• Aucun résultat trouvé

À l’école, toutes les pédagogies, même les plus traditionnelles, confrontent, à un moment ou à un autre, l’élève à des travaux qui prennent la forme de situations posant des problèmes. Ceux- ci présentent des caractères communs. : Ce sont des tâches complexes ; elles mettent en jeu plusieurs compétences ; la solution ne va pas de soi ; elles requièrent de l’élève « mobilisation et initiative » ; elles présentent une difficulté objective qui nécessite la construction d’un savoir nouveau. Cependant, elles ne vont pas toutes faire entrer l’élève dans un processus de problématisation. Oui si elles le font, elles peuvent considérer que le savoir réside plus dans la réponse ou la procédure que dans le problème construit.

La confrontation à un problème va mettre en œuvre une démarche de problématisation dont M. Fabre (2009) identifie plusieurs critères. En premier lieu, il s’agit d’un processus multidimensionnel qui se déploie en position, construction et résolution du problème. Concernant sa forme et comme nous l’avons évoqué dans le paragraphe précédent, M. Fabre (1999 2016,) détermine trois possibles : l’énigme, l’échec et la controverse. Concernant son développement, trois dimensions se dessinent : le projet, la difficulté et la saillance.

44

Éclaircissons la première dimension. Pour qu’il y ait problème, il faut qu’il y ait un but à atteindre. Ce but prend le statut de projet. A. Weil-Barais (1993) complète cette définition en énonçant trois caractéristiques : le but à atteindre est précisé par un ensemble de questions, les actions du sujet sont limitées par un ensemble de contraintes et la situation présente un ensemble de données.

Venons-en maintenant à la deuxième dimension. Il faut, d’autre part, que le sujet s’estime perfectible et qu’il se fixe pour objectif un état à atteindre. Pour atteindre ce but, il lui faudra rechercher une solution permettant de dépasser une difficulté et finalement de construire un savoir opérant, notion empruntée à Orange (1994).

La troisième dimension, celle de la saillance, implique que le problème se délimite et que celui qui s’y confronte renonce « tout embrasser et à reproduire le réel » (Fabre, Musquer, 2009). Cette dimension renvoie à des aspects épistémologiques.

Ce cheminement offre quelques aspérités. En effet, traiter un problème sous-entend d’en construire une compréhension. Pour ce faire, le sujet va s’appuyer sur des bases qu’il considère, à un moment donné, comme des bases fiables, c’est-à-dire les connaissances, qu’il fait fonctionner, mais qui, en l’état, ne lui permettent pas d’atteindre le but fixé. Précisons ici ce qu’est une connaissance. Selon Astolfi (1992, pp.68-69), elle résulte de l’expérience individuelle du sujet. Elle est intériorisée et ne se transmet pas. Par conséquent, autrui n’y accède pas ou seulement de manière très partielle. Elle relève du monde des expériences personnelles, des états mentaux et de la subjectivité. Il s’agit d’un « déjà-là ». C’est à partir de ces connaissances disponibles, mais relativement inopérantes que se manifeste le problème. Il a une dimension psychologique qui fait apparaître le lien entre problème, connaissances et conceptions. Les nouvelles connaissances émergent de la confrontation à résoudre un problème de manière satisfaisante et nourrissent les conceptions.

Dans le cadre de la formation des enseignants, les problèmes sont liés aux conceptions que les formés, les enseignants, mobilisent pour concevoir et mettre en œuvre des situations d’enseignement. La dimension psychologique du problème renvoie également à la problématique du sens et sa dimension « manifestation » et engage le sujet dans une logique d’intérêt et de motivation. Les notions de saillance, de difficulté et de projet reprennent toute leur place. L’identification du problème professionnel par le formé ne va pas de soi, elle émane du constat que les connaissances mobilisées pour le gérer ne suffisent pas pour atteindre le but fixé. Ce but est relatif à l’activité d’apprentissage des élèves. La difficulté se dessine et engage le formé dans une logique d’intérêt à délimiter le problème (la saillance) pour mieux en cerner les contours et les voies possibles de résolution. Le but à atteindre au travers de la dimension

45

projet sert la logique de motivation. Dans cette dynamique d’identification et d’appropriation du problème, la formation joue un rôle fondamental.

Toutefois, cette dimension psychologique s’articule à une dimension épistémologique du problème. La récurrence des problèmes qui se posent aux hommes renvoie à la structure et à la construction du savoir à travers le temps et leur confère un caractère objectif et incontournable. Cette dimension est à mettre en lien avec la dimension « signification » du sens et assure la valeur du savoir construit. Dans le cas des mises en langage, cette dimension épistémologique renvoie au rôle du langage dans le processus d’apprentissage. Précisons ici ce qu’est un savoir. Selon Astolfi (1992), le savoir se définit par son caractère objectivé. « (…) Un savoir est toujours le fruit d’un processus de construction intellectuelle et (…) pour y parvenir, l’individu doit élaborer un cadre théorique, un modèle, une formalisation.» (1992, p.69),

Ces apports nous permettent d’identifier des éléments essentiels à mettre en œuvre pour construire des situations de formation ou d’apprentissage propices à l’émergence d’une activité de problématisation chez l’enseignant (en ce qui concerne les situations de formation) ou chez l’élève (en ce qui concerne les situations d’apprentissage). Nous tirons plusieurs conséquences qui nourrissent notre problématique.

1. Ces situations doivent engager celui qui s’y confronte dans un projet.

2. Ces situations doivent permettre que celui qui s’y confronte agisse dans un cadre borné par un ensemble de contraintes.

3. Ces situations doivent faire apparaître une énigme, une controverse ou un échec prenant en compte des dimensions épistémologiques.

4. Ces situations doivent permettre que celui qui s’y confronte exprime ses connaissances. 5. Ces situations doivent s’inscrire dans une temporalité pour permettre le déploiement de

la problématisation.