réunit dans la construction de l’énigme. Nous envisageons la collaboration dans une perspective didactique organisée par le savoir et l’activité d’apprentissage des élèves. Cependant, c’est au travers des choix réalisés par les praticiens que le chercheur observe l’apprentissage des élèves. La finalité est la même, mais le point de vue diverge. Ce parti pris s’inscrit dans une conception du praticien capable d’exercer un contrôle réflexif en situation, que Desgagné (1997) nomme “compétence d’acteur en situation”. Il s’appuie sur le concept développé par Schön (1993) de “praticien réflexif” qui réfléchit dans l’action et sur l’action a posteriori. Le chercheur mène alors un projet sur deux plans : celui de la recherche, mais aussi celui de la formation en

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engageant les praticiens dans une démarche réflexive. L’esprit de notre démarche collaborative se tient dans cette réflexion menée par les enseignants autour de leur pratique et encadrée par la recherche sur un point singulier. Dans le cas de notre étude, les enseignantes se sont engagées dans une perspective de formation et de développement professionnel. En retour, elles donnent accès à ce qui les anime pour éclairer la recherche et révéler leurs conceptions. En parallèle ou en contrepartie, le chercheur engage les enseignantes dans une activité explicite de problématisation qui lui est propre et qu’elles ne conduisent pas spontanément. Il donne à voir le cadre technique de l’enseignement que nous mobilisons en visant la schématisation des éléments concrets des solutions mises en débat par le biais des choix concrets. Le chercheur organise des changements de rôles, sur lesquels nous reviendrons dans les paragraphes qui suivent, favorables à la construction de nouvelles données, de nouvelles nécessités et de nouvelles solutions.

Choisir cette option collaborative répond à notre projet d’étudier le développement professionnel chez des enseignants d’école maternelle. Notre recherche emprunte à la clinique de l’activité l’idée que “pour comprendre, ce que nous voulons comprendre, il faut transformer” (Clot, 2008, p. 170). Cette approche s’appuie sur les travaux de Vygotki et sur les perspectives méthodologiques qu’ils proposent tout en les prolongeant. Pour étudier le développement, nous dit Vygotski, il faut le provoquer et le saisir selon des méthodes appropriées d’observation. Clot va plus loin en avançant l’idée que c’est « au travers d’une expérience de transformation que l’activité psychologique peut livrer ses secrets ». (2008, p. 170).

La mise en place du dispositif de formation, dans le cadre collaboratif que nous avons défini, vise bien le développement de l’activité en provoquant des processus de problématisation. Il a pour ambition la construction de nouvelles nécessités qui guideront la saisie de nouvelles données. Mais, en parallèle, il nous donnera accès à la compréhension des points de résistances qui subsistent chez les enseignants lorsqu’il s’agit de transformer leur activité didactique en référence à notre quatrième question de recherche.

Ainsi, nous faisons le choix de construire notre protocole autour d’un dispositif propice à produire du développement professionnel dans le cadre de la problématisation. Ce dispositif génère les différents types de données que nous souhaitons analyser et sur lesquels nous nous arrêterons dans les paragraphes qui suivent. Ce dispositif vise à la fois la formation du côté des enseignants et la recherche, au travers de la production de données de natures différentes, du côté du chercheur.

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Un scénario pour aider à la problématisation : l’Entretien Technique